POSTMODERNITÉ, SPIRITUALITÉ, SOCIÉTÉ
le Mythe de la postmodernité, un émiettement des sens
Aborder la période innommée d’aujourd’hui désignée post moderne (car cette appellation n’est pas un nom) exige une préhension multiple et
pluridisciplinaire de ce qui n’est pas un objet mais une configuration d’éléments humains, structurels et politiques dans un fait social quasi planétaire vu la domination mondiale d’une poignée
d’États dits du centre. Le morphème « Post » apposé dans des néologismes de notre temps comme « post industriel, post idéologique, post historique » renvoie au rien, à une
crise de sens et de signifiance, à une sorte de référent de la vacuité et nous amène à la logique du vide d’une vision d’époque d’une socio-factualité sans idéal que la platitude du savoir-faire,
la prise de possession de la matière organique et vivante que permet la manipulation génétique ou technologique, la compulsivité de la consommation dans un monde qui quoique multipolaire, est
idéologiquement nivelé au capitalisme financier. C’est l’heure du paradoxe d’un occidentalisme triomphaliste se proclamant le meilleur mais où pourtant lesdites sociétés occidentales vivent pour
éviter le pire. Idéologie du manque, idéologie du paradoxe où l’abondance consommationnelle ne compense guère les pénuries pécuniaires rendant inaccessibles l’accès au strict nécessaire en plein
cœur des mégapoles du Nord, creusant d’inimaginables fossés entre classes, aggravant l’inégalité tout en enfonçant les riches consommateurs dans leur propre vide intérieur et lestant la société
par toutes les formes de privation qui écrasent l’humanité et plongent les individus dans l’égarement, loin de tous repères. Les lourds tributs à payer par les individus de ce temps sont
là : vide de sens existentiel, vide de transcendance, vide de temps propre, vide d’espace librement choisi, vide de sentiment autonome ! Le mythe du « Deus Otiosus »
c’est-à-dire du Dieu qui crée le monde et s’en retire pour régner au-dessus de lui, rappelle pourtant au croyant que Dieu est transcendant jusque dans l’immanence cosmique et matérielle ; et
que l’homme, son image, doit viser la transcendance même dans les fonctions animales les plus banales. Mais le deus ex machina du mercantilisme des bourses, ce nouveau démon de la religion
matérialiste planétaire fait de l’homme le sous-produit du marché virtuel, seul but suprême, cause causante et fin dernière d’une humanité réduite en chose, incapable même de sains réflexes
animaux. Grossier grotesque, burlesque barbare, l’essor occidental fait primer à côté des plus grandes réalisations de la science et de l’art, un univers de créations pseudo artistiques très
dénaturé avec ses nouveaux riches et demi dieux oints par la presse people pour circonvenir et assouvir aujourd’hui, par des goûts populaciers, un populisme culturel voué à alimenter un marché
facile à gaver et à exploiter ! L’impermanence héraclitéenne (Panta rei) semble céder le pas à une forme livide de pérennité du médiocre cautionné jusque par les institutions officielles
s’exprimant à travers les grands médias et leur langage s’adressant aux réflexes sociaux des individus, langage que nous convenons
d’appeler un médiolecte tendant le piège de la pseudoculture volontairement maintenue médiocre pour favoriser le règne de l’idéologie vulgaire et triomphante du
marché. Avatars du capitalisme, atavismes de ses représentants héritiers, le travailleur esclave, la réduction de tout en marchandise, la réification paroxystique de l’homme sont les programmes
actuels du financiarisme, ce nouvel âge d’une économie virtuelle régentée par les aléas spéculatifs des bourses sans égard pour la réalité laborieuse et souvent rude
des travailleurs en croissance de la périphérie comme la Chine, l’Inde rendus laboratoire d’ouvriers des grandes compagnies de la planète ! Notre époque est celle de l’ovation du rentable,
de l’idolâtrie de l’usuel ! Utilitarisme mangeur d’homme, pragmatisme anthropophage. Le pragmatisme économique, cette obsession livide du rentable, n’est-il pas la hantise morbide et sordide
de l’intérêt matériel rendu ubiquitaire dans l’action humaine ou sociale ! Synergie du délire de domination et de la violence hégémonique dans une cinglante convoitise de la déprédation,
l’idéologie post- moderne soi disant humaniste et prôneuse du respect des catégories jusque là marginalisées, voudrait être en même temps en symbiose avec les vœux profonds de l’homme définis par
