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17 août 2007 5 17 /08 /août /2007 21:17






KIPPA  à  POINTE 5

Par

Derbali

Par analogie, le concept d'apartheid peut donc s'appliquer parfaitement à la situation qui prévaut actuellement en terre sainte de Palestine, avec cependant une particularité que l'on ne saurait comprendre sans se référer à l'idéologie constitutive de cet État, le sionisme politique . Dénoncé depuis plus d'un siècle par une partie notable et éminente de la communauté juive qui le considère comme une idéologie perverse ayant trahi la vocation spirituelle et humaniste du judaïsme, le sionisme politique définit le judaïsme comme une nationalité et non comme une religion. S'inspirant des nationalismes chauvins du 19ème siècle comme le «pangermanisme» ou le «panslavisme», il s'inscrit en rupture avec la tradition religieuse juive en laïcisant la judaïté, opérant ainsi une transmutation du judaïsme, de religion en nationalisme. Se situant à contre-courant du mouvement d'assimilation (égalité des droits) dans lequel était engagée la grande majorité des juifs européens - surtout après la Révolution française - le sionisme politique s'est donné pour mission de regrouper les Juifs au sein d'un État qui leur serait propre afin de les soustraire aux violences antisémites et leur assurer une sécurité définitive. Son projet était fondé sur la conviction que les minorités juives étaient inassimilables aux nations (conviction partagée par les antisémites de l'époque). Et la Palestine, considérée par les premiers sionistes comme «une terre sans peuple» bien qu'habitée par un demi-million d'Arabes, devint l'enjeu de leur vaste entreprise de colonisation. À l'époque, le colonialisme européen était triomphant, et c'est naturellement dans son sillage que les sionistes inscriront leur dessein.

 

Conceptualisée par Théodore Herzl, un journaliste viennois (cf. Théodore Herzl, L'État des Juifs, 1886), l'idéologie sioniste a vu le jour à la fin du 19ème siècle et s'est développée pendant la première moitié du 20ème siècle malgré l'opposition prolongée de la majorité des juifs européens et de divers courants religieux. Comme tous les nationalismes, le nationalisme sioniste se fonde sur les mythes de la race et de la terre, mais - c'est là sa particularité et sa force - sacralisés par un mythe «biblique». Une des caractéristiques de cette idéologie dans son utilisation politique du judaïsme, est qu'elle a choisi pour cet usage, dans la tradition juive, ce qui est à la fois le plus archaïque (tribal) et le plus meurtrier (l'exclusivisme). Puisant dans les textes fondateurs du judaïsme, le Talmud et la Torah (Pentateuque pour les Chrétiens, c'est-à-dire les cinq livres initiaux: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, et ses annexes dites historiques, les livres de Josué, des Juges, des Rois et de Samuel), le sionisme s'empare du paradigme fondateur du judaïsme, l'Alliance entre Dieu et les Patriarches. Selon les récits de la Genèse, Yahvé a fait don à Abraham et à sa descendance du pays s'étendant «du fleuve d'Égypte et au grand fleuve, le fleuve Euphrate» (Gen. XV, 18-21), «la Terre Promise». Par cette Alliance avec Dieu, le peuple d'Israël - selon la tradition rabbinique - était ainsi élevé au rang de «peuple élu», de «peuple prêtre». C'est sur cette croyance que le sionisme a fondé le mythe du «retour», c'est-à-dire le «droit historique» des Juifs sur la Palestine. «Le sionisme, c'est le retour au judaïsme avant que d'être le retour au pays juif», déclarait Herzl au Congrès de Bâle, en 1897, entretenant sciemment une confusion entre judaïsme et sionisme - ce qui conduit insidieusement à sacraliser les objectifs historiques d'un mouvement politique. Théodore Herzl ne se réclamait pourtant pas de la religion, mais du nationalisme européen du 19ème siècle: «Je suis agnostique (...). La question juive n'est pour moi ni une question sociale, ni une question religieuse..., c'est une question nationale», écrivait-il dans ses mémoires. Mais prenant conscience de la formidable capacité mobilisatrice de ce qu'il appelle la puissante légende («mighty legend», in Diaries I), il proclame: «La Palestine est notre inoubliable patrie historique. Ce nom seul serait un cri de ralliement puissant pour notre peuple» (Herzl, L'État juif). Ce politique éminemment réaliste - et pragmatique! - transposait ainsi la puissante légende du retour en réalité historique.

