Une fois encore nous l’accueillons, une fois encore il nous accueille. Ce mois sera, pour chacun d’entre nous, ce que nous en ferons. Le mois du retour, de l’instrospection, de la méditation, de la fraternité et de l’amour. Le mois du Coran. Ou le mois du jeûne mécanique, presque insconscient, qui s’empresse de renverser les nuits et les jours et finit par vivre les nuits pour « oublier » le jeûne du jour...
Ce mois est une fête... non du bruit, mais du silence ; non des festins mais de la retenue ; non de l’oubli mais du souvenir. Ce mois est une fête pour la foi.
Nous souhaitons à chacune et à chacun un bon mois de Ramadan. Puisse-t-il être un mois d’école où le don l’emporte sur l’avarice, la générosité sur l’égoïsme, l’amour sur la haine. Qu’il soit un mois où chacun tente de maîtriser sa colère : le Prophète conseilla de répondre à l’adversité, en ces jours de recueillement : « Je jeûne... » et de passer sa route. Que chacun, de la même façon, s’intéresse plus que d’habitude aux pauvres dans son environnement le plus proche.
Bon Ramadan à tous ! Que votre jeûne soit accepté et béni et que le Très-Haut et Sa Lumière vous accompagne, vous protège et vous aime.
Fraternellement.
Un mois de jeûne, le chemin du coeur
Jamais l’islam n’avait fait autant parler de lui que ces dernières années. Dans les médias, les universités, parmi les acteurs politiques ou sociaux, l’islam est devenu "un sujet" l’objet de débats passionnés dans lesquels on peine à garder la mesure, à éviter les excès de jugement ou de langue. L’islam est à "la une". Chacun sait pourtant que ce n’est pas pour le meilleur et ce que ce l’on stigmatise c’est surtout la "menace", le "danger", le "péril"... L’islam est surtout à "la une" des craintes et des rejets. Pour notre part, nous assistons, quasiment impuissants, à ce nouveau phénomène. On ne sait pas bien comment réagir, entre l’isolement et l’agressivité,... et l’on finit par regarder et écouter tous ceux qui ont fait de nous et de notre communauté "un nouvel objet d’étude..." disséqué sous tous les angles et sous toutes les coutures. Voila quelques chercheurs ou certains journalistes qui expliquent, analysent, commentent et commentent encore... Les livres sont nombreux, comme les articles et les recherches. On y parle de tout, de la religion, de la laïcité, de l’intégration, de la ghettoïsation, du communautarisme, de l’islamisme, du radicalisme, des femmes, de l’immigration, de la délinquance, du mal-être, des maux de l’âme, et parfois des espoirs... Tout cela se fait souvent sans grand discernement et l’on égrène un chapelet de vérités énoncées sur "l’islam-probléme" et les "musulmans-si-problématiques". Quant à nous, dépités, déçus ; voire même confirmés dans nos méfiances, nous assistons, pour la plupart, à ce triste spectacle où notre religion, notre foi, notre spiritualité sont quotidiennement niées, tronquées et /ou réduites à la plus vulgaire des caricatures. Pressentant le racisme, nous cultivons le complexe. Gravement.
- Être et témoigner
Il ne faut pas s’étonner, si nous ne disons rien, que d’autres parlent à notre place. Pour le meilleur et pour le pire. Souvent pour le pire. Les derniers évènements de la scène internationale, les "affaires" des imams, des foulards ou des mosquées, la perturbation des banlieues, la montée du radicalisme sont autant de prismes au travers desquels les recherches s’élaborent et les discours se structurent. Qu’attendre d’autre que cette vision réductrice de "l’être musulman" synonymes d’élément problématique, voire parasite, de la dynamique sociale et politique dans les sociétés européennes. La pression sur les mentalités musulmanes est intense et on voit se développer un mouvement d’isolement et d’enfermement presque naturel. Le complexe se double d’un réflexe de repli, très souvent.
