Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

29 août 2007 3 29 /08 /août /2007 16:21


http://uhec.net/b/images/20070519.jpg


SUITE DE  L'ARTICLE"Misére et boules quiés"


Nouvelle vague d’endettement dans le domaine des industries extractives, des mégaprojets énergétiques, dans l’exploitation des forêts tropicales
A côté d’autres acteurs, la Banque mondiale joue un rôle très actif dans le développement de projets miniers, pétroliers, gaziers ainsi que dans des mégaprojets énergétiques (grands barrages) et dans l’exploitation des forêts. Le CADTM et d’autres mouvement citoyens ont détecté de nombreux délits attachés à la réalisation des projets, du non-respect des droits des populations directement concernées jusqu’à des crimes contre l’humanité comme le massacre commis à Kilwa au Katanga en 2004 |6|.

Croissance incontrôlée des Credit Default Swaps (CDS)
De nouveaux produits financiers ont pris de l’ampleur, il s’agit notamment des Credit Default Swaps (CDS). L’acheteur d’un CDS veut en l’acquérant se protéger contre un risque de non paiement d’une dette. Le marché des CDS s’est fortement développé depuis 2002. Le volume des montants concernés par les CDS a été multiplié par 11 au cours des 5 dernières années |7|. Le problème, c’est que ces contrats d’assurance sont vendus sans que s’exerce un contrôle de la part des autorités publiques. L’existence de ces CDS pousse les entreprises à prendre de plus en plus de risques. Se croyant protégés contre un défaut de paiement, les prêteurs octroient des prêts sans avoir vérifié la capacité de l’emprunteur à rembourser. Or si la situation économique internationale se détériore, des dizaines ou des centaines d’emprunteurs peuvent devenir subitement insolvables et les CDS risquent de n’être que des papiers sans valeur car les assureurs seront incapables d’exécuter leurs engagements.

Fuite des capitaux et rapatriement des profits vers le Nord versus envoi des migrants vers le Sud
La fuite des capitaux et des cerveaux des PED vers les pays les plus industrialisés s’est amplifiée ces dernières années. Par ailleurs, le montant des profits rapatriés vers les « maisons mères » a été multiplié par 4,5 entre 2000 et 2006 (passant de 28 milliards en 2000 à 125 milliards en 2006) |8|. Allant dans un autre sens, les envois des migrants vers leur pays d’origine ont fortement augmenté |9|. L’importance de ces envois dépassent de très loin, comme le reconnaît la Banque mondiale, le total de l’aide publique au développement.

Forte augmentation du prix des aliments
Le prix des aliments est en train d’augmenter fortement. Deux facteurs en sont la cause principale.

Premièrement, la décision de plusieurs gouvernements et des grandes entreprises transnationales de développer la production des agro-combustibles, comme l’éthanol produit à partir de la canne à sucre, du maïs, du colza ou d’autres plantes. Désormais 20% du maïs états-unien sert à fabriquer de l’éthanol ; idem pour 50% de la canne à sucre au Brésil ! |10| L’augmentation du prix du maïs s’est répercutée au Mexique avec l’augmentation du prix de la tortilla. Voilà un effet dévastateur des traités de libre commerce (TLC). En effet, en 1994, le TLC entre les E-U, le Canada et le Mexique (Alena) est entré en vigueur. En vertu de ce TLC, l’agro-business des E-U a envahi le marché mexicain avec du maïs états-unien vendu en dessous du coût de production des petits producteurs mexicains qui ont perdu leur emploi par centaines de milliers (et ont cherché à émigrer vers le riche voisin du Nord). A partir de 2006, le prix du maïs exporté par les E-U a fortement augmenté à cause de la demande liée à la production de l’éthanol. En conséquence, le prix de la nourriture a fortement augmenté au Mexique car le maïs constitue la base de l’alimentation de ce pays. Les paysans mexicains qui produisaient le maïs ne sont plus là pour répondre à la demande. Soit ils ont vendu leurs terres et ont émigré vers les grandes villes et vers les Etats-Unis ; soit ils sont criblés de dettes et éprouvent de très grandes difficultés à reprendre la culture.

Un deuxième phénomène aggrave la situation de l’alimentation des plus pauvres. Les grandes entreprises céréalières basées dans les pays les plus industrialisés à climat tempéré ont réduit en 2006 et en 2007 les surfaces emblavées en céréales de manière à faire augmenter leur prix sur le marché mondial, prenant le risque de provoquer une insuffisance de nourriture dans les pays d’Afrique et d’autres continents qui sont devenus au cours des quarante dernières années des importateurs nets de céréales car des institutions comme la Banque mondiale les ont poussés à donner la priorité aux cultures tropicales (cacao, café, thé, arachide…). Aujourd’hui, la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme en se rendant compte que dans certains pays africains le prix des céréales a été multiplié par deux fin 2006-début 2007. La Banque mondiale envisage la possibilité de la poursuite d’une forte hausse du prix du maïs, du blé, du riz et d’autres aliments de base en conséquence notamment de l’augmentation de la production d’agro-combustibles |11|. A cause de cela, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté absolue risque d’augmenter et de graves crises alimentaires peuvent se produire. En outre, la dette extérieure des pays les plus pauvres risque également de croître en conséquence de l’augmentation de la facture à payer pour les importations de nourriture.

Promesses non tenues par les pays riches
Les promesses des pays riches faites en 2002 à la conférence des Nations unies de Monterrey en matière d’APD ne sont pas tenues |12|. On ne voit pas comment les pays riches, à commencer par les membres du G8, pourraient réussir à porter leur « aide » à l’Afrique à hauteur de 50 milliards en 2010 (comme promis au G8 de Gleneagles en juillet 2005). Pour ce faire, ils devraient augmenter leur aide de 16% par an.

Augmentation des prêts Sud-Sud et rôle grandissant de la Chine
Des banques privées de quelques pays en développement (Chine, Inde, Malaisie, Afrique du Sud) octroient de plus en plus de prêts à des gouvernements ou à des entreprises d’autres PED. Les prêts des banques publiques chinoises à l’Afrique augmentent fortement. En 2004-2006, les banques chinoises ont prêté deux milliards de dollars aux PED dans le domaine du pétrole et du gaz |13|. La Chine mais aussi l’Inde et l’Afrique du sud sont à la recherche de matières premières, c’est pourquoi les banques de ces pays augmentent fortement leurs prêts de manière à garantir leur approvisionnement. Les pays les plus vulnérables risquent de tomber dans une nouvelle dépendance qui ne sera pas nécessairement meilleure que celle déjà existante à l’égard des pays les plus industrialisés. Il faut aussi souligner le développement de puissantes sociétés transnationales privées ou publiques du Sud (Petrobras, Petronas, PDVSA, CNOOPC, pour ne prendre que le domaine pétrolier).

Augmentation des dépenses d’armement
Sous l’impulsion des Etats-Unis, une course à l’armement a repris en ce début de 21e siècle. Les dépenses d’armement de Washington sont en forte augmentation et représentent la moitié des dépenses mondiales. La Chine augmente de 18% ses dépenses d’armement en 2007. Les Etats-Unis viennent d’octroyer d’énormes prêts bilatéraux à certains de leurs alliés afin qu’ils leur achètent des armes. Une nouvelle croissance de l’endettement public externe lié aux achats d’armes est à craindre.

Quelles sont les conséquences de la nouvelle situation internationale pour le CADTM ?
Pour le CADTM, il s’agit d’adapter son analyse à la nouvelle réalité. Par exemple, dans le livre 50 questions / 50 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale écrit en 2002, les auteurs ont délibérément laissé de côté la dette publique interne. Au moment où les auteurs réécrivent entièrement ce livre qui constitue un ouvrage de référence |14|, ils doivent donner toute son importance à la croissance de la dette publique interne et à ses implications. De même, Eric Berr et François Combarnous, les créateurs en 2005 de ratios alternatifs à ceux de la Banque mondiale pour mesurer l’impact de l’endettement, devraient prendre en compte la situation nouvelle pour adapter leurs instruments de mesure qui sont disponibles sur le site de l’OID (www.oid-ido.org). Nous en reparlerons lors du séminaire de l’OID qui aura lieu à Namur les 15-16-17 octobre 2007.

De même pour tous ceux et celles qui se sont investis dans l’audit de la dette, il convient de prendre en compte le poids de la dette publique interne. Les autorités équatoriennes l’ont bien compris. En juillet 2007, le président Raphael Correa a créé une commission d’audit intégral de la dette publique interne et externe. Le CADTM, Jubilé Sud, Eurodad et Latindadd ont été directement associés aux travaux de cette commission |15| ainsi que 6 représentants des mouvements sociaux et citoyens équatoriens.

Il convient aussi d’analyser l’évolution de la dette des entreprises privées car si on n’y prend garde, elle risque d’être injustement mise à charge du Trésor public, son remboursement devenant une charge supplémentaire pour la population.

Il s’agit d’aller à l’encontre de l’idée selon laquelle la dette publique est sous contrôle. Il faut analyser les nouvelles formes d’endettement et les nouveaux prêteurs.

En 2008, le CADTM Belgique poursuivra l’effort entamé en 2007 sur l’audit de la dette de l’Equateur, de la RDC, du Mali et d’autres pays où les mouvements sociaux souhaiteront entreprendre un tel audit.

En 2008 également, le CADTM développera une action d’audit des créances réclamées par les pays les plus industrialisés à l’égard des pays du Sud, notamment à l’égard de l’Equateur et de la RDC. Le CADTM réalisera ce travail en collaboration étroite avec Eurodad, l’Observatoire de la dette dans la Globalisation, ATTAC-CADTM Japon et tous les autres mouvements qui au Nord sont prêts à entreprendre ce travail.

Vu l’importance des nouveaux prêts dans le domaine des industries extractives, des mégaprojets énergétiques et dans les exploitations forestières, vu les nombreux délits détectés par le CADTM et d’autres mouvements citoyens, délits dans lesquels la Banque mondiale est parfois impliquée directement, le CADTM poursuivra ses efforts pour que des poursuites judiciaires soient engagées.

Par rapport à la nouvelle architecture financière en construction, il faut veiller à ce que les Banques du Sud en construction répondent bien à des critères de démocratie et de transparence (un pays = une voix ; justiciabilité de l’institution et de ses fonctionnaires ; possibilité d’auditer les archives ; obligation de rendre publiquement et régulièrement des comptes aux Parlements et à l’opinion publique), que leur action permette de rendre applicables les traités internationaux sur les droits humains fondamentaux en contribuant à améliorer les conditions de vie des populations. Les bénéficiaires des prêts ou des dons doivent être des entités publiques, des petits producteurs, des communautés. Les projets soutenus par la Banque doivent être respectueux de l’environnement. La Banque doit éviter au maximum de financer ses projets en faisant appel aux marchés des capitaux. Avec d’autres campagnes dettes, en juin 2007, le CADTM a été à l’initiative d’une lettre publique aux présidents des pays d’Amérique latine qui s’unissent pour créer la Banque du Sud |16|. Il convient de poursuivre cette interpellation et de suivre attentivement le processus de construction de la nouvelle institution financière.

Les tâches sont énormes, les défis sont gigantesques. Pour les relever, il s’agit de renforcer les synergies et l’unité d’action entre toutes les organisations qui agissent pour une solution juste au problème de la dette. Le réseau CADTM international renforcera encore un peu plus la collaboration avec les autres mouvements qui agissent sur la problématiques de la dette : Jubilé Sud, Eurodad, Latindadd, Afrodad et toutes les organisations nationales qu’elles fassent ou non partie d’un réseau international. Le CADTM contribuer à consolider l’Observatoire international de la dette qui fournit à tous les mouvements un cadre de réflexion en commun.

Le CADTM poursuivra ses efforts dans le cadre du Forum social mondial et de la coordination mondiale des mouvements sociaux afin d’orienter résolument l’action du mouvement altermondialiste vers des alternatives et des moyens d’action adaptés aux défis de la dette et de toutes les formes d’oppression.

notes articles:

|1| Le montant des réserves de change est calculé en dollars, la principale monnaie de réserve internationale, bien que les réserves soient constituées également d’autres monnaies : euros, yens, livres sterling, francs suisses… Les réserves mondiales de change sont réparties en 2007 de la manière suivante : 2/3 en dollars, ¼ en euros et le reste dans les autres monnaies fortes. Voir Banque des règlements internationaux, Rapport annuel 2007, Bâle, p.97).

|2| C’est le cas du Venezuela, de la Russie, de la Chine. Le gouvernement norvégien a fait de même afin d’engranger les importants revenus pétroliers. Voir Banque des règlements internationaux, Ibid, p. 104.

|3| Voir le type d’échange entre la Bolivie, le Venezuela et Cuba en 2006-2007 notamment dans le domaine des hydrocarbures, du transfert de technologie, de la santé et de l’éducation.

|4| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 46.

|5| De plus en plus d’investisseurs étrangers achètent des titres de la dette publique interne car ceux-ci sont plus rémunérateurs ! En 2006, les « étrangers » ont acheté pour 9 milliards de titres de la dette interne des PED. Voir World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 46.

|6| Voir Myriam Bourgy, « Le massacre de Kilwa : Anvil Mining et l’Agence Multilatérale de garantie des investissements, complices de crimes de guerre », in A qui profitent toutes les richesses du peuple congolais ? Pour un audit de la dette congolaise, brochure éditée par le CADTM, 2007, http://www.cadtm.org/spip.php ?article2341

|7| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 83-84.

|8| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 53.

|9| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 54

|10| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 25.

|11| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 30-32.

|12| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 55-56.

|13| World Bank, Global Development Finance 2007, Washington DC, p. 44.

|14| Il a été publié en 7 langues (dont l’arabe, le coréen et le japonais) dans 14 éditions différentes. Damien Millet et Eric Toussaint sont en train de rédiger une version entièrement nouvelle du livre qui devrait paraître en français début 2008.

|15| Eric Toussaint qui fait partie de la commission s’est rendu en Equateur pour travailler à l’audit de la dette avec les mouvements sociaux équatoriens, les autorités de Quito et ses collègues internationaux.


|16| Voir : http://www.cadtm.org/spip.php ?article2719

*******************************************

Comprendre pour sortir de l’impasse
L’Afrique incomprise

Les incompréhensions concernant l’Afrique sont multiples, le dernier discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en apporte une preuve éclatante |1|. Dans les pays riches, ces malentendus sont souvent véhiculés par des médias officiels qui devraient avoir pour but d’ouvrir les yeux des citoyens sur des différences à propos desquelles il y a tant à apprendre, notamment sur une autre façon de concevoir le monde et la relation à autrui. Mais l’existence de cette autre vision du monde est dérangeante quand on veut accréditer l’idée qu’il n’y a pas d’alternative à la logique actuelle. Il est fondamental d’ouvrir les yeux sur l’Afrique, sans l’idéaliser, sans la mépriser, sans la dénaturer, mais en la respectant.

par Damien Millet

Smithologie ?

Stephen Smith, pour ceux qui l’ignorent, a été responsable Afrique du journal français Le Monde, journal de référence s’il en est. Il est donc un responsable éminent de l’information sur l’Afrique en France. Il a publié un livre intitulé Négrologie |2| qui a eu l’insigne honneur de recevoir le Prix du livre d’essai France Télévisions 2004. On se dit alors qu’il ne peut être fondamentalement mauvais. Pourtant il l’est.

L’idée-force de cet ouvrage est exprimée dès l’introduction : « Pourquoi l’Afrique meurt-elle ? En grande partie, parce qu’elle se suicide. » Selon lui, tous ceux qui défendent une quelconque authenticité africaine sont complices. Ce sont eux qu’il appelle négrologues.

Très tôt dans son livre, Smith pourfend tous ceux qui pensent que l’Afrique a une place particulière dans le monde et est porteuse de valeurs qu’elle doit s’efforcer de préserver : « En dépit des circonstances atténuantes que l’on peut lui reconnaître, l’afro-optimisme est un crime contre l’information. On n’a ni le choix ni le droit. [...] L’Afrique au singulier existerait seulement en tant qu’abstraction, à l’instar de l’Europe, si le continent au sud du Sahara ne s’était pas abîmé dans de multiples catastrophes, affligé de nombreux fléaux, victime de lui-même. [...] Depuis l’indépendance, l’Afrique travaille à sa recolonisation. Du moins, si c’était le but, elle ne s’y prendrait pas autrement. Seulement, même en cela, le continent échoue. Plus personne n’est preneur. »

Au fil des pages, en s’appuyant sur un pseudo-raisonnement à l’emporte-pièce, perce une haine rampante qui se pare de condescendance. Selon Smith, le monde occidental est la référence absolue et tout se mesure à l’aide de cette jauge. Il ne peut envisager que l’on refuse l’ordre établi par les pays riches : « A-t-on le droit de s’interroger sur "les capacités institutionnelles de l’État postcolonial", alors qu’il n’y a guère un aéroport en Afrique qui soit convenablement administré, plus de services postaux qui fonctionnent, que la distribution d’eau et d’électricité a dû être confiée, presque partout, à des groupes étrangers, toujours les mêmes, ces nouvelles "compagnies concessionnaires" ? Enfin, sur un continent qui n’a inventé ni la roue ni la charrue, qui ignorait la traction animale et tarde toujours à pratiquer la culture irriguée, même dans les bassins fluviaux, les coopérants doivent-ils se mordre les lèvres quand, en discutant avec leurs homologues africains, ils ont eu le malheur d’évoquer le "retard" de l’Afrique ? » L’Afrique n’est pas en retard, monsieur Smith, elle est dominée. Et les enfants d’Afrique ne se complaisent pas dans ce rôle de dominés, ils se débattent, souvent brillamment, ils imaginent, ils inventent, ils subissent, ils « débrouillent »… Mais le propos de Smith est-il vraiment surprenant quand on sait qu’il a commis en 1994 un autre livre au titre évocateur et insupportable : L’Afrique sans Africains  ?

Inégalité et différence

Pour ne pas être accusé de prôner l’inégalité des races, Smith prend les devants… sans oublier d’ajouter quelques commentaires sympathiques comme des lames de couteaux : « Qu’est-ce à dire ? Que "les" Africains sont des incapables pauvres d’esprit, des êtres inférieurs ? Sûrement pas. Seulement, leur civilisation matérielle, leur organisation sociale et leur culture politique constituent des freins au développement, au sens littéral de ce terme dérivé du verbe latin volvere pour désigner des pays qui "tournent". L’Afrique ne tourne pas parce qu’elle reste "bloquée" par des obstacles socioculturels qu’elle sacralise comme ses gris-gris identitaires. Le succès de ses émigrés en est la meilleure preuve a contrario : ceux qui parviennent à s’échapper de l’Afrique réussissent en règle générale fort bien, et d’autant mieux qu’ils s’arrachent à la sociabilité africaine. » La civilisation matérielle est le summum des critères pour Smith, et en cela, la façon d’être de nombre d’Africains est un obstacle. Une seule issue donc pour l’Afrique de Smith : s’intégrer à la mondialisation néolibérale et consumériste, accepter les volontés de ses oppresseurs, se perdre pour leur ressembler, même si la planète ne pourrait supporter bien longtemps un mode de vie universel calqué sur celui des pays riches d’aujourd’hui.

La solidarité objective entre les riches des pays les plus industrialisés et ceux d’Afrique est bien visible pour qui analyse le système actuel et cette colonisation subtile via la dette, mais pour Smith, rien ne différencie un Africain d’un autre Africain. Il n’ausculte pas, il ne parle qu’en terme simpliste d’opposition Nord/Sud, il frappe à l’aveugle : « D’où un sentiment d’impuissance toujours renouvelé chez nombre d’Africains, qui ne demandent qu’à croire à la conspiration permanente d’un Occident bien connu pour sa "duplicité", son "cynisme", ses "coups fourrés". C’est là le vocabulaire, passablement paranoïaque, de toute une série noire d’ouvrages sur l’Afrique qui, avec au moins une décennie de retard, font leur fiel des "scandales" imputés à l’Occident, alors que celui-ci s’est retiré du continent sur la pointe des pieds, sans même payer son ticket de sortie pour les abus réellement commis, du temps de son hégémonie incontestée. Mais comme il s’agit seulement d’ "accrocher" les pouvoirs occidentaux, le feu sacré de l’indignation ne brûle pas au sujet de la criminalisation de beaucoup d’États du continent, des trafics d’armes, de drogues ou d’êtres humains sans connexion blanche, de l’interventionnisme militaire des nouvelles puissances régionales telles que le Rwanda, l’Angola, le Nigeria, des guerres hors conventions, des exactions commises à l’égard d’opposants, des massacres d’Africains par d’autres Africains. » Et c’est tout pour Smith, pas de militaires français pour former les génocidaires rwandais, pas de Total pour faire perdurer la guerre en Angola, pas de pétrole ou de diamants achetés par des puissants au Nord qui permettent aux exactions de se poursuivre… Pourtant, les pays africains n’ont pas le monopole des exactions contre des opposants, toute l’actualité le démontre. Il n’y a donc là aucun rapport avec une certaine identité africaine. Quand on en est réduit à parler de « massacres d’Africains par d’autres Africains », c’est qu’à coup sûr, la grille de lecture n’est pas la bonne. Il se trouve que certains d’entre eux sont armés par des grandes puissances qui y ont intérêt, et que les autres subissent aussi bien les exactions que l’ajustement structurel et la pauvreté.

La décolonisation seulement apparente, les manœuvres des anciennes métropoles pour rester aux commandes sans en avoir l’air, les compromissions des dirigeants servant ce but, furent des bombes à retardement. Le chaos a ses causes précises. Les anciens tuteurs au Nord ont une part importante de responsabilités. Il ne faut surtout pas croire que le jour où le dernier gouverneur français est parti d’Afrique, tout est redevenu comme si la France n’avait jamais pris le contrôle de pans entiers du continent. Les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. Mais Smith accuse l’Afrique de tous les maux : « Privée de sa "rente" géopolitique, incitée à se hisser au niveau du reste du monde en matière de libertés publiques et de gestion d’État, l’Afrique s’est livrée à des violences inouïes, moins à l’encontre de ses anciens "tuteurs", souvent hors de portée, que contre elle-même. En vingt ans, un continent "bon enfant" que des hippies attardés traversaient en auto-stop sans la moindre crainte s’est transformé en une zone largement interdite, une jungle sans foi ni loi avec des clairières surprotégées, réservées aux expatriés. Crime inconnu dans le temps, nombre de "Blanches" y ont été violées, un geste vengeur que les ambassades occidentales tentent d’isoler comme un mauvais germe en étouffant le "scandale". Mais, surtout, l’Afrique s’est automutilée, s’est abandonnée à l’ultime chantage du faible : le suicide. À quel point faut-il être hors de soi, aliéné à ne plus se reconnaître, pour se grimer et s’affubler de perruques, pour abattre, brûler vifs ou écharper à coups de machette des hommes, femmes et enfants ? » Ainsi décrit, le viol semble s’être progressivement inscrit dans la culture africaine… Monsieur Smith, l’Afrique est un des territoires du système capitaliste et les peuples africains y sont mutilés et opprimés avec la complicité des dirigeants du Sud. Il ne s’agit pas d’une automutilation. Les coups portés le sont par des puissants, au Nord et au Sud, que vous servez ou que vous couvrez.

Génocide de la pensée

Après le viol, le génocide est une seconde nature pour l’Afrique que croit connaître Smith, l’Afrique de son invention pour alimenter ses cauchemars : « [Patrice Nganang] fait cette remarque dans un court texte, titré "La dernière station de l’imagination africaine", où le Rwanda est présenté comme le terminus d’une pensée qui se résume dans des concepts tels que "essentialisme", "négritude", "africanisé"... La prolifération de la thématique "génocidaire" partout au sud du Sahara donne, hélas, raison à Patrice Nganang : la pensée identitaire, la plupart du temps "tribale" en Afrique, cherche son ultime preuve d’existence dans la négation absolue de l’Autre qu’est le meurtre de masse. » Il ne lui traverse pas l’idée dans ce livre que la manipulation du clivage Hutu/Tutsi au Rwanda par le colonisateur belge puisse être pour quelque chose dans le génocide de 1994… Et il oublie d’écrire clairement que le génocide n’est absolument pas une spécificité africaine, il ne rappelle pas le lourd passé de certains Européens dans ce domaine, de l’Inquisition à la Shoah, des « Indiens » d’Amérique à la Bosnie, pour n’en citer que quelques-uns. Il est des non-dits coupables dans des sujets aussi sensibles que celui-là…

Jusque là latent, le racisme anti-africain de Smith s’affirme alors, odieusement : « Comme le dit, avec son inimitable acidité, Yambo Ouologuem : "Quant au Noir, lorsqu’il devient un individu, c’est un type brillant." Mais en tant que membre d’une collectivité, que sait-il faire d’utile ? [...] La "fuite des cerveaux" prive l’Afrique de sa sève, seul reste le bois mort. Car il n’y a pas que les diplômés qui partent. Les habitants les plus dynamiques - les plus entreprenants au sens large usent de tous les moyens, légaux ou illégaux, pour émigrer dans un pays occidental. Là encore, c’est un choix rationnel, les chances de mieux gagner sa vie y étant infiniment plus grandes. Toutefois, on aurait tort de penser que le pays d’origine en profite, par exemple à travers les mandats envoyés aux parents : dans bien des cas, ces fonds rapatriés - "gratuits" comme l’aide étrangère - subventionnent, et perpétuent, des pratiques économiques condamnées, sans avenir (comme l’agriculture traditionnelle dans la vallée du fleuve Sénégal ou des investissements improductifs à Kayes, au Mali). » Selon Smith, l’Africain moyen est donc du bois mort : le lecteur sera juge.

L’Afrique est un continent à qui on dicte depuis longtemps les règles du jeu sinistre qu’on lui fait jouer. Nombreux sont les Africains qui refusent ces règles-là. Et ils ont raison. Mais la domination est trop forte. Quand on vous fait jouer avec des règles qui vous sont absolument étrangères, le jeu tourne vite à l’anarchie. Smith n’envisage pas d’autres règles que celles du modèle dominant. Il n’envisage de système de pensée que le sien. Il n’envisage de démocratie qu’à l’occidentale, où 50,1 % des individus qui se sont déplacés aux urnes, convoqués trop rarement après des campagnes électorales coûteuses et très contrôlées sur le plan médiatique, donnent à quelques notables la possibilité de décider pour tous, sans aucune possibilité de les révoquer et de les contraindre à rendre des comptes aux électeurs… Il n’envisage de richesse que financière. Il n’envisage de réussite que sociale et matérielle. Alors forcément, nombreux sont ceux en Afrique qui ne se reconnaissent pas dans cette façon de voir, et qui refusent ce modèle. Ce refus, qui est donc profondément une affirmation, est considéré par Smith comme un recul : « Les explorateurs, et tous les étrangers qui les ont suivis depuis, ont basculé les Africains dans un monde que ceux-ci ne reconnaissent pas comme le leur. N’est-ce pas la raison profonde pour laquelle l’Afrique, au lieu d’avancer, recule ? Ou, plus précisément, n’avance que sous la contrainte extérieure, hier coloniale, aujourd’hui tutélaire (FMI, Banque mondiale, États donateurs, etc.) ? Le développement, l’État, le rang du continent dans le monde, même la santé publique ou l’éducation nationale ne sont pas, en Afrique, le souci du plus grand nombre. C’est "une affaire de Blancs", comme on dit couramment en Afrique francophone. En somme, ce serait seulement la suite logique d’une erreur historique d’aiguillage ayant mis le continent sur une voie de garage. Au lieu de s’épuiser à vouloir rattraper les "maîtres de la terre", hier les colons, aujourd’hui les "mondialisateurs", les Africains se sont enfermés dans un passé réinventé et idéalisé, une "conscience noire" hermétiquement scellée. [...] tant que les Africains ne comprendront pas qu’ils ne peuvent pas baigner dans le liquide amniotique de leur « authenticité » tout en se lamentant de l’absence d’eau chaude et d’électricité, ils seront obligés de "détourner" leur destin : en volant des deniers publics, en tuant le "temps des Blancs" et ceux de leurs "frères" qui s’y inscrivent pour bâtir une existence, laborieuse mais honnête. Les "négrologues" sont pires que la "négrologie" : l’Afrique se meurt d’un suicide assisté. » Il semblerait donc qu’un Africain authentique ne puisse pas avoir l’eau chaude, et que la meilleure issue pour l’Afrique selon Smith serait de s’épuiser à rattraper ses oppresseurs… Quel programme séduisant !