le capitalisme financier, cet ogre abominable, ce ferment tératogène qui fait tout pour bouffer les moindres services sociaux existant dans les états en bannissant l’État de son rôle social et en
priorisant le règne des grandes transnationales cotées en bourse selon la finance spéculative. Le capitalisme est souvent décrit comme étant en crise. Mais devons-nous le dire ici, la crise
laisse deux alternatives étant le produit d’un dérèglement grave ou un système n’arrive plus à gérer sa condition : l’Effondrement et/ou les Fuites en avant sous forme de Subterfuges
catastrophiques. Et le capitalisme, système de tous les masquages par excellence, ne vit que de subterfuges pour fuir et masquer ses dysfonctionnements. Le réajustement financier et structurel
actuel des États imposé par le bourgeoisisme mondial appelé Mondialisation de plus en plus rebaptisé Globalisation - vu que l’intégration réelle des pays de la périphérie ne serait-ce qu’au
niveau des frontières économiques supposément aplanies par la libéralisation du marché mondial pose problème à ce que la presse officielle appelle « le monde » c’est-à-dire le quarteron
d’états nantis surtechnologisés qui mènent l’idéologie politico-économique planétaire - est un accoutrement de l’effacement de l’État au profit des grandes compagnies. On se retrouve face à un
nord ambigu dans ses choix de profiter de la main d’œuvre esclave des pays émergents chez ces pays et en même temps obsédé de se protéger contre une certaine concurrence de produits à vil prix
venant de ces pays émergents développant parallèlement leur propre industrialisation voire de toute immigration en provenant ! Le renforcement de la ploutocratie à travers l’indécence de la
nouvelle économie et surtout, l’immoralité dominante des bourses financières, marquent une bonne fois pour toutes, l’époque actuelle de leurs sceaux d’infamie et d’immoralité des élites du nord
et des États qui les représentent. Remarquez que j’évite d’évoquer la notion de période préférant celle d’époque car je suis apériodiste en Histoire vu que le concept de période suppose des
coupures dans les temps historiques alors que tout se succède et se transforme logiquement selon la multitude des possibles enchaînements progressifs et successifs des choix et décisions
politico-économiques qui sont faites selon le type de société dominant le monde. En passant, faut-il le dire ici, la Globalisation est une appellation conceptuelle manipulatrice, faussement
nouvelle dans sa nature en tant que « l’ordre politico-économique et culturel », depuis l’avènement de l’Occident au sommet de la civilisation a toujours tendu à la Globalisation
sociocentriste de l’idéologie politique, économique et culturelle occidentale vu la propension colonialiste dudit occident. Le colonialisme a été quasi planétarisé par les puissances coloniales
de jadis hormis des pays comme la Chine que les occidentaux n’ont pu soumettre et le Japon trop démuni alors en matières premières pour les intéresser. Le faux « christianisme »
institutionnel catholique, abject et antichrétien dans les faits, a voulu être planétaire et avec lui, l’idéologie coloniale occidentale. D’ailleurs, le mot catholique ne signifie-t-il pas
universel ! Après la seconde guerre mondiale, par exemple, le dollar a été planétarisé comme valeur d’échange, jusqu’à la récente création de l’Euro... La Globalisation n’est donc que le
nouvel âge d’un capitalisme triomphaliste après l’effondrement soviétique, capitalisme qui se réajuste au pire stade d’exclusion de l’État pour les compagnies et multinationales libres de faire
la loi et de déterminer le sort des majorités paupérisées et abandonnées en même temps que les pays du sud ou émergents sont réduits au stade de filiales des industries délocalisées du Nord
cherchant paradis fiscal et main d’œuvre à vil prix pour ne pas dire gratuit.
Pour revenir à cette indication du vide, cette vacuité de sens de la postmodernité, nous dirions que la référence à l’extériorité socioculturelle de l’individu est le contraste le plus extrême rencontré dans l’individualisme contemporain, individualisme facilitant la domination des structures officielles auxquelles les individus cloisonnés dans leur moi, s’abandonne comme une reddition de leur droit de penser et de leur liberté. C’est aussi le signe le plus patent de la vacuité existentielle masquée par les niaiseries débitées où se mêlent une pseudoscience phylogénétique et l’imbécillité des masses scolarisées, véritables échos ignares du dogme soi-disant scientifique.