 

Et pour cause, car il s'agissait pour les sionistes de fonder sur le mythe du «retour» celui de la continuité raciale et historique entre les hébreux bibliques et les Juifs actuels, de constituer un «peuple juif» homogène, de l'Orient à l'Occident. Ils cherchaient ainsi à faire croire que tout «Juif», où qu'il se trouve dans le monde, «retourne» sur la terre de ses ancêtres lorsqu'il vient en Israël, alors qu'en réalité, les conversions et les mariages mixtes ont été tels au cours des siècles que pour 99% des Juifs actuels, aucun ancêtre n'a jamais mis les pieds en Palestine. Maxime Rodinson conclura d'ailleurs sereinement son essai consacré à cette question en ces termes: «Il est très probable - et l'anthropologie physique tend à le démontrer - que les habitants dits «arabes» de la Palestine (en majorité d'ailleurs «arabisés») ont beaucoup plus de sang des anciens hébreux que la plupart des Juifs de la diaspora, dont l'exclusivisme religieux n'empêchait nullement l'absorption des convertis d'origines diverses» (Peuple juif ou problème juif, Éd. Maspéro, 1981). Mais en dépit de la réalité, Herzl s'évertuera à définir la judaïté par le concept réducteur de «race». Dans son livre L'État juif, il insiste dès l'introduction sur l'idée de «race juive»: «Les Juifs, matériellement et intellectuellement supérieurs, avaient perdu tout à fait le sentiment de leur solidarité de race... Les Juifs forts reviennent fièrement à leur race lorsqu'éclatent les persécutions».

 

Là encore, le judaïsme va être le principal outil de légitimation de ce discours ethnocentrique. Alors que les adeptes de la plupart des religions sont liés par une croyance commune, et que ce caractère d'adepte est accessible à tous, l'exégèse rabbinique a établi un lien particulier d'ordre héréditaire. La loi religieuse stipule, en effet, que la qualité de «juif» est transmise par le sang maternel. En Israël, la «Loi fondamentale» (la Halakha qui signifie Voie ou Chemin en hébreu), en vertu de laquelle les rabbins ont le monopole de statuer sur les mariages et divorces juifs, l'héritage et l'identité religieuse, prévoit que «sera inscrit comme juif aux rubriques «religion» et «ethnie» de l'état civil, celui qui est né de mère juive et n'appartient pas à une autre religion ou bien s'est convertie selon la Halakha» (instruction du 10 janvier 1960). Et les conditions exigées pour les conversions sont telles que celles-ci demeurent l'exception. Cette loi religieuse détermine l'accès à la citoyenneté israélienne et conditionne la «loi du retour». Dans son étude détaillée des «lois fondamentales», Le caractère juif de l'État d'Israël (Éd. Cujas, 1977), le Professeur Klein, juriste spécialiste du droit comparé, soulèvera le problème de la confusion constante entre le critère ethnique et le critère religieux. Pourtant, comme le dit le philosophe israélien Y. Leibovitz, «la notion de 'juif' n'était à l'origine ni raciale, ni nationale mais religieuse». Mais l'absurdité d'une telle loi découle du principe même du sionisme, prétendant définir le juif non par son appartenance à une communauté religieuse, comme en témoigne la Bible toute entière, mais par son appartenance à un «peuple», tels que le concevaient les mythes nationalistes de l'Europe du 19ème siècle, et du chauvinisme romantique. L'idéologie sioniste a en effet occulté les écrits du judaïsme comportant une dimension universelle pour ne retenir que ceux, dans la Torah, qui exaltent l'ethnocentrisme en instituant les Juifs comme peuple différent des autres et confortent, par une lecture littérale - c'est-à-dire intégriste - leur entreprise de retour en terre de Palestine. N'est-il pas écrit dans la Torah «qu'Israël vivra en solitaire et ne se confondra pas avec les nations» (Nombre, 23, 94)? N'est-il pas prescrit au juif pratiquant de prononcer chaque matin la prière du Shaharit «Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait goy (non-juif). Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait femme. Béni soit l'Éternel qui ne m'a pas fait esclave»? Le Rabbin Cohen écrit sans détour dans son livre sur «Le Talmud» (Éd. Payot, 1986): «Les habitants du monde peuvent être répartis entre Israël et les autres nations prises en bloc. Israël est le peuple élu: dogme capital».