Degré zéro

Le suicide assisté dont parle Smith est le degré zéro du raisonnement. Cette affirmation sous-entend que l’Afrique, par ce qu’elle est, veut sa propre perte. Or l’Afrique n’est pas homogène. Il n’y a pas en Afrique une entité pensante unique. Les enfants d’Afrique sont tous différents. Dans l’histoire de la pensée, l’attitude qui consiste à parler d’un continent de façon monolithique s’est toujours révélée être une faute intellectuelle majeure. Smith n’y échappe pas. Avec le même manque affligeant de rigueur que lui, on pourrait faire un livre intitulé Francologie pointant les différentes dérives de responsables français et leurs implications dans tant d’affaires peu glorieuses comme les détournements d’Elf… Quiconque examine les dictatures violentes en Amérique du Sud pendant les années 1970 et 1980 pourrait facilement faire un livre intitulé Latinologie et se tromper tout aussi lourdement…

La logique défendue par Smith est exactement celle des grandes puissances et de la dette. En s’attaquant aux Africains et à l’Afrique, il exonère les puissants de leurs responsabilités. Il était au Rwanda en 1994, il a vu la France soutenir le pouvoir génocidaire puis favoriser l’évacuation des assassins par l’opération Turquoise. Cela ne l’empêche pas de défendre avec acharnement la position française. Les propos d’un journaliste du Nouvel Observateur, Laurent Bijard, en mai 2004, dix ans plus tard, sont troublants : « J’ai honte que la France n’admette toujours pas sa responsabilité, alors que tous les autres l’ont fait, y compris les États-Unis et la Belgique. Et je n’ai plus trop d’espoir... surtout quand je vois que des confrères, comme Stephen Smith, continuent à soutenir la France. J’étais avec Smith au Rwanda, nous avions les mêmes opinions, et il ne se gênait pas pour les exprimer. Aujourd’hui il a complètement changé de discours, je ne me l’explique toujours pas |3|... » Smith est un serviteur de l’ordre établi, celui des puissants d’aujourd’hui.

Il méconnaît lourdement le passé du continent, pourtant révélateur d’un continent qui avait atteint un haut niveau de développement politique, social et culturel avant que la traite des esclaves et la colonisation par les puissances européennes n’amorcent le déclin du continent. Par exemple, « aux 13e et 14e siècles, la ville de Tombouctou était plus scolarisée que la plupart des villes analogues en Europe |4| ». La plus ancienne université au monde, dont la création remonte au 9e siècle, avant celle de Bologne ou de la Sorbonne à Paris, est l’université Quaraouiyyîn, à Fès au Maroc. Dans la prestigieuse cité yorouba d’Ifé, au Nigeria, qui a dominé la région entre le 12e et le 15e siècle, les recherches archéologiques ont permis de découvrir des sculptures en terre cuite puis en bronze d’un style inconnu, dont la perfection et le réalisme idéalisé était largement comparable à l’art classique de la Grèce antique.

Smith fait semblant de croire que l’Afrique est déconnectée de son passé, notamment d’opprimée, et des forces économiques mondiales, qu’elle décide de tout ce qui lui arrive. Qu’elle se pilote elle-même. Et qu’elle choisit librement le suicide. L’Afrique des peuples n’est pas libre mais ce n’est pas parce qu’elle refuse de l’être et qu’elle préfère ses chaînes. Elle subit le rapport de forces mondial. Elle subit la volonté du FMI, de la Banque mondiale, des multinationales, des dirigeants africains. Elle est mise en coupe réglée. Elle ne se suicide pas, on tente de l’exécuter. Et il ne manque pas d’Africains, hommes et femmes, jeunes et vieux, pour agir au quotidien afin que les peuples d’Afrique choisissent leur propre voie vers la réalisation des droits humains. C’est à leur côté que nous nous battons.

Pour comprendre l’Afrique, quel meilleur conseil que de lire ses écrivains et ses intellectuels ? De Franz Fanon à Wolé Soyinka, de Cheikh Anta Diop à Aminata Traoré, de Mongo Beti à Ngugi Wa Thiong’o, de Ken Saro-Wiwa à Joseph Ki-Zerbo, de Dennis Brutus à tant d’autres |5|, la littérature africaine est une mine d’or pour l’esprit, loin du déluge erroné et malodorant de Smith.

Laissons la conclusion à l’écrivain André Gide, qui ne fut pas un hippie attardé traversant l’Afrique en auto-stop : « Moins le blanc est intelligent, plus le noir lui paraît bête |6|. »

notes articles:

|1| Damien Millet, Roseline Péluchon, "Sarkozy en Afrique : quelle rupture ?", CADTM France, 2007

|2| Smith Stephen, Négrologie, Calmann-Lévy, 2003.

|3| Voir www.journalpes.net/

|4| Voir Ki-Zerbo Joseph, op. cit.

|5| Voir bibliographie complémentaire en fin d’ouvrage.

|6| Gide André, Voyage au Congo, 1927.

*******************************

3 milliards d’euros transférés annuellement d’Europe
Bataille autour de l’argent des émigrés algériens

 

Une étude intitulée facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP) réalisée par la banque européenne d’investissement révèle que les immigrés originaires des pays de la rive sud de la méditerranée établis en Europe envoient annuellement entre 12,4 et 13,6 milliards d’euros vers leurs pays d’origine.

par Salah C, pour Le Quotidien d’Oran

L’importance de ces transferts est au centre d’un autre rapport commandé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, rapport qui conclut que des trois pays du Maghreb, l’Algérie vient en pôle position avec 3,15 milliards d’euros, devançant le Maroc et la Tunisie avec respectivement 2,13 et 0,84 milliards d’euros.

Néanmoins, le transfert de la moitié de ces fonds s’effectue par des canaux informels. C’est cette importante manne financière que se disputent plusieurs opérateurs financiers spécialisés dans le transfert d’argent du fait que les profits obtenus sont conséquents. C’est le cas de l’américain Western Union, détenant 17% du marché européen en 2006, qui facture 19 euros pour l’envoi de 150 euros au Maroc, assortis de frais de change. En Algérie Western Union dispose de plus de cent points de contact, notamment au niveau de la poste d’où il est possible de retirer du liquide sans passer par une banque.

Ce créneau porteur a amené d’autres spécialistes du transfert, Ria et Money Gram, à venir revendiquer leur part du marché et ce en instaurant une concurrence farouche notamment en matière des frais d’envoi. C’est le cas de Money Gram qui a baissé le tarif à seulement 12 euros.

Une aubaine pour les professionnels du transferts de fond

Le champ demeure encore ouvert et d’autres acteurs viendront bousculer le monopole US et en France on avance déjà le chiffre de 20 autres spécialistes qui viendront s’impliquer dans ce marché juteux. Néanmoins, certaines banques de l’hexagone qui ont investi en Algérie tentent de se ressaisir en étant plus agressifs en direction de la communauté algérienne établie particulièrement en France. C’est le cas de Société Générale Algérie (SOGA) qui parallèlement à l’ouverture de 17 agences à travers le territoire national, un chiffre appelé à doubler à la fin de l’année en cours, compte ouvrir des antennes dans toutes les agences de la banque mère pour amener les immigrés algériens à effectuer le transfert de leur argent. Cet intérêt survient après le constat établi en 2003 concluant que sur les quelques 2,8 milliards d’euros transférés, seul 1,3 milliard ont transité par le circuit officiel. Par conséquent, l’enjeu est important d’autant que les banquiers de SOGA sont conscients du fait que le cours de la monnaie européenne par rapport au dinar a chuté, notamment depuis l’interdiction d’importation de véhicules de moins de 3 ans, le recours au transfert par les réseaux banquiers est plus alléchant pour peu que les mécanismes soient plus souples.

C’est ce qui vient d’être tenté au Maroc avec la création de Banque Accord, filiale du groupe de distribution Auchan, et la marocaine Attijariwafa Bank. Ce partenariat consiste à lancer des cartes de retrait destinées à faciliter le transfert d’argent. La carte est confiée aux proches résidant dans le pays d’origine et est créditée par le client, en France. L’avantage et la nouveauté de la carte Flouss réside dans le fait qu’il n’est pas nécessaire d’être client de la banque pour l’acquérir. Présentant cette carte, un des responsables de Banque Accord dira : « On a des clients qui ne pouvaient plus supporter de faire la queue dans un bureau de poste » et aujourd’hui avec cette carte c’est plus simple que de confier 200 euros à un copain qui descendait au pays ».

Partager cet article
Repost0
28 août 2007 2 28 /08 /août /2007 18:14

http://www.cahiersdufootball.net/images/shutup.jpg







L’argent du leurre
L’Afrique ligotée



La colonisation a dès le départ constitué un système de domination profitant aux grandes puissances européennes. Les modalités de cette domination furent multiples, verrouillant ainsi d’autant mieux les États colonisés. Domination politique bien sûr, qui assurait aux colons prestige et contrôle de tous les leviers administratifs du pays ; domination religieuse avec l’évangélisation forcée de populations entières ; domination culturelle et linguistique, avec l’utilisation forcée de la langue du colonisateur et l’écrasement de toute différence culturelle propre au colonisé, trop souvent justifié par des alibis ouvertement racistes ; enfin, et surtout, domination économique et commerciale qui permettait l’approvisionnement facile du pays colonisateur en matières premières tropicales et en main d’œuvre corvéable à merci. Ces motivations économiques sont très explicites dans le discours des dirigeants politiques européens, comme l’atteste cette déclaration de Jules Ferry, ancien président du Conseil |1| français, en 1885 : « Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. […] La politique coloniale est fille de la politique industrielle. L’Europe peut être considérée comme une maison de commerce qui voit décroître son chiffre d’affaires, car la consommation européenne est saturée. Il faut donc faire surgir de nouvelles couches de consommateurs, la question sociale est une question de débouchés. » La mission civilisatrice de la France est vantée même par des personnalités jugées progressistes à l’époque, comme Victor Hugo en 1879 : « Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue ; non pour le sabre, mais pour le commerce ; non pour la bataille, mais pour l’industrie ; non pour la conquête, mais pour la fraternité. Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires. Allez, faites ! Faites des routes, faites des ports, faites des villes ; croissez, cultivez, colonisez, multipliez |2|. » Parties prenantes de la colonisation, ces motivations économiques et financières vont jouer un rôle central après la décolonisation : le mode de domination va évoluer, mais la domination va bel et bien demeurer.

par Damien Millet

Faux départ

Qu’elle ait choisi d’accorder l’indépendance ou qu’elle y ait été contrainte par des mouvements d’émancipation plus ou moins violents, chaque métropole cherche à conserver son influence sur ses anciennes colonies, même si la partie visible de la colonisation (administration, armée, etc.) doit se faire plus discrète et si la métropole n’est plus directement aux commandes.

Pourtant il serait illusoire de croire que la colonisation peut être oubliée en un clin d’œil, que les sociétés africaines sont sorties miraculeusement indemnes d’une telle épreuve et qu’une décolonisation bâclée a pu les placer naturellement sur la voie du développement. La colonisation, tout comme l’esclavage avant elle, a brisé ces sociétés et a eu des répercussions très importantes sur les décennies suivantes, jusqu’à aujourd’hui. Considérer que la page du passé doit être tournée sans autre forme de procès conduirait à dédouaner un peu trop facilement les grandes puissances de leurs responsabilités dans le présent de l’Afrique. Il s’agirait d’une erreur intellectuelle majeure.

Rarissimes sont les situations en Afrique |3| où, au moment où l’indépendance est arrachée, le pays nouvellement indépendant dispose d’une élite formée et prête à prendre les rênes du pouvoir. L’Afrique n’a pas été préparée pour devenir actrice de son destin dans le cadre de ce « modèle » de développement imposé par les grandes puissances qui la dominaient. Et quand bien même elle l’eût été, les anciennes puissances coloniales et les sociétés privées qu’elles traînent dans leur sillage ne sont pas décidées à lui laisser les coudées franches.
Des hommes de confiance

Dès avant la nomination des gouvernements des pays africains parvenus à l’indépendance, les anciennes métropoles tentent de placer au pouvoir les dirigeants susceptibles de servir leurs intérêts. Même si les relations n’ont pas été toujours idylliques, ces dirigeants sont soutenus par l’ancienne puissance dominante. Ainsi, Félix Houphouët-Boigny, ancien ministre du gouvernement français, devient le premier président de la Côte d’Ivoire. Malgré des différences notoires entre tous ces dirigeants, un scénario comparable se déroule au Sénégal avec Léopold Sedar Senghor, au Gabon avec Léon M’Ba puis Omar Bongo |4|, en République centrafricaine avec David Dacko, au Cameroun avec Ahmadou Ahidjo, au Congo-Brazzaville avec l’abbé Fulbert Youlou, en Haute-Volta (actuel Burkina Faso) avec Maurice Yaméogo, au Niger avec Hamani Diori, etc.

Le cas du Gabon est emblématique du rôle que veut continuer à jouer la France et de la complicité des autorités locales soutenues par l’ancienne métropole. Suite à une tentative de coup d’État en 1964 qui a vu l’armée française intervenir pour rétablir le président Léon M’Ba, Maurice Robert, proche de Jacques Foccart |5| et ancien responsable du SDECE |6|, affirme : « Plusieurs chefs d’État africains, tirant les leçons du coup d’État gabonais et d’un certain nombre d’autres crises ailleurs en Afrique noire, auraient par la suite signé des demandes d’intervention militaire non datées, de façon à contourner l’obstacle d’un empêchement présidentiel. La France avait ainsi la possibilité d’envoyer des troupes en cas de conflit, malgré l’incapacité de l’autorité suprême du pays à solliciter son aide |7|. » Bien sûr, la souveraineté est une expression vaine dans ces conditions. M’Ba aurait même proposé dès les années 1960 de transformer son pays en département français. Il intervient aussi dans le choix de l’ambassadeur de France, obtenant même parfois son remplacement s’il ne s’implique pas suffisamment dans la politique intérieure gabonaise ou s’il refuse d’émettre un avis au seul motif qu’il souhaite respecter la souveraineté du pays. Le rôle d’ambassadeur de France est donc significatif d’une mainmise totale, comme le confirme avec une bonne dose de cynisme et de mauvaise foi Maurice Robert, lui-même ambassadeur de France au Gabon entre 1979 et 1981 : « Un cadre aussi élargi de compétences, qui intégrait les problèmes intérieurs du pays, peut sembler curieux aux néophytes ou à ceux qui voient du néo-colonialisme dans l’aide apportée aux pays africains et qui préféreraient peut-être qu’une fois leurs ressources naturelles "pompées" par les pays industriels ils disparaissent dans le gouffre du sous-développement économique, des maladies, des conflits ethniques et de la barbarie engendrée par tous ces maux accumulés. A cette époque, un ambassadeur de France en ex-Afrique noire française exerçait, en plus de ses fonctions traditionnelles de représentant de l’État français, un rôle de conseiller officieux des autorités. Ce que les médias et certains hommes politiques de gauche n’ont pas compris ou voulu comprendre. Prompts à caricaturer, à parler de copinage, à critiquer pour critiquer, ils oubliaient, ou feignaient d’ignorer, la responsabilité morale de la France à l’égard de ces pays, responsabilité qui justifiait cette action de conseil. Ils perdaient aussi de vue que tout recul de l’influence française faisait le jeu des Américains dont le seul credo était celui du marché, de la maximisation des profits à court terme, indépendamment du développement harmonieux, dont ils n’avaient que faire, des États africains. » Comme si la France était différente…
Quelques francs-tireurs

Mais il est arrivé que la vague populaire soulevée par l’indépendance porte au pouvoir des dirigeants ayant de réelles velléités d’autonomie, comme en Egypte avec Gamal Abdel Nasser, au Mali avec Modibo Keita, au Togo avec Sylvanus Olympio, en Guinée avec Sékou Touré, au Ghana avec Kwame Nkrumah, en Tanzanie avec Julius K. Nyerere, en Zambie avec Kenneth Kaunda ou au Congo ex-belge avec Patrice Lumumba. Leurs fortunes seront diverses.

La plupart de ces tentatives furent de courte durée, souvent abrégées par une instabilité politique héritée de cette décolonisation manquée, parfois aidée par une intervention directe de l’ancienne métropole, dans le but d’imposer son homme de confiance, plus ou moins discrètement.

Au Ghana, Nkrumah est renversé en 1966 par un coup d’État. L’expérience de Modibo Keita au Mali est elle aussi interrompue, en 1968, par le coup d’État de Moussa Traoré et l’instauration d’une dictature.

Au Congo ex-belge, Lumumba doit faire face à l’opposition frontale des puissances occidentales, Belgique, États-Unis et France en tête. La situation devient vite intenable. Moins de deux semaines après l’indépendance, le 11 juillet 1960, Moïse Tshombé |8| proclame la sécession de la riche province du Katanga, peu avant que son ami Kalonji Mulopwe annonce celle du Sud-Kasaï. Dès septembre 1960, les États-Unis et la Belgique cherchent à « mettre Lumumba hors d’état de nuire |9| ». Lumumba est empêché, par la force, de gouverner. Il est placé en résidence surveillée, s’enfuit fin novembre 1960, puis est capturé début décembre. En janvier 1961, il est transféré au Katanga, sur ordre de la Belgique semble-t-il |10|, puis assassiné le 17 par les hommes de Tshombé. Cet assassinat est donc prémédité et organisé par les pays occidentaux. Jean-Paul Sartre écrit : « Par les circonstances mêmes de sa mort, Patrice Lumumba a cessé d’être une personne pour devenir l’Afrique entière |11|. » La voie est libre pour la prise de pouvoir de Joseph-Désiré Mobutu, l’homme des Occidentaux.

Au Togo, Sylvanus Olympio est assassiné le 13 janvier 1963 par le sergent Eyadema Gnassingbé instrumentalisé par la France (qui, selon Maurice Robert, n’a « rien fait pour calmer le mécontentement des militaires nordistes, car l’impopularité du régime grandissait et nous espérions son renversement au profit d’un régime plus accommodant |12| »). Il sera remplacé d’abord par Nicolas Grunitzky, soutenu par la France, puis par Eyadema lui-même, après un coup d’État le 13 janvier 1967 |13|. Depuis, le 13 janvier est jour férié au Togo…

En Guinée, la France ne se résout pas au « non » de Sékou Touré, et en 1959, elle monte l’opération Persil, « qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie ». Ces faux billets sortaient des imprimeries du SDECE ; « cette opération a été une véritable réussite et l’économie guinéenne, déjà bien malade, a eu du mal à s’en remettre |14| ».

Sékou Touré, Nasser et Nyerere gouverneront plus de dix ans. Quelques autres les rejoignent, au cours des années 1960, dans la recherche d’une démarche autocentrée, tels Marien Ngouabi au Congo-Brazzaville, Mouammar Kadhafi en Libye, et plus tard Thomas Sankara au Burkina Faso (l’ancienne Haute-Volta). Autant d’hommes politiques qui disposent, aujourd’hui encore, en Afrique, d’une aura proportionnelle au matraquage médiatique dont ils ont fait l’objet en Occident.

Car les médias ont été largement instrumentalisés. Lors de la tentative de sécession du Biafra, en 1967, au Nigeria, la France soutient activement les sécessionnistes dirigés par Emeka Ojukwu. Suite au blocus alimentaire organisé par le gouvernement nigérian, la population souffre des combats et de la famine. Afin d’emporter l’adhésion de l’opinion publique française, ce sont les services secrets français qui ont imposé aux médias l’utilisation du terme « génocide », mot choc destiné à sensibiliser l’opinion. De même, un certain nombre de responsables politiques occidentaux n’acceptent pas la mise au ban des nations de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie, à cause du régime raciste de l’apartheid, qu’ils considéraient davantage comme des alliés dans la lutte contre l’Union soviétique. Maurice Robert confirme qu’en 1979, « la Rhodésie approvisionnait [le Gabon] en excellente viande, l’Afrique du Sud et l’Europe en fruits et légumes. (…) Malgré l’embargo. A partir d’un dispositif de contournement efficace mis en place (…) dès la fin des années 1960 et qui passait par le Gabon, à la fois destinataire et carrefour des produits sous embargo. » Dans ce but, Robert lui-même utilisait la presse pour « publier des papiers vantant les produits sud-africains ou mentionnant des relations commerciales entre lui et d’autres pays du continent. Ce n’était pas vrai, en tout cas pas toujours, mais ça banalisait la situation et nous paraissait de nature à inciter les États à normaliser leurs rapports avec ce pays. » Les grands principes sont piétinés.

Globalement, une fois passée l’euphorie initiale de l’affranchissement, bien peu de régimes réellement indépendants et politiquement souverains subsistent à la fin des années 1960.
Sauver les apparences

Les dirigeants à la solde d’une grande puissance occidentale vont parfois avoir le culot de masquer leur soumission derrière un discours nationaliste ou africaniste, auquel les populations sont particulièrement sensibles.

Ainsi, en octobre 1971, Mobutu lance la zaïrianisation, grande initiative conduisant au changement de nom du pays (l’ex-Congo belge devient le Zaïre) et à une réappropriation des biens par des acteurs locaux (notamment les proches de Mobutu lui-même). Il fait l’actualité aussi cette année-là par un discours aux forts accents tiers-mondistes prononcé à la tribune de l’ONU le 4 octobre 1973, fort surprenant a posteriori une fois sa démarche décryptée : « Le monde se divise en deux camps : les dominés et les dominateurs ; les exploités et les exploiteurs. Les pays pauvres ne le sont pas par incapacité congénitale ; ils le sont par suite de l’histoire qui a fait que certains pays ont dominé, exploité et pillé d’autres pour s’enrichir. Et c’est de la logique mathématique, quand le riche exploite le pauvre, le riche devient de plus en plus riche, et le pauvre de plus en plus pauvre. » Pendant ce temps, Mobutu s’enrichit sur le dos de son peuple.

De même, au Togo, Eyadema lance en 1974 une politique dite d’authenticité proche de la démarche de Mobutu, qui conduit par exemple à la suppression des prénoms d’origine judéo-chrétienne, remplacés par des prénoms plus « authentiques » (le nom initial d’Eyadema est Etienne Gnassingbé, qu’il changera à cette occasion en Eyadema Gnassingbé).

Mais de telles initiatives sont assez anecdotiques, bien des régimes n’hésitent pas à montrer leur vraie nature. Jusqu’à la fin des années 1980, le respect des Droits de l’Homme ou l’instauration d’un régime démocratique ne sont pas des conditions mises en avant par les dirigeants des pays riches : leur soutien à tel dirigeant est avant tout motivé par la défense de leurs propres intérêts. Ainsi des régimes autoritaires et corrompus comme ceux de Bokassa en République centrafricaine, Mobutu au Zaïre, Traoré au Mali, Bongo au Gabon, Eyadema au Togo, Juvénal Habyarimana au Rwanda, Hassan II au Maroc vont bénéficier, parfois longtemps, de la clémence, voire du soutien, des anciennes métropoles.
L’explosion de la dette

Les puissants d’hier vont tout mettre en œuvre pour rester les puissants de demain. Or celui qui contrôle les finances d’une nation n’a pas besoin du contrôle total sur la gestion politique intérieure pour être le vrai patron. Ceux qui détenaient le pouvoir au temps des « jolies colonies » choisissent donc de devenir, au cours des années 1960 et 1970, des créanciers et de continuer à tirer les ficelles en coulisses, de façon plus discrète mais tout aussi implacable. Trois types d’acteurs financiers vont entrer en jeu.

Premier acteur : les banques occidentales
Dès les années 1960, les banques privées européennes regorgent de capitaux. Ces capitaux sont essentiellement constitués par les eurodollars, ces dollars prêtés dans les années 1950 par les États-Unis aux nations européennes, notamment via le plan Marshall destiné à financer leur reconstruction. Ayant investi ces dollars en Europe, les États-Unis cherchent à empêcher un retour sur leur territoire de ces billets qui pourraient assécher leurs coffres-forts (si leurs détenteurs demandaient, comme le prévoyaient les accords en vigueur à l’époque, à les échanger contre de l’or) et provoquer une forte inflation chez eux. Ils incitent donc les banques européennes qui les détiennent à les garder hors des États-Unis : elles vont alors chercher à les prêter pour qu’ils génèrent des profits. Les dirigeants des pays africains (comme ceux du tiers-monde en général) sont alors demandeurs de ces capitaux, officiellement pour financer le développement de leur pays, mais acceptant d’autant plus facilement qu’ils sont intéressés à des fins personnelles par un tel déferlement de capitaux…

Le phénomène est renforcé après le choc pétrolier de 1973 (quadruplement soudain des prix du pétrole) par l’arrivée des pétrodollars, résultant de l’afflux dans les banques occidentales de dollars provenant des profits réalisés par les pays producteurs de pétrole et placés judicieusement (notamment par les émirs des pays du Golfe).

La part privée de la dette des pays du tiers-monde, constituée par ces prêts, connaît une augmentation très importante en vingt ans. Proche de 0 au début des années 1960, elle atteint 2,5 milliards de dollars en 1970 puis 38 milliards de dollars en 1980 (concernant essentiellement les pays attractifs ayant des richesses naturelles, notamment 13,5 milliards de dollars pour la seule Algérie, dont les ressources en pétrole et en gaz intéressent les détenteurs de capitaux du monde entier).

Deuxième acteur : les pays riches
Afin de conserver toute leur influence dans leurs anciennes colonies, les pays les plus industrialisés prêtent massivement aux pays nouvellement indépendants. Cette aide est intéressée : la crise qui frappe les pays riches à partir des années 1973-1975, après trente années de forte croissance appelées les Trente glorieuses, les contraint à chercher des débouchés pour leurs marchandises qui ne trouvent plus preneur sur un marché national anémié par un chômage croissant et une baisse du pouvoir d’achat. Ils ont alors l’idée de relancer leur croissance en distribuant du pouvoir d’achat aux pays du Sud et en leur accordant des prêts exclusivement destinés à acheter des marchandises fabriquées dans le pays créancier, même si elles ne sont pas les moins chères ou les mieux adaptées au pays acheteur : c’est de l’aide liée. Les deux pays se mettent d’accord sur les achats de marchandises qu’un contrat de prêt vient rendre possibles en octroyant précisément le montant nécessaire à ces achats. Cela revient en bout de course à subventionner indirectement les grandes entreprises du Nord et à faire payer les intérêts par les peuples africains ! Peu élevée au début des années 60, la part bilatérale de la dette atteint 6 milliards de dollars en 1970 puis 36 milliards de dollars en 1980 (dont 10 milliards de dollars pour la seule Egypte, pays particulièrement stratégique au Moyen-Orient).

Troisième acteur : les institutions multilatérales
Les deux institutions financières multilatérales les plus importantes sont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), mais elles évoluent aux côtés de multiples autres à l’influence plus réduite, comme la Banque africaine de développement (BAfD) ou des fonds de développement européens, arabes ou islamiques.

Créées toutes les deux à Bretton Woods (New Hampshire, États-Unis) en juillet 1944, elles sont les héritières du rapport de forces issu de la seconde guerre mondiale, à un moment où les États-Unis étaient en mesure d’imposer leurs volontés. Installées à Washington, à proximité du Trésor états-unien, elles intègrent fondamentalement l’intérêt géopolitique du bloc occidental dans leurs actions depuis plus de soixante ans : c’est le fameux développement, notion complexe et ambiguë. Comme le dit Teddy Goldsmith, les institutions de Bretton Woods ont pour rôle « de créer un marché en croissance permanente pour les biens et services fournis par les firmes occidentales, essentiellement américaines, et en même temps fournir à ces dernières une source toujours en expansion de main d’œuvre à bon marché ainsi que des matières premières à bas prix. Ce processus d’impérialisme économique – spécifiquement conçu pour se substituer à l’impérialisme politique […] - a été qualifié pour la première fois par le Président des États-Unis Truman de "développement" |15|. » En effet, dans son Discours sur l’État de l’Union en 1948, Harry Truman déclare : « il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et de notre progrès industriel au service de l’amélioration et de la croissance des régions sous-développées. […] Nous devrions encourager l’investissement des capitaux dans les régions où le développement fait défaut. » Aimé Césaire décode le message en 1955 : « Entendez que la grande finance américaine juge l’heure venue de rafler toutes les colonies du monde |16|. » Les deux fers de lance de cette grande finance sont le FMI et la Banque mondiale.

La tâche du FMI était initialement de garantir la stabilité du système financier mondial basé sur la libre convertibilité des monnaies entre elles et par rapport à l’or, le fameux étalon-or. En août 1971, se rendant compte que les États-Unis ont commis l’imprudence de déverser dans le monde entier des quantités colossales de dollars qui commencent à mettre en péril leur stabilité économique, le président états-unien Richard Nixon décide unilatéralement la fin de la convertibilité du dollar en or. Le système instauré par les accords de Bretton Woods vacille, par la faute même du pays qui l’a promu avec la plus extrême vigueur. Alors que les taux de change entre monnaies étaient auparavant fixes, la réponse du système à cette décision de Nixon est alors la fluctuation des monnaies que nous connaissons encore aujourd’hui.

Au cours des années 1970, le FMI connaît donc un bouleversement majeur dans son action. Il conserve toutefois la mission de prêter (sur des périodes assez courtes) aux pays ayant des difficultés pour boucler leur budget, tout en s’assurant qu’ils appliquent une politique économique leur permettant de revenir rapidement à l’équilibre budgétaire. Cet objectif budgétaire est l’unique priorité et ne tient absolument pas compte des conséquences sociales et humaines des mesures imposées.

L’objectif de la Banque mondiale, quant à lui, est officiellement de financer le développement des pays du Sud. Mais à partir de 1968 et l’arrivée à sa tête de l’ancien Secrétaire d’État à la Défense des États-Unis (alors empêtrés militairement au Vietnam), Robert McNamara |17|, elle accroît massivement ses prêts dans l’intention d’acquérir un droit de regard sur les politiques pratiquées par ses clients… Elle soutient les alliés stratégiques des États-Unis (comme Mobutu au Zaïre qui est un partenaire-clé entre l’Angola et le Congo soutenus par le bloc communiste, Anouar el-Sadate en Egypte, Hassan II au Maroc, le régime de l’apartheid en Afrique du sud ou les régimes militaires nigérians), et prête à ceux qui tentent de quitter le giron occidental dans l’espoir de les maintenir sous influence.