La Postmodernité ne rompt avec la modernité que par une volonté idéologique de standardisation, d’uniformisation des rationalités culturelles. Si la raison collective est la weltanschauung constituée des mythologies et discursivités d’une culture à un moment de l’histoire, l’impudence ploutocratique planétaire, est de tenter de détruire la possibilité de luttes de la libération en mondialisant les grands paramètres de l’économisme et de l’écologisme respectivement par la finance virtuelle des bourses et la récupération officielle du militantisme vert par la création des ministères de l’environnement à l’action extrêmement complaisante avec les grandes compagnies pollueuses. À part cela, la surenchère d’un discours hypocrite de la démocratie tout autant que celle-ci ne nuit pas au marché et à la ploutocratie. Car c’est une ploutocratie que le système idéologique mondial, pas une démocratie ! La démocratie occidentale qui nous rebat les oreilles avec comme signe de son règne, la liberté de la presse, n’est que foutaise de médias alignés au marché, médias propriétés de grands riches et d’industriels qui utilisent des intellos et journaleux soudoyés pour faire propagande en attaquant les politiciens mais en ayant soin de bien louer l’ordre économique. Quelle imposture ! Et l’on voudrait imposer cette singerie de démocratie à la planète tout entière ! La démocratie journalistique, « démocratie people » actuelle est l’ovation des excentricités des orientations sexuelles libérées, exposées en plein jour dans les médias et la mise dans la rue de l’intimité des stars ! Ses seules conquêtes sont là !
Nous savons que « le soldat Er dans la République de Platon a reçu selon celui-ci, le pouvoir des dieux de voir les enfers de près en visitant leurs lieux et qu’exceptionnellement admis à en remonter, il raconte la renaissance des ombres sous forme d’âmes réincarnées, lesquelles âmes, après avoir choisi leur sort futur, boivent au Léthée, fleuve de l’oubli, pour ne point se souvenir de leurs propres choix ». Tous les prophétismes et les doctrines mystico-religieux sont évoqués dans cette quête de la place de l’homme dans le sens et l’être. L’homme actuel n’est même pas que désespérant mais nihiliste comme par exemple un athéologien aussi sombre, aussi extrême que Heidegger avec la thèse qui renvoie à l’existential (l’étant humain, être-pour-la-mort) et non à l’existentiel impliquant, lui, en plus du simple « il y a mortel déployé dans le temps », les attributs et le sens de l’étant homme plongé dans son existence et en rapport avec la magnificence mystérieuse et mystique de sa présence microcosmique dans l’Univers macrocosmique. Car l’existentiel, étant le fait de l’Étant Homme « Dasein »(1) « être là » (c’est-à-dire l’être humain effectif et actuel dans le monde), à la fois téléologique, eschatologique et entéléchique, implique immanquablement plus que le déploiement dans le temps comme essence, mais une substance consciente avec ses attributs finalitaires. Ce qui permet le combat et l’espoir d’amélioration du sort selon une perception transcendante de l’essence humaine ! Le temps du il y a quand il désigne l’Homme même sans la foi, exige plus que la temporalité biologique de l’étant humain au monde. Le temps, quoique angoissant pour la conscience tragique de l’impie ou de l’athée conduit certes à la létalité fatale mais jamais sans une affirmation de chaque vie d’homme s’efforçant à s’imprimer dans l’histoire. Le temps même tragique de l’absurde existentiel du nihiliste existe en tant qu’il fait exister dans l’intemporalité de l’action accomplie, pérenne donc en tant qu’histoire individuelle, l’homme qui agit. Pourtant, le temps du capitalisme néo-américain triomphant est un temps contracté et émietté qui ne prend sens que dans le profit immédiat. Cette obsession qui ne fut pas celle du capitalisme rhénan (2), comme le démontre Michel Albert, des siècles précédents jusqu’à récemment, puisque l’actionnariat, le rendement prenait du temps et de la patience dans une économie réelle soucieuse d’une certaine collectivité, que la finance boursière et son économie virtuelle individualiste contemporaine a révolutionné. Les hommes, dans leur grande majorité, sont aujourd’hui englués dans l’extraversion sociale qui gèle les rapports de la personne humaine à elle-même où celle-ci ne médite plus le fait d’être et n’assume guère son étant « d’être au monde » mais se contente de fonctionner selon les structures sociales du marché. Tout est monstration systémique sans démonstration humaine à l’échelle des institutions. Surenchère du spectacle, de l’esbroufe et l’image. Tout y est forme d’une nouvelle superstition branchée au rituel du système socio-économico-consommationnel, la seule essence qui soit ! Essence vide, grimace de vacuité mimant la plénitude. Essence de pure forme sans substance aucune. La conscience qu’est l’étant homme partagé entre attributs et contingences existentielles - est ainsi devenue une immense gageure pour la liberté et ses militants - parce qu’éclipsée par les diversions sociales. Car faut-il le rappeler, la liberté implique la conscience ; et la conscience d’un homme libre est continuum de présence à soi et au monde, de vision propre et de projection de soi dans le monde. Un soi assumé par la volonté et ses choix dans le rapport à soi et à l’être, et qui ose prendre l’initiative en manifestant, dans des circonstances, de la spontanéité et de la pro-activité et non pas seulement de la réaction.
