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10 mai 2007 4 10 /05 /mai /2007 19:50

L’islam fait peur, en Occident. Il est vrai qu’il semble y avoir des musulmans à la source de tous les attentats terroristes et de toutes les crises de ces dernières années, externes (Palestine, Pakistan, Iran, Algérie, Liban, Syrie) et internes à l’Occident (11 septembre, attentats de Madrid, de Londres). Les événements évoqués sont en soi extrêmement différents : l’affirmation nationale (Palestine) n’a rien à voir avec la quasi-guerre civile que traversent l’Algérie ou le Liban, l’expression d’un nationalisme agressif (Iran, Pakistan) ou des attaques suicides par des kamikazes fanatisés (attentats en Europe, en Israël). Cependant sont impliquées dans ces événements des personnes qui se réclament toutes de l’islam, et même dont l’islam semble à vrai dire le seul point commun. Mais est-ce bien juste ? Le point commun est-il l’« islamité », ou cette crise de transition dans laquelle les pays musulmans se trouvent plongés ?

Regardons les indicateurs démographiques des sociétés arabes et musulmanes. Le schéma qui vient a priori à l’esprit, c’est celui des sociétés traditionnelles. Mais ce n’est pas la réalité. En Iran, pays de la révolution islamique et des ayatollahs, le taux de fécondité des femmes a connu une chute spectaculaire : il est actuellement de 2,1 enfants par femme et a été divisé par deux en vingt ans… sous le régime de Khomeiny. En Turquie, ce taux est de 2,4 (4,3 il y a vingt ans). En Tunisie, 2,1 (5 il y a vingt ans). Mais encore 4,5 en Arabie saoudite et 4,8 au Pakistan. La proportion de femmes mariées avant vingt ans a beaucoup chuté, passant de 86 % en Algérie pour la génération 1950 à 24 % pour la génération 1970, de 83 % à 29 % en Arabie Saoudite et en moyenne de 74 % à 36 %. La situation est paradoxale : la baisse de la fécondité des femmes iraniennes a eu lieu sous le régime des mollahs, l’Algérie a connu une chute spectaculaire de sa natalité quand le FIS, le parti religieux, était le plus puissant, au début des années 1990, et l’âge au mariage a reculé au moment même où se diffusait l’idéologie islamiste.

La conséquence de cette chute de la fécondité, c’est l’explosion du cadre de la famille arabe traditionnelle fondée sur la solidarité entre frères. Avec deux enfants par femme en moyenne, on prend en effet le risque d’avoir des familles sans garçons et de très nombreuses familles sans frères (soit avec un seul garçon). Enfin, avec l’élévation du taux de scolarisation des femmes et leur entrée dans la vie active, c’est la hiérarchie interne de la famille qui est elle-même modifiée : les filles sont plus instruites que leurs pères et, de plus en plus, elles sont essentielles à la vie financière du ménage. Leur subordination à leur mari devient donc impossible.

La courbe d’évolution de la famille arabe et celle des sociétés « arabo-musulmanes » est donc l’inverse de celle rêvée à longueur de discours par les islamistes : on ne va pas vers un retour à la tradition mais vers une entrée sûre et déterminée dans la « modernité », définie non par sa ressemblance avec le modèle occidental, mais comme une période caractérisée par un taux élevé d’instruction, une fécondité et un taux de mortalité faibles, enfin une montée de l’individualisme. Tout naturellement donc, et comme partout avant, l’évolution des familles et des sociétés « arabo-musulmanes » conduit non pas à un retour en arrière, mais plutôt vers une famille de type occidental, nucléaire, peu nombreuse, avec des femmes égales aux hommes.

C’est contre cette évolution qu’ils savent inéluctables que se mobilisent les islamistes. Leur idéologie n’est donc pas le produit de la tradition, mais de la modernité, ou plutôt du refus de la modernité par ceux qui en sont le plus proches et qui cherchent des boucs émissaires, puisqu’ils ne peuvent pas s’en prendre à leurs femmes, à leurs enfants, et à l’école… même si certains le souhaiteraient (les talibans par exemple). Ce bouc émissaire si utile, c’est l’Occident. Pourquoi l’Occident ? Pour des raisons évidemment historiques : l’Occident, c’est le colonisateur. Pour des raisons aussi géopolitiques : l’Occident, c’est celui qui soutient Israël et c’est l’Amérique en guerre contre plusieurs pays arabes et/ou musulmans. Voilà les raisons données par les islamistes… et par les Occidentaux. Mais il ne faut pas s’arrêter là. L’Occident, c’est aussi et surtout un modèle de société et des valeurs : individualisme, consumérisme, liberté des femmes, séparation de l’Église et de l’État.

Les travaux de l’école d’anthropologie de Cambridge ont montré que la famille arabe, mais aussi pakistanaise et iranienne (mais pas indonésienne), est communautaire (plusieurs générations vivent sous le même toit ; la conscience de l’unité du groupe familiale est très forte), patrilinéaire (et donc inégalitaire pour les femmes), endogame (ce qui induit une représentation du monde centrée sur soi) et universaliste (il y a une égalité et une solidarité très fortes entre les frères).

Les valeurs occidentales sont pratiquement toutes en conflit avec ces valeurs : ce n’est pas un hasard si Abou Moussa Al Zarkaoui, qui fut l’ennemi n°1 un des Américains avant d’être exécuté, qualifiait la démocratie de « principe du mal ». En effet, la dimension communautaire de la famille arabe la rend très hostile à l’individualisme mais aussi, dans une moindre mesure, à l’étatisme si cher aux Français : le groupe semble se limiter à la famille élargie, d’où le caractère tribal de beaucoup de sociétés arabes et la difficulté d’y construire un État.

Le rapport des pays musulmans à l’Occident est donc ambivalent : les sociétés arabes savent qu’elles se transforment comme, avant, se sont transformées les sociétés occidentales ; elles craignent cette évolution qui, en même temps, les fascine ; elles cherchent leur voie en invoquant leur propre tradition, l’islam. Il y a donc bien aujourd’hui un conflit entre le monde arabe et l’Occident, mais ce conflit est moins un « choc des civilisations » qu’un « choc des temporalités » : temps de la crise de transition versus temps de la modernité.

Cependant, l’essentiel est là : les sociétés arabes et musulmanes font le travail sur elles-mêmes qui va leur permettre de définir leur propre modernité, dans la douleur certes, mais aussi avec un certain dynamisme. Nous vivons bien un rapprochement au sein de la modernité, au niveau international, entre l’Occident et le monde arabe. Et comprenons bien que ce n’est pas vers

l’Occident que va le monde arabe, mais vers la modernité, où se trouve l’Occident, cette modernité induite par la libération des femmes, l’universalisation de l’instruction, l’individualisation des rapports sociaux. Il faut donc être à moyen terme résolument optimiste : la sortie de crise est pour bientôt dans les pays arabes et musulmans les plus avancés.

Peut-on refuser la modernité iranienne et turque ?

L’Iran et la Turquie – dont le sort commun est brillamment évoqué dans Rendez-vous avec l’islam d’Alexandre Adler – montrent par leur trajectoire que le rapport avec l’Occident n’est pas une fin en soi mais bien un moyen d’accès à la modernité : soit on suit son chemin (la Turquie), soit on se construit en s’opposant à lui (l’Iran). Leur montée en puissance correspond à leur entrée en modernité.

L’Iran sait qu’il a acquis une importance cruciale en ce début de XXIe siècle et qu’il est en train de devenir une puissance régionale stable et forte. De l’Iran, on connaît la martyrologie, les barbes longues et les habits noirs, le voile obligatoire pour toutes les femmes, y compris les occidentales, la musique interdite, le terrorisme organisé et la guerre contre l’Irak. Tout ceci est vrai. Tout ceci n’est qu’une part de la réalité qui ne doit pas masquer la complexité iranienne. Le chiisme porte en lui la mort et le martyre chers aux extrémistes, mais aussi une formidable capacité de travail et d’interprétation qui s’inscrit dans la vision tragique du monde que porte cette religion, inconsolée de l’occultation du douzième imam. Cette capacité de travail et de réforme, qui s’incarne dans l’attente des temps nouveaux et la quête d’un avenir, a permis une grande liberté de ton et de commentaire, l’ijtihad. Ce mot vient de la même racine que le mot jihad qui, avant de signifier guerre sainte, signifie « effort » et « effort sur le chemin de Dieu ». L’interprétation coranique, c’est donc l’effort critique qui permet de toucher le Texte : c’est une nécessité quotidienne qui reste chez les chiites particulièrement vive et qui explique l’effervescence intellectuelle qui règne aujourd’hui en Iran et qui ne s’est jamais vraiment arrêtée, au contraire du monde sunnite, plus conservateur, moins inquiet, plus figé dans ses cinq traditions juridiques interprétatives.

L’organisation des pouvoirs y est complexe et de plus en plus proche de nos systèmes démocratiques. Les Safavides qui régnèrent sur la Perse de 1501 à 1731 organisèrent ainsi une bipartition des pouvoirs entre d’un côté le Sadr qui régissait les tribunaux et les fondations pieuses, et un Premier ministre civil qui administrait le pays. Ils se sont appuyés sur le double visage mystique et rationaliste du chiisme. Aujourd’hui, le pouvoir en Iran est réparti entre Qôm la pieuse et Téhéran la politique et la commerciale. Et la vie politique iranienne est tout sauf simplement autoritaire ou dictatoriale : les responsabilités sont diffuses et le président Ahmadinedjab mène au moins autant en interne une guerre de pouvoir qu’à l’extérieur une stratégie de renforcement de la puissance iranienne. Il faut se souvenir des difficultés de son prédécesseur Khatami à s’imposer pour mesurer les efforts de son successeur à rassembler le pays derrière lui sur la question de la stratégie nucléaire.

L’Iran a réalisé sa transition démographique à une vitesse pratiquement inédite dans l’histoire de l’humanité : le taux de fécondité y est en 2005 de 2,1 enfants par femme, comme dans certains pays occidentaux. Et l’anthropologie montre que la famille iranienne accorde aux femmes une place différente de la famille arabe. Ainsi, en cas d’absence d’héritier mâle, les filles reçoivent la totalité de l’héritage alors que, dans le monde arabe, dans le même cas, l’héritage est partagé entre les filles et les cousins. La règle inégalitaire est donc moins stricte que chez ses voisins.

Avance intellectuelle, organisation complexe des pouvoirs, poussée égalitaire en faveur des femmes qui maîtrisent leur fécondité et sont de plus en plus instruites, l’Iran sort de la crise de transition qui a commencé dans les années 1970 et s’est traduite politiquement par la révolution khomeyniste de 1979. Reste à définir les modalités de sortie de crise. C’est pourquoi, aujourd’hui, les conflits sont intenses au sein de la société iranienne entre les partisans de la réaction, ceux de la modernité occidentale et ceux de la modernité à l’iranienne, qui va triompher. Cette dernière peut choquer les Occidentaux, elle n’en est pas moins réelle et est ancrée dans le coeur de l’histoire iranienne qui est faite de volonté d’indépendance à l’égard de toutes les grandes puissances. L’Iran n’a jamais été colonisé et, même au temps du Chah proaméricain, des milliers de conseillers militaires soviétiques étaient présents. Quant à la bruyante volonté guerrière, elle a permis de maintenir à distance les rivaux potentiels qui lorgnent sur le pétrole national. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la volonté iranienne de se doter de la puissance nucléaire : les Iraniens constatent que leurs grands voisins l’ont tous (Russie, Chine, Pakistan, Inde, Israël). Ils ne peuvent donc rester à l’écart de cette puissance. Ce serait être infidèle à leur histoire et à la représentation qu’ils ont d’eux-mêmes. Contrairement à ce que l’on croit, la bombe iranienne n’est pas une bombe anti-occidentale, c’est d’abord une bombe de l’indépendance nationale et c’est un symbole de modernité.

D’une certaine manière, l’incarnation de la puissance via la bombe pourrait permettre aux forces modernistes qui sont à l’oeuvre au coeur de la société iranienne de se déployer : pour que la libération de la femme n’apparaisse pas comme la victoire de l’Occident, il faut que le pays se dote en même temps d’une force de frappe anti-occidentale. C’est le paradoxe iranien, c’est peut-être aussi la voie spécifique iranienne vers la modernité qui se conclura par une trêve rendue possible avec l’Occident – y compris Israël – par l’équilibre des forces et la cohabitation des modernités. L’Europe et l’Amérique peuvent-elles s’opposer à cette évolution ? J’en doute.

La Turquie emprunte à l’évidence un autre chemin vers la modernité, mais il est tout aussi résolu et probablement encore plus avancé. Il est vrai que la Turquie est toujours en quête de modernité, islamique, chrétienne ou européenne. Elle s’est islamisée via les marchands de la route de la soie dès 750 et a commencé à s’européaniser en intégrant à ses classes dirigeantes des Circassiens, des Albanais, des Grecs et des Slaves du Sud qu’elle a envoyé régenter son empire.

Depuis Atatürk, la Turquie a choisi la voie européenne. De 1924 à 1938, date de sa mort, le père de la Turquie moderne a supprimé le califat en 1924 et les tribunaux religieux, turquifié les offices religieux, adopté le Code civil suisse et l’alphabet latin et instauré le droit de vote pour les femmes en 1934 (onze ans avant la France). Ce mouvement vers l’Occident s’appuie sur des structures familiales complexes, proches pour certaines (celles de l’ouest et du sud du pays, partie dominante du pays) des structures européennes : la famille turque dans ces régions est nucléaire (donc non communautaire, contrairement au reste de la majeure partie du monde musulman) et elle traite les filles à égalité des garçons dans la règle d’héritage. Il n’y a d’ailleurs pas de fortes différences d’âge entre les conjoints en Turquie (trois ans en 1970, comme en Italie) alors que c’est le cas dans le monde arabe (plutôt cinq ou six ans) où le mari exerce symboliquement l’autorité d’un père (c’est d’ailleurs encore lui qui autorise sa femme, en Algérie, à quitter le territoire). Le seul point commun avec le monde arabe est la règle d’endogamie : on se marie de préférence dans la famille. Et l’endogamie ne favorise pas l’ouverture au monde et donc l’instruction, ce qui explique probablement le retard dans l’alphabétisation des Turcs par rapport aux Européens.

Aujourd’hui, la Turquie est, comme le reste des pays musulmans, travaillée par une minorité qui s’inquiète de son entrée définitive dans la modernité, symbolisée évidemment par la candidature à l’Europe et confirmée par l’effondrement du taux de fécondité des femmes turques. Il était en 1960 de 6,4 enfants par femme, de 4,2 en 1980 et il est en 2003 de 2,5 (un taux de 2,1 est prévu en 2015). Cet effondrement traduit une fois encore la prise de pouvoir des femmes turques sur leur propre corps et donc leur libération de la tutelle masculine, ce qui signifie la fin de l’ordre social ancien. L’arrivée au pouvoir des islamistes, plusieurs fois contrariée par l’armée turque gardienne de la laïcité du pays, traduit la crise réactionnaire d’entrée dans la modernité. Mais la spécificité turque et son avance sur le reste du monde musulman s’exprime par le fait que ces islamistes – menés par Tayyip Erdogan et Abdullah Gül, l’ancien patron de la banque arabe saoudienne – sont ceux qui ont le plus oeuvré pour le rapprochement avec l’Europe, tout en maintenant des signes d’ancrage dans la culture d’origine : la femme d’Erdogan est voilée. Mais le voile est interdit à l’université ! On les accuse de vouloir imposer la charia et les lois islamiques – et certains membres de leur parti le souhaiteraient, c’est sûr – mais ils acceptent la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme comme un second niveau de cassation au-dessus du juge turc. Au-dessus de la loi divine, la loi européenne ! Drôles d’islamistes !

Ils sont en train d’inventer l’islam de la modernité, caractérisé par une séparation de la foi individuelle et de la pratique collective, et se séparent peu à peu des grandes croyances traditionnelles. C’est probablement pour cette raison qu’ils ont besoin de mythes nationaux qui soudent la nation, comme le refus de la reconnaissance du génocide arménien ou la violence contre les Kurdes : ils transfèrent sur des proches la brutalité des bouleversements de leur société. Ce n’est pas un hasard si la période de plus forte répression contre le PKK est aussi celle de la phase la plus rapide de la transition démographique. C’est Murat Paker, professeur de psychologie à l’Université Bilgi, qui explique dans Radikal les phénomènes de violence contre les femmes : « Les relations hommes-femmes et la place de la femme se modifient très rapidement en Turquie depuis vingt ou trente ans. Même si l’on tente de perpétuer dans une grande part de la société la domination masculine et l’obéissance de la femme, les femmes ne sont désormais plus dans leur position traditionnelle. “Que se passe-t-il ? Le sol se dérobe sous mes pieds, je perds mon autorité. Que fait donc la femme qui se doit de m’être dévouée ? Je ne peux me résoudre à pareille situation. Je dois lui faire connaître ses limites”se disent les hommes. Et ce vacillement des hommes se vivra de façon douloureuse. La violence des hommes envers les femmes ne pourra décroître qu’avec l’éducation, l’assagissement des hommes. »

C’est avec ce mouvement à l’esprit qu’il faut poser la question de l’adhésion de la Turquie à l’Europe en nous demandant : « est-ce l’intérêt de l’Europe ? » plutôt que « la Turquie est-elle en Europe ? » La deuxième question est absolument sans importance sur le plan géopolitique, et personne ne sait d’ailleurs où s’arrête l’Europe à l’est : le général de Gaulle parlait bien de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». La première est, quant à elle, de la première importance. Les phases de transition sont des phases critiques, empreintes de violence et de déstabilisations possibles qui ne sont pas graves à long terme mais qui peuvent être particulièrement dangereuses à court terme. L’intérêt de l’Europe, c’est évidemment d’avoir une Turquie qui continue son chemin, même si, bien sûr, un refus européen ne modifierait pas fondamentalement le mouvement vers la modernité turque : ce n’est pas pour l’Europe que les Turques maîtrisent leur fécondité et qu’elles se libèrent de la tutelle masculine, c’est la maîtrise de leur fécondité et la laïcité turque qui rend possible une candidature à l’Union européenne.

L’Europe aurait mille fois intérêt à montrer au monde musulman qu’elle est l’ensemble politique qui peut comprendre cette transition dans la douleur, qu’elle l’accepte et qu’elle est prête à accueillir les pays qui auront fait ce douloureux chemin. Elle prendrait dans le monde arabe une place fondamentale, exactement à rebours des États-Unis qui font des musulmans les ennemis de leur guerre contre le terrorisme et qui essayent d’imposer à toute force leur vision du monde et leur modèle de société. Bien sûr, la Turquie est très peuplée (soixante-treize millions d’habitants en 2005, quatre-vingt-dix millions prévus en 2020), son développement est très hétérogène (son taux de mortalité infantile, 38 ‰, reste très élevé [il est de 5 ‰ en moyenne en Europe occidentale] et traduit les très hauts niveaux des campagnes et de l’est du pays) et son intégration dans l’Europe demande un effort considérable aux Européens en termes de transferts financiers… et de patience devant les soubresauts de « l’entrée en modernité » turque. Pourtant, refuser la Turquie dans l’Europe, ce serait comme refuser l’intégration des immigrés en France.

Au terme de ce parcours dans le monde musulman qui entre peu à peu en modernité, une conclusion s’impose : le monde arabe et musulman connaît une douloureuse crise de transition vers la modernité qui s’incarne dans une relation complexe et rebelle à l’Occident, symbole des bouleversements craints. L’Iran et la Turquie montrent pourtant qu’il est possible d’inventer une voie vers la modernité respectueuse de la tradition nationale. Pour l’Amérique et pour l’Europe, cette entrée en modernité est douloureuse : parce qu’elle s’exprime en grande partie contre elles, mais aussi parce qu’elle les banalise. L’Europe et l’Amérique ne sont plus seules au monde à être modernes. La volonté d’égalité des puissances émergentes est plus forte que tous les diktats occidentaux.

L’islam fait peur, en Occident. Il est vrai qu’il semble y avoir des musulmans à la source de tous les attentats terroristes et de toutes les crises de ces dernières années, externes (Palestine, Pakistan, Iran, Algérie, Liban, Syrie) et internes à l’Occident (11 septembre, attentats de Madrid, de Londres). Les événements évoqués sont en soi extrêmement différents : l’affirmation nationale (Palestine) n’a rien à voir avec la quasi-guerre civile que traversent l’Algérie ou le Liban, l’expression d’un nationalisme agressif (Iran, Pakistan) ou des attaques suicides par des kamikazes fanatisés (attentats en Europe, en Israël). Cependant sont impliquées dans ces événements des personnes qui se réclament toutes de l’islam, et même dont l’islam semble à vrai dire le seul point commun. Mais est-ce bien juste ? Le point commun est-il l’« islamité », ou cette crise de transition dans laquelle les pays musulmans se trouvent plongés ?