Nulle au début des années 1960, cette part multilatérale de la dette atteint 1,2 milliard de dollars en 1970 puis 15,5 milliards de dollars en 1980 (dont 7 détenus par la Banque mondiale et 4 par le FMI).

Très vite, les détenteurs de capitaux des pays riches sont rassurés : grâce à la dette, la finance mondiale est certaine de rester aux commandes d’un vaste empire. Et sous l’effet de ces trois acteurs, la dette africaine explose, atteignant 10 milliards de dollars en 1970 puis 89 milliards de dollars en 1980.

http://www.cadtm.org/IMG/png/detteaf.png
Calcul de l’auteur à partir de : Banque mondiale, Global Development Finance 2004.

Le service de la dette, à savoir la somme du capital et des intérêts remboursés, s’accroît très vite lui aussi : faible en 1960, il dépasse 1 milliard de dollars en 1970 et atteint 11 milliards de dollars en 1980.

http://www.cadtm.org/IMG/png/serviceaf.png
Calcul de l’auteur à partir de : Banque mondiale, Global Development Finance 2004.

Le schéma officiel prévoit que l’argent prêté massivement va permettre un accroissement important de la production, et donc des exportations, des pays du Sud qui pourront par conséquent récupérer les devises nécessaires au remboursement de la dette et participer à la croissance mondiale. Ce schéma va se révéler totalement erroné : les grands argentiers ont triché, comme nous allons le voir plus loin.
Des sommes colossales dilapidées

Que sont devenus ces 89 milliards de dollars que les pouvoirs publics de pays africains ont empruntés entre 1960 et 1980 ? Les populations ont-elles profité de ces sommes ? Ont-elles servi à promouvoir le développement humain ?

Le problème majeur est que cet endettement est né de la volonté des détenteurs de capitaux du Nord et du Sud, qui y avaient tout intérêt (c’est le cas de le dire !). Pour les créanciers du Nord, la dette était et est encore aujourd’hui un puissant levier de commande sur les politiques économiques des pays du Sud. Pour les classes dirigeantes du Sud, les prêts étaient l’occasion de prélèvements personnels juteux. Les besoins et les attentes des populations n’étaient pas parmi leurs priorités.

La première évidence est que la corruption à grande échelle (pas celle de petits fonctionnaires africains payés parfois avec des années de retard, mais bien celle des élites en col blanc) a entraîné des détournements massifs au profit des classes dominantes du Nord et du Sud. Dans ce domaine, il est toujours délicat de citer des chiffres fiables. Néanmoins quelques estimations intéressantes deviennent publiques… Dans une étude publiée en 2004, un universitaire états-unien, Jeffrey Winters, professeur associé d’économie politique à la Northwestern University, évalue à 200 milliards de dollars les montants détournés dans le monde suite à des prêts de la part de la Banque mondiale et des banques régionales de développement depuis leur création |18|. C’est considérable, et la Banque mondiale porte une énorme responsabilité dans cet état de fait.
Zaïre-FMI, pour le pire…

Le FMI n’a pas davantage cherché à lutter contre ce type de détournements massifs, bien au contraire, alors qu’il était parfaitement au courant. Le cas de Mobutu est caricatural, avec une fortune estimée à 8 milliards de dollars au moment où il est chassé du pouvoir alors que la dette extérieure du Zaïre est à cette date-là de 12 milliards de dollars... Un des outils essentiels pour prouver que les créanciers connaissaient l’existence d’un système organisé de détournements est le rapport Blumenthal |19|. La Banque centrale du Zaïre faisait l’objet de nombreuses ponctions par les dirigeants au pouvoir, en lien avec leurs soutiens occidentaux, car elle représentait une source importante de devises étrangères. Du fait que la Banque ne remboursait plus ses dettes extérieures, le FMI décida, en 1978, d’y placer un de ses représentants, Erwin Blumenthal, ancien membre du Directoire de la Bundesbank (la banque centrale de la République fédérale d’Allemagne). En juillet 1979, il décida précipitamment de quitter son poste suite aux menaces de mort dont il avait fait l’objet par des généraux de Mobutu et en particulier par M. Eluki, chef de la garde personnelle du dictateur |20|. Il écrivit un rapport détaillant précisément les pratiques mafieuses de la « bourgeoisie politico-commerciale zaïroise ». Ce rapport dénonçait la corruption ambiante du régime, la nature des corrupteurs et même certains noms de firmes étrangères qui, de près ou de loin, participaient au pillage congolais. Toutefois, le message le plus fort de ce rapport fut l’avertissement d’Erwin Blumenthal à la communauté financière internationale : « La corruption, érigée comme système caractéristique du Zaïre avec ses manifestations les plus malsaines, sa mauvaise gestion et ses fraudes, détruira toutes les tentatives de ressaisissement et de restauration de l’économie zaïroise par les institutions internationales, les gouvernements « amis » et les banques commerciales. Certainement, il y aura de nouvelles promesses de Mobutu et des membres de son gouvernement, qui rééchelonneront encore et encore une dette extérieure toujours croissante, mais aucune perspective (insister sur : aucune) n’est offerte aux créanciers du Zaïre de recouvrer l’argent qu’ils y ont investi dans un futur prévisible |21|. »

Par conséquent, dès 1979, les principaux bailleurs de fonds du régime (suisses, français, états-uniens ou belges), très liés au FMI, avaient connaissance des pratiques frauduleuses et du risque qu’ils encouraient en continuant à prêter au régime. Leur responsabilité est donc établie dans la situation actuelle. Le système mobutiste fut ainsi légitimé par la collusion entre la classe politique nationale et les personnalités politiques des pays occidentaux, qui s’étaient clairement engagés dans le soutien d’un régime responsable d’actes criminels. Dans le même temps, alors que le monde vivait la « guerre froide » entre le bloc occidental et le bloc soviétique, Mobutu servait les intérêts géopolitiques de ses puissants alliés. La dette et la corruption pouvaient alors se développer en toute quiétude.

Le président de la Cour des Comptes de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) a donc pu déclarer en 2004 : « On estime que 30% de la dette de la RDC est entrée dans la corruption. […] Qui a empoché ? Les bailleurs de fonds et les bénéficiaires des crédits. Les bailleurs de fonds grâce aux surfacturations des projets et aux travaux qui n’étaient pas suivis de près par les pays. Quand [le barrage d’]Inga a été construit, le Congo disposait de deux ingénieurs sans expérience : le projet a été conçu par des bailleurs de fonds, financés par eux et dirigés par eux. La dette a profité beaucoup plus au pays qui a financé qu’à celui qui a bénéficié du crédit |22|. »

L’exemple du Zaïre, s’il est imposant, est loin d’être unique et la liste ne saurait être exhaustive : la corruption est massive, les détournements de fonds sont inhérents à ce système économique dont la dette est devenue une pierre angulaire.
Des projets inadaptés et des régimes renforcés

L’argent qui parvient tout de même dans le pays emprunteur est utilisé de manière bien ciblée.

Les crédits vont en priorité aux méga-projets énergétiques ou d’infrastructures (grands barrages, centrales thermiques, oléoducs, gazoducs, aéroports, ports, voies ferrées, grands monuments…), très souvent inadaptés et mégalomaniaques, surnommés les « éléphants blancs ». Sous couvert d’améliorer les conditions de vie des populations sur place, il s’agit souvent en fait de parvenir à extraire les richesses naturelles et de les transporter facilement vers le marché mondial. Pour revenir sur l’exemple précédent, le barrage d’Inga au Zaïre permet à partir de 1972 de tirer une ligne à haute tension sans précédent de 1 900 kilomètres vers le Katanga, province riche en minerais pour leur extraction. Mais cette ligne ne s’est pas accompagnée de l’installation de transformateurs qui auraient permis de fournir de l’électricité aux villages qu’elle survole… Les exemples sont nombreux pour la seule RDC, car au début des années 1970, lorsque les cours du cuivre et d’autres matières premières s’envolent sur les marchés internationaux, le régime de Mobutu s’endette massivement. L’économie du Zaïre devient alors l’enjeu de projets d’investissements importants et tous les grands pays industrialisés se lancent dans des réalisations d’envergure et de prestige : les États-Unis (la ligne à haute tension depuis Inga, meunerie de Matadi, etc.), l’Allemagne (complexe industriel dans le Nord nommé COMINGEN, cimenterie dans le Bas-Zaïre appelée CINAT), la France (usines clé en main comme la laiterie ultramoderne installée à Nsele ou l’usine textile SOTEXKI, la Voix du Zaïre, le réseau de communication hertzien, le Centre de commerce international du Zaïre), l’Italie (construction du barrage d’Inga, raffinerie de pétrole SOZIR, complexe sidérurgique de Maluku), la Belgique (expansion des entreprises déjà existantes, participation à la construction de l’aéroport de Kisangani et des installations d’Inga II).

Quelle utilité pour le peuple congolais ? Le coût final du barrage d’Inga est estimé à 850 millions de dollars |23|, intérêts et charges financières non compris. L’intérêt des entreprises privées étrangères, des banques ainsi que des gouvernements occidentaux est évident. Mais le barrage d’Inga représentait en 1980 environ 20 % de la dette du Zaïre. Le poids supporté par les populations est gigantesque pour un si faible apport quotidien : le barrage d’Inga accuse un coefficient d’utilisation très faible. En 2004, plus de trente ans après le raccordement de Kinshasa à l’électricité provenant d’Inga, seules 6 turbines sur 14 sont en état de fonctionner, et les fréquentes coupures de courant qui en résultent détériorent de nombreux appareils électriques, par exemple chez les 250 000 foyers de Kinshasa ayant théoriquement le courant (sur une population totale estimée entre 10 et 13 millions d’habitants).

L’usine sidérurgique de Maluku est un autre exemple significatif des projets à rentabilité nulle financés par la dette extérieure. En effet, cette usine, qui importe d’Italie, au double du prix de la fonte, la mitraille dont elle se sert dans la fabrication de l’acier, fournit une production inadaptée au marché local. Aujourd’hui, les outils utilisés par les agriculteurs congolais, qui auraient dû provenir de Maluku, sont importés du Brésil.

Suivant la même logique que la ligne à haute tension menée depuis Inga, le rail sur le continent noir obéit à une logique imposée par les grandes puissances commerciales : « Le système ferroviaire africain, pour autant qu’il existe, ressemble aujourd’hui à des griffes qui plongent dans le continent pour retirer le maximum de choses et les ramener sur la côte. Ce n’est pas un réseau osmosé qui a été bâti dans l’intérêt des pays africains |24|. »

Autre exemple symbolique, la cérémonie du couronnement de l’empereur Bokassa Ier en République centrafricaine, en décembre 1977, a coûté à elle seule un cinquième du budget national, environ 140 millions de francs français (plus de 21 millions d’euros)… La France prendra en charge une partie des dépenses du couronnement |25|. Le ministre français de la Coopération, Robert Galley, l’honorera de sa présence, cautionnant cette sinistre mascarade ! Bokassa mourra d’ailleurs en 1996 en ayant toujours le rang et la retraite d’un caporal de l’armée française |26|…

Enfin, l’Afrique fait également parler d’elle par des records surprenants : Casablanca (Maroc) abrite depuis 1994 la mosquée Hassan II, la plus grande au monde après celle de la Mecque, construite par Bouygues et qui aurait coûté la coquette somme de 500 millions de dollars ; Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) est célèbre depuis 1990 pour sa basilique Notre-Dame-de-la-Paix, réplique en plus grand de celle de St-Pierre-de-Rome et qui aurait coûté la bagatelle de 250 millions de dollars.

L’achat d’armes ou de matériel militaire pour opprimer les peuples a aussi compté dans la montée de l’endettement. Nombre de dictatures ont maintenu leur emprise sur les populations en achetant à crédit des armes, avec la complicité active ou passive des créanciers. Les populations d’aujourd’hui remboursent donc une dette qui a permis d’acheter les armes responsables de la disparition des leurs, que l’on pense aux victimes du régime d’apartheid en Afrique du Sud (1948-1994) ou du génocide au Rwanda (1994). L’argent emprunté servait aussi à alimenter les caisses noires des régimes en place, utilisées pour compromettre les partis d’opposition et financer des campagnes électorales coûteuses et des politiques clientélistes.

Infrastructures commandées par les multinationales du Nord et inadaptées aux populations, dépenses somptuaires de pur prestige, aide liée, achat d’armes pour une répression accrue, détournements et corruption, voilà ce à quoi ont servi les sommes empruntées pendant deux décennies.
Fin du jeu

La logique de domination par les grandes puissances occidentales, qui prévalait pendant les années sinistres de la colonisation et précédemment via l’esclavage, perdure après les indépendances. Bien souvent, le principal changement est qu’un gouverneur blanc a été remplacé par un chef d’État d’origine africaine plus ou moins consentant… Cela prouve indéniablement que la lecture géographique des rapports Nord/Sud ne peut être la bonne. Le véritable clivage est plutôt entre ceux qui profitent du système dominant et ceux qui le subissent, entre oppresseurs et opprimés.

En fait, à la fin des années 1970, les grandes puissances financières, publiques et privées, sont parvenues à mettre sur pied un mécanisme invisible et subtil qui va exercer à leur place, et moins ostensiblement, la domination qu’elles veulent perpétuer. La dette est le cœur de cette nouvelle colonisation. L’indépendance n’est finalement qu’un leurre. Le nœud coulant de la dette est passé au cou des nations et des populations africaines. Il reste à le serrer : l’heure est venue.
notes articles:

|1| Equivalent du Premier ministre aujourd’hui.

|2| www.herodote.net/mots11.htm#colon

|3| Ce ne fut pas exactement identique en Amérique latine 150 ans plus tôt ou en Asie.

|4| Né Albert-Bernard Bongo, il prendra le prénom Omar lors de sa conversion à l’islam en 1973.

|5| Conseiller du président de la République française à l’Elysée pour les affaires africaines et malgaches jusqu’en 1974.

|6| Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, devenu la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en 1982.

|7| Robert Maurice, « Ministre » de l’Afrique, Seuil, 2004. Les citations de ce paragraphe proviennent de cet ouvrage.

|8| Aidé par les parachutistes belges et par le mercenaire Bob Denard, au service de la France.

|9| Les mots sont de Pierre Wigny, ministre belge des Affaires étrangères.

|10| Voir De Witte Ludo, L’Assassinat de Lumumba, Karthala, 1999, cité sur le site www.gnammankou.com/lumumba.htm

|11| Cité par Jeune Afrique/L’Intelligent, 17 février 1964.

|12| Robert Maurice, op. cit. Selon lui, les informations en possession de la France « désigneront Eyadema comme étant l’assassin, ce qu’il reconnaîtra d’ailleurs par la suite… avant de démentir. »

|13| Il y restera jusqu’à sa mort en février 2005. A la fin avril 2005, il est remplacé par son fils Faure Gnassingbé, après une parodie d’élection, dans la droite ligne du régime Eyadema. Combien de temps de telles pratiques vont-elles encore pouvoir exister ?

|14| Ce paragraphe trouve sa source dans : Robert Maurice, op. cit., tout comme celui sur les médias plus loin.

|15| Goldsmith Teddy, « Les institutions de Bretton Woods peuvent-elles vaincre la pauvreté ? », L’Ecologiste, n° 3, printemps 2001.

|16| Césaire Aimé, Discours sur le colonialisme, Présence africaine, 1955.

|17| Le parallèle avec la décision de George W. Bush de nommer Paul Wolfowitz à la tête de la Banque mondiale en mars 2005, à un moment où les Etats-Unis sont empêtrés en Irak après l’invasion décidée en mars 2003, est intéressant à souligner. Wolfowitz est l’ancien numéro 2 du Pentagone et un partisan acharné de cette invasion de l’Irak.

|18| Winters Jeffrey, « Combating Corruption in the Multilateral Development Banks », intervention devant la Commission des Affaires étrangères du Sénat des États-Unis, 13 mai 2004, http://foreign.senate.gov/testimony/2004/WintersTestimony040513.pdf. Voir aussi Pincus Jonathan, Winters Jeffrey, Reinventing the World Bank, Cornell University Press, 2002.

|19| Cette partie s’appuie sur un travail de recherche : Dibling Sébastien, Elongo Vicki, Vandendaelen Christine, Et si le Congo-Zaïre refusait de payer sa dette ?, étude réalisée par un groupe de travail du CADTM et présentée lors du séminaire international sur la dette de Kinshasa en avril 2004. Inédit.

|20| Madörin Macha et al., Mobutisme, guerre froide, pillage et compagnie : les relations Suisse-Zaïre de 1965-1997, Repères, 1998, www.ppp.ch/devPdf/Mobutisme.pdf

|21| Blumenthal Erwin, Zaïre : Report on her Financial credibility, avril 1982.

|22| Déclaration en présence de l’auteur, en avril 2004, à Kinshasa, lors du Sommet international sur la dette odieuse de la RDC.

|23| Willame Jean-Claude, Zaïre : L’épopée d’Inga, Chronique d’une prédation industrielle, Paris, L’Harmattan, 1986.

|24| Ki-Zerbo Joseph, op. cit.

|25| Voir Robert Maurice, op. cit.

|26| Jeune Afrique/L’Intelligent, 21 novembre 2004. Malgré la collusion évidente de ce magazine avec différents pouvoirs africains bien peu fréquentables, certaines des informations qui y sont publiées vont permettre d’étayer notre propos.
*************************
Conjoncture internationale et endettement : les nouveaux défis que doit relever le CADTM

par Éric Toussaint

Augmentation des réserves de change
Depuis 2004, nous vivons une conjoncture économique caractérisée par un prix élevé des matières premières et d’un certain nombre de produits agricoles. Cela a permis à une majorité de pays en développement d’augmenter leurs recettes d’exportation et d’engranger d’importantes réserves de change. Cette situation concerne plus particulièrement les pays exportateurs de pétrole, de gaz et de minerais. Certains pays exportateurs de produits agricoles ont également bénéficié de cette conjoncture favorable. Néanmoins tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne, certains pays d’Afrique subsaharienne ont vu leur situation se détériorer.

En 2007, les pays en développement (PED) détiennent ensemble plus de 3 000 milliards de dollars |1| comme réserves de change tandis que les pays les plus industrialisés ne détiennent que la moitié de cette somme. Cette situation favorable est mise à profit par un nombre significatif de gouvernements pour rembourser de manière anticipée leurs dettes au FMI, à la Banque mondiale, au Club de Paris et aux banquiers privés. Certains créent des fonds de développement dans lesquels ils placent une partie de leurs réserves de change afin de financer des dépenses sociales ou d’infrastructure |2|. Sept pays d’Amérique latine (Argentine, Bolivie, Brésil, Equateur, Paraguay, Uruguay, Venezuela) négocient la création d’une Banque du Sud afin de financer leur intégration régionale et des projets sociaux. Certaines d’entre eux envisagent également la création d’une Banque de l’ALBA (Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela). Les signes de prise de distance par rapport à la Banque mondiale et au FMI se multiplient : l’Equateur a expulsé le représentant permanent de la Banque mondiale à Quito fin avril 2007, le Venezuela envisage de se retirer de la Banque mondiale et du FMI, la Bolivie ne reconnaît plus l’autorité du CIRDI (filiale de la Banque mondiale chargée de régler les litiges en matière d’investissement).

Crise de légitimité de la Banque mondiale et du FMI
Par ailleurs, la Banque mondiale et le FMI vivent une grande crise de légitimité. Paul Wolfowitz, président de la Banque depuis juin 2005, a été contraint à la démission en juin 2007 suite au népotisme dont il a fait preuve. Alors que plusieurs pays membres de la Banque mondiale affirmaient qu’il était temps de mettre à la tête de l’institution un citoyen ou une citoyenne du Sud, le président des Etats-Unis a désigné pour la onzième fois un citoyen états-unien pour la présider. Début juillet 2007, c’était au tour du directeur général du FMI, l’Européen Rodrigo de Rato, d’annoncer de manière imprévue sa démission. Les Etats européens se sont mis d’accord pour le remplacer par un Français, Dominique Strauss Kahn. Ces événements récents mettent en évidence aux yeux de la population des PED que les gouvernements d’Europe et des Etats-Unis veulent garder un contrôle sans faille sur les deux principales institutions financières multilatérales alors que c’est un Européen, Pascal Lamy, qui préside l’OMC. En résumé, tant les circonstances de la démission de Paul Wolfowitz que la désignation des nouveaux dirigeants des principales institutions qui orientent la mondialisation démontrent aux gouvernants et aux populations de l’ensemble de la planète que la bonne gouvernance prend un sens très relatif quand il s’agit de la répartition du pouvoir à l’échelle internationale.

Nouvelle architecture internationale et banques du Sud
Cela rend d’autant plus urgente la construction d’une nouvelle architecture institutionnelle internationale qui aboutira à une profonde réforme démocratique du système des Nations unies et le remplacement de la Banque mondiale et du FMI par des institutions démocratiques. La construction de cette nouvelle architecture passera par la création et le renforcement de mécanismes d’intégration régionale Sud-Sud, par la constitution d’une ou de plusieurs Banques du Sud qui devront coordonner leurs efforts, par la mise en place de mécanismes d’échanges compensés |3| et solidaires entre PED. Ces derniers mécanismes donnent déjà des résultats fort intéressants en particulier en Amérique latine et dans la Caraïbe : amélioration de la santé, de la sécurité énergétique (Petrocaribe par exemple), de l’éducation, de l’information (développement de Telesur).

La crise de la dette n’est pas résolue
Ces nouveaux développements aussi importants qu’ils puissent être ne doivent pas nous faire oublier la réalité de la dette : chaque année les gouvernements des PED remboursent plus de 240 milliards de dollars d’argent public aux créanciers, ce qui représente plus de trois fois la somme dont ils auraient besoin pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement.
Les dettes à l’égard du FMI et de la Banque mondiale restent très élevées et, pour tout dire, insoutenables pour un nombre considérable de pays dont la majorité de la population vit en dessous de la ligne de pauvreté absolue. Ces organismes, bien qu’affaiblis et en déficit de légitimité, poursuivent des politiques qui rendent encore plus vulnérables les économies des pays à faibles revenus, des politiques qui favorisent la privatisation de l’eau, de l’électricité, de la santé, de l’éducation et de la culture.

Forte augmentation de la dette publique interne
Une évolution récente est également à prendre en considération : la dette publique interne augmente très fortement. Alors qu’en 1998, la dette publique interne et la dette publique externe faisaient parts égales, en 2006 la dette publique interne représente le triple de la dette externe |4| !
Ce phénomène est capital : désormais il n’est plus possible de mesurer l’endettement des PED sur la base du montant de leur dette externe. La plupart des mesures de soutenabilité de la dette produite par les institutions internationales sont totalement obsolètes. Il faut dorénavant additionner la dette publique interne et externe d’un pays pour mesurer le poids que représente l’endettement pour les finances publiques et l’économie du pays. C’est d’autant plus nécessaire qu’une partie croissante des titres de la dette publique interne est achetée par des créanciers étrangers |5|.

Augmentation de l’endettement des entreprises privées
Il ne faut pas perdre de vue l’endettement croissant des entreprises privées des PED. Depuis que les pays exportateurs de matières premières connaissent une situation financière favorable, les banques privées des pays les plus industrialisés ont multiplié les prêts aux entreprises privées des PED. Les deux secteurs privés qui s’endettent le plus dans les PED sont les banques et les entreprises du secteur des hydrocarbures et des matières premières. Il faut être particulièrement attentif à cette évolution : les banques privées des PED empruntent au Nord à bas taux d’intérêts pour prêter cet argent sur le marché intérieur à un taux plus élevé. Si jamais, la situation économique se dégrade (ce qui est probable pour les années qui viennent), on risque d’assister à une série de faillites de banque privées des PED comme lors des crises financières qui ont touché le Mexique en 1994-1995, les pays du Sud-Est asiatique et la Corée en 1997-1998, l’Equateur en 1998-1999 et l’Argentine en 2001. La dette privée des banques d’aujourd’hui risque, si on n’y prend garde, de représenter une dette publique demain. De là, la nécessité de contrôle l’endettement du secteur privé. Il en va de même pour le secteur des hydrocarbures et des mines. Des entreprises privées pétrolières, gazières et minières s’endettent pour développer leur capacité de production afin de profiter des prix élevés des matières premières. Si ces prix chutent, les investissements réalisés grâce à l’emprunt risquent de se révéler non rentables et la dette à rembourser impayable. Il est fondamental de limiter et de contrôler cet endettement.

Nouvelle vague d’endettement dans le domaine des industries extractives, des mégaprojets énergétiques, dans l’exploitation des forêts tropicales
A côté d’autres acteurs, la Banque mondiale joue un r&oci

Partager cet article
Repost0
28 août 2007 2 28 /08 /août /2007 13:35


http://nichani.files.wordpress.com/2006/12/freedom.jpg
                       
                                       

الحرية والحقوق كما نراها   


السلام عليكم ورحمة الله وبركاته

دعوة الإسلاميين دعوةٌ بسيطةٌ واضحةٌ، لا تعقيد فيها ولا غموض، ومع هذا فقلَّ أن نجد من يفهمها فهمًا صحيحًا في خارج محيط الإسلاميين.



إن دعوة الإسلاميين هي دعوة الإسلام.. دعوة إلى إقامة المجتمع على أسس إسلامية، فما هي هذه الأسس الإسلامية؟



إن الإسلام عقيدة، تنبثق منها شريعة، ويقوم على هذه الشريعة نظام، ولكنَّ الأوطان الإسلامية تعيش فيها أقلياتٌ لا تؤمن بالإسلام، ولها عقائد أخرى، فما يكون موقف هذه الأقليات من تطبيق النظام الإسلامي؟!



إن النظام الإسلامي ذاته يجيب على هذا السؤال ببساطة:

إن هذا النظام يكفل للأقليات حرية الاعتقاد كاملةً، فلا يمسها في عقيدتها ولا في عبادتها ولا في أحوالها الشخصية، فهذه كلها تجري وفق عقيدة كلِّ أقلية، بدون تدخُّل من الدولة إلا في حدود الحماية المفروضة لجميع العقائد، شأنها شأن العقيدة الإسلامية في هذا النظام.



فأما التشريعات التي تحكم المجتمع وتحدد علاقاته الخارجية خارج دائرة الأحوال الشخصية فهي التي يحتِّم فيها الإسلام أن تكون وفقَ الشريعة الإسلامية، وشأن هذه الشريعة بالنسبة للأقليات شأن أي تشريع آخر ينظِّم الحياة الاجتماعية، فهو تشريعٌ جنائيٌّ ومدنيٌّ وتجاريٌّ ودوليٌّ، قائمٌ على أسس أخلاقية ترتضيها جميع الديانات، وهو من هذه الناحية أقرب إلى روح المسيحية أو روح اليهودية من التشريع الفرنسي الذي يحكمنا، والذي يستند إلى التشريع الروماني الوثني المادي أكثر مما يستند إلى روح المسيحية.






فما الذي يضير أية أقلية في أن يكون التشريع المدني والتجاري والجنائي مستمدًّا من الشريعة الإسلامية، ما دامت حرية الاعتقاد وحرية العبادة وحرية الأحوال الشخصية مكفولةً في النظام الإسلامي؛ لأن حمايتها جزءٌ أساسيٌّ في هذا النظام وما دامت مبادئ الشريعة الإسلامية تتضمن أُسُسًا للتشريع الحديث يعترف المشرِّعون المحدثون أنفسهم بأنها أرقى من التشريع المدني المستمدّ من التشريع الروماني؟!



أي فرق بين أن تستمدَّ الدولةُ تشريعاتها من الشريعة أو من التشريع الفرنسي بالنسبة للمسيحي مثلاً؟ إن القانون الفرنسي لا يكفُل له ضماناتٍ أوسعَ مما تكفل له الشريعة، ولا يمنحه في الدولة حقوقًا أكبرَ مما تمنحه الشريعة، والشريعة لا تمسُّ وجدانَه الدينيَّ ولا عبادتَه الخاصَّةَ ولا أحوالَه الشخصيةَ، بل تكفلها له وتحميها حمايةً كاملةً لا مزيد عليها.



وحتى في التشريع الجنائي والتجاري والمدني فإن ما يتعلَّق بالعقيدة وينبني عليها يلاحظ أن النظام الإسلامي فيه لا يجبر الأقليات على تشريع يمس عقيدتهم، فالإسلام مثلاً يحرِّم شرب الخمر على المسلمين، ويعاقب الشارب عقوبةً خاصةً، ولكن إذا كانت هناك أقلياتٌ تُبيح عقائدُها لها شربَ الخمر فإن الإسلام لا يعاقب هذه الأقلية.



والإسلام مثلاً لا يَعُدُّ الخمر أو الخنزير مالاً مقوَّمًا، فإذا كان الخمر أو الخنزير مِلكًا لمسلم وأُتلف، لم يكن على مُتلفه عقوبة ولا تعويض، فأما إذا كان مِلكًا لغير المسلم ممن يُبيح لهم دينُهم تجارةَ الخمر والخنزير فإن المعتدي عندئذ يغرم.