Revenons au mythe d’Er. Er, dans la République, est ce que nous appelons le génie d’une métempsychose révélatrice de la liberté choisissante des âmes lesquelles, après, boivent au Léthée (fleuve de l’oubli des enfers grecs) pour oublier leur libre choix avant de s’incarner. Er pourrait bien être assimilé à la philosophie sacrée et spirituelle qui dévoile les grandes vérités de la vocation et de la destinée humaine. Er serait donc le révélateur du Véritable qui brise l’amnésie des âmes qui ont bu au Léthée. La vocation comme appel de l’essence à l’accomplissement par la pensée et l’action, la destinée comme aboutissement heureux du réalisé spirituel à atteindre. La philosophie, la pensée en général, lorsqu’elles gardent leur rôle, enseignent un art de vivre. Rôle perdu qui, malheureusement, loin de la surspécialisation actuelle, vu la triste inanité contemporaine du philosophisme de certains philosophes occidentaux, ces philosophistes de la sécheresse d’aujourd’hui, brailleurs savants du concept qui n’étayent pour la plupart, qu’un amas ridicule de commentaires surspécialisés, si vides et incapables d’élaborer une pensée en propre où, comme les grands qu’ils évoquent orgueilleusement, ils auraient une proposition sur l’homme et l’essentiel. Hélas, plusieurs réduisent la philosophie, cette voie la plus autorisée de la sagesse avec la religion, en logorrhées philomorphes (de forme philosophique mais sans substance) pédantesques. Nous parlons de la sorte puisque toutes les doctrines sotériologiques, christologiques ou spirituelles et leurs sagesses devraient en fait être continuellement exploitées et revisitées dans ce qu’elles ont de plus élevé, de plus transcendant pour proposer dans les limites du possible, les parcelles d’une certaine assumation du sens à l’homme. Car l’homme-esprit est une intuition du sens, une quête de signifiance.
La sagesse, au-delà de ses contributions temporelles et sociales où elle doit permettre l’amélioration de la condition plurielle des individus, se veut, à son pinacle, spirituelle, proposition d’assumation ontologique à l’homme, où dans son rapport à l’être, l’individu retrouve une somme morale et finalitaire qui lui définit son destin et sa vocation comme espèce et personne. Là, se forme la conscience supérieure de la Vérité, celle qui, par une téléologie métaphysique, au-dessus des spéculations, affirment des certitudes par l’expérience intérieure et cosmique de la situation de l’homme ! Le verbe authentique, philosophique ou autre, déclenche et déploie la tempête humaine des idées et des mots de la libération contre la violence voilée systémique et le calme abusif des modes de vie soi disant démocratiques pour le plein devenir transcendant de la personne humaine. La sagesse est la violence vitale de l’esprit contre les violences létales et contreproductives de la société et du monde. Un peu comme cette violence féconde du premier amour de la pucelle qui se fait volontiers dépuceler avec joie et jouissance à la pensée de devenir femme et de pouvoir à volonté être mère. C’est aussi la violence naturelle du spermatozoïde qui entreprend une course ardue contre ses concurrents pour avoir le droit de féconder l’ovule et c’est aussi la violence des explosions stellaires génératrices d’astres nouveaux. Ainsi, la sagesse n’est guère inaction et le sage n’est point comme une image mais un guerrier du sens qui fait régner l’intemporelle signifiance. Là, le chronologue n’a point accès ni utilité, car seul le temps sans époque de l’esprit scelle la liberté et la destinée de l’homme, et constitue la terre dont les grains, la poussière des pierres et montagnes qui pétrifient la paille du temps, sont tremplin vers l’infini gage christique d’Ascension vers l’Humanité Accomplie.
1 Heidegger in l’Être et le Temps
2 Michel Albert in Capitalisme contre Capitalisme