Regardons les indicateurs démographiques des sociétés arabes et musulmanes. Le schéma qui vient a priori à l’esprit, c’est celui des sociétés traditionnelles. Mais ce n’est pas la réalité. En Iran, pays de la révolution islamique et des ayatollahs, le taux de fécondité des femmes a connu une chute spectaculaire : il est actuellement de 2,1 enfants par femme et a été divisé par deux en vingt ans… sous le régime de Khomeiny. En Turquie, ce taux est de 2,4 (4,3 il y a vingt ans). En Tunisie, 2,1 (5 il y a vingt ans). Mais encore 4,5 en Arabie saoudite et 4,8 au Pakistan. La proportion de femmes mariées avant vingt ans a beaucoup chuté, passant de 86 % en Algérie pour la génération 1950 à 24 % pour la génération 1970, de 83 % à 29 % en Arabie Saoudite et en moyenne de 74 % à 36 %. La situation est paradoxale : la baisse de la fécondité des femmes iraniennes a eu lieu sous le régime des mollahs, l’Algérie a connu une chute spectaculaire de sa natalité quand le FIS, le parti religieux, était le plus puissant, au début des années 1990, et l’âge au mariage a reculé au moment même où se diffusait l’idéologie islamiste.

La conséquence de cette chute de la fécondité, c’est l’explosion du cadre de la famille arabe traditionnelle fondée sur la solidarité entre frères. Avec deux enfants par femme en moyenne, on prend en effet le risque d’avoir des familles sans garçons et de très nombreuses familles sans frères (soit avec un seul garçon). Enfin, avec l’élévation du taux de scolarisation des femmes et leur entrée dans la vie active, c’est la hiérarchie interne de la famille qui est elle-même modifiée : les filles sont plus instruites que leurs pères et, de plus en plus, elles sont essentielles à la vie financière du ménage. Leur subordination à leur mari devient donc impossible.

La courbe d’évolution de la famille arabe et celle des sociétés « arabo-musulmanes » est donc l’inverse de celle rêvée à longueur de discours par les islamistes : on ne va pas vers un retour à la tradition mais vers une entrée sûre et déterminée dans la « modernité », définie non par sa ressemblance avec le modèle occidental, mais comme une période caractérisée par un taux élevé d’instruction, une fécondité et un taux de mortalité faibles, enfin une montée de l’individualisme. Tout naturellement donc, et comme partout avant, l’évolution des familles et des sociétés « arabo-musulmanes » conduit non pas à un retour en arrière, mais plutôt vers une famille de type occidental, nucléaire, peu nombreuse, avec des femmes égales aux hommes.

C’est contre cette évolution qu’ils savent inéluctables que se mobilisent les islamistes. Leur idéologie n’est donc pas le produit de la tradition, mais de la modernité, ou plutôt du refus de la modernité par ceux qui en sont le plus proches et qui cherchent des boucs émissaires, puisqu’ils ne peuvent pas s’en prendre à leurs femmes, à leurs enfants, et à l’école… même si certains le souhaiteraient (les talibans par exemple). Ce bouc émissaire si utile, c’est l’Occident. Pourquoi l’Occident ? Pour des raisons évidemment historiques : l’Occident, c’est le colonisateur. Pour des raisons aussi géopolitiques : l’Occident, c’est celui qui soutient Israël et c’est l’Amérique en guerre contre plusieurs pays arabes et/ou musulmans. Voilà les raisons données par les islamistes… et par les Occidentaux. Mais il ne faut pas s’arrêter là. L’Occident, c’est aussi et surtout un modèle de société et des valeurs : individualisme, consumérisme, liberté des femmes, séparation de l’Église et de l’État.

Les travaux de l’école d’anthropologie de Cambridge ont montré que la famille arabe, mais aussi pakistanaise et iranienne (mais pas indonésienne), est communautaire (plusieurs générations vivent sous le même toit ; la conscience de l’unité du groupe familiale est très forte), patrilinéaire (et donc inégalitaire pour les femmes), endogame (ce qui induit une représentation du monde centrée sur soi) et universaliste (il y a une égalité et une solidarité très fortes entre les frères).

Les valeurs occidentales sont pratiquement toutes en conflit avec ces valeurs : ce n’est pas un hasard si Abou Moussa Al Zarkaoui, qui fut l’ennemi n°1 un des Américains avant d’être exécuté, qualifiait la démocratie de « principe du mal ». En effet, la dimension communautaire de la famille arabe la rend très hostile à l’individualisme mais aussi, dans une moindre mesure, à l’étatisme si cher aux Français : le groupe semble se limiter à la famille élargie, d’où le caractère tribal de beaucoup de sociétés arabes et la difficulté d’y construire un État.

Le rapport des pays musulmans à l’Occident est donc ambivalent : les sociétés arabes savent qu’elles se transforment comme, avant, se sont transformées les sociétés occidentales ; elles craignent cette évolution qui, en même temps, les fascine ; elles cherchent leur voie en invoquant leur propre tradition, l’islam. Il y a donc bien aujourd’hui un conflit entre le monde arabe et l’Occident, mais ce conflit est moins un « choc des civilisations » qu’un « choc des temporalités » : temps de la crise de transition versus temps de la modernité.

Cependant, l’essentiel est là : les sociétés arabes et musulmanes font le travail sur elles-mêmes qui va leur permettre de définir leur propre modernité, dans la douleur certes, mais aussi avec un certain dynamisme. Nous vivons bien un rapprochement au sein de la modernité, au niveau international, entre l’Occident et le monde arabe. Et comprenons bien que ce n’est pas vers

l’Occident que va le monde arabe, mais vers la modernité, où se trouve l’Occident, cette modernité induite par la libération des femmes, l’universalisation de l’instruction, l’individualisation des rapports sociaux. Il faut donc être à moyen terme résolument optimiste : la sortie de crise est pour bientôt dans les pays arabes et musulmans les plus avancés.

Peut-on refuser la modernité iranienne et turque ?

L’Iran et la Turquie – dont le sort commun est brillamment évoqué dans Rendez-vous avec l’islam d’Alexandre Adler – montrent par leur trajectoire que le rapport avec l’Occident n’est pas une fin en soi mais bien un moyen d’accès à la modernité : soit on suit son chemin (la Turquie), soit on se construit en s’opposant à lui (l’Iran). Leur montée en puissance correspond à leur entrée en modernité.

L’Iran sait qu’il a acquis une importance cruciale en ce début de XXIe siècle et qu’il est en train de devenir une puissance régionale stable et forte. De l’Iran, on connaît la martyrologie, les barbes longues et les habits noirs, le voile obligatoire pour toutes les femmes, y compris les occidentales, la musique interdite, le terrorisme organisé et la guerre contre l’Irak. Tout ceci est vrai. Tout ceci n’est qu’une part de la réalité qui ne doit pas masquer la complexité iranienne. Le chiisme porte en lui la mort et le martyre chers aux extrémistes, mais aussi une formidable capacité de travail et d’interprétation qui s’inscrit dans la vision tragique du monde que porte cette religion, inconsolée de l’occultation du douzième imam. Cette capacité de travail et de réforme, qui s’incarne dans l’attente des temps nouveaux et la quête d’un avenir, a permis une grande liberté de ton et de commentaire, l’ijtihad. Ce mot vient de la même racine que le mot jihad qui, avant de signifier guerre sainte, signifie « effort » et « effort sur le chemin de Dieu ». L’interprétation coranique, c’est donc l’effort critique qui permet de toucher le Texte : c’est une nécessité quotidienne qui reste chez les chiites particulièrement vive et qui explique l’effervescence intellectuelle qui règne aujourd’hui en Iran et qui ne s’est jamais vraiment arrêtée, au contraire du monde sunnite, plus conservateur, moins inquiet, plus figé dans ses cinq traditions juridiques interprétatives.

L’organisation des pouvoirs y est complexe et de plus en plus proche de nos systèmes démocratiques. Les Safavides qui régnèrent sur la Perse de 1501 à 1731 organisèrent ainsi une bipartition des pouvoirs entre d’un côté le Sadr qui régissait les tribunaux et les fondations pieuses, et un Premier ministre civil qui administrait le pays. Ils se sont appuyés sur le double visage mystique et rationaliste du chiisme. Aujourd’hui, le pouvoir en Iran est réparti entre Qôm la pieuse et Téhéran la politique et la commerciale. Et la vie politique iranienne est tout sauf simplement autoritaire ou dictatoriale : les responsabilités sont diffuses et le président Ahmadinedjab mène au moins autant en interne une guerre de pouvoir qu’à l’extérieur une stratégie de renforcement de la puissance iranienne. Il faut se souvenir des difficultés de son prédécesseur Khatami à s’imposer pour mesurer les efforts de son successeur à rassembler le pays derrière lui sur la question de la stratégie nucléaire.

L’Iran a réalisé sa transition démographique à une vitesse pratiquement inédite dans l’histoire de l’humanité : le taux de fécondité y est en 2005 de 2,1 enfants par femme, comme dans certains pays occidentaux. Et l’anthropologie montre que la famille iranienne accorde aux femmes une place différente de la famille arabe. Ainsi, en cas d’absence d’héritier mâle, les filles reçoivent la totalité

de l’héritage alors que, dans le monde arabe, dans le même cas, l’héritage est partagé entre les filles et les cousins. La règle inégalitaire est donc moins stricte que chez ses voisins.

Avance intellectuelle, organisation complexe des pouvoirs, poussée égalitaire en faveur des femmes qui maîtrisent leur fécondité et sont de plus en plus instruites, l’Iran sort de la crise de transition qui a commencé dans les années 1970 et s’est traduite politiquement par la révolution khomeyniste de 1979. Reste à définir les modalités de sortie de crise. C’est pourquoi, aujourd’hui, les conflits sont intenses au sein de la société iranienne entre les partisans de la réaction, ceux de la modernité occidentale et ceux de la modernité à l’iranienne, qui va triompher. Cette dernière peut choquer les Occidentaux, elle n’en est pas moins réelle et est ancrée dans le coeur de l’histoire iranienne qui est faite de volonté d’indépendance à l’égard de toutes les grandes puissances. L’Iran n’a jamais été colonisé et, même au temps du Chah proaméricain, des milliers de conseillers militaires soviétiques étaient présents. Quant à la bruyante volonté guerrière, elle a permis de maintenir à distance les rivaux potentiels qui lorgnent sur le pétrole national. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la volonté iranienne de se doter de la puissance nucléaire : les Iraniens constatent que leurs grands voisins l’ont tous (Russie, Chine, Pakistan, Inde, Israël). Ils ne peuvent donc rester à l’écart de cette puissance. Ce serait être infidèle à leur histoire et à la représentation qu’ils ont d’eux-mêmes. Contrairement à ce que l’on croit, la bombe iranienne n’est pas une bombe anti-occidentale, c’est d’abord une bombe de l’indépendance nationale et c’est un symbole de modernité.

D’une certaine manière, l’incarnation de la puissance via la bombe pourrait permettre aux forces modernistes qui sont à l’oeuvre au coeur de la société iranienne de se déployer : pour que la libération de la femme n’apparaisse pas comme la victoire de l’Occident, il faut que le pays se dote en même temps d’une force de frappe anti-occidentale. C’est le paradoxe iranien, c’est peut-être aussi la voie spécifique iranienne vers la modernité qui se conclura par une trêve rendue possible avec l’Occident – y compris Israël – par l’équilibre des forces et la cohabitation des modernités. L’Europe et l’Amérique peuvent-elles s’opposer à cette évolution ? J’en doute.

La Turquie emprunte à l’évidence un autre chemin vers la modernité, mais il est tout aussi résolu et probablement encore plus avancé. Il est vrai que la Turquie est toujours en quête de modernité, islamique, chrétienne ou européenne. Elle s’est islamisée via les marchands de la route de la soie dès 750 et a commencé à s’européaniser en intégrant à ses classes dirigeantes des Circassiens, des Albanais, des Grecs et des Slaves du Sud qu’elle a envoyé régenter son empire.

Depuis Atatürk, la Turquie a choisi la voie européenne. De 1924 à 1938, date de sa mort, le père de la Turquie moderne a supprimé le califat en 1924 et les tribunaux religieux, turquifié les offices religieux, adopté le Code civil suisse et l’alphabet latin et instauré le droit de vote pour les femmes en 1934 (onze ans avant la France). Ce mouvement vers l’Occident s’appuie sur des structures familiales complexes, proches pour certaines (celles de l’ouest et du sud du pays, partie dominante du pays) des structures européennes : la famille turque dans ces régions est nucléaire (donc non communautaire, contrairement au reste de la majeure partie du monde musulman) et elle traite les filles à égalité des garçons dans la règle d’héritage. Il n’y a d’ailleurs pas de fortes différences d’âge entre les conjoints en Turquie (trois ans en 1970, comme en Italie) alors que c’est le cas dans le monde arabe (plutôt cinq ou six ans) où le mari exerce symboliquement l’autorité d’un père (c’est d’ailleurs encore lui qui autorise sa femme, en Algérie, à quitter le territoire). Le seul point commun avec le monde arabe est la règle d’endogamie : on se marie de préférence dans la famille. Et l’endogamie ne favorise pas l’ouverture au monde et donc l’instruction, ce qui explique probablement le retard dans l’alphabétisation des Turcs par rapport aux Européens.

Aujourd’hui, la Turquie est, comme le reste des pays musulmans, travaillée par une minorité qui s’inquiète de son entrée définitive dans la modernité, symbolisée évidemment par la candidature à l’Europe et confirmée par l’effondrement du taux de fécondité des femmes turques. Il était en 1960 de 6,4 enfants par femme, de 4,2 en 1980 et il est en 2003 de 2,5 (un taux de 2,1 est prévu en 2015). Cet effondrement traduit une fois encore la prise de pouvoir des femmes turques sur leur propre corps et donc leur libération de la tutelle masculine, ce qui signifie la fin de l’ordre social ancien. L’arrivée au pouvoir des islamistes, plusieurs fois contrariée par l’armée turque gardienne de la laïcité du pays, traduit la crise réactionnaire d’entrée dans la modernité. Mais la spécificité turque et son avance sur le reste du monde musulman s’exprime par le fait que ces islamistes – menés par Tayyip Erdogan et Abdullah Gül, l’ancien patron de la banque arabe saoudienne – sont ceux qui ont le plus oeuvré pour le rapprochement avec l’Europe, tout en maintenant des signes d’ancrage dans la culture d’origine : la femme d’Erdogan est voilée. Mais le voile est interdit à l’université ! On les accuse de vouloir imposer la charia et les lois islamiques – et certains membres de leur parti le souhaiteraient, c’est sûr – mais ils acceptent la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme comme un second niveau de cassation au-dessus du juge turc. Au-dessus de la loi divine, la loi européenne ! Drôles d’islamistes !

Ils sont en train d’inventer l’islam de la modernité, caractérisé par une séparation de la foi individuelle et de la pratique collective, et se séparent peu à peu des grandes croyances traditionnelles. C’est probablement pour cette raison qu’ils ont besoin de mythes nationaux qui soudent la nation, comme le refus de la reconnaissance du génocide arménien ou la violence contre les Kurdes : ils transfèrent sur des proches la brutalité des bouleversements de leur société. Ce n’est pas un hasard si la période de plus forte répression contre le PKK est aussi celle de la phase la plus rapide de la transition démographique. C’est Murat Paker, professeur de psychologie à l’Université Bilgi, qui explique dans Radikal les phénomènes de violence contre les femmes : « Les relations hommes-femmes et la place de la femme se modifient très rapidement en Turquie depuis vingt ou trente ans. Même si l’on tente de perpétuer dans une grande part de la société la domination masculine et l’obéissance de la femme, les femmes ne sont désormais plus dans leur position traditionnelle. “Que se passe-t-il ? Le sol se dérobe sous mes pieds, je perds mon autorité. Que fait donc la femme qui se doit de m’être dévouée ? Je ne peux me résoudre à pareille situation. Je dois lui faire connaître ses limites”se disent les hommes. Et ce vacillement des hommes se vivra de façon douloureuse. La violence des hommes envers les femmes ne pourra décroître qu’avec l’éducation, l’assagissement des hommes. »

C’est avec ce mouvement à l’esprit qu’il faut poser la question de l’adhésion de la Turquie à l’Europe en nous demandant : « est-ce l’intérêt de l’Europe ? » plutôt que « la Turquie est-elle en Europe ? » La deuxième question est absolument sans importance sur le plan géopolitique, et personne ne sait d’ailleurs où s’arrête l’Europe à l’est : le général de Gaulle parlait bien de « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural ». La première est, quant à elle, de la première importance. Les phases de transition sont des phases critiques, empreintes de violence et de déstabilisations possibles qui ne sont pas graves à long terme mais qui peuvent être particulièrement dangereuses à court terme. L’intérêt de l’Europe, c’est évidemment d’avoir une Turquie qui continue son chemin, même si, bien sûr, un refus européen ne modifierait pas fondamentalement le mouvement vers la modernité turque : ce n’est pas pour l’Europe que les Turques maîtrisent leur fécondité et qu’elles se libèrent de la tutelle masculine, c’est la maîtrise de leur fécondité et la laïcité turque qui rend possible une candidature à l’Union européenne.

L’Europe aurait mille fois intérêt à montrer au monde musulman qu’elle est l’ensemble politique qui peut comprendre cette transition dans la douleur, qu’elle l’accepte et qu’elle est prête à accueillir les pays qui auront fait ce douloureux chemin. Elle prendrait dans le monde arabe une place fondamentale, exactement à rebours des États-Unis qui font des musulmans les ennemis de leur guerre contre le terrorisme et qui essayent d’imposer à toute force leur vision du monde et leur modèle de société. Bien sûr, la Turquie est très peuplée (soixante-treize millions d’habitants en 2005, quatre-vingt-dix millions prévus en 2020), son développement est très hétérogène (son taux de mortalité infantile, 38 ‰, reste très élevé [il est de 5 ‰ en moyenne en Europe occidentale] et traduit les très hauts niveaux des campagnes et de l’est du pays) et son intégration dans l’Europe demande un effort considérable aux Européens en termes de transferts financiers… et de patience devant les soubresauts de « l’entrée en modernité » turque. Pourtant, refuser la Turquie dans l’Europe, ce serait comme refuser l’intégration des immigrés en France.

Au terme de ce parcours dans le monde musulman qui entre peu à peu en modernité, une conclusion s’impose : le monde arabe et musulman connaît une douloureuse crise de transition vers la modernité qui s’incarne dans une relation complexe et rebelle à l’Occident, symbole des bouleversements craints. L’Iran et la Turquie montrent pourtant qu’il est possible d’inventer une voie vers la modernité respectueuse de la tradition nationale. Pour l’Amérique et pour l’Europe, cette entrée en modernité est douloureuse : parce qu’elle s’exprime en grande partie contre elles, mais aussi parce qu’elle les banalise. L’Europe et l’Amérique ne sont plus seules au monde à être modernes. La volonté d’égalité des puissances émergentes est plus forte que tous les diktats occidentaux.