كذلك الزكاة، فهي معتبرةٌ في الإسلام ضريبةً وعبادةً في وقتٍ واحدٍ، ومن ثم لا يُكلّفها أصحاب الديانات الأخرى ما لم يرغبوا في أدائها، ولكنهم يدفعون مقابلها ضريبةً لا تحمل معنى العبادة؛ كي لا يُجبَروا على أداء عبادة إسلامية في الوقت الذي يجب أن يساهموا في التأمين الاجتماعي للأمة؛ لأنهم يتمتعون بثمرة التأمين الاجتماعي الذي فُرضت الزكاة من أجله ويتمتعون بالضمانات الاجتماعية عن طريق هذا التأمين.



وهكذا نجد النظام الإسلامي يلاحظ أدقَّ المشاعر الوجدانية لمعتنقي الديانات الأخرى، لا في الأحوال الشخصية فحسب ولكن كذلك في دائرة التشريع الجنائي والمدني والتجاري، وهي قمة لا يبلغ إليها أي تشريع أرضي من التشريعات الحديثة.



وهناك سُحُب من التضليل حول الحكم الإسلامي فيما يختص بالعقوبات، فحكاية قطع يد السارق مثلاً تُصاغ حولها أعجبُ التصورات الباطلة!!



إن الكثيرين يتصوَّرون عشرات الألوف من مقطوعي الأيدي غداة تطبيق الشريعة الإسلامية، وهذا وهمٌ غريبٌ.. إن الإسلام لا يقطع يد السارق إلا بعد أن يوفِّر للجميع كلَّ ضمانات الحياة المادية، ويكفل لهم الكفاية من الطعام والشراب واللباس والسكنى وسائر الضروريات، وبعد هذا- لا قبله- تقطع يد السارق؛ لأنه يسرق حينئذٍ بلا شبهة من حاجة أو ضرورة، وحين توجد الشبهة فإنها تمنع الحدَّ، وتعالج الحالة بالتعزير، أي بالعقوبات الأخرى، ومنها الحبس مثلاً.



فأي ضَيرٍ يصيب مسلمًا أو غيرَ مسلم في تطبيق نظام كهذا النظام؟! وأي قلق يجوز أن يساور ضميرًا إنسانيًّا لأن شريعةً كهذه الشريعة تستمد منها القوانين التي تحكم الحياة؟!






والمسلمون يدعون إلى تربية الناس على الأخلاق الفاضلة؛ لكي ينفِّذوا التشريع بإخلاص، ويراقبوا وجْه الله في السر والعلن، ويتبعوا بأعمالهم هدفًا أعلى من الأرض، فماذا يضير الأقليات في هذه الدعوة وأديانهم تدعو إلى مثل ما يدعو إليه الإسلام، وتشترك معه في تهذيب الروح البشرية ورفعها إلى المستوى اللائق بعالم يصدر عن الله؟!



والمسلمون يدعون إلى تخليص الوطن الإسلامي كله من الاستعمار، وكل أهل رقعة مكلَّفون أولاً أن يخلِّصوا رقعتهم، وأن يتعاونوا مع سواهم، فماذا في هذا من ضَير على الذين يدعون إلى القومية والإسلام يحقق أهدافهم القومية وزيادة؟! وما الذي يضير الأقليات أو غير الأقليات في الناحية القومية أو غير القومية والإسلام يكافح لتحرير الجميع من كل استعمار؟!



وأعجبُ وهْمٍ يراود الكثيرين من الناس حول دعوة الإسلاميين أنهم يطالبون بحكومة دينية، أي بتحكيم الشيوخ المعمَّمين في شئون الحياة!! والإسلامييون لم يقولوا يومًا مثل هذا الكلام.. إنهم يطالبون بالحكم الإسلامي، أي بتنفيذ الشريعة الإسلامية، والشريعة الإسلامية لا تقتضي عمائمَ وشيوخًا؛ لأن الإسلام لا يعرف هيئةً دينيةً معيَّنةً تتولى السلطة، ومتى نُفِّذت الشريعة الإسلامية فقد تحقق الحكم الإسلامي.



وتكوين هيئة للمسلمين ذاته ينفي فكرة حكومة رجال الدين على الصورة الموهومة التي يظنها بعض الناس، فهُم خليطٌ من جميع طبقات الشعب ومن جميع أنواع الثقافات، وليسوا هيئةً دينيةً بالمعنى المفهوم من هذه اللفظة في أوروبا أو غيرها، فالتمسك بأن الحكم الإسلامي معناه حكم رجال الدين هو مجرد عملية تضليل وإيهام لا تستند إلى شيء من الواقع.



إن دعوة الإسلاميين دعوةٌ واضحةٌ صريحةٌ بسيطةٌ، لا تعقيدَ فيها ولا غموضَ، ولكنَّ الجهل بحقيقة الإسلام هو الذي يسمح لذوي الأغراض المتعصِّبين أن يطلقوا هذه الأوهام، فتجد من يصدقها بحكم الجهل الفاشي بين المسلمين أنفسهم في هذه البلاد.



إن الإنصاف يقتضي أن نقول: إن دعوة المسلمين دعوةٌ مجرَّدة من التعصُّب، وإن الذين يقاومونها هم المتعصبون أو هم الجهلاء الذين لا يعرفون ماذا يقولو
Mumammed,Administrateur du forum,"jeunesse etudiante tunisienne pour le dialogue et la réconciliation
Partager cet article
Repost0
28 août 2007 2 28 /08 /août /2007 08:34



L'image “http://www.uweb.ucsb.edu/~dklh/read.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.


Nicolas Dot Pouillard

Un islamisme ouvert sur sa gauche : l’émergence d’un nouveau tiers-mondisme arabe ?

Islamismes, mouvements de gauche radicale et nationalismes arabes ont longtemps semblé s’opposer au sein du monde arabe. Pourtant, la centralité de la question nationale et des problématiques de libération ont historiquement dessiné des points de passage cachés entre les trois. Ces « concordismes » sont aujourd’hui plus que jamais à l’œuvre. Au Liban, en Egypte, comme en Palestine, des alliances fluctuantes se sont nouées entre les mouvements islamo-nationalistes, marxistes et nationalistes depuis le début des années 1990. Le champ politique moyen-oriental semble ainsi être en pleine recomposition politique.

Les débats sur la place du religieux et du politique sont souvent biaisés par des perceptions idéologiques et culturelles subjectives. L’appréhension du phénomène islamiste en France reste ainsi très largement dominée par une série de paradigmes très abstraits, qui ne laissent pas la place à une analyse concrète et même factuelle du champ politique moyen-oriental. Une dichotomie arbitraire est dessinée entre « laïcs » et « religieux », « islam modéré » et « islam extrémiste », « progressiste » et « réactionnaire ».

Des typologies sont ainsi créées, correspondant en réalité à une réalité imaginée du politique : le politique tel qu’on aimerait qu’il soit, non tel qu’il est. Le champ politique moyen-oriental apparaît comme fondamentalement retors aux simplifications historiques, qui dessineraient une ligne de clivage irrémédiable entre des islamistes identiques les uns aux autres, de al-Qaïda au Hezbollah libanais, et des laïcs naturellement attentifs aux droits de l’homme et de la femme. Ces catégorisations apparaissent en effet aujourd’hui comme partiellement fausses : en Palestine, c’est bien le Fatah « laïc » qui est l’auteur d’une des lois les plus réactionnaires sur les droits de la femme, limitant à six mois les peines d’emprisonnement pour les auteurs de crimes d’honneur. C’est que l’on confond souvent laïc et progressiste. De même, on imaginera les laïcs comme forcément persécutés par les intégristes musulmans. Vrai dans certains cas, cette assertion se révèle fausse dans d’autres. Il faut alors comprendre par exemple comment le Parti communiste libanais noue des alliances avec le Hezbollah, ou comment le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) marxiste travaille souvent avec le Hamas ou le Djihad islamique, et se laisser interroger politiquement et méthodologiquement par ces nouvelles réalités.

Il y a toujours une tendance récurrente à la simplification du débat, selon des lignes idéologiques tenaces, qui considèrent les acteurs politiques islamiques comme des catégories fixes, incapables de se transformer politiquement et idéologiquement. Le mouvement islamique a aujourd’hui pratiquement quatre-vingts ans d’existence au Moyen-Orient. L’imaginer comme un ensemble uni, homogène et sans différenciation, c’est comme supposer que la gauche recoupe un spectre large allant des anciens de la bande à Baader à Tony Blair, ou que la droite est un tout homogène regroupant indifféremment la démocratie chrétienne allemande et les néo-fascistes italiens. Il y a une histoire des droites, une histoire des gauches. Et il doit bien y avoir une histoire des islamismes, car ce référent politique s’est considérablement pluralisé. L’exemple des recompositions politiques au Moyen-Orient arabe, et la production d’un islamisme politique de type nationaliste aujourd’hui ouvert vers les gauches et les mouvements nationalistes arabes n’est pas sans poser certaines questions théoriques et politiques.

Un nouveau modèle d’alliance politique en Palestine et ailleurs

Les premières élections municipales en Cisjordanie depuis 1976, qui se sont tenues le 23 décembre 2004, constituaient à l’époque un sujet d’interrogation : le Hamas prendrait-il le pas sur le Fatah ? Quel serait l’état du rapport de force politique entre les islamistes, le mouvement nationaliste et la gauche à l’issue du scrutin ? La réponse n’était pas à sens unique : les élections municipales n’ont pas été l’objet d’une structuration claire du champ politique. Au contraire, certaines coordonnées ont été bouleversées, et des tendances ont semblé se confirmer. Plutôt qu’à une indéfectible opposition entre des camps clairement délimités – Fatah, Hamas, FPLP, FDLP, PPP [1] -, localement de nouvelles alliances se sont nouées, fluctuantes et conjoncturelles. À Bnei Zayyaid, tout comme à Bethléem, c’est une alliance entre le FPLP et le Hamas qui permit de contester au Fatah la prédominance politique au sein du Conseil municipal. À Ramallah, un an plus tard, ce fut une femme membre du FPLP qui fut élue à la tête de la mairie, les trois voix du Hamas s’ajoutant aux six voix du FPLP, mettant en minorité les six conseillers municipaux du Fatah.

Ces alliances inédites se sont également dessinées dans le domaine des opérations militaires : les branches armées du FPLP — les Brigades Abou Ali Mustapha — ont régulièrement opéré depuis 2001 dans la Bande de Gaza au côté des Brigades Ezzedine al- Quassem — la branche armée du Hamas — et des Brigades al-Quds — celle du Djihad islamique. Enfin, des éléments dissidents du Fatah, structurés autour de la nébuleuse des Comités populaires de la résistance (CPR), se sont peu à peu rapprochés de la direction gazaouite du Hamas : ce dernier, après sa victoire aux élections législatives de janvier 2006, nomma un des principaux activistes des CPR, Jamal Samhadana [2] , ancien militant du Fatah, à la tête des nouveaux services de sécurité palestiniens formés par le gouvernement Hamas : il s’agissait alors de faire contrepoids, surtout dans la Bande de Gaza, aux forces de sécurité tenues par Mohammad Dahlan, dirigeant du Fatah. Samhadana symbolise cette frange du Fatah qui s’est peu à peu éloignée de la direction du parti, et qui confirme son éclatement progressif, accéléré par la mort de Yasser Arafat le 11 novembre 2004, dont l’aura symbolique permettait d’assurer encore un minimum d’unité interne. C’est ainsi que Saed Siyyam, le nouveau Ministre de l’intérieur palestinien, membre du Hamas, choisit un ancien membre du Fatah, soit un élément politique issu du nationalisme palestinien, et non du mouvement islamique lui-même, pour diriger des services de sécurité n’ayant d’autres buts…que de concurrencer sur le terrain la prédominance armée de la Sécurité préventive, atta-chée à la direction du Fatah.

Les affrontements Fatah-Hamas des deux dernières années correspondent à une divergence politico-stratégique, à une différence quand au positionnement à adopter face à Israël et à la communauté internationale, non à une querelle idéologique séculariste- croyants. Et lorsque les deux partis hégémoniques Fatah-Hamas favorisent par leur combat fratricide un processus de guerre civile latente, c’est le FPLP et le Mouvement du Djihad islamique (MJIP), soit une organisation de gauche et une organisation islamique, qui jouent communément le rôle d’intermédiaire. Si le FPLP reste ainsi aujourd’hui très critique envers le Hamas, c’est essentiellement parce qu’il lui reproche de s’enfermer dans un tête à tête armé Hamas-Fatah, qui bride l’unité nationale palestinienne, et qui risque de plonger les territoires palestiniens dans le chaos sécuritaire. Et encore une fois, cette position, le FPLP la partage avec le Djihad islamique, avec qui il a pu manifester dans les rues de Gaza lors des événements de juin 2007.

La cartographie politique palestinienne n’est pas une exception : le champ politique arabe semble être en pleine recomposition, et les clivages traditionnels, notamment ceux qui avaient vu s’opposer un camp religieux à un camp séculier, voir laïc, se sont peu à peu estompés à l’échelle de la région. L’islam politique subit une phase désormais accélérée de nationalisation et de régionalisation, tandis que les secteurs issus de la gauche et du nationalisme arabe, baathiste ou nassérien, en perte de modèle politique et de partenaire stratégique, en proie à une crise structurelle et militante, tentent peu à peu de redéfinir leurs modèles idéologiques et pratiques, et se retrouvent obligés de complexifier leur réseau d’alliance, en privilégiant désormais le partenaire islamiste. Depuis 2000, une phase de recomposition politique s’est ouverte dans le monde arabe, selon des rythmes et des temporalités hétérogènes selon les pays et les espaces, tirant certains traits d’union avec le passé, amenant de nouvelles problématiques et des ruptures inédites.

Cette recomposition politique se fait autour de la question nationale arabe et de la question démocratique : dans un contexte politique marqué par l’Intifada palestinienne de septembre 2000, par l’offensive américaine sur l’Irak en 2003, ainsi que par la récente « guerre des trente-trois jours » entre le Hezbollah et Israël, la question nationale est reposée dans le monde arabe, et détermine les modèles d’action et de contestation, les formes de recomposition politique et les différents modes d’alliance tactiques entre les courants opposés au plan américain de « Grand Moyen-Orient ». S’y ajoute la question démocratique : dans la mesure où les systèmes politiques arabes souffrent très majoritairement d’un modèle fondé sur l’autoritarisme et le népotisme politiques, et où la majorité d’entre eux, de l’Égypte à la Jordanie en passant par l’Arabie saoudite et les principales pétro-monarchies du Golfe, se retrouvent liés organiquement aux différents intérêts américains et européens dans la région, la contestation de la politique israélienne et américaine passe souvent par une dénonciation des systèmes politiques internes : en Égypte, tout au long des années 2000 à 2006, ce sont les mêmes cadres politiques et les mêmes structures de mobilisation qui vont tour à tour passer de la mobilisation en faveur des Palestiniens et des Irakiens à celle en faveur de la démocratisation du régime.

Question nationale arabe et question démocratique tracent donc une série de rapprochements transversaux entre l’espace panarabe focalisé historiquement sur la problématique palestinienne et l’espace national interne : depuis 2000, une interaction constructive entre la dimension panarabe du politique et son expression nationale interne, une transversalité accrue entre question nationale arabe et question démocratique, favorisent une série de mutations politiques aboutissant à une série d’alliances tactiques et/où stratégiques entre la gauche radicale, les secteurs issus du nationalisme arabe nassérien ou baathiste, et enfin les formations islamo-nationalistes. Cette interaction entre différents espaces – nationaux, régionaux, globaux- tout comme cette transversalité entre des courants politiques autrefois opposés, laissent se dessiner peu à peu une reformulation du nationalisme arabe, une recomposition politique lente et progressive du champ politique qui commence à peine à bouleverser les donnes politiques, et qui rompt singulièrement avec les cadres d’action issus de l’histoire du XXe siècle.

Du « concordisme politique » à la dynamique unitaire

La gauche marxisante, les nationalismes arabes de diverses obédiences, et enfin les secteurs centraux de l’islam politique semblent aujourd’hui collaborer étroitement. Il n’en fut pas toujours ainsi : les différents types de nationalisme arabe se sont distingués pendant plusieurs dizaines d’années par des politiques répressives vis-à-vis des courants issus des Frères musulmans, que cela soit dans l’Égypte de Nasser ou dans la Syrie de Hafez el-Assad ; l’islamisme politique, dans sa phase montante des années 1980, à la suite de la révolution iranienne de 1979, s’est quant à lui caractérisé par un système de répression directe des groupes de gauche, lorsque ceux-ci faisaient entrave à leur développement, et plongeaient leur racine dans certains secteurs clés du monde universitaire, politique, syndical ou associatif : au Liban, le Hezbollah s’en prit physiquement, tout au long des années 1980, aux militants chiites du Parti communiste libanais, lorsqu’ils s’agissaient de leur disputer l’hégémonie de la résistance nationale au sud- Liban. Deux de ses plus brillants intellectuels, Mahdi Amil et Hussein Mroue, furent assassinés par des militants proches de la mouvance islamique [3] .

En Palestine, les groupes évoluant dans la nébuleuse des Frères musulmans, qui allaient donner naissance au Mouvement de la résistance islamique (Hamas) en 1986, s’en prirent également aux militants du FPLP et du PPP. Le docteur Rabah Mahna, qui est aujourd’hui le négociateur du Bureau politique du FPLP dans les discussions inter-palestiniennes, et qui est ainsi amené régulièrement à trouver des points d’accord autant avec le Hamas qu’avec le Djihad islamique, fut par exemple la victime d’une tentative d’assassinat par des militants du Hamas en 1986. Mais la vision qu’il a du mouvement islamique est déterminée par la réalité politique actuelle, non par celle du passé : s’expliquant au sujet du Hamas, il en souligne les points d’avancée et de stagnation, les deux se combinant plus ou moins différemment selon la conjoncture politique : « Il y a eu une certaine évolution dans Hamas. Depuis 1988, il s’est en effet peu à peu transformé d’une organisation de type Frères musulmans en un mouvement de libération nationale islamique. Nous, on a poussé depuis Hamas à intégrer l’OLP, d’être un mouvement de libération nationale au sein de l’OLP. Mais sa non- reconnaissance de l’OLP dernièrement était très suspect pour nous (…) Nous ne mettrons donc pas la pression sur le Hamas, et nous le reconnaissons en tant que courant de la résistance, et deuxièmement en tant que gouvernement élu. Mais au- delà, nous on ne veut pas que le Hamas reste enfermé dans une vision fermée, idéologique, de type Frères musulmans : c’est pourquoi les forces politiques mondiales et arabes qui soutiennent la cause palestinienne mais qui ne sont pas d’accord avec tout ou partie du programme du Hamas doivent nous aider à les faire sortir d’une vision enfermée, à continuer leur évolution. Sinon, en les isolant, ils risquent de retourner en arrière, de retourner vers un mouvement de type intégriste, comme avant 1988 [4] . »

S’il y a bien eu par le passé affrontements, les différents modes d’opposition entre nationalistes, islamistes et gauche radicale peuvent être historiquement relativisés par une série de passages dynamiques, d’emprunts discursifs et idéologiques, de circulation militante entre ces trois secteurs politiques-clés du monde arabe : déjà, le sociologue Maxime Rodinson rappelaient qu’entre le nationalisme arabe, l’islam et le marxisme, existaient un « concordisme », qui favorisait la circulation des idées et des pratiques : « l’incompatibilité doctrinale incontestable des idéologies le cède à divers procédés de conciliation quand les considérations de stratégies internationales font pencher vers une attitude amicale entre les deux mouvements (communistes et musulmans). Il y a emprunt d’idées à l’idéologie communiste par les Musulmans quand ces idées correspondent à ce que leur réclame leur idéologie implicite, même en dehors de cette attitude amicale. […]. Quand on va plus loin, il y a normalement réinterprétation des notions, des idées, des symboles musulmans comme équivalents d’idées ou de thèmes communistes courants. L’opération est souvent faite par les communistes qui veulent pousser à l’alliance. Quand l’effort de réinterprétation est particulièrement for-cé, on obtient ce qu’on a appelé du concordisme. Le terme pourrait être peut-être généralisé pour désigner un ensemble systématique de réinterprétation [5] . »

Ce qu’Olivier Carré nommait pour sa part les « secteurs médians » entre religion et nationalisme [6] se constate tout au long du siècle et de l’émergence et du développement de ces trois courants. La génération des fondateurs du mouvement national palestinien et du Fatah – Yasser Arafat, Khalil al Wazir, Salah Khalaf-, ont côtoyé de près les Frères musulmans, dans le cours des années 1950 et 1960. Le nassérisme lui-même n’est pas exempte, dans les premières années suivant la révolution de 1952, d’un rapport complexe à l’islam politique. À ces parcours personnels, s’ajoutent une réutilisation et une réinterprétation systématique des différents types de discours religieux ou politiques par un ensemble de mouvements, une circulation permanente des ensembles sémantiques et conceptuels. Par exemple, le Parti communiste irakien (PCI) n’a pas hési-té à se référer aux fondements doctrinaires du chiisme, peu après la révolution de 1958 et la prise du pouvoir par Abdel Karim Kassem. La perspective révolutionnaire fut associée, dans le discours du PCI, aux fondements millénaristes et messianiques du chiisme, tandis que les dirigeants du Parti jouaient ardemment sur la proximité des termes shii’a (« chiite ») et shouyou ‘i (« communiste » en arabe). Quand au terme « socialiste » (ishtarâkii), il fut abondamment utilisé et transformé par certains cadres et idéologues des Frères musulmans comme Sayyid Quotb ou Muhammad al-Ghazali, dans la perspective d’un « socialisme islamique ».

Ainsi, on assiste depuis près d’un demi-siècle à une circulation dynamique et à une mutation continue du vocabulaire politique. C’est dire combien l’idéologie elle- même est soumise à des processus complexes de passage, d’emprunts, et de réinterprétations, toujours en mouvement une fois mise dans la pratique du politique. La temporalité du nationalisme des pays du tiers- monde est en effet une temporalité politique différenciée, où le passé, les traditions culturelles et les héritages idéologiques font figure de principes constituants dans la conscience nationale : le nationalisme anti- colonial est un espace hybride, en interaction avec les éléments des modernités politiques, mais les critiquant en même temps par la récupération, le recyclage et le réinvestissement d’éléments tirés du passé. Les « concordismes » entre nationalisme et islam ont correspondu à une actualisation politique et idéologique de l’islam, qui était alors moins une survivance du passé qu’un élément culturel hérité, vivant et pratique, en interaction et en métissage permanent avec le présent politique, même et y compris quand ce dernier était d’essence séculière et laïque. Le nationalisme anti- colonial, fondé historiquement sur une série de concordisme, n’est pas l’envers de la modernité, mais sa reprise et son détournement dans le contexte particulier d’un espace qui se sent dominé tant politiquement que culturellement.

La décennie des années 1980 est essentiellement marquée par le passage croissant et spectaculaire de militants marxistes, souvent maoïstes, ou nationalistes arabes, vers l’islamisme politique. C’est particulièrement visible au Liban, ou, alors que l’OLP est peu à peu amenée à quitter le Pays des Cèdres, et où l’axe « palestino- progressiste [7] » disparaît sous le coup de divisions internes et des pressions syriennes, de jeunes cadres entrent dans le Hezbollah, né entre 1982 et 1985. Il en va ainsi de la majorité des combattants de la Brigade étudiante, la Katiba Tullabiya, corps militaire attaché au mouvement palestinien Fatah, qui s’engage peu à peu dans la résistance militaire islamique du « Parti de Dieu », ou dans d’autres structures à caractère islamique, sous les effets de la Révolution iranienne.

L’expérience de cette tendance de gauche du Fatah née au début des années 1970 est particulièrement intéressante : bien avant la révolution iranienne, de jeunes militants libanais et palestiniens tentent d’articuler islam, nationalisme et marxisme arabe, preuve s’il en est que la question des rapports entre les trois était déjà posée. Saoud al Mawla, aujourd’hui professeur de philosophie à l’Université libanaise de Beyrouth, ancien membre de la tendance de gauche du Fatah, est passé au Hezbollah dans les années 1980. Il l’a quitté depuis. Il explique : « Dans les années 1970, on a commencé à s’intéresser aux luttes des peuples musulmans. C’était une mixture de nationalisme arabe et d’islam, ou bien de communisme arabo-islamique, de marxisme arabo-islamique. On a essayé de faire comme les communistes musulmans soviétiques des années 1920 : Sultan Ghaliev. Et on a commencé à étudier l’islam. On avait débuté cela dès que l’on a commencé à appliquer les principes maoïstes : il faut connaître les idées du peuple, s’intéresser au peuple, à ce qu’il pense…. Il faut connaître les traditions du peuple. Et on a commencé à s’intéresser aux traditions populaires, aux idées populaires, à tout ce qui constitue la vie des gens. Et l’islam est venu comme étant le fondement de cette société, censée la mobiliser. Et c’était dans un sens militant, pragmatique, prendre et utiliser des facteurs qui peuvent mobiliser les gens dans la lutte. Et c’est comme cela qu’on s’est approché de l’islam : à partir du maoïsme, d’un point de vue théorique, et à partir de l’expérience quotidienne (….) Et c’est pour cela, quand la révolution iranienne est venue, on était déjà là. Et même cela ne s’est pas fait sur des bases idéologiques ou religieuses. C’est-à-dire qu’on a vu dans l’islam une force de civilisation, et de politique, un courant civilisationnel, qui peut regrouper des chrétiens, des marxistes et des musulmans, comme une réflexion, une riposte, un chemin de lutte, contre l’impérialisme, pour donner un chemin de lutte, pour renouveler nos approches, nos idées, nos pratiques politiques [8] ». Si les années 1970 peuvent encore s’accommoder d’une réflexion théorique et politique chez certains militants sur l’articulation entre marxisme, islam et nationalisme, la décennie des années 1980, marquée par les effets politiques régionaux idéologiques et politiques de la révolution iranienne, et par l’hégémonie politique de l’islamisme politique, ne laisse plus la place à ces élaborations.

En l’occurrence, les années 1990 marquent une rupture, et le système tacite qui avait vu s’allier concordisme et opposition violente s’est peu à peu transformé en une dynamique unitaire, ou le concordisme est d’autant plus favorisé par un processus d’alliances tactiques entre ces différents courants. En effet, avec la guerre du Golfe, les tentatives de règlement du conflit israélo-palestinien au travers de la Conférence de Madrid et des Accords intérimaires d’Oslo en 1993, avec la fin de la bipolarisation Est-Ouest et la réunification du Yémen, un monde s’effondre. La phraséologie révolutionnaire et nationaliste est à bout de souffle, qu’elle soit islamiste ou marxiste ; cela n’est pas étranger non plus à l’abandon progressif du discours messianique et tiers-mondiste par le régime de Téhéran, sous l’impulsion du nouveau Président Rafsandjani.

Les coordonnées politiques sont changées. Il faudra déterminer en quoi il y a eu un triple échec : de l’islam politique, du nationalisme arabe, de la gauche. Mais, au-delà, c’est bien sûr les décombres des grandes utopies et des mythologies multiples du siècle finissant que va peu à peu se reconstruire et se recomposer le champ politique arabe. Les dynamiques à l’œuvre ne sont plus unilatérales : si, dans les années 1980, l’islamisme récoltait les gains des déceptions politiques et sociales du monde arabe, on assiste depuis 1991 à une plus grande interaction et à une plus large transversalité des dynamiques politiques : gauche, nationalisme et islamisme sont désormais dans un processus complexe de réélaboration idéologique et programmatique, de croisements des problématiques, face à un sentiment d’échec et d’impasse du monde arabe.

Cela se constate, en tout premier lieu, en Palestine : peu après les accords d’Oslo, en octobre 1993, une « Alliance des forces palestiniennes » se constitue, composée d’éléments ayant rompu avec le Fatah, mais surtout du FPLP marxiste et du Hamas [9] . Des cadres progressifs de discussion se créent entre nationalistes, marxistes, et islamis-tes : la Fondation Al-Quds, à leadership islamiste, et surtout, la Conférence nationaliste et islamique, lancée en 1994 à l’initiative du Centre d’études pour l’unité arabe (CEUA) de Khair ad-Din Hassib, basé à Beyrouth, qui se réunit tous les quatre ans, destinée à trouver des points d’accords tactiques et/où stratégiques, et à redéfinir les liens, même et y compris d’un point de vue idéologique entre la gauche, le nationalisme et l’islamisme. Le CEUA a ainsi tenu, en mars 2006, à Beyrouth, une Conférence générale arabe de soutien à la résistance, où les principales directions des organisations nationalistes, marxisantes et islamistes (notamment le Hamas et le Hezbollah) étaient fortement représentées.