Des lors que nous prenons conscience du danger de ce processus nous nous trouvons en face d’une alternative qui engage profondément notre responsabilité. Soit nous nous laissons aller à cet enfermement parce que nous le jugeons légitime et naturel tant l’environnement européen manifeste chaque jour son hostilité à l’égard de L’islam ; soit nous décidons de résister à cette tentation en adoptant l’attitude exactement opposée : face au rejet, au racisme, à l’islamophobie et à l’insulte, quand tout nous pousserait à nous fermer et à nous isoler, il s’agit de faire le choix déterminé de nous engager dans la voie exactement opposée, de nous ouvrir, de parler, de dialoguer. Il nous faut prendre nos responsabilités et redevenir les sujets de notre histoire, de notre discours, de notre être. Assister aux multiples débats dont nous sommes les objets, passer son temps à réagir aux propos de nos interlocuteurs, se sentir "soumis à la question" quand elle émane de notre environnement, devoir se justifier et montrer "patte blanche" pour être accepté ne peut être une solution. On ne saurait être équilibre et serein en se pensant dans un Tribunal. Cette voie est sans issue mais certains musulmans tombent malheureusement dans le travers (pour montrer leur modération et leur civilité) de se plier à toutes les interpellations, à toutes les exigences et à tous les diktats de l’autre... musulmans par procuration, dépouillés d’eux-mêmes pour être acceptés, ils ne sont plus que dans les yeux de ceux qui les ont façonnés... à leur image ; avènement bien étrange du nouveau pluralisme de l’uniformité.
Aujourd’hui, il nous faut être et témoigner. Être, c’est trouver la meilleure expression de son équilibre intérieur. Vivre avec Dieu, apaiser son cœur, s’épanouir dans l’action de justice et de solidarité. Témoigner, c’est construire notre discours, faire le choix, en conscience et loin de toutes les pressions de l’environnement, des sujets que l’on veut traiter, des questions que l’on veut aborder, des richesses que l’on veut partager. Finalement, l’objectif essentiel est bien celui-ci, pour les jeunes générations comme pour les plus anciennes : développer en nous la conscience de notre richesse, la responsabilité de notre contribution. Simplement, profondément. Qui accède à cet état d’esprit et de lucidité a d’ores et déjà dépassé l’épreuve de la crainte et de la frilosité. C’est une étape nécessaire, un passage obligé.
- Un cœur, une spiritualité
On nous a souvent entraînés sur des terrains minés... la violence, la guerre, l’agressivité. Nous en avons oublié l’essence même de notre religion et de notre cheminement vers le Créateur. Nous ne savons même plus parler de notre foi, de notre cœur, de notre spiritualité. Tout se passe comme si on avait éteint en nous la flamme de l’intimité qui se libère, de la fraternité qui s’exprime, de l’amour qui se dit. Notre demeure est comme sinistrée... et ce que la Révélation et le Prophète (PSL) nous présentent comme un océan de paix et de lumière se révèle être en nous un horizon de ruines. De vieux souvenirs demeurent. De quoi donc voulons nous être témoins ? Quel trésor est le nôtre ? Que dire de cet espoir qui nous fait aspirer à être si proches de Dieu au moment ou nous vivons si mal compris des hommes ? Quel est ce message que l’actualité voile et que notre bouche tait ?
En plein cœur de l’Europe, saurons-nous reprendre force et courage et faire entendre, avec l’énergie de notre foi et de notre conscience, le message d’amour, de justice et de dignité qui nous habite. Prendre conscience de sa responsabilité c’est, pour la musulmane et pour le musulman, accéder au discours de l’exigence et de l’éthique : questionner le sens, débattre de l’avenir. C’est surtout et avant tout rappeler et montrer combien l’islam est une religion du cœur et l’horizon d’une spiritualité toujours approfondie, sans cesse renouvelée. Qui donc ouvrira cette fenêtre sur le paysage de nos intimités et de nos espoirs, si ce n’est les musulmans eux-mêmes, libérés des craintes et de la peur ?