 

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10 mai 2007 4 10 /05 /mai /2007 19:49
LA HARGNE DES CAVES
Par
Nejib


Une forme de clanisme dans un espace très restreint , un espace usurpateur et incongru de l’opposition tunisienne, archi minoritaire qui veut réglementer les idées et les débats, désigner qui a droit à la parole et qui ne l’a pas, qui doit intervenir sur les sites et les blogs et qui ne le doit pas, qui doit être critiqué et qui ne le doit pas, qui est protégé par le clan et qui doit être jeté en pâture  liliyasswa willi mayaswach, c’est  ce nouveau monstre qui est en train de naître, qui est sûrement, tapi et masqué depuis longtemps sous l’imposture et l’opportunisme de certains, une toile d’araignée de la  paranoïa de quelques imbéciles, des suffisants dangereux pour eux même,pas plus pas moins et sur la durée leur petit pouvoir de nuisance joue contre eux,  car sur le fond ils ne représentent rien ou si peu, les réputations ne se font pas avec du mensonge et du vent , des blaireaux qui hier encore se plaignaient  de ces pratiques  employés par les quelques nervis de feu TUNEZINE, oui  ces idiots inutiles se plaignaient d’ailleurs à juste titre d’être les victimes expiratoires des voyous aliénés de Tunizine et de RT ,des voyous au même titre et avec les mêmes pratiques que ceux de la dictature qui se sont empressés de mettre en place leurs propres sites, ce qui est une bonne chose en soi, mais  comble de leur misère, ils  emploient les mêmes méthodes que ceux dont ils étaient les victimes hier et aujourd’hui et en pire, ce clanisme  qui croît sur la toile tunisienne et même à Tunis dans certains courant de l’opposition  ,par cause à effet et  par conséquent sont la marque déposée de l’opposition alimentaire.
C'est grave, j’estime même que ben Ali  marque sur la longueur des points sur le camp du progrès minés quelques part par ces parasites, des points  qui valent leur pesant d’or grâce à ces tares d’un autre âge, combien d’intelligences tunisiennes sont devenus indifférents à la réalité de leur patrie, non par peur de la répression et de la dictature, mais sous la pression et les magouilles de ces usurpateurs, de ces « coucous » squatteurs qui évoluent par le mensonge et le racisme. Certains usurpateurs et non des moindres hier encore étaient fonctionnaires au service de la dictature et dont le passé pose problème et réserve bien de surprise, ces tristes sires  se sont payé une stature à crédit pour avoir écrit une lettre timide contre le pouvoir exorbitant de ben Ali , une lettre gentille et mesurée, disons courageuse pour aller dans le sens du poulailler, mais  cela n’a rien à voir avec ce tunisien qui avait écrit sur le MONDE un article  contre le système de ben Ali et à qui en plein centre de Carthage on lui avait logé une balle dans la peau, qui en parle encore de ce tunisien ? Ce tunisien courageux à plus d’un titre,  mais  lui n’appartient pas au clan ?personne ! Ce n’était pas un marchand d’illusions comme  les usurpateurs et autres imposteurs du microcosme veule et lâche d’une Tunisie qui ressemble de plus en plus à un lupanar sans nom ni adresse. Un certain internaute tunisien s’était attaqué sans merci à la dictature, il en avait pris pour deux ans  par le régime liberticide de ben Ali, sa condition  fut protégé par le clan , vulgarisé, sa cause avait dépassé le cadre politique imposé aux pauvres prisonniers politiques tunisiens, qui eux vivaient vraiment une autre misère, et c’est tant mieux pour lui,  même si par la suite l’ingratitude faite hommes de certains avait tout fait pour dénigrer tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans la surenchère de la tribu, mais au fait dites moi combien d’autres jeunes et internautes tunisiens avaient et subissent encore cent fois pires que cette  icône ? ABBOU ? Qui en parle encore ? Qui en parle ??? Les tensions qui font l’attentisme et l’indifférence dans les rangs des tunisiens opposés à la dictature  reposent fondamentalement sur des incompréhensions culturelles du pays profond et coule aussi  de cette nature. La pratique de ce clanisme imbécile fait que tout le milieu oppositionnel sombre dans des  idées paranoïaques, personnellement j’affirme que ce clanisme est une forme archaïque et réactionnaire, extrémiste et suicidaire
 de despotisme, un despotisme aussi vulgaire et destructeur que celui de la dictature, ceux qui pleurent le harcèlement de leurs blogs et sites aujourd’hui sont des petits Torquemada aussi censeurs et nuisibles que les sicaires de l’ATI, comme pour ben Ali, tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux sont systématiquement censurés et dénigrés, bravo pour le débat et la confrontation des idées, mais je suis d’un incorrigible optimiste, ces gens là sont faux et moches, ils n’ont pas d’idées, ils n’ont que des certitudes, et la morgue de leur prétention fait pitié contrairement à celle de la dictature qui fait peur, je prie pour qu’ils restent à tout jamais objectivement et indirectement à son service, la Tunisie du progrès n’a pas besoin d’eux, les tunisiens je crois  sont assez matures  pour rire du chant des hyènes qui se prennent pour des sirènes. Ce clanisme avec ses repères, ses codes et ses supputation  est une maladie infantile de la dictature qui est à son stade terminale. Il consiste à utiliser les instruments de la démocratie pour installer au pouvoir un groupe, un clan, qui ne le recherche que pour s’en attribuer les avantages, parce que comme la dictature,  son fondement repose sur les calculs et la haine de l’autre, de l’autre pensée, de l’autre différence. Le milieu politique de l’opposition tunisienne en général est naturellement craintif, car les situations personnelles y sont fragiles, et cette guilde  d’usuriers vampirise cette fragilité par le faux et l’usage du faux, le mensonge comme seule crédibilité à quelques bonimenteurs de foire. Les intéressés. De la démocratisation véritable de la Tunisie, ceux qui le payent vraiment par le sang versé depuis longtemps, en attente d’investiture populaire, eux qui représentent quelque chose, savent que toute déviation par rapport à la ligne du clan serait aussitôt sanctionnée, alors ils marchent à l’ombre ou s’éloignent le plus possible de ce panier de scorpion aussi néfaste et venimeux que la légion de ben Ali.

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10 mai 2007 4 10 /05 /mai /2007 19:48
Le sens de l’intérêt général
Par
Naoufel




L'intérêt général du peuple et de la nation tunisienne s'opposera toujours  à l'intérêt égoïste de quelques uns, voire au sectarisme de beaucoup. La passion et l'émotion font perdre la raison à certains et non des moindres, ainsi, entraînent la haine et la corruption de la dictature de ben ALI qui prend racine dans nos modes de vie et notre subconscient collectif. Le jour où nous serons tous éclairé par l'Histoire sur ce qui a ébranlé le pays, le degré de responsabilité de chaque tunisien qui a participé au désastre postcolonial, l'amalgame entretenu par certains politicards de la dictature comme de l'opposition tendant à occulter la vérité, la tentation à pousser à l'ethnocisme, au clanisme, et au tribalisme devenu art de gestion des affaires de l'Etat, je mets tous ces crimes  à la solde des dictatures comme des partis potiches et collaborationnistes, ce jour là nous pourrons nous considérer comme un peuple libre et moderne.
Je salue tous ces résistants tunisiens qui ne cessent de  jeter un éclairage pour une meilleure compréhension et une bonne interprétation des problèmes qui agitent les tunisiens et surtout sa diaspora, pour un jeune tunisien né dans l'exil calamiteux de ses parents, c'est un travail plus que vital, c'est devenu pour nous une raison de vivre. Le malheur de la TUNISIE provient essentiellement du manque de sens de l'intérêt général de la part aussi bien des tunisiens ordinaires que des hommes qui détiennent les pouvoirs au sein du régime tyrannique de BEN ALI. Ce qui est vrai pour tout le monde arabe, l'est particulièrement pour la TUNISIE dont l'actualité nous fournit malheureusement le lot des preuves quotidiennes de sa décomposition.
"Le propre de l'homme est d'être entièrement tourné vers le dehors, de représenter essentiellement un être d'activité, de travail." disait VOLTAIRE
Ainsi, bien que purement égoïste en son principe, l'intérêt a été en outre appelé à se développer en intérêt collectif, sous le couvert de l'axiome de l'harmonie entre l'intérêt de l'individu et l'intérêt général. L'intérêt général peut être défini comme un ensemble de valeurs, une sorte de fonds communs, un bonheur auquel un groupe, une nation, une collectivité ou un État aspire, dans notre pays malheureusement et à tous les niveaux tout cela n'existe pas. A l'heure où la TUNISIE traverse une crise politico-économique et sociale chronique et qui résume en elle seule la situation qui prévaut actuellement sur le "monde" de la barbarie et du non droit formé par certains pays, la question de l'intérêt général mérite d'être soumise à la réflexion des tunisiens qu'ils soient militants ou pas. Point n'est besoin de démontrer que concevoir un projet politique et le mettre en œuvre sans avoir pour objectif la satisfaction de l'intérêt général ne sert à rien. Ce qui est, pour le moins, insensé.
Le mépris de l'intérêt général en TUNISIE par les uns et les autres est plus que criant et déplorable. Ce n'est donc pas étonnant si on en est arrivé à une situation de marasme économique  et politique tant décrié. La vérité est que le sens de l'intérêt général fait défaut (consciemment et inconsciemment) à tous, à commencer par les dirigeants politiques de l'opposition, ne parlons pas de la dictature, l'intérêt privé et particulier est sa raison d'être, les citoyens ordinaires en passant par les cadres et les intellectuels s'il en reste.


L'intérêt général des tunisiens, c'est la sécurité, sécurité de leurs biens et sécurité de leur intégrité physique, c'est  la vérité d'institutions  libres et autonomes, c'est la démocratie, le droit et la loi. L'intérêt général des tunisiens, c'est d'avoir accès rapidement aux hôpitaux et dispensaires aussi bien en ville qu'en province avec un nombre conséquent de médecins.  L'intérêt général des tunisiens, c'est de voir leurs salaires  régulièrement payés ne serait-ce que pour leur donner un pouvoir d'achat et donc de permettre la continuité des services publics afin de satisfaire l'intérêt général des citoyens. Or, les arriérés de salaires continuent de s'accumuler. L'intérêt général des tunisiens, c'est de voir leurs enfants aller à l'école pour préparer leur avenir et prendre un jour la relève de leurs aînés pour servir le pays comme cadres, commerçants, artisans, agriculteurs. Or, tout le monde sait que l'école, en TUNISIE, fonctionne de façon irrégulière et médiocre, débouche la plus part du temps sur le chômage et la misère. Et j'en passe. Pour toutes ces raisons  dont la cause est la dictature de BEN ALI, mais aussi l'opposition qui ne s'investit pas  sur ce terrain et n'apporte  même pas un début de réflexion, on comprend pourquoi leurs discours ne trouvent pas d'échos auprès de la grande masse, ils ne sont pas porteurs d'espoirs et de projets crédibles. Ils finissent par se recroqueviller sur un appareil figé purement clanique et tribal. Les dirigeants de l'opposition de tous bords doivent également comprendre que l'intérêt général se distingue de l'intérêt partisan. Quand on est dans l'opposition, il paraît normal de défendre les idées et les intérêts de son parti. Mais pour sortir de l'immobilisme et du ghetto actuel, mortel et suicidaire ou l'enferme la dictature depuis des lustres, elle doit exploser les limites de ses petites prétentions dans  la cohérence, même si elle doit être  confronté à d'autres réalités qui ne coïncident pas forcément aux idéaux politiques et partisan du parti d'origine de chacun de ses membres. La sagesse intellectuelle commande d'une part de s'adapter aux nouvelles donnes en s'expliquant devant ses militants,  être transparent et d'autre part et surtout  privilégier l'intérêt général coûte que coûte; quitte à sacrifier ses intérêts partisans. il s'agit pour les opposants tunisiens de progrès de dépasser leurs divisions stériles et de se dire qu'ils appartiennent à un même pays, qu'ils ont le même ennemi, qu'ils sont dans la même galère  et que le seul fonds commun qui les rassemble est finalement l'intérêt de tous les tunisiens .
Les démocrates tunisiens ont un rôle fondamental à jouer pour l'instauration de la liberté et du progrès en TUNISIE,  du respect de l'état de Droit.  C'est pourquoi ils doivent toujours se laisser guider dans leurs lourdes tâches par le sens de l'intérêt général. Ce qui implique leur impartialité, leur totale indépendance, leur véritable inamovibilité, des moyens  humains sans aucune exclusive ni  mise à l'écart. Est-il le cas aujourd'hui dans l'opposition tunisienne ? Sinon, pourquoi et comment en est-on arrivé là ?
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10 mai 2007 4 10 /05 /mai /2007 19:43
Le lobby pro-israélien. Un débat entre James Petras et Norman Finkelstein
Par
Hagit Borer
 
Personne ne doute qu'il y ait une relation spéciale entre Israël et les Etats-Unis.

Israël est le premier récipiendaire d'aide étrangère des Etats-Unis, avec plus de 3 milliards de dollars annuellement, auxquels il convient d'ajouter des cadeaux Bonux divers, comme les livraisons d'armes, les remises de dettes et autres traitements de faveur.

Hagit Borer : Personne ne doute qu’il y ait une relation spéciale entre Israël et les Etats-Unis. Israël est le premier récipiendaire d’aide étrangère des Etats-Unis, avec plus de 3 milliards de dollars annuellement, auxquels il convient d’ajouter des cadeaux Bonux divers, comme les livraisons d’armes, les remises de dettes et autres traitements de faveur.

Israël est le seul pays qui reçoive la totalité de son enveloppe d’aide américaine au début de l’année fiscale, ce qui lui permet de percevoir des intérêts accrus durant la même année 'en plaçant ces fonds, ndt)

C’est aussi le seul pays qui soit autorisé à dépenser jusqu’à un quart de cette aide ailleurs qu’aux Etats-Unis, ce qui permet à ces dépenses d’échapper à tout contrôle américain.

Mis à part leur soutien financier, les Etats-Unis apportent depuis des années un soutien constant à l’occupation de la Palestine par Israël, ainsi qu’à l’oppression toujours actuelle des Palestiniens, et ils ont systématiquement soutenu le refus israélien de s’engager dans des négociations de paix effectives ou dans des accords de paix.

Ils ont opposé leur véto un nombre incalculable de fois à des résolutions onusiennes visant à amener Israël à se conformer au droit international. Ils ont permis à Israël de mettre au point des armes nucléaires et de ne pas signer le traité contre la prolifération nucléaire. Plus récemment (en juillet 2006), ils ont soutenu fortement l’agression israélienne contre le Liban.

Le soutien à Israël traverse tous les partis américains ; il est extrêmement puissant au Congrès, où l’on n’entend qu’extrêmement rarement (voire jamais) s’exprimer une critique visant Israël.

Il caractérise, par ailleurs, la quasi-totalité des administrations américaines, depuis celle de Johnson, George W. Bush étant sans doute le plus pro-israélien de tous les présidents des Etats-Unis.

Quelle est la raison de ce soutien extrêmement fort ?

Les avis à ce sujet varient énormément.

Dans des cercles fortement pro-israéliens, on entend souvent dire que les raisons en sont principalement morales : la dette que des Etats-Unis envers Israël, après l’Holocauste ; la nature d’Israël – unique démocratie au Moyen-Orient ; Israël en tant que qu’allié moral et potentiellement stratégique des Etats-Unis dans leur guerre contre le terrorisme.

A l’intérieur de cercles moins pro-israéliens et ayant moins tendance à considérer que la position et la conduite d’Israël seraient morales, les opinions varient également.

Une des opinions en présence découle de la position d’allié des Etats-Unis d’Israël – le soutien dont Israël bénéficie n’est que simple paiement de services rendus, couplée avec la position invariable de la population juive d’Israël. Noam Chomsky, parmi d’autres auteurs, défend cette opinion. Mais selon ses détracteurs, le soutien américain à Israël, loin de servir les objectifs des Etats-Unis, il ne fait que les mettre en danger.

Les motivations de ce soutien seraient à trouver dans les activités du lobby israélien (aussi connu sous l’intitulé de lobby juif ou Aipac [American-Israel Public Affairs Committee]), qui utilise son influence formidable pour remodeler la politique étrangère américaine afin de la mettre au service des intérêts israéliens.

Cette opinion a été, tout récemment, associée à un article paru dans The London Review of Books, coécrit par le professeur Merscheimer, de l’Université de Chicago, et le professeur Walt, de l’Université Harvard.

Ce débat est le sujet de notre émission, aujourd’hui.

Permettez-moi de vous présenter nos invités : Norman Finkelstein est professeur de science politique à l’Université De Paul. Bienvenu à notre émission, Norman !

Norman Finkelstein : Merci !

Hagit Borer : Le professeur Finkelstein est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’histoire du sionisme et au rôle joué par l’Holocauste dans la politique actuelle de l’Etat d’Israël.

Son dernier livre, publié en 2005, est intitulé Beyond Chutzpah, on The Misuse of Anti-Semitism and the Abuse of History [Au-delà du Culot à la mode israélienne : du mésusage de l’antisémitisme et de la distorsion de l’Histoire].

Notre deuxième invité est James Petras. James est professeur émérite de sociologie à l’Université d’Etat de New York Binghamton.

Soyez le bienvenu à notre émission, James !

James Petras : Très heureux d’être ici, Hagit !

Hagit Borer : Le professeur Petras est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le pouvoir de l’Etat et la nature de la mondialisation dans le contexte des relations entre les Etats-Unis et l’Amérique latine, ainsi, plus récemment, qu’au sujet du Moyen-Orient.

Son dernier livre, publié en 2006, a pour titre Le pouvoir d’Israël aux Etats-Unis [The Power of Israel in the United States].

Nous allons peut-être commencer avec vous, James ; pourriez-vous nous dire, dans une brève déclaration préliminaire, où vous vous situeriez, par rapport à la question pendante d’un débat sur les raisons du soutien de vieille date et invétéré apporté à l’Etat d’Israël par les Etats-Unis ?

James Petras : Eh bien, je pense que je dirais probablement que le lobby pro-israélien, le Lobby sioniste, est le facteur dominant dans la détermination de la politique américaine au Moyen-Orient, en particulier dans la toute dernière période.

Et je pense qu’il faut examiner ce phénomène, sans s’en tenir au seul Aipac [American Israli Public Affairs Committee, le principal organe du lobbying israélien aux USA, ndt].

Je m’explique : nous devons examiner toute une série de boîtes à idées pro-sionistes, depuis l’American Enterprise Institute, au sommet, et en redescendant la pyramide, après quoi, nous devons comprendre toute une configuration du pouvoir, qui n’implique pas seulement l’Aipac, mais le Président des Principales Associations Juives Américaines, qui en comporte cinquante-deux.

Nous devons prendre en compte les individus occupant des postes cruciaux dans le gouvernement, comme nous l’avons fait récemment en ce qui concerne Elliott Abrams, Paul Wolfowitz, Douglas Feith et d’autres encore.

Nous devons étudier cette armée d’éditorialistes ayant accès aux principaux quotidiens [américains].

Nous devons passer au scanner les donateurs super-friqués du parti Démocrate, les magnats des médias, etc. Et je pense que cela, ainsi que les leviers détenus au sein du Congrès et du gouvernement, ce sont les éléments décisifs de la détermination [par les sionistes] de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. Je tiens à le souligner.

Hagit Borer : James, permettez-moi de vous interrompre. Peut-être Norman pourrait-il maintenant faire, lui aussi, sa déclaration introductive ?

Norman Finkelstein : Eh bien, tout d’abord, je vous remercie de m’avoir invité. Je dirais que je me situe moi-même, sur le spectre (politique), quelque part vers le milieu.

Je ne pense pas que ce soit uniquement le Lobby qui détermine la relation américano-israélienne. Et je ne pense pas non plus que ce soient seulement les intérêts des Etats-Unis qui détermineraient la qualité des relations entre eux et Israël.

Je pense qu’il faut regarder le panorama d’ensemble, puis s’intéresser au tableau local.

En l’occurrence, dans le panorama – celui de la politique américaine au Moyen-Orient, de manière générale –, la connexion historique entre les Etats-Unis et Israël est fondée sur les services signalés qu’Israël procure aux Etats-Unis, dans la région, dans son ensemble, depuis pas mal de temps.

Cela est devenu particulièrement visible en juin 1967, quand Israël a abattu le principal défi – ou le principal défi potentiel – à la domination américaine dans la région, à savoir le président égyptien Gamal Abdul Nasser.

Ainsi, à propos de la vaste question que représente la dimension régionale des relations américano-israéliennes, je pense qu’il est exact de dire que cette alliance est fondamentalement basée sur des services rendus.

Par ailleurs, il est extrêmement clair, à l’examen des archives, que les Etats-Unis furent euphoriques après qu’Israël eut écrasé l’Egypte – plus exactement, après qu’Israël eut écrasé Nasser et le nassérisme – et il est également évident, toujours à l’examen des archives, que les Etats-Unis n’ont jamais ressenti comme un enjeu fondamental le fait qu’Israël maintînt son contrôle sur les territoires qu’il avait conquis durant la guerre de juin 1967, à savoir le Sinaï (égyptien), les hauts plateaux du Golan (syriens) ainsi, à l’époque, que la Cisjordanie (jordanienne) et Jérusalem (jordanienne).

Manifestement, les Etats-Unis n’y ont jamais eu le moindre intérêt, et dès 1967, ils voulaient exercer des pressions sur Israël afin de l’engager à se retirer totalement (desdits territoires). Il est parfaitement évident, si, encore une fois, vous examinez les archives, qu’Israël, dès lors, a été en mesure de faire entrer le Lobby en action aux Etats-Unis.

En 1967-1968, la grande question du moment, c’étaient les élections présidentielles américaines, et le vote juif. Israël allait faire en sorte de mobiliser toute la puissance de l’électorat juif afin de faire obstacle aux efforts américains visant à lui imposer de se retirer des territoires occupés.

Et, dès 1967, le Lobby a été particulièrement efficace, je pense : il a réussi à considérablement rehausser le seuil au-delà duquel les Etats-Unis étaient prêts à passer à l’action et à imposer un retrait israélien, tout à fait de la façon dont ils allaient imposer à l’Indonésie, en 2000, de se retirer du Timor.

Les deux occupations [israélienne, et indonésienne, ndt] commencent approximativement à la même période : en 1974, l’Indonésie envahit Timor avec le feu vert américain et, en 1967, Israël conquiert la Cisjordanie, la bande de Gaza, etc., avec le feu vert américain.

Ainsi, la question qui coule de source est celle-ci : les deux occupations ont duré très longtemps.

L’occupation indonésienne fut infiniment plus destructrice, tuant plus d’un tiers de la population du Timor oriental.

Mais il est exact qu’en 2000, les Etats-Unis ont bel et bien intimé à l’Indonésie l’ordre de retirer ses troupes du Timor. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait, dans le cas de l’occupation israélienne ?