Question nationale et question démocratique

Depuis 2000, les rythmes de recompositions politiques entre nationalisme, gauche radicale et islamo-nationalisme se sont accélérés : sous le coup de la Seconde Intifada et de l’intervention américaine en Irak, les convergences tactiques entre eux se sont accentuées. Elles tournent particulièrement autour de la question nationale et de la question des « occupations », de la Palestine à l’Irak en passant par le Liban, et de la dénonciation conjointe des politiques américaines et israéliennes.
C’est d’abord sur le terrain que se réalisent ces alliances, dans le domaine pratique, non pas dans le domaine théorique : lors de la « guerre des trente-trois jours » entre le Liban et Israël, en juillet et août 2006, le Parti communiste libanais (PCL) a réactivé certains de ses groupes armés au sud Liban et dans la plaine de Baallbeck, et a combattu militairement au côté du Hezbollah. Dans certains villages, comme à Jamaliyeh, où trois de ses militants sont morts lors d’une attaque d’un commando israélien repoussé, c’est lui qui a pu prendre l’initiative militaire et politique, même si le Hezbollah garde de facto le leadership politique, militaire et symbolique de cette guerre. Un Front de la résistance s’est créé, regroupant pour l’essentiel le Hezbollah et la gauche nationaliste, du PCL au Mouvement du peuple de Najah Wakim [10] , en passant par la Troisième force de l’ancien Premier ministre Sélim Hoss : fondé sur le principe du droit à la résistance et défendant les revendications principielles de Hezbollah, à savoir la libération des prisonniers libanais en Israël et le retrait israélien des territoires libanais de Chebaa et de Kfar Chouba, ce Front avait comme dénominateur commun la question nationale et le positionnement par rapport à Israël : ce n’était pas, par exemple, un front prosyrien – le Parti communiste ayant pour sa part une longue tradition de lutte contre la tutelle et la présence syrienne au Liban.

Mais l’accord tactique sur la question nationale ne permet pas de parler a priori de « recomposition politique ». Toute la question est alors de savoir si l’accord tactique peut se transformer en accord plus ou moins stratégique, et comprendre une vision à long terme de la société, de l’Etat, des politiques économiques. Or, c’est là que la transformation du champ politique arabe semble être la plus profonde : de 2000 à 2006, la série d’accords politiques entre gauche, nationalistes et islamistes s’est peu à peu élargie à un ensemble de thématiques, ce qui est tout à fait nouveau par rapport aux cadres d’alliances des années 1980 et 1990.

La question nationale permet en effet de passer et d’effectuer une série de passages conceptuels, pratiques et politiques d’un domaine à l’autre : en Egypte, la dénonciation des politiques américaines et israéliennes cachait en effet une critique latente mais explicite du régime du Président Moubarak. Rapidement, les cadres de mobilisation sur la question palestinienne et irakienne ont donné naissance à une autre série de cadres politiques transversaux, touchant notamment à la question démocratique : des campagnes de dénonciation de la loi d’urgence de 1982 aux élections syndicales de novembre 2006, qui ont vu les Frères musulmans, les radicaux de gauche du groupe Kefaya et les nassériens du mouvement al-Karamah s’allier pour contester la prédominance des listes du parti au pouvoir, le Parti national démocratique, en passant par les campagnes de soutien au mouvement de protestation des juges égyptiens qui avaient dénoncé la fraude électorale en mai 2006, le champ d’action et d’alliances est passé rapi-dement de la question nationale à la question de l’élargissement des droits démocratiques.

Au Liban, le Mouvement du peuple, l’Organisation populaire nassérienne, sunnite, et dont le dirigeant, Oussama Saad, est député de Saïda, le Congrès populaire arabe de Kamal Chatila, une formation nassérienne, sont au cœur du mouvement de protestation initié par Hezbollah et le Courant patriotique libre du Général Aoun en décembre 2006, un mouvement trouvant sa voie dans le quotidien de gauche al- Akhbar : ici encore, la mobilisation de l’opposition ne touche pas qu’à la question nationale et aux « armes de la résistance ». Les traits communs entre les organisations de l’opposition au gouvernement de Fouad Siniora touchent tant à la question de la réforme de la loi électorale et du système confessionnel, qu’à celle de la définition d’une politique économique d’état de type régulateur, ou keynésien, sans pour autant remettre en cause les mécanismes du marché, toutes options qui ne sont pas celles de la majorité parlemen-taire actuelle, très marquée par l’ultralibéralisme [11] . Un bon exemple en est le nouveau journal al-Akhbar, quotidien de gauche très proche du Hezbollah, dont le premier nu-méro est paru en août 2006, et qui cherche à créer, de fait, des passerelles théoriques et politiques entre la gauche, le nationalisme et l’islam. Le PCL, qui a établi au fur et à mesure des années une sorte de partenariat avec le Hezbollah, soutient l’opposition sur la question de la chute du gouvernement Siniora, considéré comme pro-américain. Cependant, il ne cache pas que son alliance avec Hezbollah et des partis de l’opposition est un soutien critique : pour le PCL, le programme avancé par Hezbollah n’est pas encore assez radical, tant sur le plan politique qu’économique, pour remettre en cause le système libanais, fondé sur le confessionnalisme politique. Prêt à faire un front commun, il ne ménage pas ses critiques vis-à-vis de Hezbollah, mais d’une manière autre que dans les années 1980 : désormais, il s’agit de définir une politique de gauche indépendante prête à établir une complémentarité et un échange constructif avec le mouvement islamique chiite.

La question nationale joue donc aujourd’hui par extension : alors que dans les années 1990 les alliances entre gauche, nationalistes et islamistes étaient simplement fondées sur la reconnaissance d’un commun ennemi, en l’occurrence Israël, la collaboration longue entre ces courants débouche à terme sur un élargissement du champ d’action politique, allant de la question nationale à la question démocratique, et de la question démocratique à la question de l’Etat, des institutions et des formes sociales à adopter. Le « concordisme » et les médiations entre les organisations et les courants se sont peu à peu transformés en une dynamique d’action unitaire, qui, si elle n’est que très peu théorisée et conceptuellement pensée, prend une ampleur certaine dans la pratique politique quotidienne.

Cette recomposition politique n’est pas indépendante des nouvelles dynamiques politiques mondiales à l’œuvre, avec un mouvement alter-mondialiste installé dans le paysage politique, mais aussi et surtout avec l’apparition d’un pôle nationaliste de gauche en Amérique latine, symbolisé par Hugo Chavez et Evo Morales. Un mouvement islamo-nationaliste comme le Hezbollah pense son réseau d’alliance sur un modèle tiers-mondiste : Hassan Nasrallah ne cesse de faire référence au président vénézuélien, tandis que son organisation a invité, avec le Parti communiste libanais, près de 400 délégués issus de la gauche mondiale et du mouvement altermondialiste à Bey-routh, du 16 au 20 novembre 2006, dans le cadre d’une Conférence de solidarité avec la résistance, et dont le communiqué final fixait trois points stratégiques : la question nationale et la lutte contre les occupations, la défense des droits démocratiques et la protection des droits sociaux [12] .

Ce sont ces dynamiques de recomposition politique à l’œuvre qui sont aujourd’hui mésestimées : la question libanaise n’est généralement perçue que par le prisme syrien et iranien, en sous-estimant les dynamiques internes propres à la société politique libanaise. La mouvance islamique subit elle-même des tournants programmatiques pro-fonds : le Hezbollah adopte un discours tiers-mondiste, fondé sur l’opposition sud- nord et Mustakbar (arrogants) [13] / musta’adafin (opprimés), certains cadres des Frères musulmans sont tiraillés entre leurs alliances avec la gauche et leur défense principielle de l’économie de marché. Comme l’écrit Olivier Roy, « le jeu d’alliances (des islamistes) va dans deux directions possibles : d’une part, une coalition sur les valeurs morales (….), et, d’autre part, une alliance sur des valeurs politiques essentiellement de gauche (anti-américanisme, altermondialisme, droits des minorités), où la ligne de clivage est clairement la question de la femme [14] . »

Et encore, même la question de la femme est sujette aujourd’hui à débat : au Liban comme en Palestine, les associations féministes issues de la gauche n’hésitent plus à mener des campagnes communes avec les associations de femmes islamistes, notamment sur la question du droit au travail et de la dénonciation des violences faites aux femmes. Pour Islah Jad, militante féministe palestinienne et chercheuse sur le mouvement des femmes en Palestine, il ne s’agit pas d’opposer les femmes laïques aux femmes islamistes, mais de développer un discours féministe séculier et radical tout en discutant et en travaillant communément avec des cadres femmes du mouvement islamique : « Les islamistes ont admis que les femmes étaient persécutées et victimes de l’oppression sociale, en le mettant sur le compte non pas de la religion mais des traditions qu’il faut faire évoluer. Selon eux, l’Islam demande que les femmes s’organisent pour libérer leur pays, qu’elles soient éduquées, organisées et politisées, actives pour le développement de leur société. Le paradoxe est qu’il y a 27 % de femmes dans l’organisation du parti islamique et 15 % au sein du « politburo », plus que dans l’OLP (…) Comme je l’ai déjà dit, le fait que les femmes islamistes ne cherchent pas à bâtir leur discours en s’appuyant sur des textes religieux donne des possibilités aux femmes laïques d’influencer la vision et les discours des islamistes, d’éviter les blocages. Nous ne pouvons pas demander nos droits en les isolant du contexte politique. C’est une étape très importante pour établir une relation de confiance entre les tendances laïques et les islamistes. Le fait que les islamistes acceptent de reconnaître que les femmes sont opprimées ouvre des perspectives sur les mesures à prendre pour faire évoluer la société. Il y aura toujours des conflits idéologiques et politiques, et c’est souhaitable. On ne sera pas totalement d’accord, mais, à mon avis, les femmes laïques peuvent peser dans le débat idéologique avec les islamistes [15] . »

Cette interaction pratique entre gauche arabe, nationalisme et islamisme, si elle est nouvelle, et désormais avérée tant dans le domaine syndical, associatif, électoral et militaire, n’en est encore qu’à ses débuts. Des points d’accord sur la question nationale, la démocratie ou la défense des droits sociaux ne constituent pas encore un corpus assez clair et stable pour savoir jusqu’à quel point peut allier cette alliance. C’est qu’il y a justement un écart entre le pratique et le théorique : les concordismes se sont approfondis, mais il n’y a pas encore eu, dans le domaine intellectuel et théorique, de définition claire et d’élaboration d’un langage commun. Les alliances sont encore ma-joritairement du domaine de l’empirique et du pratique, et manquent ainsi d’assises théoriques et d’un véritable processus d’homogénéisation. Encore une fois, le Liban fait plus ou moins exception. Dernièrement, il existe encore une disjonction entre les espaces nationaux : l’alliance entre la gauche, les nationalistes et les islamistes la plus forte se trouve aujourd’hui au Liban, dans la tentative de définir ce que la gauche et le Hezbollah appellent une « société de résistance » et un « Etat de résistance ». En Palestine, les alliances entre le FPLP et le Hamas, par exemple, sont loin d’être aussi approfondies, les deux organisations gardant une méfiance réciproque. En l’occurrence, le partenariat FPLP/Djihad islamique est quand à lui établi pleinement. En Egypte, une certaine méfiance persiste entre les Frères musulmans et la mouvance de gauche. Or, cette question de la recomposition politique et des nouvelles alliances à l’œuvre dans le monde arabe est loin d’être secondaire : elle redessine en effet le visage du nationalisme panarabe, et pourrait à terme constituer un redoutable défi stratégique pour les régimes en place, tout comme pour les Etats-Unis, et les puissances européennes. L’ouverture du mouvement islamo-nationaliste sur sa gauche peut en effet ouvrir à un nouveau nationalisme panarabe en mutation une redoutable ouverture stratégique et internationale : il peut aboutir à la réémergence d’un pôle tiers-mondiste et nationaliste à l’échelle internationale, comme le suggère symboliquement cette série d’affiches rouges collées dans les rues de Beyrouth depuis septembre 2006, et qui voit se côtoyer les trois portraits de Nasser, de Nasrallah et de Chavez. Il ne s’agit donc pas de postuler l’émergence d’un islamisme de gauche, il n’y en a pas. Mais il s’agit de comprendre que le développement d’un islamisme ouvert sur sa gauche et ses dimensions nationales change quelque peu la donne politique, et enclenche des processus longs de recomposition politique, stratégique et idéologique. Les vingt dernières années ont vu le référent politique islamiste se pluraliser, avec un islamisme fondamentaliste déterri-torialisé sur le modèle du réseau Al-Qaïda, la soumission d’un néo-fondamentalisme islamique aux modèles du marché, l’apparition d’un islamisme turc gouvernemental s’apparentant plus au modèle consensuel de la démocratie chrétienne des années 1950 qu’à celui de l’islam comme modèle d’Etat. Encore à ses débuts mais en développement exponentiel, l’émergence d’un pôle islamiste ouvert tout autant sur sa gauche que sur ses dimensions nationalistes et arabes constitue un phénomène politique qui est à même, lui aussi, de recomposer durablement la scène politique moyen-orientale.

Nicolas Dot Pouillard
Doctorant en études politiques à l’EHESS (Paris) et à l’Université libanaise (Beyrouth).

Notes

[1] Le Fatah, Mouvement national de libération de la Palestine, est l’organisation historique du nationalisme palestinien. Le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine), et le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine), sont les deux organisations principales de l’extrême gauche. Le Hamas – Mouvement de la résistance islamique-, est la première organisation islamiste, en terme de forces militantes. Enfin, le PPP (Parti populaire palestinien), est l’ancien Parti communiste.
[2] Jamal Samhadana a depuis été exécuté dans une opération ciblée israélienne, en juin 2006.
[3] Certaines sources libanaises accusent directement le Hezbollah. Cependant, des dirigeants du Parti communiste laissent aujourd’hui le doute subsister, et n’écartent pas la thèse d’assassinats perpétrés par des groupes intégristes sunnites.
[4] Rabah Mhana, membre du Bureau politique du FPLP, entretien avec l’auteur, Paris, 2 mai 2006.
[5] Maxisme Rodinson, « Rapport entre islam et communisme », Marxisme et monde musulman, Seuil, 1972, pp 167- 168.
[6] A ce sujet, cf. Olivier Carré, L’Utopie islamique dans l’orient arabe, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1994.
[7] L’axe que l’on a communément appelé « palestino- progressiste » est constitué des organisations de la gauche libanaise (Parti socialiste progressiste, Organisation d’action communiste du Liban), et des forces palestiniennes au Liban (Fatah, FPLP, FDLP). Dans les années 1970, c’est lui qui s’oppose principalement, dans le cadre de la guerre civile, aux milices chrétiennes, les Phalanges libanaises.
[8] Saoud al Mawla, entretien avec l’auteur, Quoreitem, Beyrouth, 27 mars 2007.
[9] L’ensemble de ces organisation s’unissent sur le principe du refus inconditionnel des Accords intérimaires d’Oslo, signés en 1993 par le leader de l’OLP, Yasser Arafat.
[10] Le Mouvement du peuple est une organisation nationaliste arabe de gauche. Son leader, Najah Wakim, ancien député nassérien de Beyrouth, est une figure politique nationale, réputé notamment pour ses campagnes de luttes contre la corruption.
[11] Le point de vue de l’opposition concernant la réforme du système libanais sur le modèle d’un Etat « fort et juste » peut notamment être compris au- travers de deux documents clés : premièrement, le Document d’Entente mutuelle entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre du 6 février 2006, et, deuxièmement, le document commun produit par le Parti communiste libanais et le Courant patriotique libre : Comment résoudre la crise politique au Liban ? Les points communs entre le Parti communiste libanais (PCL) et le Courant patriotique libre (CPL), 7 décembre 2006.
[12] La séance d’ouverture de la Conférence, le 16 novembre 2006, au Palais de l’Unesco à Beyrouth, était symbolique de cette convergence progressive entre la gauche mondiale et alter- mondialiste et la mouvance islamo- nationaliste : parmi les intervenants d’ouverture, se trouvaient notamment Mohammad Salim, membre du Parlement indien et du Parti communiste indien, Gilberto Lopez, du Parti de la révolution démocratique mexicain, Victor Nzuzi, agriculteur et leader syndicaliste congolais, Georges Ishaak, dirigeant de Kifaya et militant de la gauche égyptienne, Khaled Hadade, Secrétaire général du Parti communiste libanais, et enfin Naim al-Quassem, Secrétaire général adjoint et numéro deux du Hezbollah libanais.
[13] L’opposition Arrogants/Opprimés renvoie tout droit à la Révolution iranienne de 1979, ainsi qu’au principe doctrinaire du chiisme. Dans le vocabulaire politique de la première période de la Révolution de 1979, le couple Arrogants/ Opprimés signifiait l’opposition entre les pauvres et les riches, mais aussi entre le sud « colonisé » et le nord « impérialiste ». Cette catégorisation était autant adoptée par les Mollahs autour de Khomeyni que par les groupes de gauche et nationaliste.
[14] Olivier Roy, « Le passage à l’ouest de l’islamisme : rupture et continuité », Islamismes d’occident. Etat des lieux et perspectives, sous la direction de Samir Amghar, Lignes de repères, 2006.
[15] Islah Jad, entretien avec Monique Etienne, revue Pour la Palestine, mars 2005.

Partager cet article
Repost0
27 août 2007 1 27 /08 /août /2007 20:40
L'image “http://static.twoday.net/1006datum/images/Ramadan.jpg” ne peut être affichée car elle contient des erreurs.

Tariq Ramadan (Professeur d’islamologie) :

 

" Maurice ne doit pas se laisser noyer par une culture mondiale "

 

" Il y a un projet mauricien qu’il faut que vous protégiez contre vents et marées. Vous avez une réalité insulaire. La réalité d’une société qui est vraiment plurielle culturellement, religieusement "

 

Tariq Ramadan, qui à son huitième séjour à Maurice pour une série de conférences, ne cesse d’être présent dans tous les débats internationaux autour de la question islamique. Ses propos ne laissent pas insensible, n’hésitant pas à remettre en cause certaines démarches islamiques. " Les pires ennemis de l’islam, ce sont les musulmans eux-mêmes parce que ce sont eux qui dénaturent parfois le message ", avance-t-il. Personnage controversé en France où l’on dénonce " son double langage ", il affirme que ce n’est pas prouvé. " Ce sont des gens qui ont envie de m’utiliser, moi, parce que je suis l’arbre qui cache la forêt qu’ils n’ont pas envie de voir ". Aux Mauriciens qui lui reprochent sa vision européenne de l’islam, il répond que " lorsque je viens avec une opinion, je ne m’inscris pas contre les traditions... ". Il soutient que Maurice se doit de protéger sa réalité d’une société vraiment plurielle culturellement, religieusement.

 

 

 

 

Tariq Ramadan, vous êtes en première ligne de tous les débats concernant l’islam, vous multipliez les conférences à travers le monde, vous êtes régulièrement présents dans la presse à travers des articles et des interviews. Est-ce que votre message sur la réforme de l’islam est en train de passer ?

 

 

 

Le but de mon engagement, ce n’est pas un message personnel, propre à moi, c’est une réconciliation avec le message premier de l’islam. Ce message a trois dimensions essentiellement. La première, c’est la dimension de l’universalité. C’est-à-dire que la tradition musulmane se réfère à des valeurs universelles et donc la particularité des valeurs universelles, c’est qu’elles sont propres à l’islam mais qu’elles confirment et qu’elles s’appuient sur d’autres valeurs. La question de la dignité humaine, la question de la justice de la liberté, la question de respect et d’intégrité de la personne sont aussi enracinées dans la tradition musulmane que dans d’autres traditions. Je pense qu’en ces temps crispés, à l’heure d’une globalisation qui pousse les uns et les autres à revenir à des immensités tout à fait singulières, rappeler ces dimensions-là est fondamental. Pour moi, il ne s’agit pas de parler de l’islam contre tous les autres, mais de dire en quoi l’islam se nourrit et partage avec tous les autres les dimensions fondamentales.

 

La deuxième dimension, c’est celle de la spiritualité. Il s’agit d’éviter le ritualisme pour en venir au sens des choses. On est à une époque où il est essentiel de savoir pourquoi on fait ce qu’on fait, quelle en est la finalité, qu’est-ce qu’on est en train de faire avec l’être humain. Aux États-Unis, 53 % de la population disent qu’il serait possible dans certaines circonstances de torturer les gens... C’est-à-dire qu’on est dans une situation de régression. Hier, aux États-Unis, on n’aurait jamais pu dire une chose pareille. Il y a de la peur, il y a des craintes et tout à coup maintenant, on admet la torture. La torture est toujours inadmissible. Elle ne peut jamais être admise. Dans aucune circonstance on ne doit pouvoir torturer quelqu’un. C’est contre la dignité humaine. Les peurs sont tellement grandes que finalement on finit par admettre des choses. On a vu ce qui s’est passé dans les prisons en Irak et à Guantanamo. On a vu aussi des extraditions extraordinaires et des prisons cachées en Europe où il y a de la torture. On est en situation de régression. Il faut absolument aujourd’hui pouvoir revenir avec un message qui nous rappelle le fondement des choses. Et pour moi, quelque chose qui est évident, c’est un vrai travail sur soi : de spiritualité, du sens de la vie, pourquoi on fait ce que l’on fait, d’éthique et de morale. Ces choses ne se font pas. Aujourd’hui, on parle de la façon dont on traite l’univers. C’est dramatique ce que le réchauffement de la planète est en train de produire. Tous les éléments sont connectés.

 

La troisième des dimensions est qu’il faut que l’on cesse de nourrir la mentalité de victimes. Beaucoup trop de personnes regardent le monde sous l’angle : "C’est toujours la faute aux autres". Pour les musulmans, c’est la faute aux non musulmans ; pour l’administration Bush, c’est la faute au terrorisme ; pour un certain nombre de chrétiens, c’est la faute aux musulmans. On est tous en train de se renvoyer la balle. Or, on est des citoyens. On a des avantages dans certaines situations. À Maurice, vous avez une démocratie, vous avez des droits. À chacun d’entre nous de se poser la question : à mon niveau, qu’est-ce que je peux faire ? Pour moi, c’est vraiment un message personnel et individuel, de conscientisation personnelle. Pour les musulmans, bien entendu, c’est se réconcilier avec l’universalité de leur message, de servir les gens en rappelant toujours d’une chose : être proche de Dieu, c’est servir les hommes. C’est aussi un message qu’entendent très bien les chrétiens, les juifs, les bouddhistes, les hindous ou les athées. C’est aussi un message de responsabilisation immédiate. Il faut le faire et il faut le faire tout de suite, à votre niveau. Lorsqu’on voit du racisme dans sa rue, il faut agir ; des discriminations dans sa société, il faut agir ; lorsqu’on voit ce qui se passe sur la scène internationale, il faut la dénoncer. C’est un message de responsabilisation personnelle. Est-ce que ce message passe ? Oui. Partout où je vais et chaque fois que je viens à l’île Maurice, il y a une vraie reconnaissance dans ce sens-là. Ce message-là a aussi des adversaires. Il ne faut pas être naïf. On a aujourd’hui sur la scène internationale, des gens qui ont envie de rupture, de polarisation. Il y a des gens qui se font de l’argent grâce à la guerre ; il y a des gens qui se font de l’argent grâce à la peur ; on a des dénégations de spécialistes du terrorisme qui nous expliquent tout et n’importe quoi et qui se font de l’argent ; on a des médias qui se font de l’argent sur les catastrophes. Il y a des gens qui n’ont pas envie que ces discours passent. Sur le terrain, il y a une vraie audience. Oui, les choses avancent. C’est très difficile. On n’est pas dans une situation facile. Il faut continuer.

 

 

 

La dénonciation des prisons cachées, de la situation en Irak entre autres, vous a coûté votre visa pour les États-Unis. Comment avez-vous vécu cela ?

 

 

 

Etre interdit d’entrée aux États-Unis sous l’administration Bush, c’est plus un honneur qu’un déshonneur eu égard à ce que l’on sait de cette administration. Elle a entretenu le mensonge, l’hypocrisie. Elle s’est engagée dans une guerre en Afghanistan qui a tué des milliers de civils. Elle s’est engagée dans une guerre en Irak ; et puis, après le 11-septembre, elle a développé une véritable chasse aux sorcières. Aujourd’hui, ou on est avec Bush ou on est contre. Je sais que l’administration américaine n’est pas contente de mes propos. Mais qui aujourd’hui dans le monde est content de l’administration Bush ? Qui aujourd’hui est heureux de ce que le président des États-Unis fait ? Les gouvernements européens ? Ils ont peur ; ils ne parlent pas, donc ils suivent et tous les autres jusqu’à dans votre pays, à Maurice, j’ai vu des officiels qui sont tout à fait conscients des dérives de l’administration Bush. Qu’ils soient eux mécontents ne me gêne pas, mais que nous soyons en désaccord est le plus important. Parce que je pense qu’il y a un déficit de dignité, de cohérence dans la politique américaine actuelle.

 

 

 

En même temps, lorsqu’on voit ce qui s’est passé à la mosquée rouge ainsi que d’autres activités terroristes, cela bat en brèche le message de paix que prêchez...

 

 

 

Il ne faut pas nier qu’il y a des choses qui aillent très mal. Les pires ennemis de l’islam, ce sont les musulmans eux-mêmes parce que ce sont eux qui dénaturent parfois, comme dans ces cas-là, le message. Il y a des gens qui produisent de la violence, tuent des innocents. C’est regrettable. Le discours de la paix, de l’exigence de l’engagement est le seul message qui peut résister à la radicalisation. Comment allez-vous faire ? Vous allez tuer tout le monde ? Mettre les radicaux en prison ? Il faut un autre message, un message fort : "L’islam c’est ça, ce n’est pas ce qu’ils disent." Il faut être capable de dire aux gens que ce que vous faites ce n’est pas l’islam, c’est contre l’islam. Le meilleur moyen, c’est un vrai discours de l’intérieur qui s’oppose et qui critique les dérives de la compréhension de l’islam. Maintenant on est en face des terroristes, en face des gens qui utilisent l’islam de façon inadmissible. Il faut le dire. Il faut le répéter par un discours constructif pas uniquement par un discours défensif.

 

 

 

Vous insistez dans votre message que le jihad n’est pas synonyme de guerre sainte ?

 

 

 

J’ai un livre publié sur le jihad, Guerre et paix en islam, dans lequel je parle de cela. Je viens de participer, avec le New York Times et le Washington Post qui ont posé à des muslim scholars trois questions dont l’une était sur le jihad...

 

 

 

En France surtout, vous avez une image très controversée. Plusieurs livres vous sont d’ailleurs consacrés. On vous accuse d’avoir un double langage, un pour les musulmans un autre pour les non musulmans ?

 

 

 

C’est ce qu’on dit mais qu’on ne prouve pas. Il y a un autre livre qui a paru récemment qui dit que je n’ai pas de double langage. Moi je n’ai pas de temps à perdre. Si j’ai un double langage, cela devrait se savoir. J’ai diffusé plus de 200 cassettes. Il y a même un livre qui dit que je parle en arabe dans les banlieues. Le problème c’est que dans les banlieues, ils ne parlent pas arabe. Ce sont des gens qui ont envie de m’utiliser, moi, parce que je suis l’arbre qui cache la forêt qu’ils n’ont pas envie de voir. Et cette forêt, c’est qu’aujourd’hui, il y a des Francais de confession musulmane qui sont Français, qui ne s’appellent pas seulement Zidane qu’on accepte quand il met des buts et on rejetterait tous les autres parce qu’ils sont dans les banlieues. Je dis aux Français de confession musulmane : vous avez des droits comme tous les citoyens. Donc pas de mentalité de victime, travaillez, devenez des citoyens. Cela gêne beaucoup de monde. Parce qu’hier, ils étaient dans les colonies en Algérie. Aujourd’hui ils sont en France et sont des citoyens. Il y en a qui n’ont pas envie de cela. Moi, je suis simplement la voix qui fait entendre ça. C’est pourquoi que cela les gêne. Ils n’ont pas envie de comprendre ou d’admettre que l’islam est une religion française ; qu’il y a des Français qui sont des citoyens comme tous les autres et qui ont eu un passé arabe, algérien, marocain. Il y a un vrai problème de reconnaissance de cela. Je gêne tous ceux qui n’ont pas envie de reconnaître la dimension plurielle de la société française. Ils ont juste envie de symbole. Être ministre de la Justice (Rachida Dati, par exemple) c’est bien. On ne veut pas de symbole pour oublier les autres ; on veut des voix qui permettent à tous d’être présents partout.

 

 

 

Comment avez-vous accueilli l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République française ?

 

 

 

Je savais qu’il allait être président parce qu’il avait préparé cela depuis très très longtemps. Je pense qu’il est extrêmement habile parce qu’il a réussi en l’espace d’une année à faire imploser le Front national (FN) et se déliter le Parti socialiste (PS) en même temps. Il sait lui que ce n’est plus une question idéologique, c’est une question de pouvoir. La différence entre le PS et lui, elle est minime sur le plan idéologique. Il a utilisé chez les socialistes ceux qu’il savait aimer le pouvoir. Je pense qu’il va surprendre beaucoup de monde. Je ne le sous-estime pas du tout. C’est quelqu’un qui a réussi à placer ses billes dans le monde médiatique, dans le monde financier, dans la grande économie et dans le monde politique. Sur ces chantiers, il a établi des gens qui sont très proches de lui. Il peut parfois déraper par des excès d’émotivité. On l’a vu dans certaines circonstances. Cela ne va pas être facile parce qu’il a une vue sur certaines questions qui est problématique notamment en ce qu’il s’agit de la création du ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration.

 

 

 

Vous invitez les musulmans à revenir aux textes fondamentaux. Que voulez-vous dire par là ?