Le mois du Ramadan que nous accueillons ces jours est l’occasion d’un intense témoignage que malheureusement nous négligeons trop souvent. A l’heure ou les pays riches se perdent dans la consommation aveugle et que deux tiers de la planète subissent les assauts de la faim et de la pauvreté, à l’heure ou l’individualisme est devenu une seconde nature dont nous habille la société technicienne, à l’heure où les flux et les reflux de milliards de dollars sur les marchés répandent le désordre et les doutes... à cette heure donc, une communauté entière se lève et exprime par le jeûne son lien indissoluble avec le Créateur, avec l’amour, avec la générosité, pour la justice et la dignité. De cela, au cœur de l’Europe, nous devons témoigner : notre spiritualité est notre trésor et tous ceux qui nous soupçonnent de violence et d’agressivité sauront entendre, s’il plait à Dieu et si nous savons le dire et le montrer, que nous savons aimer, que nous aimons prier. Dans tous les pays d’Europe, dans toutes les régions, les villes et les quartiers de Belgique, d’Angleterre, de France ou de Suisse, on devrait voir se manifester cette présence chaleureuse des musulmanes et des musulmans et ce à plus forte raison pendant le mois du Ramadan parce qu’il est le mois de l’amour, du recueillement et du don. Être présents, être solidaires, participer, s’engager... tel est le vrai discours, le vrai témoignage, la véritable identité des musulmans. Pour ce faire, il leur faut prendre confiance, parler de leur cœur et prendre conscience, enfin, que la spiritualité qui les habite et les fait vivre est une force, un cadeau, une richesse. Pour eux-mêmes et pour ceux qui les entourent : elle est une promesse de justice parce qu’elle est une exigence de résistance contre tous les excès, contre toutes les dérives. Pour Dieu, avec les être humains... tous les êtres humains de conscience et de bonne volonté.
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THE GUARDIAN
Tariq Ramadan : Dream of a patchwork philosopher
Acclaimed thinker moves to Oxford this week to write a book reconciling Islam and Europe. By Polly Curtis
Tariq Ramadan : "I am Swiss by nationality, Muslim by religion, Egyptian by memory*. "
The well-oiled machine of the Labour conference came to a brief standstill last week. As a Guardian-sponsored debate on Islam in Britain neared its end, a Swiss philosopher was speaking in a steady tone, describing his vision of how a patchwork of communities, defined by faith and origin, could become a truly British society. A member of the hotel’s staff arrived to turf everyone out. Instead, he stopped and listened.
Tariq Ramadan has that effect on people. He has a global following, particularly among young European Muslims. CDs of his lectures sell like pop music. He’s one of the world’s 100 greatest thinkers, according to Time magazine and last week’s Prospect poll ; some see him as a Martin Luther King figure. This week, he takes up a position as visiting professor at St Antony’s College, Oxford. But he’s also been accused of anti-semitism, having links to terrorists and preaching different messages according to his audience.
After the debate, with the muffled sounds of conference parties in the background, Ramadan describes the 20 years he has spent on his project to promote the idea of a compatible European-Muslim identity. As a teenager, he underwent religious training in Egypt. Back in Switzerland, he studied European philosophy, gaining two PhDs, one on Islam, the other on Nietzsche. He picked apart the Islamic scriptures and considered the laws of liberal democracies, and concluded that both were flexible enough to coexist.
But to realise this, everyone, Muslim and non-Muslim, had to be able to accept that their values might be different from those of people around them, but that they were still part of one society. He calls it "psychological integration".
It’s a seductive idea of tolerance and understanding. But when Muslims are being accused of terrorism and extremism, what is easier : to retreat into the safety of their own community, or work their way into the wider society ? It’s a difficult psychological leap, Ramadan agrees. "We need an intellectual revolution. First it’s about education. It’s about self-confidence. Don’t look at yourself as part of a marginalised minority. At the moment, there is a ’protect yourself’ mentality among Muslims. But the best way to be respected is to give something to your society. To give value and presence."