A ce point, je pense qu’il est exact de répondre : "C’est le Lobby…"

Hagit Borer : J’ai l’impression qu’une des choses par lesquelles il faut vraiment que nous commencions, quand nous essayons de traiter de ce sujet, c’est la question de savoir ce que nous désignons, si toutefois nous sommes en mesure de le faire, sur un niveau plus ou moins mondial, sous le vocable d’"intérêts américains" ?

Ce concept est tellement flou que nous pouvons dire que les "intérêts américains" ont systématiquement caractérisé, à un degré ou un autre, des administrations américaines pourtant fort différentes.

Je dis ceci parce qu’il me semble qu’il serait très difficile d’évaluer dans quelle mesure des politiques qui se prolongent, [quasi identiques] concernant Israël, ne seraient pas compatibles avec les intérêts américains, si nous ne discutions pas un minimum de la perception que nous avons de ces [fameux] "intérêts américains" ?

Alors, James, vous voulez bien nous en parler un peu… ?

James Petras : Oui, volontiers. De fait, sur cette question, nous devons être clairs : parlons-nous des intérêts de l’exécutif et des trusts américains au Moyen-Orient, en particulier, ou parlons-nous de ce que devraient être les intérêts [nationaux] des Etats-Unis ?

Hagit Borer : Parlons de ces fameux "intérêts" tels qu’ils sont… Disons : quels sont les objectifs des différentes administrations américaines successives, par opposition à ce qui serait le véritable intérêt des peuples américain et israélien, qui peut effectivement en différer considérablement….

James Petras : Parfait. Dit comme cela, je pense qu’il est tout à fait clair que la politique des Etats-Unis vise à la construction d’un empire, à l’extension de leur contrôle politique, économique et militaire sur le monde entier, mais plus particulièrement sur le Moyen-Orient.

Et les Etats-Unis poursuivent cette politique par les moyens militaires ou grâce aux mécanismes du marché, comme l’extension de firmes, la prise de contrôle de régimes clients, etc.

Et si nous regardons en particulier le Moyen-Orient, les Etats-Unis ont été très efficaces en obtenant des traités avec la plupart des pays producteurs de pétrole, mis à part l’Irak et l’Iran (et même dans leur cas, s’il n’y a pas de tels accords, c’est principalement parce que les Etats-Unis eux-mêmes excluent d’avoir des relations avec ces deux pays).

Les compagnies pétrolières américaines se sont extrêmement bien débrouillées, par des moyens non-militaires.

Elles ont élargi leurs liens commerciaux – Goldman Sachs vient tout juste de signer un gros contrat avec la principale banque saoudienne.

La Grande-Bretagne est en train de mettre sur pied un second marché spécialisé dans les fonds islamiques. Aucune compagnie pétrolière n’a soutenu la guerre en Irak.

C’est un des bobards qui ont été colportés – la soi-disant "guerre pour le pétrole"… Les compagnies pétrolières faisaient des affaires fabuleuses avant cette guerre, et elles étaient extrêmement réticentes devant le risque de s’y trouver impliquées.

Cela, à mon avis, nous amène à la question fondamentale de savoir "pourquoi, alors" [cette guerre], puisqu’elle ne pouvait que porter atteinte aux intérêts économiques fondamentaux des Etats-Unis.

Comme nous le constatons, il y a eu beaucoup de responsables militaires américains qui étaient opposés à la guerre contre l’Irak, car ils avaient le sentiment qu’elle porterait atteinte à la capacité militaire des Etats-Unis à défendre globalement l’Empire – exactement de la même façon que la guerre du Vietnam portait atteinte à la capacité d’intervention des Etats-Unis, en Amérique centrale contre les Sandinistes, ou pour empêcher le renversement du Shah d’Iran, etc.

Ainsi, du point de vue des intérêts impériaux globaux, la guerre d’Irak n’était manifestement pas dans l’intérêt des compagnies pétrolières.

J’ai étudié tous les documents, j’ai interviewé des responsables des compagnies pétrolières, j’ai épluché leurs rapports d’activités des cinq années précédant la guerre, et on ne trouve nulle trace [de leur implication].

Au contraire, si vous affinez vos recherches sur les divers membres du pouvoir sioniste aux Etats-Unis (ce qui à mon avis est une manière plus correcte, conceptuellement, de parler de tout cela, plutôt que de parler "du Lobby"), vous aller trouver que des gens aux loyautés duplices, comme Paul Wolfowitz, Douglas Feith, Richard Perle et Elliott Abrams (ce félon), avaient à leur ordre du jour de promouvoir les intérêts d’Israël.

Hagit Borer : James, peut-être devrions-nous poursuivre là-dessus. Fondamentalement, si je vous suis bien, vous suggérez que jusqu’à ce qu’elle soit militairement impliquée en Irak, vous caractériseriez la politique américaine au Moyen-Orient – je veux dire, envers et contre le Lobby – comme extrêmement réussie. Aussi, je me demandais, simplement…

James Petras : Oui, c’est ce que nous appelons "l’impérialisme de marché".

Hagit Borer : Certes… Norman, des commentaires, à ce sujet ?

Norman Finkelstein : Bien. Vous devez prendre les intérêts en considération à différents niveaux. Malheureusement, cela devient nébuleux et compliqué, alors même qu’on aimerait bien disposer d’un tableau simple. Mais je ne pense pas que cela soit si simple quand vous vous efforcez de le cerner.

Avant toute chose, vous devez examiner les intérêts en termes de qui les définit. Et je conviens, je pense que c’est là quelque chose de certainement évident pour vos auditeurs, qu’il y a des intérêts différents, selon qu’ils sont définis par le pouvoir des trusts, ou démocratiquement par les désirs et les choix des citoyens ordinaires, dans tout système démocratique.

Aussi, limitons-nous aux premiers – la question des intérêts capitalistes, puisqu’à l’évidence, ils jouent le rôle principal dans la détermination de la politique américaine. Plutôt, cela devrait être évident, non que ce soit toujours le cas…

Hagit Borer : Supposons donc que ce soit parfaitement évident…

Norman Finkelstein : Ils jouent un rôle absolument déterminant. Mais encore faut-il examiner la façon dont ils conçoivent la "meilleure manière de préserver et d’accroître leurs intérêts".

Il faut dire que la manière dont ils les perçoivent peut sembler à quelqu’un comme vous et moi parfaitement irrationnelle.

Cela est dû au fait qu’ils mènent des politiques qui en réalité les lèsent. Mais le fait que cela puisse nous sembler irrationnel ne signifie nullement que ça le soit, à leurs yeux.

Prenons le cas concret du moment. Il se peut qu’il ait été irrationnel, pour les Etats-Unis, d’envahir l’Irak, car il existe d’autres moyens de contrôler le pétrole, ou comme l’ont dit d’aucuns, les mécanismes du marché son tels qu’à l’échelle mondiale, vous n’avez plus besoin de contrôler une ressource naturelle pour vous assurer que vous en obtenez le meilleur prix ou que son écoulement est garanti, au meilleur prix possible.

La contrôler n’est plus aussi important que par le passé, dans le monde moderne. Nous ne sommes plus à l’époque où Lénine écrivait son traité sur l’Impérialisme.

Maintenant, cela peut être effectivement rationnel, et il y a peut-être un bon argument pour le faire.

Mais cela ne signifie nullement que les gens au pouvoir ne seraient pas en train de prendre des décisions afin de servir leurs propres intérêts, qui peuvent, à nous, nous sembler irrationnels.

Dans le cas de l’Irak, si vous regardez concrètement ce qu’il se passe : Primo, il n’existe pas la moindre preuve que des gens comme Wolfowitz et sa bande s’efforçaient de promouvoir un agenda israélien.

Hagit Borer : Permettez-moi de vous interrompre : l’agenda israélien, que serait-il, s’il devait y en avoir un ?

Norman Finkelstein : Il existe bel et bien un agenda israélien, loin de moi l’idée de contester cela.

L’agenda israélien est fondamentalement comme suit : Israël se fout pas mal de quel pays vous écrasez, au Moyen-Orient, dès lors que tous les trois ou quatre ans, et parfois tous les trois ou quatre mois, vous écrasez ce pays arabe-ci ou ce pays arabe-là simplement pour donner une leçon, et transmettre au Moyen-Orient le message que nous contrôlons la situation et que si sortez des rangs, nous allons prendre notre grosse massue et nous allons vous casser le crâne.

Maintenant, il se trouve qu’à la fin des années 1990, Israël eût préféré que le crâne que nous choisîmes de fracasser eût été le crâne de l’Iran…

Rien n’indiquait que l’Irak venait en tête des priorités israéliennes. De fait, tout ce discours au sujet du fameux document qui avait été écrit par ces néocons préconisant d’attaquer l’Irak – ce fameux document… - avait été remis à Netanyahu lorsqu’il prit ses fonctions afin de le convaincre de placer l’Irak en tête de liste.

C’est bien différent d’Israël remettant ce document aux néocons, qui auraient ensuite comploté afin de pousser le gouvernement américain à attaquer l’Irak.

C’est le contraire qui s’est produit. Israël aurait préféré attaquer l’Iran. Toutefois, les gens au pouvoir chez nous, sans doute avec des raisons malintentionnées, à mon avis, ayant décidé de s’en prendre à l’Irak, Israël était bien entendu dans tous ses états, parce qu’Israël est toujours dans tous ses états quand il s’agit d’écraser tel ou tel pays arabe.

Cela a toujours été sa politique, depuis un siècle – depuis les débuts du sionisme. Le cliché le plus rabâché par le pouvoir israélien, c’est : "Les Arabes ne comprennent que le langage de la force".

Aussi, quand les Etats-Unis se sont embarqués dans leur campagne contre l’Irak, les Israéliens exultaient – mais ils exultent toujours… Cela ne signifie nullement que des gens comme Wolfowitz, et à fortiori des gens comme Cheney, seraient en train de s’efforcer de servir un agenda israélien.

Il n’existe aucune preuve étayant ce genre d’allégation. C’est là pure spéculation, basée sur des arguments tels l’ethnicité.

Prenons un exemple simple, un exemple, je l’appellerai James (je n’ai pas l’habitude d’appeler les gens par leur prénom), mais Jim Petras a mentionné…

Prenons le cas d’Elliott Abrams. Voilà un de ces cas intéressants. Elliott Abrams est le gendre de Norman Podhoretz.

Et Norman Podhoretz fut le premier gros bonnet néoconservateur partisan d’Israël, rédacteur en chef de la revue Commentary.

Mais si vous regardez des gens comme Podhoretz, intéressez-vous à leur histoire.

Je vais prendre un livre dont je suis sûr que Jim le connaît, en 1967, donc, Podhoretz publie son célèbre livre de mémoires, intitulé Making It.

C’est ainsi qu’il a rencontré le succès et qu’il s’est intégré dans la vie américaine. Il était encore jeune, et déjà rédacteur en chef, de Commentary !

Lisez ce livre : lisez ses fameux mémoires, écrits deux mois avant la guerre de juin 1967, il y a, en tout et pour tout, une demi phrase au sujet d’Israël dans tout le bouquin. Les gens tels Podhoretz, Midge Decter, ainsi que tous les néocons… J’ai parcouru toute la littérature consacrée à cette question, et je l’ai lue très attentivement.

Avant juin 1967, tout le monde se foutait allègrement d’Israël. Israël n’apparaît jamais dans aucun de leurs mémoires, à aucun des événements de cette période.

Ils deviennent pro-israéliens quand Israël peut leur servir, dans leur quête de pouvoir et d’argent aux Etats-Unis.

Elliott Abrams est tout aussi dévoué à Israël que son beau-père, Norman Podhoretz, l’était, à savoir : quand c’est expédient, quand c’est utile.

Cette idée de servir un agenda israélien, en particulier chez quelqu’un d’aussi sophistiqué que Jim Petras, me semble absurde. Ce pouvoir, Jim le connaît pourtant aussi bien que moi !?

Hagit Borer : Permettez-moi seulement de vous interrompre, pour permettre à James de…

James Petras : C’est vraiment très étrange d’entendre quelqu’un dire que Wolfowitz n’aurait pas été influencé par l’agenda israélien alors qu’il s’est fait pincer en train de refiler des documents secrets à Israël, dans les années 1980.

Et Douglas Feith a perdu son habilitation auprès des services de sécurité au motif qu’il a refilé des documents à Israël ; Elliott Abrams a écrit un livre prônant la conservation de la "pureté" de la race juive…

Norman Finkelstein : Je sais… Ils ont écrit ce genre de conneries… et vous les croyez ? Jim, vous pensez qu’ils en ont quoi que ce soit à cirer de… ?

James Petras : La question n’est pas de savoir si on les croit ou non ; la question, c’est celle d’examiner la preuve documentée d’un soutien aveugle à Israël, quelles que soient ses politiques – et c’est là une position qui est celle des Présidents des Principales Associations Juives Américaines [l’équivalent du CRIF aux Etats-Unis, ndt]. Ils apportent à Israël un soutien inconditionnel !

Hagit Borer : Permettez-moi de m’interposer un peu, ici. Je pense qu’il y a plusieurs choses.

Une, c’est que… Je me demande, par exemple, je ne sais pas si vous seriez d’accord, James, avec l’intérêt israélien particulier que Norman a identifié, en relation avec l’invasion de l’Irak.

Mais en supposant que vous soyez d’accord avec cette idée que les intérêts israéliens sont précisément cela, à savoir, nommément, écraser un pays arabe quel qu’il soit, principalement parce qu’il s’agirait là d’une "bonne idée" ?...

James Petras : Je pense que c’est quelque chose de particulièrement superficiel…

Hagit Borer : Mais la question qui se pose, c’est aussi celle de savoir si cela a servi les intérêts américains ?

Ainsi, nous avons vu l’Amérique s’en prendre à des pays qui, parfois, en termes de pouvoir, sont autrement négligeables – simplement pour prouver que quiconque oserait se rebiffer contre la puissance américaine ne serait qu’un mauvais exemple, qu’il faudrait écraser sans tarder…

Norman Finkelstein : Je suis entièrement d’accord avec ça…

James Petras : Israël envoyait des flingues en Iran encore en 1987, durant l’infâmant scandale Iran-Contra… Alors, dire qu’ils n’étaient pas intéressés à détruire l’Irak en tant que défi à l’hégémonie israélienne et en raison du soutien de ce pays aux Palestiniens, en particulier aux familles des dirigeants palestiniens assassinés… c’est absurde ! Et je pense…

Norman Finkelstein : Oh, vous savez…

Hagit Borer : Puis-je vous arrêter à cet endroit précisément… parce que nous allons avoir une pause publicitaire

James Petras : Je veux répondre à votre question…

Hagit Borer : Nous y reviendrons… A ce point dans notre conversation, je pense que nous devrions changer un peu de sujet, et…

James Petras : Permettez-moi de terminer mon dernier commentaire. Je pense que dès lors que les bureaux du Pentagone sont bondés, comme un bordelle débordé un samedi soir, d’agents du renseignement israélien, qui sont plus nombreux y compris que les membres du personnel du Pentagone lui-même – plein de généraux israéliens, en train de faire [notre] politique en Irak, je ne pense pas qu’on puisse dire que ce gens soient "simplement des responsables du Pentagone comme les autres".

Je pense que vous ne pouvez pas faire abstraction du fait que Feith, Wolfowitz, Elliott Abrams et consorts se sont engagés à faire des intérêts israéliens leur première préoccupation au Moyen-Orient, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Je pense qu’il est absurde de penser qu’il s’agirait simplement d’hommes politiques de droite, qui se trouveraient soutenir une politique militariste. C’est Wolfowitz, qui a décidé du programme !

Feith a constitué le Bureau des Projets Spéciaux, ce panel politique qui a fabriqué de toutes pièces la désinformation qui a servi de prétexte à la guerre contre l’Irak. Ils se consultaient en permanence, jour après jour, heure après heure, avec le gouvernement israélien.

Cela a été catégoriquement attesté cent fois et je pense qu’il est impossible de dénier cette réalité en disant : "Eh bien, vous ne pouvez pas déduire que telle affiliation ethnique produira telle ou telle politique…" Oh que si, qu’on le peut !

Quand ce groupe ethnique fait passer une position qui met la primauté d’un gouvernement étranger au centre de sa politique étrangère, en mettant en danger la vie de milliers de citoyens américains… leurs intérêts économiques dans la région… alors, il est absurde de dire : "Ces types sont un ramassis de décideurs politiques irrationnels".

Hagit Borer : James, permettez-moi de poursuivre cette interview, et de fait de passer à un sujet un peu différent.

Voici : ne serait-il pas possible (vous savez, c’est une question pour vous deux), par exemple, de penser que quel que soit la composition du groupe des néocons… il ne s’agit pas d’un groupe qui défende les intérêts israéliens, c’est un groupe qui représente les alliances entre des hommes politiques particuliers des deux pays, et des configurations de pouvoir particulières dans les deux pays, l’un par rapport à l’autre – mais, en aucun cas – de tous les hommes politiques israéliens, ni de l’entièreté de la structure politique israélienne – ni de tous les hommes politiques américains, ni de l’ensemble des structures politiques américaines ?

James Petras : Absolument !

Hagit Borer : Alors, dans ce cas, il ne s’agit pas réellement d’intérêts américains. Il s’agit simplement des intérêts d’un groupe particulier d’individus, un groupe qui est tout aussi intéressé à obtenir ce qu’il veut aux Etats-Unis qu’en Israël.

C’est juste, fondamentalement, si vous voulez, une merveilleuse relation symbiotique. Norman, que dites-vous de cette interprétation ?

Norman Finkelstein : Dans mes observations préliminaires, j’ai dit qu’il y a un chevauchement d’intérêts au niveau régional, pour des raisons que vous avez pour partie suggérées.

Vous avez dit que les Etats-Unis s’en prennent souvent à des régimes simplement afin de démontrer leur puissance, et qu’Israël a, lui aussi, un désir de faire étalage de sa force.

Souvent, il y a chevauchement, ou confluence d’intérêts. Je pense toutefois qu’il est exact, aussi, de dire que sur la question spécifique de l’occupation – il y a conflit d’intérêts.

En l’absence d’un Lobby sioniste, il est fort vraisemblable que les Etats-Unis auraient exercé les pressions requises sur Israël afin de le contraindre à se retirer des T.O.

Sur des questions comme celles de l’Irak et de l’Iran, je ne vois absolument aucune preuve que les Etats-Unis seraient tirés par les basques par des opérations du type épée dans les reins au sein du Pentagone.

Ces opérations, que mentionne Jim, sont tellement triviales – en comparaison avec la planification à très haut niveau qui s’opère entre les Etats-Unis et Israël, quotidiennement, légalement et en toute conscience.

Vous n’avez pas besoin de déjouer ces aventures de "cape et d’épée", se déroulant au sein du Pentagone, même si elles sont pour la plupart authentiques, pour démontrer l’existence de cette collusion, de cette planification conjointe et de cette coordination entre les Etats-Unis et Israël !

La question n’est pas de savoir si ces magouilles ont bien lieu, ou non.

La question, c’est de savoir "quels intérêts, au juste, sont servis" par ces magouilles bien réelles !

Il y a cette notion selon laquelle, d’une certaine façon, ils réussiraient à distordre et à déformer la politique américaine dans une région cruciale, à propos d’une ressource naturelle fondamentale : cette notion, à mon avis, n’a absolument aucun fondement.

Cela défie toute rationalité et tout raisonnement relevant du simple bon sens – en particulier venant [de James] (dans ma jeunesse, j’ai été l’étudiant de James Petras à l’Université Binghamton, de 1971 à 1974, il était marxiste, et à l’époque, il vous expliquait comment les gens au pouvoir agissent en fonction d’intérêts, découlant… d’une base dans laquelle ces dirigeants sont les principaux bénéficiaires.

Hagit Borer : Norman, permettez-moi de vous demander…

Norman Finkelstein : Juste une seconde… M. Wolfowitz…, M. Feith et tous les autres, d’où tirent-ils leur pouvoir ?… Ils tirent leur pouvoir de l’Etat américain.

Si Israël devient plus fort, leur pouvoir n’augmente en rien. Si les Etats-Unis s’affaiblissent, leur pouvoir décroît.

Donc, actuellement, nous assisterions à ce phénomène étrange de gens qui, en raison de leurs loyautés ethniques, voudraient renforcer un autre Etat, même si cela affaiblit, ce faisant, le pouvoir d’où découle leur propre pouvoir… Cela ne semble pas crédible !

James Petras : Là, Norman, vous allez chercher midi à quatorze heures !

Je suis sûr que Norman n’a pas acquis ce genre de logique dans mes cours !

J’ai bien peur qu’il soit sorti des rails, quelque part – en dépit de certains livres excellents qu’il a écrits sur les "extorsions" sionistes, sur l’Holocauste et sur la réfutation du plagiat de Dershowitz.

Mais je crains que dès lors qu’il est question du lobby essentiellement juif, il ait une certaine macula aveugle, ce qui est compréhensible.