 

 

 

Lorsqu’on revient aux textes fondamentaux, c’est le meilleur moyen pour nous de revenir dans le contexte fondamental et de proposer une nouvelle lecture. Il faut revenir aux fondamentaux, sinon les musulmans ne vous suivront pas. Les musulmans, ils croient dans les textes, ils croient au Coran et ils suivent le Prophète. Vous ne pouvez pas avancer sans les textes. La question est de savoir si vous revenez aux textes par l’intermédiaire des savants du treizième siècle ou si vous revenez aux textes et essayez de les comprendre dans leur contexte. C’est cela revenir aux fondamentaux. Il y a deux façons de le faire : soit revenir pour s’y enfermer littéralement - ce n’est pas mon attitude - soit revenir pour ouvrir les champs d’investigation et essayer de trouver la bonne solution. Il y a des textes qui sont universels, transhistoriques. Il y a d’autres qui demandent de l’interprétation.

 

 

 

Dans certains milieux à Maurice, on estime que vous avez une vision très européenne de l’islam. Qu’en est-il ?

 

 

 

À Maurice, on est habitué à certaines écoles de pensée que je respecte. Dans ces milieux-là, on est habitué à certaines réponses. Quand on vient avec d’autres réponses, on dit que cela vient de l’Europe. Non. Même au Pakistan, même en Inde, en Afrique et dans le monde arabe, il y a plusieurs opinions sur certaines choses. Lorsque je viens avec une opinion, je ne m’inscris pas contre les traditions ; mais je dis : attendez, il y a cette position, mais il y en a d’autres également. Au moins, ayez l’éventail de toutes les solutions. Je respecte les écoles qui sont présentes. Je rappelle d’autres positions sur certaines questions particulières. À partir de là, les gens font leur choix.

 

 

 

Une remarque du ministre britannique Jack Straw à l’effet que le voile gène l’intégration fait débat...

 

 

 

Il ne disait pas le voile, mais le voile intégral. C’était une bonne question posée par la mauvaise personne. C’est devenu une mauvaise question. Jack Straw est un homme politique, un ministre dans le gouvernement britannique. Il pose une question qui est importante. Comment fait-on pour la vie en société ? Cela pose un vrai problème d’autant qu’il y avait le problème d’une enseignante devant des élèves très jeunes. Les enfants pouvaient avoir de la peine à entendre ce qu’elle disait. En tant que musulman, il faut qu’on donne une réponse sur quelle est la vraie prescription islamique. Est-ce la couverture des cheveux sans que la face ne soit couverte ? C’est mon opinion. Je pense que ceux qui vont plus loin doivent vraiment se poser des questions. Au bout du compte, quel rôle social donnez-vous à la femme ? C’est une vraie question qui doit être débattue de l’intérieur. Certains savants sont d’opinion que les femmes ne devraient pas porter le hijab dans une société non majoritairement musulmane parce qu’elles n’étaient pas comprises.

 

 

 

L’appel à la prière a été au centre d’un débat à Maurice. Avez-vous eu l’occasion de suivre cette affaire ?

 

 

 

Dans toutes ces situations on a aujourd’hui des crispations. Ici, il y a eu crispation autour de l’appel à la prière, en Suisse on a eu des crispations autour de la visibilité des minarets. En France, on a eu des crispations autour de la visibilité des foulards. Toutes ces situations elles se crisperont si l’on va vers le conflit et la loi, et elles s’assoupliront si l’on va vers le dialogue et la compréhension mutuelle. Votre situation, elle est passée par les deux étapes. Il y a eu une procédure légale qui a tendu les choses. Des deux côtés il y a eu des gens qui ont polarisé, alors que des deux côtés il fallait calmer les choses et venir à la table de dialogue. C’est ce qu’on a fait après. Il faut commencer par le dialogue et non pas finir. Si le problème c’est le niveau sonore, une fois qu’on l’a baissé, c’est terminé. Lorsque quelque chose dans la tradition de l’autre nous gène il faut le dire, il faut s’asseoir, il faut discuter parce qu’on peut trouver des solutions. Une société plurielle qui s’assume est une société qui dialogue. Une société plurielle qui implose est une société qui ne s’écoute plus ou qui se parle à coup de loi. Le légal est toujours crispant.

 

 

 

Le thème de votre conférence prévue demain (aujourd’hui, NdlR) est l’islam et la démocratie. N’est-ce pas là un terrain glissant pour vous ? À part la Turquie, la démocratie n’est pas légion dans les Républiques islamiques ?

 

 

 

Et le Sénégal et l’Indonésie... On est obsédé par le mode majoritairement musulman parce qu’on pense à l’Arabie. Lorsqu’on pose la question de l’islam et la démocratie, il faut poser la question de principe : est-ce que oui ou non c’est possible ou pas. À mon avis c’est possible d’avoir des processus démocratiques du point de vue islamique sans que cela pose de véritables problèmes. C’est une vraie question que j’ai abordée à plusieurs reprises. J’ai écrit un livre à ce sujet. Même en Turquie on a vu qu’il y a des difficultés avec la présence de l’armée qui joue un rôle. Il n’y a pas d’opposition entre les principes de l’opposition et les principes de l’islam. Et puis il faut que chaque société trouve son modèle et entre dans un processus de démocratisation.

 

 

 

Quel message comptez-vous transmettre aux Mauriciens ?

 

 

 

Le message portera sur ce qui est universel et partagé, de la rencontre du dialogue, de la cohésion et du respect mutuel, de la confiance en soi, de la confiance vis-à-vis des autres. On est dans un monde qui se polarise. Il faut passer à autre chose, construire un autre rapport à soi. Beaucoup de confiance en soi, de respect de l’autre et d’ouverture d’esprit. Un discours orienté vers tous les Mauriciens. On passera parfois par des organisations musulmanes et parfois par des conférences complètement publiques. Il y a un projet mauricien. Qu’il faut que vous protégiez contre vents et marées. Vous avez une réalité insulaire. La réalité d’une société qui est vraiment plurielle culturellement, religieusement. Il ne faut pas perdre cela. Il ne faut pas se laisser noyer par une culture mondiale. Il ne faut pas que la culture de Maurice soit produite à Washington, à Paris ou à Londres. Il faut qu’elle soit produite ici. C’est ici qu’il faut établir la confiance. À l’échelle du monde, Maurice est une localité. Il faut que dans cette localité on ait de vraies initiatives de rencontre, de respect. Il faut protéger. Si cela peut être un espace de paix, un projet pilote de paix et de meilleure connaissance, autant que ce soit ainsi plutôt que le contraire.

 

 

 

En dépit de la mondialisation ?

 

 

 

En résistance à la mondialisation. Le vrai message que Maurice pourrait renvoyer au monde global c’est la réalité du pluriel local.

 

 

 

 

 

 



 

 

" Le jihad n’est pas synonyme de guerre sainte "

 

Nous avons interrogé Tariq Ramadan sur le sens du Jihad, qui, dit-il, n’est pas synonyme de guerre sainte. Il nous a donné la réponse suivante : " D’abord, c’est une question de définition. On dit souvent que c’est la guerre sainte. C’est faux. Cela ne répond à rien dans la traduction à partir de l’arabe. En fait, cela veut dire effort et résistance. Faire un effort et une résistance à quoi ? D’abord, il y a une première dimension personnelle et spirituelle. Chacun d’entre nous a de mauvaises tentations ; il y a de la violence en nous. Nous faisons donc un effort pour résister à cela. C’est un jihad personnel. On prend le contrôle, pourquoi ? On veut être en paix avec soi-même. Le jihad, c’est le chemin, on gère une tension pour aller vers la paix. Ce n’est pas le chemin de la guerre. Sur le plan collectif, lorsqu’on est agressé, résister à l’agression et ou à l’exploitation, cela peut être légitime. Par exemple, résister à des gens qui viennent prendre vos terres, là, c’est la légitime défense. C’est une résistance à l’oppression pour arriver à une situation de justice et de paix. Le jihad, c’est toujours gérer un état de tension par rapport à une oppression pour aller vers la paix. Combattre mon propre égoïsme pour aller vers la paix intérieure. C’est le chemin vers la paix qui passe par un effort, une résistance parce que nous sommes comme ça. Les êtres humains ont besoin de faire des efforts et résister à leurs mauvaises tentations. " 

 

Tariq Ramadan soutient également que le prophète Muhammad n’était pas un belligérant, comme on a voulu le faire accroire. " Je viens d’écrire un livre qui sera partout présent dans mes conférences. Dans cet ouvrage, je présente l’image du prophète où on disait que durant la deuxième période de sa vie, il était belligérant. C’est complètement faux. Au moment où il s’installe à Médine, il y a des gens qui veulent le détruire. Lui, il ne fait que résister à leur volonté de destruction. Il est exactement dans ce jihad-là, celui de la résistance à l’oppression. Alors que cela allait et qu’il n’avait pas besoin de réagir parce qu’il pouvait survivre, il faisait une résistance passive. Comme à la Mecque où il n’a jamais résisté par les armes. Mais à un moment donné, on voulait l’éliminer. Donc il est parti parce qu’il ne voulait pas la guerre. Ils ont fait des alliances avec des tribus alentour pour pouvoir le détruire. Face à cette injustice, il n’avait qu’une seule option : résister par les armes. Il n’y a eu chez lui que la résistance nécessaire face à une répression imposée. C’est comme cela qu’il faut qu’on le comprenne. Ce n’est pas du tout un prophète aux élans de guerrier comme on le présente ".

 

 

 

 

Paru dans le Mauricien le 26 juillet 2007

 


 

 

 

TARIQ RAMADAN
“L’islam doit être une force de transformation pour le meilleur”

 

 

 


Tariq Ramadan en est à sa huitième visite à Maurice pour une série de conférences sur le thème de la confiance mais aussi pour partager sa conviction que l’islam peut agir pour le mieux dans la construction citoyenne du musulman.

 

 

 

Qu’est-ce qui vous amène aussi régulièrement à Maurice ? 

 



Lorsque j’ai visité l’île Maurice voilà onze ans et demi, cela a été une première rencontre qui a culminé à une découverte mutuelle et, pour les Mauriciens, la reconnaissance d’une certaine approche. Il existe une atmosphère à Maurice que j’apprécie beaucoup. Cette reconnaissance et cet acte d’approche ne pouvaient s’inscrire que dans le long terme. Depuis, cela a été une même ligne et un même message universaliste et d’ouverture sur le monde qui ont primé.

 




En quoi consiste cette approche ?

 



Ma première visite a eu lieu avant le 11 septembre et déjà, à cette époque, il était question de sérénité dans ce qu’on est, du refus de la mentalité victimaire et de l’idée que le message est universel. Aujourd’hui encore après le 11 septembre et ses répercussions et les débats sur les lois et le terrorisme, il s’agit toujours de mettre en avant toutes ces dimensions. Le thème retenu pour cette visite est la confiance car il importe de passer d’une évolution de la peur à une révolution de la confiance. Je tiens aussi à dire que c’est une mauvaise perception que de croire que ceux qui m’entourent à Maurice s’accaparent de ma présence. Ils sont plutôt dans l’ouverture et engagés dans un acte de sacrifice.

 




On a eu à Maurice il y a quelque temps de cela un débat sur l’“azaan”. Comment analysez-vous ce débat ?

 



C’est un cas symptomatique qui démontre comment on peut basculer dans la dérive ou accéder à la pacification. On n’arrivera pas à vivre ensemble à travers l’obsession du droit. Ce n’est possible que par la pacification qui passe par le dialogue. D’ailleurs la résolution de la problématique de l’“azaan” chez vous le démontre : c’est dans la négociation qu’a surgi la solution. C’est ce qu’il faut

promouvoir : négocier dans le dialogue plutôt que contrarier par le droit.

 

 




La société politique mauricienne a la propension d’instrumentaliser la religion à des fins électoralistes. Comment sortir de ce cycle ?

 

 



Cela ne passera pas par le politique, par cet engagement politique basé sur l’appartenance communautaire. Il faut une politique citoyenne. Le bon angle pour changer les mentalités est un projet social où on réunit

les gens de toutes les confessions. Cela permet de développer une conscience citoyenne qui transcende la conscience ethnique.

 

 




Passons à un autre ordre d’idées ? Comment se porte aujourd’hui, selon vous, “l’axe du mal” ?

 



S’il y a une chose que je combats de ce point de vue, c’est bien la simplification. Le fait, par exemple, que mon visa ait été révoqué m’interdisant d’entrer sur le sol américain sous l’administration Bush est un honneur. Car ils ont démontré par leurs actes en Afghanistan et en Irak qu’ils sont capables de torture et de déni de justice. C’est en tant que citoyen et non en tant que musulman qu’on doit être inquiets de ces actes. Quant à l’Iran, il n’est qu’un bouc- émissaire.

 




Comment en est-on arrivé là ?

 



On sait que des musulmans sont impliqués dans les actes condamnables du 11 septembre. Il fallait condamner sans verser l’instrumentalisation de ces actes. N’ayant pu éviter cela, on bascule dans la guerre contre le terrorisme. Mais c’est une guerre dont l’une des caractéristiques est d’affronter un ennemi insaisissable, toujours en mouvement et non identifiable. Cela a produit des mesures sécuritaires clairement condamnables et une ère liberticide. En même temps, il faut dire qu’on assiste à monde musulman qui ne s’ouvre pas politiquement. Un monde où il n’y a pas de grand effort de démocratisation sauf dans certains cas. Il ne s’agit pas donc de blâmer seulement l’Occident car il n’y a pas eu de travail critique et surtout de travail sur soi. Aujourd’hui, pour moi, il est autant question de rejeter le cloisonnement du monde musulman tout en luttant durant toute ma vie contre l’unilatéralisme des Etats-Unis sur le dossier israélien.

 



Vous évoquez souvent l’impératif d’être citoyen et d’être musulman. Cela n’est-il pas irréconciliable ?

 



Il y a 18 ans que je travaille sur ces questions. J’ai d’abord cherché les zones de conflit. Or, il s’avère que les Constitutions occidentales et a fortiori la Constitution mauricienne n’empêchent aucun citoyen de pratiquer sa conscience musulmane et sa conscience citoyenne. A l’étude de ces conflits possibles, j’ai identifié l’avis de certains savants qui soulèvent la question de l’appartenance à l’armée où, dans le cas d’un conflit armé, des musulmans pourraient être amenés à se battre contre des pays musulmans. Or, il y a une énorme flexibilité dans les lois musulmanes. Les citoyens musulmans ne sont pas plus ou moins démocrates que les autres. Ce sont des démocrates comme les autres. Je ne crois pas qu’il faille construire un problème là, ou qu’un problème de perception. Je dirais qu’avec une bonne compréhension de l’éthique musulmane, on aboutit à un meilleur engagement citoyen.

 




Quelle idée de l’islam que vous vous faites ?

 



Elle est basée sur trois principes. D’abord, l’islam est une religion universelle. Elle produit des valeurs et une éthique qui ne lui sont pas exclusives. En l’islam, on retrouve des valeurs qui sont chez les autres. Les musulmans doivent revenir vers cet universel pour ne pas s’enfermer dans des particularismes et ne pas céder à la tentation d’être victimes. Ensuite, il y a des valeurs transhistoriques. Soit vivre fidèlement sa foi dans toutes les circonstances et au sein de toutes les sociétés. Il y a donc à tenir compte de toute une dimension de l’histoire et de la culture en termes de ce qui est immuable et ce qui participe de la nécessité du changement. C’est en conséquence une question de réforme et l’islam a les outils pour penser le changement en fonction des principes qui sont les siens. Il s’agit d’avoir en tête le texte et le contexte. L’un ne va pas sans l’autre. Une pensée qui reste la même au XVe siècle et au XXe siècle n’est pas fidèle aux principes fondamentaux. Enfin, il faut être une force de transformation pour le meilleur.

 



Comment aborder la question du djihad lorsqu’il y a autant d’interprétations qui sont proposées ?

 



Lorsque l’abbé Pierre dit qu’il est en guerre contre la pauvreté, je dois tout autant pouvoir dire que je suis en guerre contre la pauvreté ou contre les formes nouvelles d’esclavagisme. Lorsque des murs sont dressés entre le Mexique et les Etats-Unis ou autour de l’Europe, c’est une nouvelle forme d’esclavagisme qu’on pratique. On y retrouve à ces frontières des sous-zones où s’installent des individus dont ces pays ont besoin sur le plan économique. Lorsque ces individus franchissent ces murs et vont finir par travailler clandestinement dans les pays qui les repoussent, c’est en fait une exploitation clandestine de ces femmes et hommes.

 



L’islam, le nouvel ennemi de l’Ouest après la fin du communisme ?

 



L’islam est le nouvel ennemi, c’est une évidence sauf que ce n’est plus du tout pareil comme lorsque les pays de l’Ouest étaient confrontés à l’ennemi soviétique. Il ne s’agit plus d’un ennemi de l’extérieur. Le nouvel ennemi a été créé et sa figure est différente de l’ennemi communiste. Toutefois, dans son expression de rejet, on voit revenir les réflexes de stigmatisation et du maccarthysme.

 



Enfin, vous êtes souvent accusé de tenir un double langage. L’un devant les musulmans et un autre devant les non-musulmans. Comment répondez-vous à cette critique ?

 



Lorsque des journalistes me posent cette question, je leur réponds de m’apporter des preuves. C’est en fait une critique tellement grotesque. En France, par exemple, on m’accuse de parler français et arabe dans les banlieues. Or on ne parle pas et on ne comprend pas l’arabe dans les banlieues ! Nul n’est plus sourd que celui qui ne veut pas entendre la vérité.

 



Propos recueillis par
Nazim ESOOF
µµµµµµµµµµµµµµ
« Il faut sortir des ghettos religieux »
par Tariq Ramadan

Surprenant Tariq Ramadan. Depuis des années, cet intellectuel musulman basé à Londres ne ménage pas sa peine pour distiller ses idées à Maurice. Chantre d’un islam éclairé et réformateur, il sera reçu demain par le président de la République. Inquiétant Tariq Ramadan ? Chez nous aussi, l’homme séduit autant qu’il agace. Qui est-il ? Le mieux est de l’écouter...


 

 

C’est votre huitième séjour à Maurice. Qui est là : le touriste épris de sable fin ou l’intellectuel globe-trotter ?



Cette fois-ci, je fais aussi du tourisme, mais c’est d’abord une visite de travail. Je suis ici en tant qu’intellectuel engagé, pour prolonger l’action entamée il y a presque douze ans aux côtés d’organisations musulmanes.

 

 


Et vous êtes l’hôte de qui ?

D’un collectif d’associations locales. Ce sont des personnes de terrain, liées au tissu associatif musulman. Certaines interviennent plus largement dans le domaine du social et de la solidarité. Elles ont cette même vision que l’on peut être tout à la fois pleinement mauricien et pleinement musulman.

 


Certains en doutent ?

Des musulmans doutent de la façon dont ils pourraient être pleinement mauriciens. Ils auraient tendance à s’isoler, à rester entre eux. Être mauricien et musulman, ce n’est pas seulement acquérir les deux dimensions de cette identité. Le but, c’est que chaque dimension nourrisse l’autre. Pour cela, il faut être un citoyen engagé. Prendre conscience que la société n’est pas simplement une communauté religieuse, que c’est une communauté de citoyens.

 



Cette vision s’abreuve d’une idée force, le thème central de votre visite : « Construire la confiance ». En qui ou en quoi ?

Depuis les événements du 11 Septembre, la méfiance a gagné les esprits. La suspicion augmente, on ne sait plus qui est quoi. Cette méfiance appelle une reconstruction de la confiance. D’abord, la confiance en soi. Car les sujets de la méfiance finissent par douter d’eux-mêmes, de leurs valeurs, de leur identité plurielle. Ensuite, la confiance en l’autre, la confiance mutuelle, basée sur une citoyenneté commune.

 



Vous interpellez donc l’ensemble des citoyens ?

Absolument. On peut s’asseoir, en tant que citoyen mauricien, et blâmer les politiques de faire du communalisme. On peut aussi se dire, « c’est moi qui peut changer les choses ». À un moment donné, il faut des citoyens responsables. C’est aux citoyens de résister à la manipulation politicienne. Parce qu’au bout du compte, on a ce qu’on mérite. Les citoyens passifs sont le jouet des politiciens actifs.

Les politiciens, pour arriver au pouvoir, jouent sur les réalités de la société, donc ils instrumentalisent, c’est leur travail. Encore une fois, on peut se plaindre d’être instrumentalisé. Mais cessons d’être des victimes, car c’est précisément ce qui permet aux politiciens de nous traiter de la sorte.



Vous les rencontrez régulièrement. Demain, le président de la République vous reçoit…

Les dirigeants de ce pays connaissent parfaitement mon discours. Je n’hésite jamais à leur dire que Maurice ira mieux quand il y aura plus d’éthique en politique. Mais au fond, ce qui m’intéresse dans ce débat, ce n’est pas de chercher le coupable de l’instrumentalisation, mais le responsable de sa résistance. Et ce responsable, c’est le citoyen et la citoyenne. C’est avec eux qu’il faut établir des ponts, sortir des ghettos religieux, culturels et intellectuels, pour se retrouver autour de projets. Il y a des fléaux dans ce pays. Il y a la pauvreté qui s’accroît.

C’est quand même incroyable d’être dans une société qui a un tel potentiel économique, un tourisme florissant, on veut encore plus de visiteurs… et puis quoi ? On va laisser les pauvres devenir plus pauvres dans une petite île ? Je loue souvent, quand je voyage, le modèle mauricien, en disant que c’est une société plurielle qui réussit, mais c’est aussi une société fragile.


Fragile comme votre réputation. Vous n’avez pas que des amis à Maurice…

Posons d’emblée que je viens de deux univers. L’Europe d’un côté, le monde musulman de l’autre. Quand vous êtes entre deux univers et que vous décidez de construire des ponts, vous savez que sur les deux rives vous ferez des mécontents. Pour les Occidentaux je suis trop musulman ; pour certains musulmans je suis trop occidentalisé. « C’est un Suisse, quoi ! Il vient avec l’islam de Suisse… » ; voilà ce que j’entends. Au sein de la communauté musulmane mauricienne, certains ont l’impression que je prône un islam moderniste, venu d’Occident et qui ne serait pas un véritable islam.



Et que leur répondez-vous ?

Qu’à la lecture des sciences islamiques et de mes études, il y a leur opinion, et il y en a d’autres. Pour certains, c’est gênant, car ils pensaient détenir un monopole. D’autres critiques émanent de la presse. Quelques journalistes mauriciens sont très influencés par ce qui vient d’Europe, donc ils répètent. Ma réponse est simple : « Dites-moi ce que j’ai dit, et je débats là-dessus, pas sur ce que vous avez lu sur Google. »



On a appris – mais pas sur Google – que vous venez d’être condamné pour outrage après avoir insulté des agents de police dans un aéroport parisien. Pourquoi ce coup de sang ?

J’allais rater mon avion, j’étais fatigué, je me suis retrouvé devant une fonctionnaire très zélée… Effectivement, j’ai eu des propos déplacés.



C’était une bêtise ?

Je dirai plutôt que c’était un enseignement : on est l’abri de rien.



Pas même d’une polémique sur les décibels du muezzin. La plainte déposée vous a-t-elle choqué ?

Non, j’ai suivi cette affaire de près et je n’ai pas été choqué. Cependant, je ne crois pas que le recours à la loi soit la bonne méthode. Il faut absolument, dans une société comme Maurice, qu’on ne se dispute pas à coup de lois. Faisons très attention à ces choses-là. Vous, vous pouvez solliciter la loi dans l’idée de trouver une solution. Mais d’autres, des deux côtés, utiliseront votre démarche pour polariser le débat dans la passion ; c’est ce qui s’est passé. Évitons cela. Le dialogue, une table, on prend le temps. Et si au bout du dialogue on ne trouve pas de solution, le légal fera l’affaire. Mais le dialogue avant le légal, pas l’inverse. Ne traduisons pas la démocratie par une dictature du droit.



Pensez-vous que des lois mauriciennes sont contraires à l’islam ? Si oui, souhaitez-vous que les lois s’adaptent à l’islam, ou bien que l’islam s’adapte aux lois ?

Non, je ne crois pas que des lois mauriciennes sont contraires à l’islam. J’ai eu des rencontres avec des juristes à ce sujet, il n’y a pas de contradiction à ma connaissance. Les possibilités d’adaptation font qu’il n’est pas nécessaire de changer la loi.


Quel est votre regard sur le « nouveau » Cehl Meeah ?

Est-il sincère ? S’agit-il d’une vraie transformation de l’individu ou d’un jeu politique ? Le changement est si brusque que n’importe quel être raisonnable s’interrogerait. Personnellement, je lui donne le bénéfice du doute par l’évaluation du temps. Cehl Meeah est passé d’une position radicale et conflictuelle à une position d’ouverture solidaire. C’est quand même deux visages différents. On peut changer aussi radicalement, ça existe. Mais la sincérité de la démarche ne peut-être évaluée qu’à l’épreuve de l’agir et du temps.



En Europe, plusieurs médias vous ont récemment consacré des reportages très critiques. Avez-vous été blessé ?

Je n’ai pas de rapport monolithique à la critique. Il y a des critiques de mauvaise foi, donc je n’y réponds plus. Il y a des critiques basées sur l’incompréhension, donc je clarifie. Et puis il y a des critiques fondées, je les écoute. 95 % de la critique vient de la France, mais la France n’a pas un problème avec Tariq Ramadan ; elle a un problème avec le religieux.


Un message à adresser aux Mauriciens, musulmans et non musulmans, pour mieux vivre ensemble…

Prenez conscience que le modèle mauricien est très riche, mais que cette richesse est fragile. Développez ensemble le sens de l’appartenance à la nation et défen-dez ce modèle-là. À l’ère du global, les vrais modèles sont locaux, contrairement à ce qu’on pense.

 

 



Propos recueillis
par Fabrice ACQUILINA

Partager cet article
Repost0
25 août 2007 6 25 /08 /août /2007 10:30


http://www.acme-eau.org/photo/149289-205615.jpg


N'appartient à personne!

Par

Nouha





C’est en devenant le lieu d’une parole libre et organisée que l’internet dissident peut jouer son rôle en matière d’éducation civique, de réveil des consciences. Les technologies sont de plus en plus fiables et à la portée  des bourses de nos jours, que toute stratégie devient possible, y compris, comme pour le cas tunisien, de communiquer et  de briser la censure. Bien sûr aujourd’hui sur l’espace du web tunisien  les déchets du futile et la médiocrité   font de l’ombre au travail de fond, mais cela est normal, avec le temps, la qualité , parce qu’elle est volontaire et prospecte l’essentiel de la vie et du devenir tunisien, arrivera à ses fins, qui du reste ne sont  que l’ouverture, la démocratie et la liberté d’expression dans notre pays, droits qui sont à la base de tout dans une société moderne et progressiste, c’est-à-dire associer l’efficacité ,ce  qui n’est pas discuté n’est pas intériorisé, et l’absence de dogmatisme , ce qui est discuté ne prend pas valeur de dogme, mais de problème indéfiniment rectifié. Ce privilège accordé à la liberté d’expression n’est pas gratuit. Il n’y a pas de démocratie sans espace public de délibération. Avant de se ressembler sur un projet, de militer , de prétendre vraiment changer les habitudes, et puis par la suite naturellement changer les choses dans le pays, toutes les actions réfléchies doivent se projeter dans la durée, et s’inscrire sur une plate forme d’actions  communes à tous à mener à terme, car pour l’opposition tunisienne  c’est là que le bat blesse, le manque de continuité et de résistance qui use sa crédibilité et son crédit à l’intérieur comme à l’extérieur de la Tunisie, et quand cette dernière n’est pas fiable et prise au sérieux par les tunisiens, jamais elle ne pourrait avoir d’appuis sérieux à l’étranger, la dictature surfe depuis toujours  sur cette anomalie. Déjà pour l’opposition il faut établir une sorte de programme politique commun, discuté et affiché par tous les sites et blogs  signataires de ce programme, réfléchir dés maintenant à l’après dictature,  pour préparer les rapports entre les tunisiens pendant la période de transition vitale et  nécessaire, et la mise en place d’une administration moderne et d’institutions indépendantes garantie par une constitution républicaine, expliquer  le pouvoir et la chance de   voter, expliquer que  les citoyens, les Hommes dignes et libres sont des personnes qui s’inscrivent dans un débat, qui font valoir leurs arguments, et enseigner que dans une démocratie  il n’y’a pas de place pour les inégalités et l’arbitraire. Et l’apprentissage de la citoyenneté même sous la dictature actuellement et dans l’espace oppositionnel n’est jamais superflu, sans exclure d’autres voies, passe par celui du débat argumenté. Sur ce point, c’est encore IBN KHALDOUN qu’il faudrait citer, en particulier lorsqu’il souligne, la nécessité pour penser par soi-même, d’envisager ce qu’autrui pourrait penser de nos pensées. ”

Pour remplir pleinement sa mission, l’opposition démocratique doit échapper au formalisme vers lequel sa fragmentation idéologique la fait glisser. Sa cohérence est vitale, elle  se construit et se met en œuvre avec et entre des tensions telles que la reconnaissance de l’autre et la construction de l’autonomie du sujet, une certaine normalisation des esprits et des comportements et le développement de l’esprit critique et de la liberté, la reconnaissance de l’autre et la construction de compétences sociales, le respect de ce qui relève de l’espace particulier à chaque parti, celui de chacun, de sa pensée politique, et ce qui relève de l’espace commun au pacte passé entre toutes les tendances politiques tunisiennes qui ont fait le choix de la démocratisation de notre pays.