In Oxford, he hopes to take his ideas a step further. He plans to work on a book that will reconcile the fundamentals of Islam and Europe. He sees it as his toughest challenge yet. "We need a new understanding and a new presentation of the fundamentals. And I will teach, though as much I hope to learn from, Oxford’s students."
Britain, he believes, should overhaul the school curriculum to include a more diverse interpretation of history and cover the contribution of all immigrant communities over the centuries.
It doesn’t seem hugely controversial. But in July, days after the attacks on London, the Sun newspaper ran a front page story about him that read : "Banned in the US for links with terrorists. Banned in France for links with terrorists. Welcomed to Britain days after the al-Qaida attacks."
Ramadan had an American visa revoked under the Patriot Act, adopted after the September 11 terrorist attacks. No full reason was ever given and the US government has since said he can reapply ; last week he did. In November 1995, he was banned from entering France. He challenged the ban and it was lifted in April 1996. The only countries he is currently banned from are Saudi Arabia, Tunisia and Egypt, after he suggested a moratorium on sharia law, in particular corporal punishment, stonings and beheadings.
He is a deeply controversial character in secular France, where he has an office and spends much of his time. "In France," he says, "they don’t have a problem with Tariq Ramadan. They don’t have a problem with Islam. They have a problem with religion." He has been accused of justifying suicide bombings. He maintains he has always absolutely condemned violence as anti-Islamic, but insists that he should be allowed to seek to explain. "To explain is not to justify," he says.
Ramadan says there is a political campaign against him. "What is said about me today is exactly what was said about the Jews in the 30s and 40s. About double loyalty, saying I am not loyal to either side."
Ramadan’s grandfather was Hassan al-Banna, who founded the Muslim Brotherhood in 1928, a political movement opposed to British imperial rule in Egypt. It believed in bringing traditional Islam into a modern context, the same idea that reverberates noisily through Ramadan’s work. His political heritage carries weight with Muslim audiences around the world.
"I’m not representative of young Muslims from disadvantaged backgrounds, because I experienced a political exile, and not an economic exile," he says.
The Muslim Brotherhood was banned in many parts of the world, and splintered in others, and in 1954 Ramadan’s parents fled to Switzerland, where they had six children. Ramadan is the youngest.
His childhood was focused on sport and books. He played football semi-professionally, was a ski-instructor and devoured French literature. His parents moved with the socialist left in the country and the family home was a magnet for Muslims from around the world. He had friends from a variety of backgrounds. "I have multiple identities. I am Swiss by nationality, Muslim by religion, Egyptian by memory. This is the way I think it can work." His identities are so numerous that he can sit in front of a British audience and talk about "us" and "we in Britain". He says this is because he’s European : "As a Swiss citizen, being British is part of me as well. Us is about Europe."
But the world struggles with his ideas. "My response is too beautiful to be true," he says with frankness. "All the ideas that people have of Islam are of it being a threat. I’m challenging that and people can’t believe that that is possible."
If there was any doubt left about his standing, it was eroded last month when the prime minister appointed him to a taskforce to tackle Islamist extremism in Britain. But he is critical of the government for failing to address the issue of the Iraq war in the wake of July 7.
"Of course there is a relationship between what is happening internationally and here. In one of the videotapes, [a bomber] said : ’You are killing our brothers in Baghdad, we are going to kill you here.’ He is wrong. What he said is unacceptable. But he is building a political link. So give political answers. It’s not right to say this is a Muslim problem. It’s a political problem."
Curriculum vitae
Name : Tariq Ramadan
Age : 43
Jobs : Professor of Islamic studies and philosophy, Freiburg University, Switzerland ; professor of religious conflict at University of Notre Dame, Indiana (resigned after visa was revoked) ; senior research fellow at Lokahi foundation, London ; visiting professor at St Antony’s, Oxford
Likes : spirituality, children, pistachio ice-cream
Dislikes : hypocrisy, disrespect, arrogance
Married : for almost 20 years to a teacher. They have four children
* and European by culture