Dans beaucoup d’autres groupes nationaux et ethniques – dans lesquels ont peut critiquer le monde entier, mais où, dès lors qu’il s’agit d’identifier le pouvoir et la malfaisance de son propre groupe…

Hagit Borer : Je pense que nous devrions tous, peut-être… peut-être pouvons nous maintenant clore ce chapitre, OK ?

James Petras : Laissez-moi au moins finir ma phrase !... La multiplicité des organisations pro-israéliennes n’a strictement rien d’un roman de « cape et d’épée » : elles ont exercé (et exercent) des pressions sur le Congrès, elles sont impliqués dans le corps exécutif, où elles contribuent largement à déterminer la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient.

Les Etats-Unis ne soutiennent aucune autre puissance coloniale ; ils se sont opposés à l’occupation / impérialisme colonial continument depuis la Seconde guerre mondiale.

Ils se sont opposés à l’occupation britannique de Suez en 1955/1956. Ils ont poussé ces pays d’Europe, et d’autres pays [coloniaux] dehors, afin d’établir l’hégémonie américaine au moyen d’accords économiques et militaires.

La politique américaine vis-à-vis des Israéliens est très différente de celles que suivent les Etats-Unis ailleurs dans le monde. Israël est le seul pays à percevoir 3 milliards de dollars annuellement des Etats-Unis, et cela fait trente ans que ça dure.

Ce n’est pas là quelque chose qui se produirait en raison d’une aventure de "cape et d’épée" !

C’est le résultat – comme Norman le sait pertinemment, en sa qualité d’analyste brillant – d’un pouvoir organisé, un pouvoir organisé qui admet ouvertement et affirme très explicitement qu’Israël est sa préoccupation première… et que "ce qui est bon pour Israël est bénéfique pour les Etats-Unis". C’est là exactement ce qu’ils disent, Norman…

Norman Finkelstein : Je sais. Mais peu importe ce qu’ils disent…

Hagit Borer : Permettez-moi de vous interrompre. Je dois lancer le jingle, et nous pourrions peut-être en profiter pour changer de sujet ?...

James Petras : Bon. OK. Je n’ai rien dit : Norman était un de mes meilleurs étudiants !...

Hagit Borer : Je pense qu’à ce point dans notre débat, nous pouvons tomber d’accord sur le fait, les mecs, que vous avez beaucoup de respect l’un pour l’autre. Mais, à l’évidence, vous n’êtes pas du même avis sur certains sujets.

Je voulais passer à la question de savoir s’il y a réellement des cas montrant que dès lors qu’il y a des conflits d’intérêts, disons entre les Etats-Unis et Israël, il y a aussi des cas où les Etats-Unis exercent véritablement des pressions sur Israël afin qu’au moins dans quelques cas, il cesse d’agir à l’encontre de ce que ce pays souhaiterait.

Car il me semble que si nous ne trouvons pas de tels cas, alors, fondamentalement, la discussion deviendra une de ces histoires de "poutre dans son propre œil". Nous voyons beaucoup de coopération, beaucoup d’intérêts communs, mais ces intérêts peuvent avoir pour origine les deux côtés.

S’il y a des cas où il y a peut-être des intérêts en jeu, qui se séparent, et où nous pouvons constater qu’en réalité, nous pouvons parler de discorde. Norman, faisant partie de ceux qui pensent que c’est là une possibilité, pourriez-vous nous en parler ?

Norman Finkelstein : Bien. Le problème, c’est que je ne veux pas développer l’idée que ce genre de cas individuels pourrait prouver que le responsable est tel ou tel côté. Vous prenez au hasard un livre écrit par Steve Zunes, et il s’apprête à démontrer que le gouvernement des Etats-Unis obtient toujours ce qu’il veut.

Maintenant, si vous prenez au hasard un ouvrage d’un auteur du camp opposé, il va vous démonter que c’est Israël qui finit toujours par obtenir ce qu’il veut, quand surgit un conflit d’intérêts. Et chaque camp peut produire une liste d’exemples – pour démontrer sa thèse.

Je ne pense pas qu’on puisse prouver quoi que ce soit en citant une poignée de cas, d’un côté – le professeur Chomsky citera certainement ce cas récent où Israël a été sévèrement réprimandé par Bush pour avoir essayé de vendre des hautes technologies à la Chine – et puis vous allez trouver d’autres cas, dans le camp d’en face.

Même s’il est important d’examiner les précédents empiriques, je ne pense pas que ces archives empiriques – en elles-mêmes et d’elles-mêmes – résolvent la question.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples sur la façon dont, à mon avis, cela fonctionne.

Prenons deux premiers exemples. Commençons avec la guerre de 1948.

Pourquoi le président américain Truman a-t-il reconnu Israël ?

On assiste à toutes sortes de débats à ce sujet. Une assertion constamment formulée, c’est celle du rôle joué par le lobby juif. Nommément : Truman se présentait aux élections présidentielles et il voulait en particulier obtenir les voix de l’électorat new-yorkais… tandis que le parti démocrate, lui, voulait l’argent juif.

C’est grâce au lobby juif de l’époque que Truman a rapidement reconnu l’Etat d’Israël, même s’il allait s’aliéner les intérêts arabes, lesquels étaient extrêmement hostiles à la création d’Israël.

Que disent les archives ? Je les ai lues très attentivement.

Elles montrent ceci : Primo, notre principal intérêt, à l’époque, c’était le pétrole saoudien, or les Etats-Unis entament des discussions avec les Saoudiens : "Qu’allez-vous autoriser le gouvernement américain à faire en ce qui concerne la fondation de l’Etat d’Israël ?"

Et les Saoudiens, en substance, répondirent ceci : "Nous vous laisserons reconnaître Israël, mais si vous lui fournissez de l’armement, il y aura des problèmes". Ils font allusion à des armes après la création d’Israël, tandis que la guerre était imminente.

Et que font les Etats-Unis ? Ils reconnaissent Israël, c’est-à-dire, ils vont aussi loin qu’ils peuvent aller. Truman va jusqu’au bout, parce qu’il a besoin du vote juif, et de l’argent juif. Mais il impose immédiatement un embargo sur les armes destinées à la région.

Quant au secrétaire d’Etat de l’époque, Marshall, il dit : "Tout indique qu’Israël va perdre cette guerre."

C’était ce que nos services de renseignement nous disaient.

Nous nous trompions. Mais c’est ce que disaient les services américains du renseignement, à l’époque.

Aussi, ils étaient prêts à laisser anéantir Israël, parce que c’était ce que nos services de renseignement nous disaient, si le prix [de sa survie] devait être la perte du soutien des Saoudiens.

Il est vrai que Truman est allé jusqu’à la limite – cette limite, c’était la "reconnaissance d’Israël", afin d’obtenir les votes juifs, mais il n’a jamais outrepassé la limite au-delà de laquelle il se serait aliéné un intérêt américain primordial dans la région, à savoir les Saoudiens.

Prenons 1956, que Jim a cité, mais je ne pense pas qu’il sache ce qui s’est réellement passé.

En 1956, c’est exact – les Etats-Unis ont dit à la Grande-Bretagne, à la France et à Israël – de sortir d’Egypte.

Et il est exact que nous sommes apparus très anticolonialistes.

Mais l’unique raison pour laquelle les Etats-Unis l’ont fait, c’est parce que les Britanniques, les Français et les Israéliens agissaient dans leur dos.

Au moment même où se produisait l’invasion tripartite de l’Egypte, les Etats-Unis étaient en train de comploter afin de renverser le gouvernement de la Syrie.

Et les Etats-Unis voulaient se débarrasser de Nasser, mais ils n’ont pas apprécié le timing – parce que ce timing n’avait pas été choisi par eux, mais bien par les Britanniques, les Français et les Israéliens, derrière notre dos.

Encore une fois, ce sont les intérêts américains qui ont déterminé la politique américaine, et non je ne sais trop quel engagement anticolonial ou autres billevesées. C’était tout simplement dans l’intérêt des Etats-Unis. Point barre.

James Petras : Holà ! Norman a déjà eu cinq minutes. Je demande le même temps. Il nous a fait toute une conférence.

Si vous examinez la politique américaine vis-à-vis d’Israël, les Etats-Unis se mettent à dos pratiquement le monde entier au profit d’un petit pays qui ne présente pratiquement aucune valeur économique pour eux, qui est un albatros diplomatique, et qui a ses propres intérêts hégémoniques, militaires et politiques à dominer le Moyen-Orient.

Nous allons à l’Onu et nous nous aliénons toute l’Europe et l’ensemble du tiers-monde quand Israël détruit Jénine, quand Israël s’engage dans des politiques génocidaires dans les territoires occupés, quand Israël viole les Conventions de Genève.

Les Etats-Unis le soutiennent, et ils se discréditent totalement aux yeux de tous les pays ayant le souci du droit international, et des usages diplomatiques dans les relations internationales. Je ne parle pas ici simplement de l’opinion publique musulmane, ou de l’opinion publique arabe… Je parle de l’opinion publique mondiale.

Ensuite, dire que les Etats-Unis ont des intérêts chevauchants avec Israël, c’est totalement aberrant.

Je veux dire – je ne sais pas où Norman a mis sa tête. Les Etats-Unis sont impliqués dans plusieurs pays pour y instaurer des régimes néocoloniaux. Ils ne sont pas en train d’occuper et d’installer des gouvernements coloniaux. Ils préfèrent des clientèles locales.

Et il en ont un au Liban, avec le président Fouad Siniora, qui recevait un soutien américain pendant qu’Israël attaquait son pays, soi-disant pour attaquer le Hezbollah, mais en réalité en affaiblissant totalement la marionnette américaine Siniora. C’est dans l’intérêt des Etats-Unis, ça ?

Norman Finkelstein : Ben oui…

James Petras : Et quand vous évoquez le fait qu’Israël prendrait des mesures qui recouperaient celles des décideurs politiques américains, vous négligez le fait que la majorité des généraux américains étaient opposés à la guerre contre l’Irak et que les agents d’Israël aux Etats-Unis (car c’est bien de cela dont il s’agit, et ils devraient s’enregistrer en tant qu’agents d’une puissance étrangère) s’en prenaient à eux (aux généraux) en les qualifiant de poules mouillées, parce qu’ils refusaient d’obéir aux préceptes guerriers des sionistes du Pentagone.

l y a toute une série de responsables de l’armée et d’hommes politiques conservateurs qui étaient opposés à la guerre en Irak.

Et si vous regardez les chiffres… si vous regardez Cheney : Cheney recevait les siens de la part d’Irving Scooter Libby – un autre agent, encore un membre de cette fraternité liée à Wolfowitz. C’est un des protégés de Wolfowitz…

Norman Finkelstein : A mon avis, Cheney est assez grand pour décider tout seul…

James Petras : Regardez ; si vous essayez de dresser une matrice du pouvoir, autour de la prise de décision politique américaine au Moyen-Orient, à seule fin de dire qu’il s’agit d’"intérêts communs", sans examiner le fait que les isréliens ont fait sauter un navire de surveillance américain, tuant des dizaines de marins et qu’ils s’en sont tirés blancs comme neige et qu’ils continuent de recevoir des aides américaines, alors que des officiers américains ont été tués ou blessés par les avions de guerre israéliens, alors que ce navire était hérissé de drapeaux américains, et vous, vous venez nous parler d’intérêts se recoupant !

En voilà, du culot ! En voilà, de la chutzpah !

Oui, vraiment, c’est de la chutzpah. Et il est très révélateur que vous vous soyez lancé dans une explication détaillée, ou tout du moins dans ce qui se voulait une explication, à propos de Suez, et que vous vous soyez bien gardé de dire qu’en 1967, Israël a été le seul pays, dans toute l’histoire des Etats-Unis, à savoir bombarder un navire américain sans même s’excuser – et sans recevoir de représailles de la part des Etats-Unis.

Mais pour vous, c’est une question de "force". C’est une question d’"influence". Et je pense que nier ces réalités… et dire : "ce sont simplement des intérêts qui se recoupent, les sionistes n’ont aucun pouvoir au sein du gouvernement américain, ou s’il s’agit bien de sionistes, ce sont des sionistes qui ne sont pas liés à Israël, etc…".

Etrange, cette variété de sioniste qui ne fasse pas acte d’allégeance à l’Etat d’Israël, non ?

Hagit Borer : Nous n’avons plus que cinq minutes. Je veux vous demander une ou deux choses dont j’aimerais traiter. Peut-être la plus importante a trait au fait que ce débat, à propos du Lobby israélien en général, n’a émergé dans les médias consensuels que depuis environ un an.

Bien entendu, cela est dans une large mesure dû à l’rticle de Mearsheimer et Walt puis, pourquoi ne pas le dire, par les attaques contre le bouquin de Carter. Il y avait des attaques, avant ça, et des évaluations, ainsi que des débats, sur le rôle du Lobby, avant ça.

Mais jamais ces critiques n’avaient été évoquées par les médias, et elles n’avaient jamais été recensées par, disons, la New York Review of Books, ni elles n’avaient jamais été débattues par des publications ou des médias importants aux Etats-Unis.

De fait, l’article de Mearsheimer et Walt fut, dans un premier temps, refusé par Atlantic Magazine, qui l’avait pourtant commissionné.

Aussi, peut-être pourriez-vous commenter un peu la raison pour laquelle ce débat finit par faire surface, et pourquoi il s’agit désormais d’un sujet de débat plus légitime qu’auparavant dans les cercles consensuels américains ?

James Petras : Très rapidement, je vais vous donner trois raisons : à cause du désastre en Irak, le public est ouvert au débat, en particulier en raison de la prééminence des sionistes dans la décision de faire cette guerre – aussi, je pense que vous avez une opinion publique ouverte en raison du mécontentement causé par la guerre et aussi en raison de leur préoccupation à propos de ceux qui nous ont précipités dans cette guerre et dans ce bordel.

Ensuite, il y a une lutte inter-élites aux Etats-Unis, actuellement, entre des secteurs de l’establishment militaire, des secteurs du Congrès, les conservateurs contre les pro-israéliens, contre les pro-guerre.

Enfin, il y a l’arrogance et la brutalité des sionistes, en particulier, de leurs organisations, qui se démènent pour tenter d’empêcher ce débat : cette arrogance et cette violence ont un effet en retour, et je pense que les gens en ont marre de l’interdit jeté par les sionistes sur la pièce de théâtre au sujet de Rachel Corrie, à New York et ailleurs – aussi, à mes yeux, telles sont les principales raisons.

Hagit Borer : James, désolé ; il faut qu’on se magne… Nous n’avons plus que quelques minutes. Plus qu’une minute et demie, me dit la régie !

Aussi, Norman, pouvez-vous nous faire une conclusion ?

Norman Finkelstein : Eh bien, je suis d’accord sur les raisons énumérées par Jim… peut-être ne les énoncerais-je pas de la même manière que lui. Il est clair que la débâcle en Irak constitue le cadre général de l’ouverture de ce débat.

A mon avis, ça n’est pas là le résultat le plus positif, car cela va sans doute se terminer, je pense, par la création d’un "bouc émissaire" des guerres désastreuses menées par les Etats-Unis.

A mes yeux, la deuxième raison, c’est le fait que l’approche israélienne, dont il semble qu’elle ait marché depuis 1967, à savoir cette approche consistant à recourir tout simplement à la force tous les quatre matins, conformément à la politique américaine, à appliquer une force disproportionnée, cette approche ne fonctionne pas.

Aussi, des questions se posent au sujet de l’"utilité" de la guidance d’Israël et de ses instructions sur la meilleure façon de contrôler le Moyen-Orient.

Cela n’a pas fonctionné, en Irak, et cela s’est avéré un désastre, au Liban, l’été dernier (juillet – août 2006).

Et la troisième raison, me semble-t-il, c’est qu’Israël est en passe de devenir, de plus en plus, ce que l’on pourrait qualifier de "république bananière boursouflée", avec des scandales quotidiens et cette sorte de gaspillage de ressources et que, de ce fait, Israël s’est aliéné de larges secteurs de l’opinion juive américaine "progressiste".

Hagit Borer : Je vous remercie infiniment, James et Norman. Je pense que nous devons conclure, maintenant, sur ce point d’accord entre vous deux.

Merci infiniment d’être venus répondre à mes questions.
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10 mai 2007 4 10 /05 /mai /2007 19:40
Salah
Stétié

Non à ce Dieu là !


Conférence-dialogue faite à Perpignan le 5 avril 2007,
dans le cadre du
Festival des Musiques sacrées


http://www.salahstetie.com/images/festival_musik.jpg

Dieu habite-t-il le XXIe siècle ? Il me semble que cela fait longtemps très longtemps, que Dieu, de quelque nom qu’on le nomme, n’habite plus la cité des hommes. Il a fui de peur d’être annexé, asservi aux passions médiocres et intéressées de ses créatures qui s’en servent, ainsi que l’ont fait en leur temps les Grecs d’Agamemnon, usant du Cheval de Troie. À l’intérieur du cheval : le grouillement des appétits, les hypocrisies, les armes camouflées ou étalées ostensiblement, la violence aveugle qui n’attend que son heure… Les fils d’Abraham sont à l’avant-garde de cette utilisation abusive de la Divinité. Néo-conservateurs américains, intégristes musulmans (sunnites ou chiites), faucons israéliens, extrémistes palestiniens ou libanais, racistes de tout poil, tous sont à mettre dans le même sac. Dieu, fut-il dit, a créé l’homme à son image ; à voir le train du monde, on peut dire que l’homme le lui rend bien. C’est désormais – dans la majorité des cas – un Dieu violent et rusé, un dieu cruel et irresponsable, un Dieu otage des ambitions des hommes et de leurs calculs exclusivement (et bassement) politiques qu’on présente à notre vénération. À notre dégoût.

Mon propos sera donc inévitablement en partie politique et en parti mystique, car désormais, dans le monde tel qu’on le voit vivre sous nos yeux et du fait de l’interférence réglant désormais les rapports concrets des hommes et le sens qu’ils entendent donner à leur destin spirituel, on voit les gouvernements prendre en compte cette relation inattendue – paradoxale même dans certains cas, ceux d’Etats démocratiques et laïques – et ne pas hésiter à mêler des vues plus ou moins “métaphysiques” à leur gestion des affaires publiques.

Mais éloignons-nous pour l’instant de ce type de considération et venons-en à ce qui apparaît aujourd'hui le plus grand des enjeux de l'avenir au regard, notamment, de l'aire méditerranéenne et de ses peuples. Les enjeux sont tous contenus dans une question unique: l'Europe va-t-elle se faire ? — je veux dire se faire au mieux et assez vite. Bien des faits indiquent, semble-t-il, qu'elle se fera, et même, malgré la conjuration des obstacles que l'on sait, qu'elle se fera de mieux en mieux et dans les délais acceptables. Avec ou sans la Turquie.

Tous ceux dont je suis, qui supportent mal l'idée de l'hégémonie américaine sur notre désormais si petite planète, ne peuvent que se réjouir de voir se constituer l'indispensable contrepoids dont la terre a besoin pour mieux tourner. Les Etats-Unis sont un grand pays et un grand peuple, mais, chacun en a conscience, ils sont en train de se métamorphoser en puissance impériale. Les empires, l'Histoire nous l'enseigne chaque jour un peu plus, ne peuvent, par leur nature même, engendrer que le mal. Les Etats-Unis sont en voie, hélas! de devenir l'empire absolu. C'est dire que si leur entreprise devait réussir, ils n'engendreraient, le voulussent-ils ou pas, que le mal absolu. C'est pourquoi, pour le salut de la planète, pour le salut des Etats-Unis eux-mêmes, il est vivement souhaitable que l'Europe se mette enfin à exister, et à exister fortement.

Il serait pourtant dangereux que ce soit une Europe "made in USA" qui soit appelée à voir le jour. Cette Europe-là, qui se ferait plus ou moins à Washington, avec la complicité de certains Européens pour qui l'Atlantique n'est tout au plus qu'un hiatus — insignifiant et franchissable —, cet Europe-là serait la pire des entités parce qu'elle ne serait qu'une illusion dramatique, au double sens de l'adjectif en qui se croisent réalité et fiction, une interlocutrice inventée pour les besoins d'une cause imaginaire et d'une dualité en trompe-l'œil, une symétrie contrefaite et contrainte, cela même qu'en termes d'architecture on appelle une fausse fenêtre et dont Pascal déjà condamnait l'usage proprement rhétorique. Une Europe née dans ces conditions-là, une Europe qui se formerait autour d'un axe Washington-Londres, ne serait qu'une contrefaçon d'Europe.