L’opposition démocratique et  républicaine, unie,  dans l’étape d’un combat décisif contre la dictature,  conforme à la philosophie du droit qui l’inspire et dont elle a la charge, ne doit et ne peut reconnaître que des tunisiens avec leurs singularités et leurs différences, une nation, un peuple. Nul rassemblement d’intérêts particuliers, nulle communauté idéologique, nulle confrérie sectaire et clanique, nulle collection de volontés particulières, ne saurait a priori valoir à ses yeux, sous peine d’anéantir la liberté de chacun de ses membres en destinant, un sauveur providentiel par exemple,  à quelques fin plus haute et plus sacrée que sa propre autonomie, et qui pourrait avoir sur elle prééminence. Exiger des hommes, surtout s’il s’agit d’opprimés « historique » comme le sont  les tunisiens, qu’ils accordent  leur consentement à un chef suprême, encore un autre, choisi par un groupe préétabli qui ne brille ni par sa collégialité, ni la diversité de ses membres,  c’est lui demander d’être dévot, fils et peut-être esclave,  en quoi pourraient-ils être souverains ? Au contraire, l’opposition qui résulte du consentement que chacun est en état de réfléchir et de peser à la mesure de l’exercice de sa raison n’est ni une destinée ni une fin en soi, produit fragile, création continuée de l’accord entre sujets libres, elle ne peut être placée sur aucun autel, mais affirmera sa crédibilité  quand  arrivera le jour où ceux qui la composent d’une façon libre, auront à défendre leurs singularités. ”
La Tunisie nouvelle , celle qui doit s’imposer démocratiquement après la dictature devra accorder à la production, à la diffusion et à la transmission des connaissances, de l’histoire, de la politique, de la culture,   une place organique. Elle doit  considérer que l’établissement, le maintien et l’exercice du droit républicain sont essentiellement liés à l’acquisition et au développement du savoir raisonné, sous toutes ses formes, en chacun des citoyens , car il ne faut pas être candide,  privé de lumières, un peuple législateur devient vite son propre tyran. Disait à peu prés cela  le grand penseur tunisien IBN KHALDOUN. Tout cela est de l’ordre  du civisme qui doit affirmer  l’état d’esprit de l’opposition démocratique, elle qui dés maintenant et dans sa difficulté d’être, doit être la négation absolue de la dictature. Le tunisien nouveau, ce n’est pas l’individu réel avec ses faiblesses, son égoïsme, son aveuglement et ses enthousiasmes. C’est l’homme éclairé par la raison, parlant selon les impératifs de cette raison commune à tous, et, par conséquent, débarrassé des préjugés de classe et des soucis inhérents à sa condition économique, capable d’opiner sur la chose publique sans être dominé par son intérêt personnel, aucun peuple n’a des dispositions à pratiquer  cette philosophie dans ses plus intimes prescriptions, c’est le travail de ses représentants d’être attentifs à cela, au jour d’aujourd’hui, ses représentants légitimes, face  à la totale illégitimité de la dictature, est l’opposition démocratique. L’opposition est légitime et la dictature est illégitime en Tunisie, tout simplement parce que la première est disposé au jugement démocratique des urnes et du peuple tunisien, et que la seconde combat toute forme de pensée et d’expression démocratique, la première se sacrifie pour le peuple, la seconde en fait son ennemi mortel, bref c’est une manière de se limiter à la visibilité et à la logique des vérités  de la question tunisienne.
La reconnaissance de l’égale dignité de tous les tunisiens dans la vie sociale ,  que traduit, dans la vie politique, le principe de citoyenneté , doit être le seul fondement légitime, à la fois moralement et politiquement, de la vie collective, même si les moyens de reconnaître cette dignité peuvent prendre des formes différentes dans les sociétés humaines, cela aussi  est un des fondements de l’opposition démocratique tunisienne, un fondement  qui la légitime face à l’anti constitutionnalité totale du régime de ben Ali, ce n’est pas le régime TUNISIEN, c’est celui de ben Ali, une forme diabolique de monarchie maffieuse.

   Le mouvement par lequel le peuple tunisien tout entier dira : “ Je ne me soumets plus ”, et jette à la face de cette dictature injuste et barbare  le risque de sa vie, ce mouvement paraît irréductible. Parce qu’aucun pouvoir n’est capable de le rendre absolument impossible. Et parce que l’homme qui se lève est finalement sans explication ; il faut un arrachement qui interrompt le fil de l’histoire, et ses longues chaînes de raisons, pour qu’un homme puisse, “ réellement ”, préférer le risque de la mort à la certitude d’avoir à obéir à son oppresseur.
Toutes les formes de liberté réclamées par les tunisiens, tous les droits qu’on fait valoir, même à propos des choses apparemment les moins importantes, ont sans doute là un point dernier d’ancrage, plus solide et plus proche que la démagogie idéologique des uns et des autres qui tirent des plans sur la comète Si les sociétés tiennent et vivent, c’est-à-dire si les pouvoirs y sont  absolument absolus , comme en Tunisie, c’est que, derrière toutes les acceptations et les coercitions, au-delà des menaces, des violences et des persuasions, il y a la possibilité de ce moment où la vie ne s’échange plus, où les pouvoirs ne peuvent plus rien et où, devant les gibets et les mitrailleuses, les hommes se soulèvent, tout cela doit être assimilé et digéré par les démocrates et le prévenir afin d’éviter une nouvelle catastrophe à notre patrie. Préparer les tunisien à la responsabilité  en limitant le pouvoir politique post dictature à la gestion de leurs choix. Car  le pouvoir, par ses mécanismes est infini. Pour le limiter, les règles ne sont jamais assez rigoureuses ; pour le dessaisir de toutes les occasions dont il s’empare, jamais les principes universels ne sont assez stricts. Au pouvoir il faut toujours opposer des lois infranchissables et des droits sans restrictions. C’est à l’opposition démocratique tunisienne d’être clair face à l’opacité de la dictature, par exemple, en affirmant aux tunisiens, que contrairement à ben Ali et tous les partis alimentaires et collabos tunisiens, que pour elle, la citoyenneté, au sens strict du terme, renvoie à l’idée de participation politique. Elle constitue l’attribut juridique de l’individu qui jouit de droits civiques. Ces prérogatives, droit de vote, droit de se porter candidat aux fonctions électives, droit de servir dans l’appareil administratif ect…ont ceci en commun que leur mise en œuvre constitue un élément indissociable du fonctionnement du système démocratique tout entier. L’indifférence absolue des tunisiens, leur attentisme généralisé, leurs mutisme, leur peur, leur renoncement détruiraient ipso facto l’avenir de leurs enfants, le leur et leur pays. Les tunisiens, et c’est le travail de l’opposition, doivent être dés maintenant conscient du fait que,
  la démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement son bulletin dans l’urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire, pendant cinq ou sept ans. Elle est action continuelle du citoyen, non seulement sur les affaires de l’Etat, mais sur celle de la région, de la commune, de la coopérative, de l’association, de la profession… La démocratie n’est efficace que si elle existe partout en tout temps. Le citoyen est un homme qui ne laisse pas à d’autres le soin de décider de son sort commun. Il n’y a pas de démocratie si le peuple n’est pas composé de véritables citoyens, agissant constamment en tant que tels, comme le disait à peu prés dans ces termes PLATON.

Partager cet article
Repost0
24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 21:30




VIEILLES CANAILLES.

Par

Biju.

http://www.elkhadra.org/cache-440x580_reiser1-2-440x580.jpg




Il arrive que le temps vécu par les tunisiens du début de l'indépendance jusqu'à ce jour, soit ressenti par les jeunes générations comme  du temps perdu, du moins en ce qui concerne en ce qui concerne les valeurs humaines. je viens de lire sur le net,  les jérémiades habituels d'un professeur en mal d'assistance,  nous parler de code de la nationalité, de droit, de constitution, des élections  de 2009, comme si  tous ces absolus républicains, avaient/ou eu une quelconque réalité en Tunisie, un intellectualisme de bon aloi qui passe au-dessus des têtes courbés de la majorité des tunisiens,  bref alimenter le marasme  étale par l'éternelle démagogie qui se regarde le nombril, un verbiage  qui est devenue un prisme  culturellement tunisien. Je crois personnellement que l'opposition tunisienne doit se refaire un profond lifting, se mettre aux fondamentaux et aux B.A. BA du militantisme et de l'engagement civique, briser le cercle infernale où deux entités se sont engagé dans un futile combat du pot de terre contre le pot de fer, l'opposition n'a jamais marqué le moindre point contre la dictature, car elle lui laisse le choix des armes et pis encore, le choix du terrain et de ses propres joueurs et acteurs, dire cela n’est pas du défaitisme, c’est de la lucidité et du pragmatisme. Car ce ne sont vraiment pas les quelques caciques des partis traditionnels qui vont changer quoique ce soit à la question tunisienne, mais ceux qui des tunisiens, les gueules cassées, les sans culottes d’une existence de désespoir, ceux qui  seront convaincus par le changement et la réforme au risque d'en payer le prix, n'importe quel prix, y compris celui de leur vie. L’opposition tunisienne doit être  tourné vers l’avenir, la durée et une sorte d’intemporalité en mouvement, marre des remakes et des rendez vous funéraires, elle doit absolument être une force de proposition permanente et d'action aussi, l'opposition au jour d'aujourd’hui est tourné vers le passé et en somme vers elle-même. Elle doit être  la mémoire affective des tunisiens, mais plus encore la source de tout renouveau, nous devons en finir politiquement avec  cette reviviscence d’un passé de résistance et de lutte anticoloniale appelé par une sensation présente et les associations contre nature  qu’elle entraîne, pour exemple, le chahid  HACHED n’a rien à voir avec le collabo Hermel ou le bourricot LALLA ; c’est salir sa mémoire que de croire que le syndicalisme tunisien ou la gauche tunisienne de cet acabit, des danseuses thuriféraires ont quelques choses à voir avec les droits de l’homme et la défense des travailleurs tunisiens. C’est de l’aveuglement et de la stupidité politique que de croire, et criminel de faire croire que des maîtres à penser de l’éradication de ben Ali comme CHARFI, CHAMMERI, les poufs de l’association des femmes démocrates tunisiennes, soient des défenseurs de la veuve et de l’orphelins et qui soient pour la démocratisation totale de la Tunisie, une démocratie sans aucune limite, avec une constitution et des institutions libres, où chaque tunisien compte pour une voix, ces imposteurs là sont de la graine des généraux turcs d’il y’a vingt ans et sont plus prés des généraux algériens que de MONCEF MARZOUKI ou de AÏT AHMED.

Le plus souvent, le passé ainsi évoqué par l'opposition  dans la politique tunisienne, en tant que jeune tunisien, son seule opinion m'importe et mes critiques à son endroit tiennent souvent plus du dépit amoureux que du mépris ou de l'impudeur des clercs-bouffons, pour cela pendant mon voyage sur les archives du net tunisien, j'en ai lu de belles et des pas mûres , ce passé rappelé, très souvent et bizarrement par des bouffons qui ne l’ont pas vécu, fut un passé heureux, mais l'opposition à mon grand regret omet de rappeler aussi, qu'elle n'a rien fait ou pas grand-chose,  pour pérenniser cet esprit de résistance et continuer l'œuvre de ces résistants morts pour la libération et la défaite  du colonialisme . La France partie de la Tunisie, le vrai combat, celui sur nous-mêmes et nos tares commençait, malheureusement l'ignorance, l'opportunisme et le choc des égos avaient laissé s'installer,  sans aucun effort,  un système de pouvoir colonialiste et dictatorial tuniso-tunisien, qui n'avait rien à envier à celui des colons occidentaux, les noms seuls changeaient mais les méthodes étaient les mêmes, souvent même pires, demandez à tous les prisonniers politiques pour voir, demandez à ABBOU.  Ainsi les générations post indépendances, toutes furent sacrifiées avec armes et bagages. Et moi parmi d'autres, je n'ai aucun vrai bonheur à le faire revivre ce calamiteux passé, que ce   soit dans ma mémoire affective, ou dans une démarche militante et active, entre la nouvelle Tunisie qui sera démocratique ou ne sera pas et l'ordre colonial, pour moi il y'a un grand et désastreux néant, la honte, la déchéance et le mépris.  Ce rappel d’un passé colonial, où être tunisien voulait dire quelques choses, parce que nous étions un peuple, un peuple en lutte,  dans notre grande majorité de tunisiens nous étions  UN face à l'ogre colonial,  pourra être dans un travail politico-culturel authentique, une reconstruction de l'être tunisien, sans dorures ni phantasmes, tout juste cette vérité épique que vomissent nos petites misères de glandus. En évitant bien sûr et à l'évidence le phénomène de fausse reconnaissance, en clair, BOURGUIBA, le néo destour, ben ALI et sa dictature font partie intégrale et intégrante de ce passé colonial, le passé résistant de ma TUNISIE tient à quelques individus qui furent broyés par la matrice néocoloniale et ses affidés tunisiens.
La   nostalgie de la tunisie de progrès et de libertés n'est qu'une reviviscence imaginaire et gratifiante d’un passé purement fictif.
Je pense que pour les consciences tunisiennes libres, et pensant leurs pays purifié totalement de ses scories, tout conditionnement par la dictature par la nostalgie d'un passé historique de grandes réalisations contre le colonialisme doit être dénoncé et combattu,  et ne doit pas être  vécue et interprétée comme la condamnation de tout espoir de récupération de nos droits légitimes, les cerbères aux portes de notre enfer n’ont rien fait pour chasser la France de chez nous, bien au contraire, ils auraient pu exister en 1950/56,  ils auraient été de parfait Harkis, il faut quand même reconnaître, malgré tout, que ben Ali  est un âne comparé à BOUGUIBA, mais pour moi un dictateur  intelligent ou un âne dictateur, le problème est le même, il faut tirer la chasse, dans les égouts tous les rats se ressemblent. C’est ainsi que, reconnaissant avoir besoin d’un mythe, le système bénaliste invente, instrumentalise et récupère surtout l'aura de ceux qui sont morts pour la patrie, avec toutes les souffrances infligées aux nouvelles générations que suppose et prétend sa "légitimité", comme si ben ALI était l’héritier naturel de  HACHED et tous les autres, par l’opération du saint esprit ? Comme dirait la momie GANNOUCHI.

Nos esprits rigoureux, libres, nourris  par l'universalité se refusent à utiliser les mythes pour nourrir leur désir, ils se doivent d’être  pour tenir en respect,  et ne pas se compromettre avec la bête immonde qui agonise notre pays. C’est dans la vérité et non dans l’illusion que doit se poursuivre indéfiniment la quête de notre démocratie, et sans un minimum de cohérence dans l'acte et le discours de tout un chacun d'entre nous, cela ne pourra jamais se faire. Notre conscience ne peut concerner que  l’origine de notre vie et du sens de cette vie sans la dictature, c'est seulement  cela l’image originelle de la plénitude heureuse, que ben ALI et bien avant lui tous les autres à la ramasse du colonialisme,  nous ont confisqué et spolié, c'est seulement comme cela que nous imposerons notre différence à la propagande de ben ALI et aux marionnettistes qui usent ses ficelles.
Derrière  l'imaginaire plus que prolifique de notre peuple, se situe notre vérité,  cette vérité première est que nous pouvons devenir nous-mêmes notre propre origine, notre propre commencement, tellement nous sommes démunis et orphelins de nous mêmes.
Etre notre propre commencement, aujourd’hui plus que jamais, pour se défaire de nos chaines et nos suffisances, pour poser problème à TOUS les archaïsmes, ni ben Ali, ni MARX, ni GANNOUCHI, ni TROTSKI, ni ni..  Juste Nous mêmes!!Et il en sortira ce qu'il en sortira, au moins là,  nous assumerons et nous ne vivrons pas à crédit nos vies soldées. Nous établir et nous déployer selon notre propre volonté choisie, notre vision citoyenne affirmée par une réflexion libératrice de nos conditionnements et nos peurs. Et même sous ce désordre chaotique, nous déciderons alors de notre vie et ses projections, et de ce que seront les tenants et les aboutissants de notre vie, et de ce que seront les modalités de ces finalités et leurs conséquences, cette reviviscence là, je prie son avènement, elle nous conduira à notre propre présent, à notre propre avenir, qu’elle seule a  la possibilité d’inventer et de déployer pleinement, et merde au combattant suprême, à tous les combattants suprêmes qui pétent dans la soie, à mort! Par notre indifférence, ce mépris irrespectueux destructeur des mythes et du mensonge, de tout ordre ancien, celui de la dictature comme celui de l'opposition. Je sais que dans le passé  certains avaient essayé de créer  une dynamique, dites de la troisième opposition, mais ces certains étaient trop bornés à leur sectarisme idéologique, leur intolérance et à l'étroitesse d'esprit devant les vérités multiples et subjectives des tunisiens.
Pour être pleinement efficace, cette exigence de nous-mêmes en notre propre destin suppose sans doute une sorte de révolution dans les mœurs politiques, toutes différences confondues qui ont monopolisé en pure perte l'espace politique tunisien depuis plus de cinquante ans. On doit pouvoir être en mesure de proposer  la conversion de l’outil militant comme préalable à toute recherche du débat démocratique au sein de l'opposition et de la liberté de tout tunisien, même à l'intérieur d'une structure politique traditionnelle,  de prétendre à la subjectivité,  de critiquer et de concurrencer les caciques et les réputations établies. À ces derniers, les jeunes turcs doivent les aider à   comprendre ce que chacun de nous veut dire lorsqu’il offre de vivre autrement.  Construire dans un avenir réel et humain.
L’engagement politique est un devoir de chaque tunisien qui se respecte. Notre pays ne mérite pas le sort qui lui est réservé par toute cette barbarie qui le ruine de l'intérieur et de l'extérieur. Je ne me résous pas à voir que trop de tunisiens sont amenés à baisser les bras, tourner le dos à la dignité et se recroqueviller dans l’attentisme et la morosité.
Le véritable courage c’est de retrousser ses manches et s’investir dans le renouveau de la tunisie sans s’abandonner aux idéologies qui enfoncent notre pays dans le déclin. C’est aussi d’ouvrir le dialogue, d’écouter les tunisiens et de décider en obtenant l’engagement du plus grand nombre.
Toute politique doit être au service du développement économique et donc de l’emploi, du logement pour chacun, de l’intégration de celles et ceux qui partagent les  valeurs démocratiques, de la préservation de notre environnement et des ressources naturelles, du rayonnement culturel, du travail et de l’effort, de la justice, du droit et de l’égalité des chances. Dans notre pays, ces engagements peuvent devenir une réalité, en un rien de temps, et l’opposition si elle n’est pas prête commettra, ce jour béni,  un crime aussi odieux que celui de la dictature, la suffisance et la médiocrité d’où qu’elles viennent  tuent  le bonheur. Ce qui me préoccupe le plus c’est la montée en puissance des intérêts particuliers, matériels, culturel, politique dans toutes les tendances tunisiennes, du clientélisme politique et de la désespérance des plus jeunes et de ceux, la très grande majorité des tunisiens,  que le système laisse sur le bord de la route.
Ce n’est pas par la sur médiatisation de certaines tronches, les petites phrases, les petits projets  stériles, le clientélisme et finalement l’inaction que nous retrouveront la voie de la liberté, du bon sens, de la lumière, de la solidarité et de la fraternité. C’est s’engager sur des actions, les mettre en place, les accomplir  et en rendre compte en associant les tunisiens aux décisions. Je crois profondément aux atouts de l'opposition démocratique et des tunisiens. Mais il faut changer notre stratégie de lutte et notre approche, nos façons de faire, se défaire de  nos conservatismes. L’opposition  devra se réformer sa vision du pays, et du peuple en profondeur, sinon toutes les promesses de mobilisation et d'action repartiront dans le sac de l’oubli et nos opposants dans le délice et le confort de l’inaction.

Partager cet article
Repost0
24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 20:04



http://passouline.blog.lemonde.fr/files/2006/12/maxbenhaim2.JPG






La déroute de l'intellect*
Par
Sindbad


La crise dans laquelle se débat l'humanité depuis très longtemps déjà se dirige à présent à une allure inquiétante vers son paroxysme. Depuis belle lurette, le nombre de problèmes alarmants n'a cessé de croître et les intensités des crises de s'amplifier. Malgré le règne de la science et des progrés techniques, technologiques et intellectuels en avancée constante, aucune véritable solution ne leur a été trouvée. Toutes celles qui ont été proposées se sont révélées, au bout de quelque temps, erronnées.

Se fiant aveuglément à l'intellect, les hommes crurent qu'ils pourraient, grace à lui, résoudre tous les problèmes et élucider toutes les énigmes. Aprés de longues époques de règne de l'intellect, à peu près sans partage, force est de constater que rien d'important n'a été résolu. Le paradis terrestre fallacieusement promis par l'intellect, à coup de slogans autosuffisants, ne s'est jamais instauré. Au contraire, la situation n'a cessé de se détériorer au point où même la vie sur cette planète est menacée. On se voit, à présent, obligé de constater, qu'en se basant uniquement sur l'intellect, l'humanité s'est égarée.

La réalité de la vie est venue infirmer toutes les hableuries pleines de suffisance de l'intellect : les souffrances, les maladies, les guerres, les tortures, les crimes, le chomage, la misère, l'exploitation, etc... n'ont fait que proliférer sous son règne. Malgré la faillite évidente des approches suggérées par l'intellect en ce qui concerne la vie des êtres humains, nombreux sont ceux qui continuent encore obstinément à croire que la vision étriquée de la bête peut encore les sortir de la crise dans laquelle se débat actuellement l'humanité.

Partout, la confusion et la violence ne cesse de croîtrent. Dans des écoles spécialisées des êtres humains apprennent la manière de torturer d'autres êtres humains. Dans l'orientation voulue de l'intellect, tous les remparts protecteurs sont à présent abattus et une sourde inquiétude envahit les coeurs et paralyse les volontés.

Habitué à classifier, disséquer, anlyser et étiqueter, l'intellect se trouve entraîné, de manière inattendue pour lui, dans une accélération que sa ruse, son calcul et ses capacités matérielles ne peuvent maîtriser et encore moins comprendre. Issu de la matière dense, il demeure soumis aux limites de celle-ci. Durant des millénaires, l'intellect a exercé une domination à peu prés sans partage. Piétinant la dignité humaine lorsque son autorité était contestée et ses vues bornées mises en doute. Il a réussi pendant des millénaires à imposer ses thèses étriquées d'une vision rigide rapetissante de la condition humaine, vision qui se voulait, et qui se veut encore, sage et éclairée, mais dont les conséquences insensées favorisent l'avilissement et amènent la décadence.

Les évènements actuels révèlent au grand jour la nature pernicieuse de la domination de l'intellect qui n'a rien d'autre à proposer que des buts platement matérialistes de satisfaction terreste dénués de toute grandeur d'âme. Ces buts, qui ne peuvent suffire à la nature humaine qui réclame davantage de part son origine supérieure à la matière, démontrent le niveau inférieure de la nature de l'intellect.

Tous ceux qui se sont exclusivement fiés à lui sont à présent désemparés, leur idole est incapable de faire face aux évènements : le valet, qui se faisait passer pour le roi, est nu. Dans son impuissance et conformément à sa nature, il use de violence pour se maintenir au pouvoir. Incapable de comprendre le sens profond des choses, dans sa limitation, il entraine tout vers le chaos.

Dans son oeuvre "Dans la Lumière de la Vérité", Abd-Ru-Shin, l'auteur du Message du Graal, traite longuement de l'intellect, de son origine et de son rôle précis ainsi que des conséquences que l'humanité a provoqué en se soumettant à l'intellect. Il écrit : << L'être humain s'est lui-même chargé de bien des entraves qui empêchent l'épanouisement se son esprit. Or, l'esprit aspire de lui-même à s'engager sur la voie ascendante tant qu'il n'est pas asservi et n'est enchaîné à la Terre par quoi que ce soit.

Le mal principal reste cependant toujours l'intellect qui fut soumis à un développement exagéré et unilatéral et qui, gonflé d'importance, se prélasse sur un trône de souverain qui ne lui revient pas.

Il est semblable à un animal qui ne rend d'excellents services que s'il est maîtrisé mais devient nuisible dans tous les cas dés qu'on lui laisse une certaine indépendance.

Il ressemble à un fauve qui se montre attachant et réjouit celui qui le soigne et le nourrit, mais qui, lorsqu'il atteint une certaint taille, devient dangereux, même pour celui qui l'a élevé.

Il se transforme alors en tyran pour celui qui s'en occupe et qui doit le craindre, car ce dernier perd complètemet la liberté de mouvement dont il jouissait jusqu'alors dans la cage qui est la demeure de l'animal. Il se trouve soudain dominé par l'animal dans les limites des possibilités de mouvement de celui-ci.

Il en va ainsi de tout être humain avec son intellect. Et comme ce dernier ne se contenta pas de la demeure qui lui était assigné - en l'occurrence le corps physique - mais qu'il conquit une totale liberté de mouvement, illimitée sur la Terre, l'humanité entière dut se plier à son vouloir.

Nulle part, elle n'est à l'abri de l'intellect; il représente un danger qui la guette partout, toujours prêt à planter ses griffes acérées ou à mordre cruellement là où un être humain n'est pas disposé à se soumettre à sa domination!

Voilà ce qui se passe aujourd'hui sur Terre : la bête, qui fut d'abord entourée de soins affectueux, a acquis une force immense, et aucun être humain ne saurait la contraindre à servir à nouveau utilement. C'est ainsi qu'elle est à présent à l'origine d'affligeantes dévastations qui vous ont déjà atteints en partie et qui ne cesseront de s'amplifier et de s'agraver parce que vous êtes incapables de mettre un terme à son comportement.

Beaucoup d'êtres humains en seront les victimes, en dépit du fait qu'ils auraient facilement pu se rendre maîtres de la bête s'ils avaient su l'éduquer convenablement et en temps utile.

La force que la bête gaspille actuellement pour effectuer des  ravages aurait pu, sous la conduite judicieuse de votre esprit, être utilisée de façon bénéfique afin de vous embellir et vous ennoblir, vous et votre entourage, pour la paix et la joie de tous.

Au lieu de ces dévastations s'étendraient devant vous de beaux jardins fleuris, invitant les paisibles habitants de la Terre à exercer une activité bienfaisante et un labeur empli de gratitude.

Vous devriez tous devenir la proie de ce monstre que vous avez vous-même élevé si Dieu Lui-même ne lui imposait à présent des limites, le dépuillant de sa puissance et lui faisant retrouver les voies où il ne peut exercer qu'une activité utile !

Mais auparavant, il vous faut encore faire l'expérience vécue du mal que vous avez ainsi engendré. Il vous faut voir les terribles conséquences qu'il provoque et entraîne à sa suite. Il vous faut en souffrir afin d'être complètement guéris d'actes erronnés et de fausses aspirations de ce genre pour qu'aucun désir allant dans ce sens ne puisse resurgir en vous à l'avenir.
>>

Grace au Message du Graal nous avons enfin l'occasion de vraiment comprendre les causes réelles des souffrances passées et actuelles. Nous saisissons le pourquoi de ce qui se passe actuellemet sur Terre et nous pouvons logiquement déduire les conséquences futures.

*Texte pris sur le forum d'Elkhadra
Partager cet article
Repost0
24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 19:58

http://www.dynachannel.com/images/coeur-de-l'ame-20x20-no109.jpg





COEUR DE L'ÂME.
Par
Bilel

Toute civilisation de progrès ne peut être bâtie et se pérenniser, sans se baser en premier lieu, sur l'humain. Ce qui revient à constater que la grande  stérilité de l’intellectualisme ambiant, en Tunisie,  rend aujourd’hui de plus en nécessaire, et plus que jamais, l’autodidaxie ;  le peuple, la base doit se prendre totalement en charge, éclater les structures et les dogmes, en finir avec les pesanteurs des orthodoxies idéologiques qui veulent donner l’apparence de la discipline et de l’organisation,  et qui ne sont en fait,  depuis des dizaines d’années,  que l’expression  de la faillite, de la décomposition et de la misère de ces petits  clans  qui se prétendent être des partis politiques modernistes et capable de relever le défi de la démocratisation de la Tunisie, mais en vérité, ces partis , à une ou deux exceptions prés,  ne sont que des entités limités par le scalpel de la dictature, et surtout par le manque de crédibilité de leur mode d’existence et de fonctionnement face aux attentes des tunisiens. La politique  doit reconquérir la rue tunisienne, retravailler l’ensemble  à partir des fondamentaux, sans pour cela aseptiser et couper les racines de ce qui fait et ce qui reste de la Tunisie historique. Vulgariser plus que jamais et à outrance,  un savoir jusque là réservé à l’élite, créer une contre-éducation des faubourgs pour que les tunisiens se réapproprient le savoir, le savoir dans son sens noble, par celui scolaire, conditionné par un pouvoir politique qui l'appauvrit et par voie de conséquence appauvrit les tunisiens, les maintient sous son joug. Réduire la connaissance, le savoir, la curiosité en Tunisie est pour la dictature une stratégie de domination, un peuple ignorant sera toujours un peuple soumis et réduit à l'état de tubes digestifs .Oui comme les révolutionnaires de la modernité,  il faut partir du primat de l’émotion sur l’intellect, et déranger les mauvaises habitudes des tunisiens, coulés dans le désespoir, l’amorphe et la morosité. L’enseignement décidé et autorisé par la dictature tunisienne par exemple, comme dans toute dictature qui se respecte, est un pur déni de justice et de droit, cet enseignement "officiel", vidé de toute sa sève et son sens, fait dans l’embrigadement du peuple tunisien, l’opposition a les potentialités humaines et les outils technologiques  pour ce faire ; oui il y’a le net, la vidéo, l’art, les rencontres et l’écrit.