 

Cette même lecture sélective privilégie les textes les plus féroces de la Torah pour légitimer les exactions d'hier et d'aujourd'hui. Comme ceux, notamment, où la spoliation ou l'extermination des autochtones de Canaan est présentée comme une condition du maintien de l'Alliance: «Quand vous aurez passé le Jourdain pour entrer dans le pays de Canaan, vous chasserez devant vous tous les habitants du pays... Mais si vous ne chassez pas tous les habitants du pays, ceux d'entre eux que vous aurez laissés seront comme des piquants dans vos yeux et des épines dans votre chair. Ils vous harcèleront dans le pays même où vous habiterez, et ce que j'avais pensé leur faire, c'est à vous que je leur ferai», ordonne Dieu à Moïse (Nombres XXXIII, 51 à 56). D'après les récits bibliques, les Hébreux, emmenés par Josué, se livrèrent à un véritable massacre. Le Deutéronome répète, n'exigeant pas seulement la spoliation de la terre et l'expulsion des autochtones, mais l'extermination: «Lorsque le Seigneur, ton Dieu, t'aura fait entrer dans le pays... et qu'il aura chassé devant toi les nations nombreuses... tu les voueras totalement à l'interdit.» (Deut. VII, 1-2) «et tu les supprimeras» (Deut. VII, 24). Le livre de Josué, qui relate la conquête sanglante du pays de Canaan, n'est pas seulement un texte classique enseigné dans les écoles israéliennes - malgré la réfutation de l'historicité des écrits bibliques par l'archéologie moderne. Il sert, aussi, au conditionnement psychologique des recrues dans l'armée et lors de l'invasion du Liban, en 1982, l'aumônerie militaire des rabbins ne cessa de prêcher la guerre sainte. «Nous ne devons pas oublier les sources bibliques qui justifient notre guerre et notre présence ici. Nous accomplissons notre devoir religieux juif (Mitzva) en étant ici. Selon ce qui est écrit...», expliquait un rabbin du grade de capitaine (Ha'aretz, 5 juillet 1982). L'imagerie populaire est, elle aussi, utilisée: en 1983, l'administration des PTT émettait trois timbres commémorant Josué.

 

Ces récits de massacres et d'exterminations sacrées sont, dans l'esprit de nombreux dirigeants sionistes, la préfiguration de la manière dont les sionistes - auréolés d'une pseudo légitimité religieuse - se comportèrent (et se comportent encore aujourd'hui) à l'égard des Palestiniens. Le 9 avril 1948, Menahem Begin et ses troupes de «l'Irgoun» massacraient les 254 habitants du village de Deir Yassin, hommes, femmes et enfants, pour faire fuir par la terreur les Arabes désarmés de Palestine (cf. Menahem Begin, La révolte: histoire de l'Irgoun, Éd. Albatros, 1978). En l'espace d'une année, sur 475 villages arabes existant en 1948, 385 villages furent ainsi détruits - avec leurs maisons, leurs cultures et même leurs cimetières et leurs tombes - et 770.000 Palestiniens prirent le chemin de l'exode. «Si l'on possède la Bible et si l'on se considère comme le peuple de la Bible, on devrait aussi posséder les terres de la Bible, celle des Juges et des Patriarches, de Jérusalem, d'Hébron, de Jéricho et d'autres lieux encore», déclarait Moshé Dayan au Jerusalem Post le 10 août 1967. «Ce pays existe comme l'accomplissement d'une promesse faite pas Dieu lui-même. Il serait ridicule de lui demander des comptes sur sa légitimité, déclarait Golda Meir (Le Monde, 15 octobre 1971). Le Premier ministre de l'Afrique du Sud, lui fera écho par cette déclaration datée de 1972: «N'oublions pas que nous sommes le peuple de Dieu, investi d'une mission...»