Les Empires, pour continuer d'exister, ont besoin d'ennemis contre qui mobiliser leur opinion interne, mais aussi la totalité de leurs alliés et de leurs clients. Rappelons-nous la lutte titanesque, dans tous les domaines, que se sont si longtemps livrés les Etats-Unis d'Amérique et feue l'U.R.S.S. Exit l'U.R.S.S. On agita le péril jaune. Le péril jaune, longtemps entretenu par les Américains, n'a pas totalement disparu, mais il a été déconnecté pour cause d'entrée de la Chine dans l’économie de marché et donc d'investissements rentables pour les uns et les autres dans une formidable mise en oeuvre de la séduction capitaliste. Il n'empêche : par Japon, Corée (du Sud et peut-être bientôt du Nord), Russie et désormais Afghanistan, le dispositif américain autour du nouveau géant planétaire se met en place, si même il est mis pour l'instant en veilleuse. Le nouvel ennemi, celui qui peut et doit mobiliser les foules et les consciences, l'inconscient collectif aussi bien, ce sera, c'est le péril islamique. Le péril existe, mais il n'est pas celui du choc d'une civilisation contre une autre comme le prétend Huntington. Ce péril est le fait – à côté de raisons politiques légitimes, pour dire non à la violence américaine – d'une poignée de dévoyés, j'entends de “dévoyés” par rapport à ce qu'est l'Islam véritable dans son enseignement véritable, Islam ouvert (j'y reviendrai), Islam d'accueil et de tolérance active et participatrice. L'Islam dévoyé, l'Islam dit "intégriste", il me faut d'ores et déjà le signaler, cet Islam-là, ennemi du monde et très particulièrement, cela va de soi, des Etats-Unis, n'est pas un Islam objectif tel que peuvent le rencontrer et le connaître les dizaines, les centaines de milliers de touristes qui fréquentent, pour leur bonheur et leur émerveillement, la rive sud de la Méditerranée. Mais avant d’aller plus loin, arrêtons-nous un instant en Iraq, aux frontières duquel — peuple martyr et condamné, semble-t-il, à le rester par on ne sait quelle obscure volonté israélo-texane —, on entend depuis quelques années résonner tous les tambours de l’enfer.

Les Etats-Unis, nul ne l'ignore, ont un extraordinaire génie du faire et du prendre. Pour des raisons que je ne souhaite pas exposer ici, je suis de ceux qui croient fermement qu'il y a une vingtaine d'années, l'Iraq, face à ce génie-là, est tombé naïvement, oui, naïvement, dans le piège qui lui a été tendu. Toute cette région du monde, Iraq y compris, toute cette écorce d'Etats brûlée de l'intérieur, dégage de puissants effluves de pétrole. On sait que celui-ci, le pétrole, est infiniment plus précieux au regard des richissimes nations industrielles que le sang des hommes qui ne coûte quasiment rien. Le liquide visqueux et noir, c'est lui, et lui seul, qui compte. Il fait battre passionnément le coeur des machines et celui des trafiquants en bourse. Il fait vivre ce qui tient lieu d'âme à cette nouvelle déesse planétaire baptisée Economie. De sorte que l’autre Dieu, celui d’Abraham – Dieu de justice et de paix, Dieu d’amour – on peut sournoisement le passer par profits et pertes.

Face à ces Etats-Unis qui n'ont que deux cents ans d'âge, l'Iraq a sept mille ans d'histoire connue: c'est dire s'il en a vu... Sumer, Babylone, Assur, Ninive, Bassorah, Bagdad, le Tigre et l'Euphrate, fleuves sacrés qui ont rang dans la mémoire des hommes et nom dans leurs légendes, l'intuition du Paradis terrestre et peut-être même outre-terrestre à  travers la quête de Gilgamesh et son voyage initiatique, une écriture sublime et subtile sur ces fameuses tablettes de terre cuite où nous peinons à déchiffrer nos origines, puis ces divinités qui donneront naissance aux nôtres par des décantations successives, Tammoûz par exemple, le dieu mort et ressuscité, après qui fera son entrée dans le cirque humain et spirituel Abraham le patriarche, prophète illuminé du Dieu unique avec, autour de lui et de ses anges, la verdoyante Chaldée,  plus tard encore, l'Islam s'étant imposé, Bagdad sera la capitale de l’empire des Abbassides qui fut puissant comme l'est de nos jours celui de Washington et, surgi de cet empire, tout l'éventail des arts et des sciences, les inspirations les plus hautes, qu'elles fussent poétiques ou mystiques, les medersa(s) les plus illustres, les architectures les plus raffinées, Mansour Hallâj et les Mille et Une Nuits... Voilà quelques-uns des titres à exister que l'Iraq — face aux chars, aux avions, aux technologies foudroyantes — peut aligner comme une armée immense et fragile, de qui les armes, les principales semble-t-il dont le pays disposait au début de l’invasion, étaient invisibles. Il n'en demeure pas moins qu'une vaste entreprise de déformation systématique de l'image du monde arabo-musulmane a été instituée et activée aux États-Unis et en Occident en général, campagne liée certes aux terribles et stupides attentats terroristes du 11 septembre mais aussi, outre le problème posé par l'Iraq, par les terribles retombées du problème palestinien. Certains (on voit lesquels) prétendent que l'Islam fanatisé va se constituer globalement en front armé, en moteur terroriste, et faire le siège de la civilisation occidentale, d'essence judéo-chrétienne, pour en forcer le seuil et la détruire. Cette thèse idiote sert des intérêt précis dont le champ d'action est le Moyen-Orient. Il s'agit de mobiliser contre l'Islam, ainsi gravement défiguré, la totalité de ceux pour qui l'Histoire est nécessairement dichotomique, pour qui il y a le Bien d'un côté et le Mal de l'autre, pour qui les grandes schématisations tiennent lieu de vision universelle. Et, derrière ce type de simplification, il y a, je le répète, des intérêts, rien que des intérêts. Ceux qui agitent un tel spectre d'épouvante sont ceux pour qui la domination par la force du Proche-Orient apparaît comme la seule solution de survie pour Israël, ceux aussi, les mêmes ou d'autres, qui veulent que le pétrole arabe reste sous gestion américaine. On monta en épingle la folle, l’absurde dérive des talibans d'Afghanistan, on exploita hier la situation algérienne, on montra et on montre toujours du doigt le Hezbollah libanais et le Hamâs palestinien qui ont une vocation affirmée à se transformer en mouvements politiques, une fois la paix advenue. Je suis le premier à dénoncer les intégrismes et à m'élever contre eux, là où ils ont existé, là où ils existent ; je suis l'un des premiers à avoir dit, face à des situations d’irrationalité, à des comportements irresponsables et fanatiques, qu'ils n'ont rien à voir avec le véritable message de l'Islam lequel est, comme les autres messages abrahamiques, fait d'ouverture interculturelle et interreligieuse, d'amour des hommes et d'appel à la paix des nations. Ressouvenons-nous de l'Andalousie des XIIe-XIIIe siècles qui reste une modèle de coexistence active et créatrice pour l’humanité entière. Que dit, au sujet de l'interculturalité et de la tolérance, l'Islam véritable ? Que dit le Coran ? Ce qu'il dit est à opposer à tous les délirants, à tous ces "fous d'Allah" qui ne seront jamais que l'arbre médiocre qui cache la forêt. On lit, de fait, dans la Sourate XLIX, "Les appartements privés", verset 13 (a) :

Ô vous les hommes!
Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle.
Nous vous avons constitués en peuples et en tribus
pour que vous vous connaissiez entre vous.

(traduction de Denise Masson)

Une traduction encore plus précise donnerait: "pour que vous vous entre-connaissiez", qui dit mieux, me semble-t-il, l'acte de connaissance active et réciproque que nous appelons aujourd'hui le dialogue interculturel, et que le Coran, dans le verset cité, place aussi bien dans les relations homme-femme que dans les rapports entre peuples et communautés humaines. C'est donc, d'après le Coran, Dieu lui-même qui a voulu, suscité, provoqué la différence sans laquelle il n'y aurait pas de justification à cette tentation d'approche de l'autre, à cette tentative de l'amener vers soi tout en allant vers lui, laquelle est, à proprement parler, l'objet central de l'échange entre les humains, de leur découverte réciproque, et sans doute émerveillée, par quoi se définit justement, et au sens le plus moderne du terme, le dialogue des cultures et des civilisations dans leur diversité. Et que la femme, elle aussi directement citée, soit partie prenante à cette différence souhaitable et souhaitée, à cette distance annoncée comme telle mais réductible, à cette réciprocité et à cette entre-connaissance, ne peut que souligner encore plus l'extraordinaire originalité de cette position culturelle et sa modernité. Le responsable politique lui-même, si haut placé fût-il, n'échappe pas à cette exigence de dialogue et de justice: de justice par le dialogue. Le premier devoir du responsable, de celui qui exerce la wilayat — le "vicariat" — au nom de Dieu est d'être "capable", c'est-à-dire essentiellement d'être juste. Tout wali chargé des affaires des hommes, dit un hadîth, comparaîtra devant Dieu, le Jour Dernier, «la main liée au cou». Seule l'équité dont il aura fait montre durant son temps d'exercice du pouvoir pourra la délier. Le désir de justice est si fondamental dans l'âme arabe et musulmane que l'essayiste égyptien Georges Henein pouvait naguère écrire ces lignes intuitives, éclairantes de bien des comportements: «Le désir de la justice crée [dans l'âme arabe qui se trouve être ici le témoin le plus significatif des réactions de l'âme musulmane en général] un bouleversement dont l'esprit occidental ne saisit pas toujours la portée et l'ampleur. L'Européen s'arrange avec le désir de justice. Il profère aussitôt une procédure d'appel et, dans un certain sens, entre dans le jeu de l'injustice. Il n'en va pas de même avec l'Arabe. Chez lui, le refus ou la parodie de justice provoque une révolution ontologique. C'est tout son être qui est changé, comme sont changés sa vision et le regard qu'il pose sur le monde ». Ainsi pourrait s'expliquer, entre autres, le terrible déni de justice ressenti comme un tremblement de terre par l'inconscient collectif des Arabes et des musulmans en général à la création de l'Etat d'Israël sur une terre qui fut arabe sur plus d'un millénaire et qui est, à cause de Jérusalem, aussi sacrée pour l'Islam qu'elle l'est pour le Judaïsme ou le Christianisme : Jérusalem n’est-elle pas la troisième ville sainte de l’Islam, celle vers qui avait été orientée la prière des musulmans des premiers temps et vers qui, à nouveau, sera orientée leur prière des derniers temps ? Et n’est-ce pas vers Jérusalem que le Prophète de l’Islam a été, d’après la tradition, transporté de nuit par l’équidé al-Bourâq puis conduit de là au septième ciel par l’ange Gabriel jusqu’au pied du Trône d’Allah ? Les pays arabes, dans leur ensemble, ont fini par accepter Israël. Ce dernier, quant à lui, n’a pas encore pris son parti d’accepter le monde arabe et de parier sur la paix.

Je voudrais, pour terminer, évoquer en quelques mots la notion si malmenée et si mal comprise — et souvent par les musulmans eux-mêmes — de djihad. Ce mot est employé aujourd'hui à tort et à travers, avec une connotation fortement négative sur fond de terrorisme "islamique" et d'attentats-suicide. Essayons de cerner rapidement son vrai sens et sa portée.

Le Coran décrit les fidèles comme des gens qui font régulièrement leurs prières, qui paient le zakat (ou impôt religieux obligatoire), tout en sacrifiant leurs biens matériels et en domptant leur nafs, leur "ego", sorte d'âme inférieure par rapport à rouh, qui est lever de l'âme supérieure, avide de dépassement. A plusieurs reprises dans le Coran est évoquée cette lutte contre al-nafs, en vue de la dompter. Ce combat contre al-nafs, autrement dit cette volonté d'ouverture à la lumière de Dieu et à la présence de l'autre, est l'objet du vrai djihad. Pour signifier l'action guerrière proprement dite, deux autres mots sont utilisés par le Coran: le mot harb et le mot qitâl dont l'usage est directement militaire.

En quoi consiste ce grand djihad dont Muhammad avait souligné l'importance après sa victoire écrasante à Badr contre les polythéistes de La Mecque et leurs alliés ? A l'issue de cette bataille,  dans un hadîth célèbre et souvent cité, le Prophète de l'Islam a dit: « Cela n'est que le petit djihad . C'est maintenant le grand djihad qui commence. » Les guerriers, vraisemblablement choqués par ce propos, répliquèrent: « Mais justement c'est notre plus grand ennemi que nous venons de vaincre.» Muhammad répliqua: «Non, votre plus grand ennemi réside en vous-même: c'est votre nafs, votre ego ». Le Coran, lui aussi, s'exprime à ce sujet:

Oui, nous dirigerons nos chemins
Ceux qui auront combattu
(jâhâdou) pour nous.
Dieu est avec ceux qui font le bien.
(XXIX, 69)

Et dans une autre âya de la même sourate:

Celui qui lutte (jâhada) ne lutte que pour lui-même
(li-nafsih)
Dieu se suffit à lui-même,
il n'a pas besoin de l'univers.
(XXIX, 3)

Le grand poète soufi du XIIIe siècle, Djelal-Eddine Roûmi, fait appel, pour vaincre la nocivité de l’ego, autrement dit du “moi” limité sur lui-même et fermé sur ses instincts, au Maître exemplaire, au "Pir", à celui qui marche en avant sur la Voie. Voici les conseils qu'il livre dans l'une de ses Rubay'ats ou quatrain :

Ne te sépare jamais du prophète de ton temps
Ne fais jamais confiance à tes actes
Rien ne peut vaincre
al-nafs que l'ombre du Pir
Prends l'habit de cette personne capable de tuer
al-nafs.

L'Imam étant celui qui a définitivement vaincu son nafs, le Prophète Abraham-Ibrahim sera donc, aux yeux des mystiques soufis, puisque l'Islam a vocation universelle, l'Imam de l'humanité toute entière.

Cette conception évolutive de la perfection spirituelle suppose un djihad continuel entre le principe de vie en l'homme, symbolisé volontiers, dans la tradition "soufi", par un aigle ou un ange, et le principe de régression ou de mort, symbolisé souvent par un dragon. Le rappel de Pascal ici s'impose : « L'homme n'est ni Ange ni bête, mais le malheur est que qui veut faire l'Ange fait la bête. » Combat perpétuel pour assurer le triomphe final de l'Ange. Tout le processus évolutionnel est là. L'interrompre est violence faite à l'homme, à tous les hommes. L'admirable, et mystérieux, hadîth muhammadien, qui a fait couler beaucoup d'encre: «Mourez avant que la mort ne vous prenne» est, de l'avis de tous les théologiens et de tous les mystiques, une incitation à pratiquer le fana', l'extinction de soi, au moins d'une étape de soi, pour que ne s'arrête pas la dynamique ni la relance spirituelles. En aucune façon ne sont justifiés par ce propos ou quelque autre, ni le suicide, ni l'attentat-suicide. Cette arme des désespérés qu’est l’attentat-suicide, pour déplorable qu'elle soit, même au vu de leur immense désespoir (désespoir politique que certains disent comprendre de par ses racines de douleur et le déni qu'il figure d'une dignité humaine ostensiblement niée)[1], cette arme ne fait nullement partie de la panoplie ni offensive ni défensive du Coran. La grande règle, humaine et divine, la voici telle qu'elle est clairement énoncée dans le Livre sacré: le Coran, après avoir retracé l'histoire des "deux fils d'Adam" et du meurtre de l'un d'entre eux (V, 27-32) (les auteurs musulmans les appellent : Qabil pour Caïn, et Habil pour Abel) ajoute, —  c'est Dieu qui parle:

Voilà pourquoi nous avons prescrit aux fils d'Israël:
"Celui qui a tué un homme (injustement)
est considéré comme s'il avait tué tous les hommes
et celui qui sauve un seul homme
est considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes.»
[2]

Au niveau où nous sommes parvenus, qui est, on le voit bien, lieu de la plus haute convergence (et tout ce qui est inspiration mystique converge), on peut rappeler, à la suite de Frithyof Schuon[3], que pour l'Israélite et pour le Chrétien, la perfection et la sainteté, c'est d' « aimer Dieu de tout [son] coeur et de tout [son] pouvoir » (Deutéronome, VI, 5) ou «de toutes [ses] forces» (Mathieu, XXII, 37), cela, pour le Juif, à travers la Thora et l'obéissance à la Loi, et pour le Chrétien par le sacrifice vocationnel "d'amour". La perfection ou la sainteté, c'est, pour le Musulman, de croire de tout son être « qu'il n'y a de Dieu que Dieu » — lâ ilâha illâ'Llah — et, par voie de conséquence, que Muhammadun rasûlu'Llah, « Muhammad est le Prophète de Dieu ». Non pas l'amour, l'amour seulement, mais — et c'est ce qui fait la force de l'Islam dans l'univers "désamouré" qui est le nôtre — l'intensité brûlante de la foi, d'une foi que plus d'un milliard d'hommes partagent. Ultime hadîth qui exprime bien, au sein de la crainte révérencielle, l'incandescence de cette relation palpable dans sa "sincérité". « La vertu spirituelle consiste à adorer Dieu comme si tu le voyais et, si tu ne Le vois pas, Lui te voit ».

Voir, c’est la relation absolue. C’est être soudain contenu dans l’attention portée à l’autre et par l’autre pour s’opacifier en lui à la façon d’une ombre indissoluble ou, à l’inverse, se dissoudre unitairement dans sa profonde et mystérieuse lumière. 

Salah Stétié


[1] Elle est utilisée aujourd’hui surtout en Iraq, contre la présence américaine et entre les diverses communautés elles-même.

[2] Ce qui n’est pas sans rappeler le mystique juif Maïmonide, du XIIe siècle qui, lui aussi, a lu le Coran : « Celui qui est cause de la destruction d’un seul être sur la terre peut-être considéré coupable d’avoir détruit tout un univers. Celui qui donne son aide à un seul être humain sur la terre peut être considéré comme ayant aidé tout l’univers ».

[3] Comprendre l'Islam, Gallimard, Paris, 1961

Un monsieur qu a du flair


Tout le monde connaît M. Houllebecq qui, à chaque fois qu’il le peut, sait être présent sur tous les médias à la fois. C’est un auteur à la mode et quand, dans le petit monde parisien, la mode s’empare de quelqu’un, ça fait d’immenses tempêtes dans un verre d’eau.

Je n’ai aucune qualité pour juger du talent proprement romanesque de cet écrivain à succès et à scandale : je n’ai pas lu ses romans, si je les ai feuilletés un peu. Mais Houellebecq se veut aussi poète. J’ai quelques titres, me semble-t-il, à juger de la production poétique de ce brave méchant jeune homme : elle est nulle, vingt au-dessous de zéro, des vers confondants de platitude et tels qu’un lycéen de quinze ans, ayant le goût des rimes, n’oserait les imaginer ni les écrire ni surtout les publier.

M. Houellebecq, lui, publie. C’est étrange et c’est psychanalytiquement intéressant de voir comment un auteur comblé par la presse et dopé par de prodigieux tirages n’en a jamais fini de chercher à être plus connu encore et, si possible, plus comblé. Un coup d’éclat n’y suffisant pas, il en rajoute et remet ça. Cet écrivain "très tendance" vient de se payer un bien beau succès de librairie en vantant la prostitution en Thaïlande à savoir l’exploitation éhontée de victimes achetées au marché de la chair humaine et revendues. Le monde entier a fait du cas symbolique de la Thaïlande un point d’horreur particulièrement répulsif : M. Houellebecq, lui, applaudit à la prostitution généralisée. Cela choque, cela fait grand bruit dans le Landerneau littéraire et cela va jusqu’à mobiliser les consciences et les ligues humanitaires, celles qui défendent (les pauvres !) les droits des femmes et des enfants. Publicité assurée, tohu-bohu médiatique, surplus de ventes : le rêve, quoi !

Mais ça ne suffit pas à notre Don Quichotte de la publicité auto-suffisante. On peut faire mieux : Salman Rushdie, par exemple, a fait plus fort il y a une dizaine d’années en s’attaquant au Prophète de l’Islam. Il ne faut pas rater l’occasion d’aller plus loin si l’on peut : l’insulte faite à l’Islam est payante, attaquons-nous donc à l’Islam, à la religion la plus con, dit notre auteur avec son sens habituel de la formule. Cela suppose, évidemment, que M. Houellebecq connaît à fond toutes les religions et qu’il peut juger, avec nuance et hauteur de vue, de leur valeur et de leur portée. Sa position médiatique privilégiée fait de lui une autorité de référence, un "Monsieur-je-sais-tout-et-davantage". Il a évidemment lu le Coran qui le laisse effondré, dit-il, effondré ! Pour que M. Houllebecq récupère un peu, on pourrait lui conseiller d’aller faire un tour, lui qui aime voyager, non en Thaïlande pour une fois, mais, par exemple, en Andalousie, à Cordoue ou à Grenade, ou encore en Sicile, à Palerme, pour ne prendre que des destinations proches et où l’Islam, un jour, a fécondé l’Europe jusqu’à cette ancienne Flandre de haute ripaille dont M. Houllebecq est, semble-t-il, lointainement le fils.