Le savoir dans tous les domaines pousse au progrès et à l'ouverture,  c’est le lieu où s’exprime la pensée individuelle, le don de soi et la libre critique, c'est le lieu où on  développe notre savoir-convaincre, par l'argumentaire et l'analyse, l'ordonnance de la raison,  sans se soucier des grandes entreprises de propagande standard qui au jour d'aujourd'hui dans le système mortifère de la dictature de ben ALI  creuse la tombe des générations tunisiennes futures.


En marge de l’autodidaxie naît l’utopie et l'audace des grands projets, ainsi que de la grandeur humaine, les "intellectuels" de la pratique et du quotidien de TAHTESSOUR , par exemple, ont été un des éléments les plus important  de l’authentique conscience tunisienne, face à l'horreur du colonialisme, ce n'était ni virtuel , ni visible dans les codes et l'idéologie, c'était plus profond et plus fort que tout cela, c'était du domaine du vécu, de l'acte, de la référence, de l'envie et du désir ....de chaque tunisien, c'est l'émulation des sens et l'expression d'un souffle et d'une âme collective.

Le désir d’être dominé est un conditionnement scientifique créé par le besoin, la dictature crée le besoin artificiel et matériel, occupe les consciences par la violence du chantage. C’est le peuple qui s’asservit, se coupe la gorge, qui, ayant le choix ou d’être serf ou d’être libre, quitte la franchise, par facilité et ignorance,  et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse dans son mépris pour sa condition. Ce sadomasochisme aberrant est comme un consensus entre le serf et le despote où le peuple tunisien  n’est plus la victime passive du despote ben Ali mais,  selon le schéma Deleuzien, son paradoxal professeur de violence, et pour sortir de ce jeu social sadomasochiste, le tunisien conscient et qui se veut désormais libre, ne peut se définir par rapport à l’ordre établi , doit revenir à  un état antérieur des mœurs, n’ayant jamais connu de limitations morales ( morale veut dire ici respect des normes sociales, et refus  de l’injustice).

 Le Bon tunisien désormais pour l’intellectualisme pervers dans ses projections, pas  dans ses fondements originels et judéo-chrétien,  est  l’inspirateur de ben Ali et de son système, son parti unique de fanatiques et de vénaux, fascinés par un meneur machiavélique sans foi ni loi et  par des hommes qui proposent à leur soif d’autorité un dérivatif orgiaque. La Tunisie est un immense lupanar à leur dispositions, les tunisiens de la chaire à jouir dans tous les sens du mot







La maladie du tunisien de nos jours, de nous tous en général,  n'est pas dans notre corps. Le corps est malade parce que notre âme est malade. C'est elle qu'il faudra coûte que coûte guérir et revivifier. La vraie, la grande révolution à faire est là, avant toute chose. Révolution spirituelle, révolution culturelle, révolution politique, dialectique, stratégique... Ou faillite de notre opposition à une dictature qui assume complètement ses dérives, facile pour elle, elle ne fonctionne que de dérives et de tares, ce qui l'importe, ce ne sont pas les tunisiens et la Tunisie, mais les intérêts privés de ses quelques clans de gangsters et de tueurs. Nous voilà devant notre unique vérité, le salut de la Tunisie est dans la volonté des âmes qui croient en elle.

Aussi.


Le mal est dans l'oubli de la mémoire, du cordon culturel. Oui, en Tunisie, le tunisien  a lentement oublié son âme pour ne pas dire qu'il l'a vendu, ou mise au clou et en jachère. La civilisation tunisienne depuis l'indépendance a cessé d'être fondée sur le sens du réalisme, et de l'esprit pratique au service de la collectivité nationale, entre les plis de notre nation qui n'a jamais été souveraine, elle est devenue futile et éphémère, suiveuse et attentiste, une civilisation d'artifice et de contrefaçons,  elle consomme plus qu'elle ne pense, elle est dans la frénésie des canonnières plus que dans l'affirmation  de ses propres ovulations et sursauts. Que peut devenir l'esprit, privé de son âme ? Que deviennent les vertus de l'esprit quand se tarissent les vertus de l'âme ? La réponse est d'un simplisme honteux, il nous suffit de faire le constat de notre état et celui de notre pays, il n'y'a pas de quoi être fier de nous, nous, battus à plate couture, par des indigents de toute lumière et des ignares, par des voyous et des criminels. Pierrot le fou, un maquereau de petite envergure terrassant JEAN MOULIN.
cette longue désaffection, qui dure depuis plus de cinquante ans  ; il faudrait la rattacher à la pesanteur fatale de toute civilisation qui à un moment ou un autre de son histoire, s'est endormie sur ses lauriers, a démissionné et à s'absoudre du pire et du meilleur en laissant avec fatalisme la providence,  qui a bon dos, accoucher d'un prétendu homme providentiel à qui on signe un chèque en blanc, mettre tout cela de côté et tailler la route vers le seul but à atteindre, celui de nous libérer de nos oppresseurs et aussi de nous-mêmes déformés par les conjonctures et les errements . La véritable  civilisation de progrès fixe l'homme dans la pratique du droit, le maintient loin de la tentation de l'arbitraire, de la corruption du pouvoir, l'englue dans les facilités de la paix ; elle assoit son ambition, le réduisant à être un citoyen à part entière, or rien de tout cela n'existe et ne pourra exister dans la dictature de ben Ali, qui dans sa fuite en avant, est parfaitement consciente des impératifs de sa mise à mort et d'ailleurs, il faut le reconnaître,  il y a en la TUNISIE défigurée par ben Ali quelque chose de particulier dans cette désaffection, un excès et un raffinement extraordinaires qui demandent une dénonciation urgente, un combat permanent et surtout aucun compromis avec ses machinations, quel notre bilan ? Que sommes nous devenus ? Qui sommes nous ? Car cette TUNISIE dévoyée s'attarde dans cette désaffection alors que les autres peuples ,beaucoup  moins lotis que nous,  s'en arrachent par la démocratie méditée, établie comme institution fondamentale dans leur vie sociale et politique, comme inspiration dans leur philosophie collective.  C'est un sujet d'étonnement et de scandale que de voir, à partir de la fin de la colonisation, le tunisien négliger d'autant plus sa vie et son pays, qu'il ne parle plus de la raison et de la nature qui font les peuples debout et dignes.

Un IBN KHALDOUN au fait de son apogée, plein de lucidité, aurait horreur des générations de la plus part des intellectuels tunisiens d'aujourd'hui, négligés et suffisant,  qui descendront de sa lettre et non de son esprit. Que de sources ces derniers laissent  tarir, de sources autrefois, pas si loin que ça, juste du temps du colonialisme français,  si bien jaillissantes dans notre terroir.

Partager cet article
Repost0
23 août 2007 4 23 /08 /août /2007 17:50



La menace nucléaire israélienne

Bernard Ravenel
 
 
 
Alors que se sont multipliés les appels alarmistes pour agir contre la menace nucléaire, encore virtuelle, de l’Iran sur Israël, aidés en cela par les déclarations provocatrices du président Ahmadinejad, personne en France ne rappelle qu’Israël - qui possède la bombe depuis 40 ans - prépare méthodiquement contre l’Iran une attaque nucléaire dans l’attente d’une possible décision politique en ce sens. Une « attaque défensive » bien sûr. Et quand un journaliste indépendant anglosaxon ose le démontrer, il est immédiatement démenti.
Le 7 janvier 2007, les autorités israéliennes ont démenti les informations de l’hebdomadaire britannique The Sunday Times - toujours bien informé sur le nucléaire israélien [1].- selon lesquelles l’armée israélienne aurait mis au point un plan d’attaque et de destruction des installations nucléaires iraniennes : « Cette histoire est inexacte, Israël appuie à 100% les efforts de la communauté internationale pour stopper le programme nucléaire iranien », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères [2]. Ce « démenti » n’est en rien une infirmation de la thèse du Sunday Times. Comme d’habitude, il minimise l’information. L’histoire est « inexacte » mais ne peut nier l’existence du plan. Et, tout en affirmant soutenir les efforts de la communauté internationale, il se prépare à dire qu’il faut « tirer les conséquences du marché de dupes de négociations reconduites indéfiniment, sans résultat » [3]. Il faut « des réactions occidentales renforcées » [4] (car les dirigeants israéliens craignent le veto russe ou chinois au Conseil de sécurité). En clair, il faut la guerre ... « afin d’éviter le pire ».
L’armée d’Israël s’est soigneusement préparée pour cette guerre qui prévoit, toujours selon The Sunday Times, l’emploi de mini-bombes nucléaires pour percer les bunkers. Tout le problème est d’obtenir la couverture stratégique des Etats-Unis. Israël se trouve ainsi à l’heure de choix décisifs pour son avenir même.
 
Un Etat nucléaire
L’histoire de la construction par Israël d’un arsenal nucléaire puissant et sophistiqué, sans jamais en admettre l’existence, commence l’année même de sa naissance. En 1948, une unité scientifique de l’armée commence les prospections qui mènent à la découverte d’uranium dans le désert du Néguev. En même temps, l’institut Weizmann se concentre sur la recherche nucléaire en collaboration étroite avec les Etats-Unis qui lui fournissent les équipements et les technologies. Pour produire le plutonium nécessaire à la fabrication de la bombe, Israël a besoin d’un réacteur qu’il obtient de la France. Il sera construit à Dimona dans le Néguev. En 1966, l’installation de Dimona commence à produire des armes nucléaires [5].
Au bout du compte on peut dire qu’aujourd’hui Israël a ainsi construit environ 400 armes nucléaires d’une puissance cumulée de 50 mégatonnes équivalent à 3850 bombes d’Hiroshima. Comme vecteurs nucléaires, les forces armées israéliennes sont dotées de 300 chasseurs-bombardiers (F16 et F15) armés de missiles israélo-américains. Trois sous-marins fournis par l’Allemagne sont aussi dotés de missiles de croisière nucléaires. Enfin, il faut ajouter 50 missiles balistiques Jéricho II sur rampes mobiles de lancement de longue portée (1500 à 3000 km). Malgré les résolutions répétées par lesquelles l’Assemblée générale des Nations unies a confirmé « sa condamnation du refus d’Israël de renoncer à la possession des armes nucléaires » et a demandé au Conseil de sécurité de prendre des « mesures urgentes pour qu’Israël applique la résolution 487 du Conseil lui-même dans laquelle il demande que celui-ci mette ses installations nucléaires sous la juridiction de l’AIEA » (Résolution 44/121 du 15 décembre 1988), l’arsenal nucléaire israélien, toujours plus déstabilisant et dangereux, continue à être « ignoré » par les gouvernements des « grandes démocraties occidentales ».
Ainsi, en refusant d’emblée, dès 1968, de signer l’accord du Traité de non-prolifération (TNP) au motif qu’on ne peut se fier au système de contrôle international mis en place par l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), Israël manifeste son refus de se voir contrôler par celle-ci. Ipso facto, il démontrait son intention de mener à bien, sans entrave, un projet nucléaire militaire qui ouvrait la porte à la fois à la prolifération nucléaire régionale et à l’emploi d’armes nucléaires. La production par Israël de missiles de longue portée devant d’évidence porter des têtes nucléaires démontre bien sa volonté de se préparer à l’hypothèse de la guerre nucléaire.
 
L’option nucléaire
En fait l’option nucléaire a été au centre de la stratégie de sécurité d’Israël depuis plus de cinquante ans. Depuis presque autant de temps, les pays arabes, en commençant par l’Egypte dans les années soixante, ont tenté de réaliser une sorte d’équilibre de la terreur nucléaire avec Israël. N’ayant pu y parvenir, certains pays ont développé une capacité de dissuasion face à l’arsenal nucléaire israélien, avec des armes chimiques. Les enjeux nucléaires dans le contexte du conflit israélo-arabe ont été particulièrement visibles dans le cas de l’Irak.
La première fois que les armées israéliennes mirent en jeu leur arsenal nucléaire, constitué alors d’à peine quelques bombes, fut en juin 1967 pendant la Guerre des Six jours. Plus précisément la centrale de Dimona pouvait être une cible de l’aviation égyptienne. C’est pour éviter ce risque que le Premier ministre israélien Lévi Eshkol aurait décidé la destruction préventive de l’aviation égyptienne. Au lieu de jouer un rôle de dissuasion le nucléaire aurait joué un rôle d’escalade [6].
Les forces israéliennes se préparèrent de nouveau à utiliser les armes nucléaires, quand au début de la guerre d’octobre 1973 elles se trouvèrent en difficulté face à l’attaque syro-égyptienne. La décision de mise en alerte nucléaire fut prise secrètement le 8 octobre par la Première ministre Golda Meir et par le ministre de la défense Moshe Dayan. Treize missiles Jéricho-1 armés de têtes nucléaires furent déployés pour être éventuellement lancés sur l’Egypte et la Syrie [7]. En 1991 durant la première guerre du Golfe, en 2003 durant la seconde, les forces israéliennes se sont préparées à utiliser des armes nucléaires contre l’Irak. Et en dehors des crises il est certain qu’une bonne partie de ces armes sont prêtes à être lancées à tout moment...
 
Monopole nucléaire et doctrine de guerre préventive
Tour en développant quantitativement et qualitativement leur propre arsenal nucléaire, les gouvernements israéliens ont cherché par tous les moyens possibles à conserver au Moyen-Orient le monopole de ce type d’armes. Il s’agit là d’un choix stratégique majeur : Israël affirme sa détermination à empêcher la réalisation de tout programme nucléaire dans la région.
C’est dans ce cadre stratégique que se situe, en accord discret avec Washington, l’attaque surprise du 7 juin 1981 par une escadrille de chasseurs-bombardiers israéliens du réacteur de Tamouz-1 qui devait entrer en fonction à Osirak en Irak. Pour la première fois dans l’histoire, un Etat accomplit un acte de guerre contre un autre Etat dans le cadre de la logique de la guerre nucléaire, et ce selon la doctrine de la première frappe, préventive, qui peut détruire par surprise l’essentiel de l’arsenal nucléaire de l’adversaire. Un plan analogue est, d’évidence, déjà prêt pour l’Iran.
L’opération Osirak est devenue le principe stratégique de la politique israélienne décidée à maintenir son monopole nucléaire dans la région. C’est ce qu’on a appelé la « doctrine Begin ». Cette doctrine est mise en cause dès le lendemain d’Osirak : les pays qui développeront dans la région un programme nucléaire prendront bien soin de le disperser et d’enterrer leurs installations. Avec l’arrivée des missiles balistiques, la configuration stratégique est totalement nouvelle. Face à eux, il n’existe pas de réponse défensive garantie. D’où la nécessité pour Israël de remettre en question sa conception de la sécurité issue des années cinquante. Désormais, l’adversaire dispose d’une force de dissuasion qui peut devenir nucléaire, chimique ou bactériologique. Face à ce risque d’agression à distance qui nécessiterait une nouvelle forme de dissuasion plus « stabilisante  », les dirigeants israéliens maintiennent leur « vieille doctrine » définie par Ben Gourion et qui était fondée sur le principe de la « défense offensive  », celle qui consiste à porter la guerre sur le territoire ennemi afin d’annihiler sa machine militaire [8]. En même temps on se dote d’une capacité de deuxième frappe, en particulier avec des sous-marins.
 
Une culture de l’agression
Israël, en effet, n’entend pas renoncer à l’attaque préventive y compris nucléaire pour garder à tout prix le monopole régional. En fait, la doctrine a été définie par les Etats-Unis en 2002 qui ont décidé d’intégrer les armes nucléaires dans la doctrine de « l’attaque préventive ».
Il s’agit de se préparer à des « interventions défensives consistant en des attaques préventives contre des nations ou des groupes hostiles qui apparaissent déterminés à utiliser des armes de destruction de masse contre les Etats- Unis ». Israël, comme les Etats-Unis, peut décider de mener « une attaque préventive sans préavis » même avec des armes nucléaires.
Ainsi les dirigeants israéliens s’estiment confortés par la nouvelle doctrine de George W. Bush dans sa conception très particulière de la dissuasion. Pour Israël « ce concept est offensif, la dissuasion est vécue comme une coercition anticipée ou par des représailles cinglantes. C’est l’usage de la force qui, pour Israël, convainc son entourage de l’inanité de l’action » [9]. En dernière analyse, la réorganisation des « forces de défense » en termes de doctrine et de systèmes d’armes se réalise de telle manière qu’elle encourage dans les pays voisins une logique de course aux armements et, en particulier, de prolifération d’armes de destruction massive. [10] L’Etat d’Israël sera inévitablement perçu comme un ennemi dangereux et poussera ses adversaires potentiels à se doter d’une capacité analogue. Ainsi Israël risque de donner corps à des menaces comme à une prophétie qui s’auto-réalise. Tel est le dilemme posé par l’Iran.
On mesure ainsi le niveau de gravité de la situation régionale à la veille d’une possible « attaque préventive » américano- israélienne contre l’Iran. La conséquence immédiate en serait une prolifération nucléaire irréversible, transformant le Moyen-Orient en région truffée d’armes nucléaires. Le cataclysme nucléaire serait à moyen terme difficilement évitable. On peut espérer du côté américain un sursaut de rationalité pour empêcher l’irréparable. Mais la question définitive contre la prolifération nucléaire au Moyen-Orient est à rechercher sur le plan politique, dans la solution des conflits en cours à partir de la question palestinienne, avec la perspective de constituer une « zone libre d’armes nucléaires » au Moyen-Orient, perspective préparée par un renforcement du régime actuel de non-prolifération, c’està- dire des instruments de contrôle de l’AIEA. A commencer par Israël.
 
[1] C’est cet hebdomadaire qui a, en 1986, publié les révélations de M. Vanunu (après vérification auprès des meilleurs experts)
[2] Le Monde, 9 janvier 2007.
[3] « Appel aux dirigeants européens », encadré publicitaire Le Monde, 29 septembre 2006.
[4] « Appel aux dirigeants européens » (suite), encadré publicitaire Le Monde, 31 janvier 2007. Il y aurait beaucoup à dire sur cette série d’énormes encadrés dont le contenu propagandiste grossier et le caractère répétitif et obsédant dépassent les normes habituellement admises.
[5] Sur l’histoire du nucléaire israélien, cf. « Israël, une menace nucléaire globale », Pour la Palestine n°40, décembre 2003.
[6] cf. JF Daguzan, « Le nucléaire israélien et la stabilité du Proche-Orient », Maghreb-Machrek n°180, été 2004 ; page 90.
[7] Certains spécialistes pensent que c’était une manière de chantage et pression sur les Américains pour qu’ils accélèrent leurs livraisons d’armes conventionnelles.
[8] Shlomo Ben Ami, ancien ministre travailliste israélien.
[9] JF Daguzan, op.cit. ; page 102.
[10] Il faut insister sur le fait que cette stratégie visant à frapper le premier par surprise est fondamentalement déstabilisante car elle favorise la partie qui frappe la première. Donc l’autre partie, pour éviter ce désavantage initial, aura tendance à vouloir en faire autant - et en tout cas à se donner les moyens de représailles aussi foudroyantes. La prolifération nucléaire - et d’une manière générale la course aux armements- sont « alimentées » par cette logique de fous. D’où la nécessité vitale d’un contrôle international des lieux où sont entreposées et déployées les armes de destruction massive, avant leur démantèlement ...
 
 



*********************
What do Mona Lisa
and Suha Arafat have in common?

.
(Ben Heine © Cartoons)


Where Are Arafat's Million$ ?

.
.
Q : What do Mona Lisa and Suha Arafat have in common?
A : Both are worth million$.

The similarities end there. Mona is loved, treasured for her beauty and uniqueness. Suha is despised by the nation she betrayed, stole from and turned her back on.

Suha Arafat just might be the main reason that Fatah lost out in the Palestinian election. She has become the symbol of corruptness and betrayal never before known to the Palestinian people.

While her husband languished as a virtual prisoner of the Israelis, this 'Grand Dutchess of Ramallah' lived in the most expensive hotels available in Paris.

Her husband was 'allowed' to leave his prison only to die, and return only to be entombed. The 'Dutchess' accompanied him on the 'return trip', but then disappeared back to the lifestyle of the rich and famous as her people were literally starving to death.

Twice this week, Yasser Arafat was the subject of these pages; the first about how he died, the second about who killed him. Now we come to a third question, but one definitely connected to the other two; what happened to the millions of dollars he secretly hoarded away in European bank accounts?

The answers that eventually surface to the third question will certainly shed light on the other two. Khalid Amayreh continues his 'investigation' on these matters. His latest essay is presented below.
.
How did Suha Arafat
amass all these millions?

.
By Khalid Amayreh
(in Occupied East Jerusalem)
.
There have been consistent reports that Suha Arafat, widow of the late Palestinian leader Yasser Arafat, has withdrawn tens of millions of dollars’ worth of investment from Tunis, prompting the Tunisian authorities to strip her of the Tunisian citizenship. Some news agency reported this week that Suha’s investments in Tunisia were estimated to be in the vicinity of $40 million.

Well-connected sources in Ramallah have intimated that Suha Arafat “inherited” hundreds of millions of dollars registered under her deceased husband’s name in several European banks. The vast bulk of the money is believed to have belonged to Palestine Liberation Organization (PLO). This writer sought to raise this subject with several Palestinian officials in Ramallah.

The officials agreed to speak rather reluctantly and only on condition of “anonymity” citing the “sensitivity of the subject.” I spoke to one veteran official in Ramallah, who I was told is responsible for dealing with “the issues of administrative and financial corruption.” The man didn’t ask for anonymity, but I have opted to not mention his name lest he be physically harmed by he gurus of corruption or fired from his job. M.A. (his initials) said he was well aware of the “subject” and would love to see “real journalists dig for the truth.”

“You know and I know that this is the Palestinian people’s money. These millions didn’t belong to Yasser Arafat, they belong to the Palestinian people. Besides, the fact that these millions were embezzled or arrogated four or five years ago, doesn’t mean that it is hopeless or too late to set the record straight. “On the other hand, we can’t just indict Suha Arafat or anybody else based on rumors and unsubstantiated reports.” M.A. said the first culprit in this issue is the Palestinian legislative council, which he said should have placed the subject on the top of its agenda from the very inception.

“I don’t know why they didn’t discuss the subject. I think the failure to discuss this paramount matter amounted to a breach of trust and betrayal of the people.” I confronted Hasan Khreishe, deputy-speaker of the Palestinian legislative council, with these serious accusations and asked him what he knew about Suha Arafat’s alleged millions.

Khreiishe, speaking cautiously and circumspectly, said the legislative council didn’t start an investigation into Suha Arafat’s wealth because “we didn’t have credible evidence warranting launching an investigation.” I asked the veteran MP, who in 2003 headed the investigation of so-called cement scandal, if he knew the fate of PLO secret accounts and investment schemes in Palestine and abroad, Khreishe said he didn’t know much and the little he knew came from the media. Asked if he thought the Palestinian government should seek to obtain information from foreign governments, including the Tunisian government, as to details of bank accounts belonging to Arafat’s widow, Khreishe said “this the government’s business, not ours.”

When further asked if he would press the Palestinian government to ask foreign governments for information on Suha Arafat’s financial details, Khreishe sought to evade the question, saying that “this matter is more judicial than legislative, and that the ball was in the media’s court to produce concrete evidence incriminating Suha Arafat.

“Two hundred million dollars”

Very few people were aware of Yasser Arafat’s financial assets during his lifetime. One of these was Muhammed Rashid, the late Palestinian leader’s economic advisor, who is now living in Cairo. Rashid has consistently refused to give details of Arafat’s secret bank accounts and other assets, saying he would report only to the Palestinian Authority.

According to an al Jazeera report a few years ago, Arafat had written a will leaving some of his fortune to his wife and their daughter, Zahwa. However, other reports said Arafat left no will, leaving most of his fortune in the hands of Rashid and Suha. However, it is uncertain if Rashid behaved single-mindedly with Arafat’s financial empire, or if he “settled things” quietly with Suha following Arafat’s death.

At the time of his death, Arafat’s assets were estimated at $200 million by the Forbes magazine. Forbes listed him ninth in its ranking of the world’s wealthiest heads of state, even though he was a ruler without a country and many of his people were (are) suffering from abject poverty. Other sources, including the American Central Intelligence Agency (CIA), put Arafat’s fortune at $6 billion dollars, a figure exaggerated according to several PLO figures I have talked to.

Suha Tawil, 30 years younger than Arafat, married the PLO leader in 1992 in Tunisia where she worked for the PLO headquarters in Tunis. Suha returned with Arafat to Gaza where the couple lived alternately in Gaza and Ramallah. However, in 2001, she took their child, Zahwa, to Paris, where they continued to live until the late 2005, when they moved to Tunis.

Suha lived a lavish and luxurious life in the French capital where it was rumored that the money she spent per month would cover the basic needs of five thousand Palestinian refugees in a place like Jabalya in the Gaza Strip. In 2004, the French authorities began investigating the transfer of $11.5 million from Swiss bank accounts to accounts in France controlled by Suha Arafat. Then Suha reportedly lambasted the French authorities for ordering the investigation.

“What is so strange for the Palestinian president to send any amount of money to his family and his wife, who is protecting the Palestinian interests abroad!!, and the money came and will come legally,” Suha was quoted as saying during an interview with the London-based Saudi-financed al Hayat Arabic newspaper.

Following Arafat’s death in November, 2004, and wishing to settle “the problem” with Suha quietly, Palestinian Authority leaders, e.g. Fatah leaders, reportedly struck a deal with Suha whereby she agreed to receive a large amount of Arafat’s fortune as well as a monthly stipend of tens of thousands of dollars for the rest of her life, all in return for shutting her mouth.

While the exact details of Suha’s present fortune are still not known, it is very likely that the bulk of her assets has been arrogated from monies that belonged to the Palestinian people. Suha was not known as a businesswoman and she didn’t hail from a particularly rich family. Her mother, Rimonda Tawil published a weekly magazine in East Jerusalem, called al Awda, which was financed by the PLO. And she inherited very few assets from her father. So, how did she amass all this wealth, all these hundreds of millions of dollars?

In simple English, it seems we are talking about a huge theft by every conceivable standard of logic. I know that a suspect is innocent until proven guilty. However, it this case, the guilt screams to the seventh haven. People don’t just make hundreds of millions that easily and in such a short period of time. Besides Yasser Arafat’s bank accounts, secret or otherwise, didn’t belong to him personally but to the Palestinian people. More to the point, the late Palestinian leader, with all due respect to his struggle for freedom and statehood, had no right to leave hundreds of millions or tens of millions of dollars to his wife and daughter. These millions were not his. They belonged to the people. Hence, it is imperative that the Palestinian society raise the issue and exert meaningful pressure on government officials so that they immediately order a full and comprehensive investigation into Suha Arafat’s finances.

The people of Palestine have every right to know where every cent of Suha’s millions came from, and if a genuine investigation is carried out and incriminating evidence is obtained, then the PA will have to seek her extradition so that she will stand trial for corruption and embezzlement of the Palestinian people’s money.

This is test case not only for the Palestinian resolve to fight corruption, but also for the seriousness of our quest for independence and statehood. After all, corrupt politicians who cover up corruption and protect the grand thieves can’t be entrusted with the fate of the people and the country.
*******************
Burned in a Holy Place
.
.
A Little Boy Lost
.
By William Blake
.
'Nought loves another as itself,
Nor venerates another so,
Nor is it possible to thought
A greater than itself to know.

'And, father, how can I love you
Or any of my brothers more?
I love you like the little bird
That picks up crumbs around the door.'

The Priest sat by and heard the child;
In trembling zeal he seized his hair,
He led him by his little coat,
And all admired the priestly care.

And standing on the altar high,
'Lo, what a fiend is here! said he:
'One who sets reason up for judge
Of our most holy mystery.'

The weeping child could not be heard,
The weeping parents wept in vain:
They stripped him to his little shirt,
And bound him in an iron chain,

And burned him in a holy place
Where many had been burned before;
The weeping parents wept in vain.
Are such thing done on Albion's shore?

-------------------
Polluted Civilization
.
.
Mind Pollution
.
By David Moe
.
What is the solution
To mind pollution?
Will it take a revolution
To reform this evolution?

Our youth are being bombarded
With music, pornography and drugs,
Their souls are not highly regarded
By the pollutants of the mind.

So much art
Is not enlightened,
But designed to dehumanize
And destroy the spirit.

Let us unite
Ecologists of the mind,
To clean up the world
And the minds of all mankind.
Partager cet article
Repost0

Articles RÉCents

Liens