 

La légitimation de la pureté «ethnique», et donc la justification de l'apartheid et de la «purification ethnique» qui peuvent en découler, repose, quant à elle, sur de nombreux textes religieux, manipulés électivement par les sionistes, comme par exemple: «Tu ne donneras pas ta fille à leur fils et tu ne prendras pas leur fille pour ton fils», ordonne-t-on dans le Deutéronome (VII, 3); dans un autre récit, on peut lire qu'Esdras pleure parce que «la race sainte s'est mêlée avec les peuples des pays voisins» (Esd. 9, 2) et ordonne la sélection «Tous ceux qui avaient pris des femmes étrangères, ils les renvoyèrent, femmes et enfants» (Esd. 10, 44). En Israël, cette séparation de l'Autre - cet apartheid - est érigée en loi. Les mariages mixtes (entre juifs et non-juifs) y sont légalement impossibles - il n'existe pas de mariage civil - et l'hérédité conditionne la citoyenneté. La loi du «Retour» prévoit, en effet, que tout juif, quelle que soit sa nationalité initiale, devient citoyen israélien dès lors qu'il s'établit en Israël, alors que tout Palestinien est considéré par l'article 3 de la Loi sur la nationalité (5712-1952) comme «individu qui, immédiatement avant la fondation de l'État, était sujet palestinien, et qui ne devient pas israélien en vertu de l'article 2» (celui qui concerne les juifs) et comme «n'ayant jamais eu de nationalité auparavant», c'est-à-dire apatride par hérédité. Pour acquérir la nationalité israélienne, il doit prouver qu'il vivait en Palestine juste avant la création de l'État d'Israël en 1948, ce qui est quasiment impossible compte tenu des destructions opérées par les milices terroristes (l'Irgoun de Begin, la Hagana de Ben Gourion, le groupe Stern de Shamir), ancêtres de Tsahal. Il ne lui reste plus alors que la voie de la «naturalisation» - qui exige «une bonne connaissance de la langue hébraïque», et est laissée à la libre appréciation du ministre de l'Intérieur. Haïm Cohen, qui fut juge à la Cour Suprême d'Israël, fera donc cet amer constat: «L'ironie du sort a voulu que les mêmes thèses biologiques et racistes propagées par les nazis et qui ont inspiré les infamantes lois de Nuremberg, servent de base à la définition de la judaïté au sein de l'État d'Israël» (in Joseph Badi, Fundamental Laws of the state of Israel, New York, 1960).

 