M. Houellebecq accuse l’Islam d’avoir des valeurs méprisables, d’être cruel, et d’être destructeur. Voici ce que dit un des personnages de ce romancier, qu’il faut croire humaniste, dans
Plateforme, roman qui sert de plate-forme, précisément, à sa nouvelle campagne littéraire et publicitaire. On remarquera, au passage, que l’imagination créatrice de M. Houellebecq n’est, elle, ni cruelle, ni destructrice, ni méprisable. Citation du passage en question (l’auteur, bien entendu, n’y étant pour rien) : Chaque fois que j’apprenais qu’un terroriste palestinien ou qu’un enfant palestinien ou qu’une femme enceinte palestinienne avaient été abattus par balle à Gaza, j’éprouvais un tressaillement d’enthousiasme. On le voit : les personnages de M. Houellebecq ont l’enthousiasme grandiose et le cœur solidement accroché.

M. Houellebecq dit par ailleurs pour se justifier : Il semble que j’aie une espèce de flair de cochon pour déceler ce qui va faire mal à la société autour de moi.

M. Houellebecq semble ne pas aimer l’Islam parce que l’Islam n’aime pas le cochon.

 

 

 

LARME LIMINAIRE

Les Etats-Unis d’Amérique ont un peu plus de deux cents ans d’âge. Avant, c’était la grande étendue indienne que des Blancs, souvent libérés des prisons de la vieille Europe, allaient conquérir brutalement pour y établir, par élimination passionnément mise au point, la suprématie de l’homme au visage pâle. Et, afin de mieux aider à l’instauration de cette suprématie, les Blancs allaient très vite faire appel, un appel contraignant, à des ilotes noirs qui leur serviront à la fois de bras et de dos ouvriers ainsi que de pathétiques faire-valoir.
La statue de la Liberté allait pouvoir bientôt tenir haut sa flamme au large du port de New York et la plus morale des grandes démocraties distribuer au monde entier blâmes et satisfecit. Et voici que deux siècles après l’invention des Etats-Unis, il n’y a plus de problème indien – et pour cause – et, s’il existe encore un récurrent problème noir, on peut être assuré que la puissance américaine, marteau-pilon de l’univers, finira par le broyer. Les Etats-Unis règnent et régentent.

Face à cela: l’Iraq. L’Iraq a sept mille ans d’histoire connue: c’est dire s’il en a vu... Sumer, Babylone, Assur, Ninive, Bassorah, Bagdad, le Tigre et l’Euphrate, fleuves sacrés qui ont rang dans la mémoire des hommes et nom dans leurs légendes, l’intuition du Paradis terrestre et peut-être même outre-terrestre à travers la quête de Gilgamesh et son voyage initiatique, une écriture sublime et subtile sur ces fameuses tablettes de terre cuite où nous peinons à déchiffrer nos origines, puis ces divinités qui donneront naissance aux nôtres par des décantations successives, Tammoûz par exemple, le dieu mort et ressuscité, puis viendra Abraham le patriarche, le prophète illuminé du Dieu unique avec, autour de lui et de ses anges, la verdoyante Chaldée, puis, plus tard encore, ce sera le royaume des Abbassides qui fut puissant comme l’est de nos jours celui de Washington et, surgi de cet empire, tout l’éventail des arts et des sciences, les inspirations les plus hautes, qu’elles fussent poétiques ou mystiques, les mederssa(s) les plus illustres, les architectures les plus raffinées, Mansour Hallâj et les Mille et une Nuits... Voilà quelques-uns des titres à exister que l’Iraq – face aux chars, aux avions, aux technologies foudroyantes – peut aligner comme une armée immense et fragile, de qui les armes, les seules dont le pays dispose désormais, sont invisibles.

Les Etats-Unis, nul ne l’ignore, ont un extraordinaire génie du faire et du prendre. Pour des raisons que je ne souhaite pas exposer ici, je suis de ceux qui croient fermement que l’Iraq, face à ce génie-là, est tombé naïvement, oui, naïvement, dans le piège qui lui a été tendu. Toute cette région du monde, Iraq y compris, toute cette écorce d’Etats brûlée de l’intérieur, dégage de puissants effluves de pétrole. On sait que celui-ci, le pétrole, est infiniment plus précieux au regard des richissimes nations industrielles que le sang des hommes qui ne coûte quasiment rien. Le liquide visqueux et noir, c’est lui, et lui seul, qui compte. Il fait battre passionnément le coeur des machines et celui des trafiquants en bourse. Il fait vivre ce qui tient lieu d’âme à cette nouvelle déesse planétaire baptisée Economie.
Badr Chaker es-Sayyâb a toujours su et dit, dans les admirables élégies qu’on va lire, les plus belles qu’ait produites la poésie arabe contemporaine, que les dieux ont soif.
Il pensait essentiellement à Tiamat ou à Cerbère et à ces quelques autres monstres de Mésopotamie qui n’étaient, si l’on ose dire, que des buveurs de sang. Dieux qui flambent rouge sur noir dans son poème, non, plutôt rouge sur blanc ou, mieux encore, blanc sur blanc, car le désert porté à la température du métal fondu peut se transformer en cette pure et sèche incandescence, cette stérilité décidée. Badr n’aura pas connu, étant mort en 1963, la citadelle assiégée par ciel, terre et mer qu’est devenu son pays, qu’est devenu son peuple. Peuple martyrisé depuis dix ans pour cause de péché originel selon l’absurde logique que l’on sait, qui veut qu’une fois qu’on a commencé à payer pour une histoire mal gérée de pommier, on ne doive plus jamais s’arrêter de le faire.
Or la loi de Mammon n’est pas moins sévère que celle de Dieu. Les nations de la chrétienté occidentale, fastueusement établies sur les deux rives de l’Atlantique, ne regardent pas de ce côté-là du monde où, depuis une décennie, l’on offre à la divinité graisseuse des enfants barbouillés d’or noir, et qui meurent. Badr, pour des raisons de proximité géographique et spirituelle, se croyait un vrai voisin du Christ, de celui dont fut dressé jadis sur le Mont surplombant Jérusalem le bois compassionnel. De ses yeux de juste, il pleura plusieurs fois dans son poème cet essentiel témoin.
Où est-il aujourd’hui, le surgisssant au violent fouet, le Dieu qui fit pleuvoir sa lanière de cuir sur le dos et les bras des marchands du Vieux Temple, temple ruiné, mais qu’un autre, bien plus rutilant et dominateur, dorénavant remplace. Badr, là où il se trouve, sait-il que le Christ d’Occident s’est retiré de la partie: lui, ses Evangiles, sa Charte, son ONU, sa Déclaration Universelle des Droits de l’Homme?
L’homme, quel homme?
Les enfants d’Iraq disparaissent tous les ans par milliers et cela n’a pas plus d’importance qu’une pluie d’éphémères: qui songerait, quel rêveur impénitent, à vraiment mettre en balance la douleur des uns et le dollar des autres ? Je dis cela maintenant, une fois pour toutes, avant que d’entrer dans le vif du sujet. Je le dis pour n’avoir pas à y revenir.
J’avais une larme qui, depuis dix ans, me brûlait la paupière.
Larme honteuse et que je pleure enfin, pour m’en délivrer, face à chacun, dans notre commune honte.

Ce texte est la préface du livre de Badr Chaker es-Sayyâb, Les poèmes de Djaykoûr que Salah Stétié a publié chez Fata Morgana en 2000, dans une nouvelle traduction.

http://www.salahstetie.com/images/Badr.gif

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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 20:04
Censure, autocensure, même combat même délire…  
Par
  NEJIB


Pour ce qui est de la censure comme arme de destruction de la capacité d’un peuple à réagir aux événements , à l’événement , à la propagande et la désinformation de la dictature , pour la combattre ou au moins la réduire efficacement , la preuve n’est plus à faire du côté de ben Ali ; la censure la plus aveugle est à la base de tout son pouvoir , ce qui est plus grave c’est que de côté d’un certain clan supposé le combattre et s’opposer à lui , elle est aussi cette maladie bien de chez nous ,  un des recours infaillible au musellement d’une opinion  que ces clans d’aliénés n’hésitent pas de mépriser  , à traîner dans la boue , à la traiter de lâche et d’attentiste.

La lecture du dernier rapport de l’IFEX, où il s’agissait de recenser les sites tunisiens d’opposition à ben Ali, les petits dictateurs tunisiens de l’opposition pratiquent  comme la dictature, au début j’avais cru que c’est l’IFEX qui désignait   ceux qui sont dignes d’être considérés comme opposants tunisiens ou pas, je me suis aventuré  à leur poser la question, et à ma grande surprise  les gens de l’IFEX  en ce qui concerne l’état de l’opposition tunisienne, sont informé par une « ONG » tunisienne, et par une personne qui se dit indépendante du microcosme  et qui joue à la figure de proue de cette opposition sans l‘once d’une crédibilité, ancien fonctionnaire du système le clientélisme n’a aucun secret pour lui, certains aliénés à la sortie  de la fumeuse réunion d’AIX avaient voulu l’imposer à toute l’opposition tunisienne comme un leader naturel, rassembleur et crédible, alors que tout le monde sait le dérisoire et l’artifice de l’usurpateur, les militants surtout en Tunisie sont  convaincus par la lâcheté du personnage et sa mesquinerie, bref, comment prendre au sérieux ces opposants  simulateurs et usurpateurs qui se permettent d’opprimer et de réprimer  par la censure, le galvaudisme et la magouille ? BEN ALI ne fait pas autre chose, les tunisiens dans un cas comme dans un autre ont bien raison d’être indifférents. Franchement qui en Tunisie  parmi les opposants a le vécu  politique et humain d’un SALAH KARKER, d’un M.MARZOUKI  ou d’un A.MANAÏ pour ne citer que ces trois sur une liste  très restreinte  d’opposants tunisiens intègres et crédibles, ces derniers preuve à l’appui se comptent sur les doigts des deux mains, pas plus. Or sur cette liste de l’IFEX fournie par cette « ONG » et ce politicien véreux et  racoleur qui se dit indépendant,  beaucoup de sites  tunisiens démocratiques comme TUNISNEWS, CPR ect…sont cités et pas des sites comme ELKHADRA, et surtout TUNISTRI d’AHMED MANAÏ , un site de réflexions et de propositions, qui même par respect pour le combat et le sacrifice de son fondateur mérite d’être en tête de cette infâmante liste de l’IFEX, en fait cette magouille  fait la démonstration encore une fois de l’incompétence et de la paranoïa de l’opposition tunisienne, elle mérite le mépris des tunisiens et les coups de pompes au cul de ben Ali.

 

-l’épisode des « négationnistes » tunisiens fromentée entre autre par ce politburo  de ces nuisibles frustrés a laissé des traces dans l’opinion d’un cercle réduit de tunisiens(car il faut pas exagérer dans le mensonge , leur littérature ne circule pas sous le manteau , cela fait 3 ans que je suis entre la  France et la TUNISIE , le reste de ma vie je l’ai passé en Tunisie et je peux vous affirmer que j’ai fréquenté le petit milieu politique tunisien , et j’ai des amis de tout âges et toutes tendances confondues , je peux affirmer que personne n’a jamais entendu parler de leurs délires , et d’ailleurs le grand public tunisien celui qui compte n’a rien à foutre de ce  genre d’onanisme  de prétendus intellectuels à la noix , pousse toi que je m’y mette).Voilà une petite bande de pieds nickelés convaincus de leur mission salvatrice , de cette opinion tunisienne virtuelle et qui ne peut-être à leurs yeux honorable que si elle s’aligne sur leurs critères et répond aux choix qu’ils ont fait pour elle , eux qui pour la plus part n’ont aucune idée de ce qu’est la Tunisie , ni des attentes du peuple tunisien  , ils nous inventent une Tunisie  dans le chaudron  de leurs rêves les plus obsolètes et les plus surannés ,  guidés à la trique par des matrones , des immaculées conception en dentelles petites bourgeoises qui en allongeant la thune veulent aussi sous peine d’hystérie allonger le tune (j’ai pris cette expression d’une amie très chère , elle déteste la vulgarité , mais j’en profite  elle est en convalescence et je lui souhaite bon retour et tout mon amour fraternel) , le tourisme politico-sexuel quoi ? M’rci bwana, m’rci m’dame, m’rci m’isié. Dans cette affaire bidon , ils ont jeté des personnes honorables à la vindicte du dictateur , du penser correcte sioniste qui n’hésite pas à assassiner en France et en Tunisie d’ailleurs , l’opinion tunisienne et ce petit cercle réduit  qui lit ce genre de torchon  en général s’est gaussé de ce genre de vanité , elle sait qui est SFAR , MANAÏ et les autres , elle sait qu’ils n’ont rien à voir avec le nazisme et le négationnisme , par contre ceux qui les attaquent sont identifiés comme la voix de Sion dans nos contrées et nous ferons toujours le nécessaire pour que ce genre d’intrus et de mercenaire soient dénoncés .Aussi à ce niveau leur censure a encore joué , SFAR et les autres n’ont pas eu le droit de se défendre et leur droit de réponse à ces ignominies contesté et refusé ; belle image de ce combat des idées  , de la tolérance qui reste un vain mot pour ces gens là . Viennent par la suite la compilation des textes islamophobes, et la réaction de Derbali et certains autres qui furent à leur tour voués aux gémonies, par la cinquième colonne, et pire encore  par les mégères d’un gauchisme dilettante qui a de tout temps fait du mal aux tunisiens, quand il n’a pas collaboré avec ben Ali.

 

Autre génération , autre exemple et leurs méthodes ne changent pas .Les textes publiés sur ELKHADRA ne sont pas des appels au meurtre , comme ils disent ,  comparés aux écrits de « la presse «  , « d’echourruk «  , de « l’action » , « du temps » ou même à mes  écris ou à certains des leurs , habitués qu’ils sont aux copier-coller , sûr qu’ils ne courent aucun risque , et même si les textes de mes amis d’ELKHADRA  seraient susceptibles d’emmener qui que ce soit devant les tribunaux , il est plus que sain et c’est dans l’ordre des choses et c’est de la pure résistance de prendre tous les risques pour des gens comme eux , surtout et y compris ici en France , le risque confortable de la justice , mais effectivement  cela ne peut être dans des sites colonisés la moindre prise de risque , tout reste du niveau de l’anathème et du verbiage et Zinétron en a pour cent cinquante ans . Lisez SFAR, lisez MANAÏ, lisez TUNISTRI, lisez ELKHADRA vous êtes dans la Tunisie profonde et debout .Lisez les  jeunes courageux, lisez tout ce qui est irrévérencieux qui ne respecte aucune règles  car c’est en eux que se définit et s’exprime sans fard ni maquillage la liberté, allez sur leurs sites et blogs, oui c’est cela aussi la Tunisie de demain et nos frères à jamais réunis, nous vivrons paisiblement notre pays  avec nos différences et dans la liberté.

 

c’est cela aussi, c’est cela surtout  la Tunisie pas celle que nous fabriquent certains tenanciers et tenancières de l’absurde  , et comme disait FERRE ils croient que ce sont les rince-doigts qui font la propreté  ou les baisemains qui font la tendresse .Ces gens là censurent des gens  qui eux  risquent leurs vie en Tunisie par leurs écrits , et eux se promènent librement dans les artères tunisiennes, ou sont  installés à Paris et  pleurnichent devant des risques « juridiques » grotesques et ils accusent les gens d’attentisme ??? faut croire que les mots n’ont plus aucun sens et que dans ce monde de pollution ,  les vautours arrivent des fois à se prendre pour des aigles .Merci TUNISTRI, merci ELKHADRA de demeurer des espaces de liberté pour votre courage et vos écrits , continuez , il serait peut-être temps que nous organisons une nuit de cristal pour les tortionnaires en Tunisie , cela remettra peut-être tous les cons à leur place . Exprimez vous, jouez au trompe la mort dans cette Tunisie d’outre tombe, pour le faire et malgré  ces parasites, il faut vraiment en avoir, et vous à mon humble avis vous en avez. Sûrement plus que vos censeurs

Nejib   Slama

Maître conférencier à l’école des mines de Paris.

Et à la faculté des sciences de Tunis.
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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 20:03
L'empire a soif ...
  Par
MARIELI


Sur le sentier de la guerre

A Boire ! A boire ! Soif .

L'empire a soif. L'empire a soif de pétrole . L'empire est sur le sentier de la guerre.

 

http://perso.orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/petroles/chien-renifleur.jpg

 

Une soif inextinguible le hante , le harcèle, pourrit ses nuits, accable ses jours.

L'empire rumine , l'empire cogite des plans de conquête qu'il entasse comme Pélion sur Ossa. Il rêve de gisements , de millions de barils, d'un réseau de pipe-lines enserrant le globe .

 

http://perso.orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/petroles/araignee.jpg

 

L'empire rêve de tuyaux aboutissant sur ses côtes ou se déversant directement dans la bouche de ses habitants et les réservoirs de ses automobiles. Tel un goéland prisonnier d'une marée noire, l'empire est englué dans des rêves de pétrole. Vingt millions de barils du précieux nectar sont injectés chaque jour dans les rouages de la machine impériale .

D'aucuns se plaignent et glapissent qu'il s'agit de l' équivalent de la totalité de ce qu'avale la circulation automobile sur le reste de la planète. Et alors ! répond l'empire dans un haussement d'épaules dédaigneux : quand les dieux ont soif, ils doivent être rassasiés, telle est la loi de l'empire sous le règne de sa Majesté Picrochole second.

 

http://perso.orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/petroles/soif.jpg

 

Ah ! les limousines de l'empire ! Si belles, si puissantes, si rutilantes avec leurs chromes étincelants, vastes comme des tramways dans lesquelles des Rowiens faméliques pourraient s'entasser à cinquante sans compter les cageots de légumes, les paquets de victuailles et les poules. Ces merveilles biberonnent hardiment quelque vingt litres de précieux nectar tous les cent kilomètres et en absorbent jusqu'à cinquante pour les plus gourmandes, celles dont les carlingues haut perchées sur quatre roues motrices vous donnent la délicieuse sensation de conduire un semi remorque.

Quant aux normes de protection contre la pollution, Pffttt ! Ils laissent ces contraintes aux sous-hommes, à ces Rowiens qui n'ont pas l'insigne privilège de vivre au paradis .

 

http://perso.orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/petroles/gaia.jpg

 

Le labeur d'assouvir la voracité insatiable de leurs limousines soiffardes, des systèmes de chauffage et de climatisation qui leur assurent en toutes saisons la douce température qui convient à leurs organismes subtils, des usines construites sans aucun souci d'économie d'énergie ou de protection de l'environnement, des aéronefs gloutons, tout cela occupe les Picrocholiens de l'aube au couchant. Foin des économies. Les élus sont d'une essence si délicate que même les stades sont chauffés et climatisés. Des notions telles que "économie d'énergie" et "respect de l'environnement" n'ont pas d'équivalent sémantique dans le vocabulaire de l'empire picrocholien.

Toujours plus

L'empire est vorace et sa rapacité est sans limite . Représentant moins de quatre pour cent de la population mondiale, il consomme le tiers de l' énergie de toute la planète. Rien n'est trop beau pour les Picrocholiens .

Du nord au sud et de l'est à l'ouest , de toutes les provinces de l'empire un grand cri monte jusqu'aux nues: "Oil ! Oil !" Ce qui traduit en Rowien signifie : Nous voulons du pétrole très bon marché !"

http://perso.orange.fr/aline.dedieguez/mariali/picrochole/petroles/rapace_assoiffe.jpg

Une mélopée gémissante et accusatoire scande sur tous les tons les discours des politiciens : "Des terroristes jaloux veulent détruire notre mode de vie", se lamentent-ils . Un slogan met la classe politique picrocholienne en transes: "Sécurité énergétique" hurlent-ils à tue-tête !

C'est pourquoi le premier commandement et le pilier central de la puissance mondiale de l'empire est de faire main basse sur les pays producteurs du précieux or noir.

D'ailleurs, la source des richesses privées des dirigeants actuels de l'empire - les Bush et les Cheney - est le pétrole du Texas. Mais la presque totalité leur entourage est issue de l'industrie du pétrole, à commencer par Mme Condoleezza Rice, actuelle responsable de la politique internationale.

L'empire avait la chance de disposer de gisements abondants . Mais à force de biberonner sans compter , il a quasiment épuisé ses propres ressources et il est maintenant condamné à importer 72% de ses besoins . C'est pourquoi, comme le disait crûment un éminent picrocholien, M. Lee Raymond, patron d'ExxonMobil, "Il faut bien aller là où est le pétrole ". Et son collègue, Fadel Gheit, ancien directeur du même groupe pétrolier , reconnaît froidement qu’en ce qui concerne la guerre en l’Irak, il ne s’agit pas de la lutte contre le terrorisme mais avant tout du contrôle des réserves de pétrole et de gaz naturel qui diminuent dans le monde entier. «Notre style de vie, dit-il avec le tranquille cynisme qui est la marque de fabrique du Picrocholien pur sucre, nécessite tous les jours 20 millions de barils. Nous ressemblons à un patient en dialyse de pétrole. C’est une question de vie ou de mort

Comme le claironnait déjà à haute et intelligible voix et avec une bonne conscience désarmante, Mme Madeleine Albright , ancienne responsable de la politique étrangère de l'empire: "Nous faisons la politique qui correspond à notre force et à nos intérêts" .

Mais il n'y a de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre et il faut être un candide Rowien pour s'imaginer que des idéaux ou des principes dirigeraient la politique internationale d'un empire .

Picrochole s'en va-t-en guerre

C'est pourquoi votre fille n'est pas muette et que la politique et les guerres de l'empire ont des causes claires comme de l'eau de roche , même si elles se tapissent sous le masque d'une appellation confuse et bénigne dite de "renforcement des alliances globales " en vue d'un "établissement de la démocratie" . La feuille de vigne appelée "guerre contre le terrorisme" tente vainement de dissimuler, le puissant réseau d'intérêts représentés par les lobbies pétroliers , auxquels se sont joint ceux de l'armement, de l'électronique ou du bâtiment pour former une galaxie de termites cheminant en colonnes serrées afin coloniser la planète.

Si l'on ajoute au plat de résistance que constitue le fameux "terrorisme international" une pincée de messianisme démocratique endémique et qu'on saupoudre le tout d'une grosse louche d'un messianisme religieux primaire lié au niveau mental si élémentaire de l' empereur Picrochole II que de plus en plus de dirigeants rowiens parlent ouvertement de sa stupidité, le menu complet du plat géopolitique servi au ROW et que l'empire tente de lui faire ingurgiter afin de justifier une guerre sans fin, apparaît en longueur, largeur et profondeur.

Pour mémoire, je rappelle que l'empire s'est précipité en Algérie afin, disait-il, d'aider les autochtones à "combattre le terrorisme". Il soutient la Guinée équatoriale, troisième producteur africain de pétrole, où règne un satrape du nom de Malabu et il a offert un appui inconditionnels aux pseudo démocrates d'Angola, où le régime ex-marxiste d'Eduardo Dos Santos a réduit le pays à la misère malgré des réserves pétrolières phénoménales. Mais l'Afghanistan n'était pas à négliger, parce que son territoire est le seul qui permette l'évacuation du brut et du gaz pompés sous les steppes du Kazakhstan, du Kirghiztan, du Turcménistan et de l'Ouzbékistan . Aussi l'empire fait-il les yeux doux aux dictateurs locaux qui y règnent en maîtres absolus.

Le sang de la mondialisation

On sait que les compagnies pétrolières ont longtemps négocié avec les talibans et que la guerre a seulement tiré les conséquences politiques de l'échec des négociations menées par la compagnie pétrolière Unocal de la traversée du pays par un gigantesque gazoduc. Personne n'ignore que les tentatives de déstabiliser le président vénézuélien Chavez sont financées par les compagnies pétrolières américaines, car Hugo Chavez prétend utiliser l'argent du pétrole pour moderniser le pays , crime absolu aux yeux de l'empire et qui mérite les pires insultes de ses représentants dans les instances internationales.

Mais dérison absolue et pied de nez à notre Picrochole , ce même Président Chavez, présenté comme un démon au moins égal au Satan en chef que serait le barbichu Oussama ben Laden, est allé jusqu'à fournir un pétrole quasi gratuit aux miséreux des cités picrocholiennes, abandonnés à leur triste sort, afin qu'ils puissent se chauffer en hiver !

Les hauts parleurs de la propagande des médias complices ou soudoyés, s'appliquent à répandre et à claironner , le moment venu, le lamento de la peur accompagné de fumées pseudo idéologiques, le tout destinées à créer un climat de terreur afin de diaboliser tel ou tel Etat que l'Empire se propose d'envahir et de piller .

La guerre pour le pétrole , tel est aujourd'hui le credo de l'empire car le pétrole est le sang de la mondialisation et l'empire en est la pompe .

Une question nous taraude: comment réussissent-ils à payer tout cela? Sont-ils des magiciens? Des surhommes?

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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 20:01
Le Pilori
Par
 BIJU


http://ec.europa.eu/world/peace/images/terrorism.jpg

 

Les causes fondamentales du terrorisme qui frappe nos pays sont en premier lieu les dictatures de fait qui sont en place au Maghreb.
C'est aussi, sans aucun doute, et c'est encore plus que vrai pour l'Algérie,  le contrôle et la domination étrangère des ressources naturelles et humaines des nord-africains, matières premières et main d'œuvre à très bon marché. C’est aussi dans l'espace et le temps, la haine de notre mode de  vie, notre langue, notre civilisation et notre religion qui depuis toujours  ont résisté à toute forme d'ethnocide planifié et organisé.
C’est aussi l’aliénation, la pauvreté et l’analphabétisme.
La décadence morale de nos sociétés et de nos élites.
C’est le soutien occidental à ces dictatures barbares et perverses qui nous ruinent et nous détruisent plus que toute forme de colonialisme, et qui sont au service d'un néocolonialisme meurtrier et pervers qui pratique et agis par l'intermédiaire de ses mercenaires locaux, exit les ben ALI, BOUTF, M6, MOUBAREK, KADDAFI et compagnie.

 

LA MANIPULATION

http://perso.orange.fr/ulysse_voyages/images/man_strk.jpg

La stratégie de la manipulation élément primordial du contrôle social en Tunisie, comme dans toute forme de tyrannie qui se respecte d'ailleurs, la stratégie de la diversion mise en place par les technocrates du RCD consiste à détourner l'attention des tunisiens des problèmes importants et des mutations décidées par les sicaires politiques et économiques du régime despotique tunisien, grâce à un déluge continuel de distractions permanentes et répétitives et d'informations insignifiantes.
La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher les tunisiens de s'intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l'économie, de la psychologie, de la politique, de l'art, de l'information, de la philosophie, des sciences humaines, de la communication et des échanges des idées.
« Garder l'attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » (Extrait de "Armes silencieuses pour guerres tranquilles"); souvent les envoyés spéciaux de la dictature se chargent à merveille de cette tâche sur tous les supports de l'opposition tunisienne.

Cette méthode est aussi appelée "problème-réaction-solution".c'est à dire pour la dictature créer des problèmes pour offrir des "solutions" On crée d'abord un problème, une "situation" prévue pour susciter une certaine réaction des tunisiens, afin que ceux-ci soient eux-mêmes demandeurs des mesures qu'on souhaite lui faire accepter et ce ne sont pas les exemple qui manquent en Tunisie, la mise en scène du putsch médical contre un Bourguiba cadavérique et sénile en est un exemple, un exemple tellement grotesque, qui pourtant avait fait marcher plus d'un et non des moindres, les nommer aujourd'hui, c'est encore donner une quelconque importance à ces médiocrates. Aujourd'hui par exemple et avec l'affaire de SLIMANE, la dictature avait laissé se développer cette violence urbaine initié à coup sûr et contrôlée même à l'insu de plein gré des pauvres insurgés manipulés, présenter cette affaire comme si ces derniers, qui pour la plus part ne sont que des gosses, est une affaire qui tient du complot international, un gang capable d' organiser des attentats sanglants, afin que le tunisien lambada soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté.

La dictature s'adresse aux tunisiens comme à des enfants, des immatures, je prétends que dans certains cercles de l'opposition tunisienne aussi. Ils utilisent des discours, des arguments, des personnages historiques artificiels, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le tunisien était un enfant gâté ou un handicapé mental. Ils sont des maîtres dans l'art de faire appel à l'émotionnel plutôt qu'à la réflexion, car faire appel à l'émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l'analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l'utilisation du registre émotionnel permet d'ouvrir la porte d'accès à l'inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements.

TOUNES

 

http://perso.orange.fr/thl/voyage/Images/Tunisie/Carte.JPG

Y’en a pas une comme toi qui pousse au rêve , qui pousse au crime , depuis ce temps que tu m’allumes ,jusqu’à la fièvre de la déraison  , j’en ai vu passer des restes d’hommes , de bout de chair , lisses comme le chrome , dur comme le fer .y’en a pas une qui me fait courir  , qui me fait gerber , qui me fait mourir , on dirait le vent qui tourne les pages , on dirait les mots dans leur alpage, qui crient à la mort , qui crient à la vie, que le bonheur n’est pas une idée , une insomnie de vieux penseurs  , une allergie  de rêveurs .Y’en a pas une qui te fait de l’ombre , sur cette terre de mine de rien , où les faiseurs de décombres , assassinent les tunisiens, pas une ne t’arrive à la cheville , de toutes ces terres bénies de Dieu , de ces destinées qui partent en vrille ,dans les forges de mes deux .Y’en a pas une qui a ta bouche , ni tes yeux ni tes reins, ni ton cils de l’impudeur , ni ta source des fureurs .Y’en a pas une qui me touche , et défigure mes chagrins , y’en a pas une qui a tes courbes , ni tes rives ni tes riverains .Pas une ne te fais de l’ombre , quand j’épelle mes réclusions, c’est que la vie n’est si sombre  , quand on la viole de sa passion .Pas une ne te désarme , aux clameurs de mon âme ,tu n’es pas faite pour la larme , pour toutes ces hommes , pour toutes ces femmes collé au déni des purgatoires , pour ces moutons que l’on crame , sur les chaînes des abattoirs. Pas une ne brûle pour moi, le feu ardent de sa jeunesse, ce que tu me donnes est tout à moi, amour  violent de ma détresse.

 

TOZEUR

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J’arrive dans une ville à Tozeur, ma ville ancestrale. Les mots ne me manquent pas pour me soûler d’un immense bonheur intérieur, depuis quelques temps, le manque  des choses simples de la vie se fait sentir quand je suis loin d’elle. Chaque coin de rue de ce vaste monde  me désespère. Ici je retrouve mes propres odeurs intimes et je me détache des contingences humines. Les bruits m’assaillent. J’ai marché, rodé toute la nuit dans ses petits quartiers, et puis au petit matin je me suis endormi  devant la maison de mes ancêtres, à même le sol enroulé dans mon Burnous paternel, entre mes cousins, nos chiens et nos chats. . En me levant je m’étais décidé. Cette impression… Autour de moi gronde la volupté. Suis-je encore moi quand je suis ici ? Tout me paraît plus simple. J’avise les devantures. Façades modestes. Il règne une douce ambiance. Le bonheur est ici. Je ressuscite. Les pierres sont muettes. Du loin me vient un chant. La vie sera légère.


Je me souviens mes premiers pas de l’enfance et ces longues vacances, les jours sans fin… Etais-je quelqu’un ? Je voyais des sourires. J’avais en moi ce rêve. L’air me paraît plus vif. Le ciel plus clair. Quand je me vois à l’angle des regards, dans le fond des yeux des miens, j’ai un sourire intérieur qui déchire l’espace et affûte mes regrets sur le temps qui passe. De quoi suis-je donc capable ? Oublier la réalité de mon pays ? Que nous sommes survivants nous autres tunisiens dans une des pires dictatures de ce siècle ? Demeurant étranger, ici, à toutes les rumeurs qui saignent le reste du pays, je file. Je laisse monter la fièvre. Je n’ai de cesse d’éprouver toutes les sensations. Ma peau respire. Mes yeux s’emplissent. Cette impression est envoûtante. Mon attention se porte à l’inconnu. C’est une force singulière. Les quidams passent. Les silhouettes lancent des signes. Le soleil éblouit. A mesure que les minutes coulent j’atteins le but. Je voulais le désert. Mes membres, ma bouche, frémissent. Mes sens s’aiguisent. Sur les visages se lit la vérité. Ma peau est douce. Et cette lumière… Elle m’envahit.

Monsieur le résident de la relique carthaginoise
Zinétron pour les intimes

Je me fais un devoir national de vous écrire ces qq. mots les doigts sur la braguette qui , je l’espère , vous trouveront de même.

 

Je prie matin et soir  le Dieu miséricordieux que vous essayez de tourner inutilement en bourrique avec vos salamalecs veules et manichéennes comme si l’uniforme  fait l’abattoir , je le prie pour que votre état de santé que vous ne saurez travestir corresponde au désir que doit certainement avoir Satan  qui sera sûrement à l’heure à votre rendez-vous ,le diable est l’exactitude même on dit que c’est un citoyen suisse , il faudrait que je demande à mon amie OL , et puis –je vous informe que de mon côté c’est identique.

 

La situation est inchangée depuis le changement  dont je n’ai pas cru devoir vous informer , vu que le passé , comme le présent et le futur d’ailleurs  sont pour vous  une simple litote , et étant donné que  ça ne changerait pas grand-chose à l’état de nos relations qui , j’en ai la ferme conviction , continueront à rester aussi communicatives que par le passé , bouffe et

ferme ta gueule.

 

J'espére aussi que votre récent rhume des foins n’aurait été qu’un feu de paille et que vos filles sont plus que jamais dans la tradition familiale qui est de mise et en vigueur depuis qu’elle existe et que la Tunisie n’existe plus.
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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 20:00

Pile et Face
 Par
Faouzia

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La convergence entre les dictatures et toute forme de terrorisme est  pertinente. Elle provient directement et essentiellement  des compromissions des démocraties  occidentales qui ont  permis à ces dictatures permanentes dans le monde arabe par exemple,  de réprimer les aspirations démocratiques de nos peuples, pour peu que les dictateurs au pouvoir fassent semblant d’épouser les objectifs politiques de ces puissances et d’être les chiens de garde thuriféraires de leurs intérêts dans le très court terme. Notre dictature tunisienne présentée comme un rempart contre l’intégrisme terrorisant est en fait, sur le moyen et le long terme, une des sources du terrorisme international, au vu du nombre des tunisiens engagés sur divers front de la planète toute proportion gardée avec les dix millions de tunisiens, ils sont d’un nombre impressionnant. Un audit rapide de l’état actuel de la Tunisie et en surface  nous donne la preuve que le pouvoir absolu et barbare  de ben Ali, c’est à peu prés la même chose pour les autres pays arabes,

Que cette dictature tunisienne a toujours négligé  ses responsabilités en matière d’éducation, de santé, de logement et de services sociaux, le peuple a commencé à chercher du soutien ailleurs, dans l’exil et l’endettement privé qui forcément débouchent sur la prostitution et la déchéance. La mise sur pied sur tout le territoire tunisien de pouvoirs locaux népotiques issue d’un parti unique sans aucune éthique ni légitimité et  à tendance mafieuse a fini par désespérer toute la nation. Ces dictatures avec le temps et c’est tout à fait naturel sont devenues un terreau fertile pour la haine, la xénophobie portée à son paroxysme, le militantisme  crapuleux et le terrorisme. Il est évident  que les systèmes politiques génèrent des réponses particulières chez les populations civiles, donc il ne faut absolument pas s’étonner des réactions dites extrémistes, tout est relatif, elles sont dans une société normale et démocratiques, elles ne sont pas extrémistes  mais planifiée par les dictatures pour avoir une raison d’exister. Dans une dictature comme la dictature tunisienne, le pouvoir procède des armes, de la violence et de la torture plus que de la loi et cela produit des mutants. Depuis des décennies, le message adressé aux jeunes tunisiens, au travers d’interventions policières répétées, est que la force fait le droit. L’Occident, en soutenant l’abolition des aspirations démocratiques du peuple par la dictature de ben Ali, a permis à ce dernier  de propager ce message auprès de nouvelles générations de jeunes. Bien davantage, l’utilisation d’institutions dévoyés à quelques intérêts privés et proches, très proches du pouvoir est la clé qui permet de comprendre le lien de plus en plus étroit entre Carthage et les incidents terroristes comme ceux de DJERBA et de SLIMANE. Les démocraties ne déclarent pas la guerre aux démocraties, tout se passe dans le règlement des conflits dans le débat public, les urnes et le droit. Les gouvernements démocratiques ne légitiment pas les terroristes, pas plus qu’ils ne les protègent ou ne les abritent. Les sociétés démocratiques fabriquent un grand nombre de citoyens qui ont bien intégré l’importance de la loi ainsi que les valeurs de diversité et de tolérance. Une TUNISIE démocratique, libéré du joug de la dictature de ben Ali, cesserait d’être le bouillon de culture propice au développement de cette pandémie qu’est le terrorisme international.

 

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23 avril 2007 1 23 /04 /avril /2007 19:59
Courage fuyons !
 Par
Abdou


      PETITIONS

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Une fois de plus la jeunesse tunisienne est sacrifiée par une opposition politique, ne parlons pas de la dictature, il n’y’a rien à dire à son sujet, c’est l’ennemi à abattre dans la nature des choses, cette opposition fragmentée et sans aucune consistance qui se refuse à s’adapter à un monde en pleine mutation, des mentalités et des besoins aussi. Pourtant l’énergie est là. Il faudrait simplement pouvoir la canaliser. Cette génération de tunisiens comme les précédentes ne craint ni la violence du régime, ni sa torture, ni sa haine, ni la faim mais elle a perdu l’envie. Comment pourrait-il en être autrement ? Où est le grand dessein qui devrait les faire rêver ?  La Tunisie des valeurs est en panne. Elle sait que le monde n’attend plus rien d’elle, alors elle se replie sur elle-même. Prostrée, elle se flétrit en attendant l’improbable sursaut.

Est-il déjà trop tard ? Notre pays millénaire n’était-il pas de toutes les façons en passe de sombrer, remplacé incontestablement dans les esprits et dans les faits par la communauté des intérêts privés et égoïstes. L’appartenance au groupe, dans le monde d’aujourd’hui,  n’est plus simplement géographique, elle est désormais intellectuelle et virtuelle. En effet, le progrès et la connaissance si longtemps apanage des élites sont désormais à la portée de tous, mais dans le cas des tunisiens ils se sont mis dans le camp de l’arbitraire et dénigrent la Tunisie de progrès, assassiné par la dictature de ben Ali.

Nos élites, malheureusement,  pourtant formées dans les meilleures écoles des pays démocratiques  semblent complètement dépassées par cette révolution. Elles continuent d’ailleurs à s’égosiller dans leurs tours d’ivoire et leurs rendez-vous manqués quand les foules à convaincre sont aux abonnés  plus depuis longtemps. Retranchées derrière des discours tout aussi éculés que stéréotypés et démagogiques, comme leurs anciens avait déjà su le faire sous la mégalomanie de BOURGUIBA, nos élites n’ont qu’une peur : disparaître.

La Tunisie qui doit se libérer de la dictature n’a plus simplement besoin de têtes bien faites, elle a besoin d’hommes d’action. Elle n’a que faire de ces politiciens qui n’ont pas compris que la pensée ne vaut rien sans l’action. Nos élites ont l’intelligence, prêtons leur cette qualité, mais il leur manque le courage. Le courage de penser différemment, le courage qui précède et renforce l’action, le courage qui, somme toute, transforme un homme politique en homme d’état, le courage de reconnaître l’autre non pas pour ce qu’il peut nous apporter, mais pour ce qu’il peut apporter à la TUNISIE…

La  société tunisienne souffre d’un certain nombre de peurs qui l’empêchent de vivre pleinement. Peur du lendemain, peur de la d’être des citoyens, peur de la liberté, on ne compte plus ces peurs qui l’entraînent encore plus vers son déclin…

Et si tout était beaucoup plus simple. Si finalement nous n’avions peur que d’une seule chose. Pas que le ciel nous tombe sur la tête. Non rien de si aléatoire. Non simplement de ne pas exister dans l’expression e la TUNISIE silencieuse, cette Tunisie que chacun des grands partis de l’opposition jusqu’au plus petit groupuscule s’approprie sans vergogne, d’une façon aussi illégitime que la dictature, si cette Tunisie là refuse toute forme de contrôle, et bouleverse en toute conscience les règles de jeu établies dans les cénacles et les appareils. Et si notre vraie peur en tant qu’activiste politique, celle qui nous empêche d’être nous même, celle qui nous fait avaler toutes les couleuvres de toutes ces voix autorisées, celle qui nous empêche de dormir, nous rend accro à l’indifférence et à l’attentisme et nous pourrie notre vie d’être humain.

La démocratie contre toutes les peurs. Véritable sésame de notre société moderne. Celui sans lequel plus rien n’est possible.

Dés lors qu’avec une pareille dictature elle  devienne le centre de nos vies. Elle est à l’homme moderne ce que la terre promise était  aux parias, un statut social, une raison d’exister. Elle est au centre de toutes les conversations des tunisiens qui ont une once de conscience humaine et  pensent leur patrie dans le progrès et la civilisation. Et comme la terre promise elle est longtemps apparue comme sûr, inaltérable et surtout éternelle. La crise économique et les bouleversements de ce début de millénaire, tous ces drames qui s’annoncent  sonneront  le glas de la dictature dans notre société. Il faut travailler en tant que démocrates tunisiens  pour  que dans notre société on soit prêt à tout pour elle ; pour la percevoir, pour l’augmenter, pour la sauver. Impensable. Observer simplement le monde qui vous entoure, la Mauritanie qui ces derniers jours  vient de donner une magistrale leçon au monde, et à toutes les formes de logiques sectaires, racistes et colonialiste. Un voisin, un parent, nous même, n’avons nous pas tous été confrontés à cette angoisse tout aussi soudaine qu’inavouable devant la brute et le tortionnaire, mais il nous faut tous ensemble désormais dépasser ce stade animal et vivre dignement, même dans le sacrifice.

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