Cette instrumentalisation du judaïsme par le sionisme politique avait provoqué de vives protestations de la part des organisations juives, comme l'«Association des rabbins d'Allemagne», l'«Alliance israélite universelle de France», l'«Israelitische Allianz» d'Autriche, les associations juives de Londres et le virulent mouvement du judaïsme Réformé. Au moment même du Congrès de Bâle, en 1897 - qui n'avait pu avoir lieu à Munich (comme le prévoyait Herzl) en raison de l'opposition de la communauté juive allemande - se tenait la Conférence de Montréal où, sur la proposition du Rabbin Isaac Meyer Wise, la personnalité la plus représentative de l'Amérique d'alors, fut votée une motion qui opposait radicalement deux lectures de la Bible, la lecture politique et tribale du sionisme, et la lecture spirituelle et universaliste des Prophètes. «Nous désapprouvons totalement toute initiative visant à la création d'un État juif. Des tentatives de ce genre mettent en évidence une conception erronée de la mission d'Israël qui, d'un champ politique et national étroit, a été étendue à la promotion, à l'humanité entière, de la religion libérale et universaliste que les Prophètes juifs furent les premiers à proclamer... Nous affirmons que l'objectif du judaïsme n'est ni politique, ni national, mais spirituel... Il vise une époque messianique où tous les hommes reconnaîtront appartenir à une seule grande communauté pour l'établissement du Royaume de Dieu sur la Terre.» (Conférence centrale des rabbins américains, Yearbook VII). D'après Rufus Learsi (Israel: A History of the Jewish People, World Publishings Co, 1966), «les plus ardents opposants étaient tous des Rabbins réformés. Les Juifs, disaient-ils, ne sont pas une nation et ne doivent pas chercher à le devenir». Malgré cette opposition constante, inspirée par l'attachement à la spiritualité juive, le sionisme israélien finit par s'imposer comme force dominante grâce à son lobbying effréné auprès des dirigeants des puissances coloniales de l'époque (principalement l'Angleterre, l'Allemagne et la Russie, puis les États-Unis).

 

Cette hégémonie du sionisme politique ne parvint pourtant pas à étouffer la critique des grands spirituels qui n'ont eu de cesse, tel Martin Buber durant toute sa vie et jusqu'à sa mort en Israël, de dénoncer la dégénérescence et même l'inversion du sionisme religieux (spirituel et universel) en sionisme politique. «Le sentiment que j'éprouvais, il y a soixante ans, lorsque je suis entré dans le mouvement sioniste, est essentiellement celui que j'éprouve aujourd'hui», déclarait-il à New York. «J'espérais que ce nationalisme ne suivrait pas le chemin des autres - commençant par une grande espérance - et se dégradant ensuite jusqu'à devenir un égoïsme sacré, osant même, comme Mussolini, se proclamer sacro egoïsmo, comme si l'égoïsme collectif pouvait être plus sacré que l'égoïsme individuel» (in Jewish Newsletter, 2 juin 1958). «Qu'est-ce que l'idée 'd'élection' d'Israël a à faire en tout cela? 'L'élection' ne désigne pas un sentiment de supériorité, mais un sens de la destinée. Ce sentiment ne naît pas d'une comparaison avec les autres, mais d'une vocation et d'une responsabilité d'accomplir une tâche que les prophètes n'ont cessé de rappeler: si vous vous vantez d'être choisis au lieu de vivre dans l'obéissance à Dieu, c'est une forfaiture...», déclarait-il lors du XIIème Congrès sioniste avant de conclure: «Nous espérions sauver le nationalisme juif de l'erreur de faire d'un peuple une idole. Nous avons échoué.» (Martin Buber, Israel and the world, Éd. Schoken, 1948). Le professeur Judas Magnes, Président de l'Université hébraïque de Jérusalem depuis 1926, considérait quant à lui que le «programme de Baltimore» de 1942 exigeant la création d'un État Juif en Palestine «conduirait à la guerre contre les Arabes». Prononçant, à la rentrée de 1946, le discours d'ouverture de cette université, il déclarait: «La nouvelle voix juive parle par la bouche des fusils... Telle est la nouvelle Torah de la terre d'Israël. Le monde a été enchaîné à la folie de la force physique. Le ciel nous garde maintenant d'enchaîner le judaïsme et le peuple d'Israël à cette folie. C'est un judaïsme païen qui a conquis une grande partie de la diaspora. Nous avions pensé, au temps du sionisme romantique, que Sion devait être rachetée par la droiture. Tous les juifs d'Amérique portent la responsabilité de cette faute, de cette mutation... même ceux qui ne sont pas d'accord avec la direction païenne, mais qui restent assis, les bras croisés. L'anesthésie du sens moral conduit à son atrophie.»

 

«Nationalisme juif sécularisé» (comme le désignent ainsi E. Benbassa et J.C. Attias dans Le Juif et l'Autre, Éd. Le Relié, 2002), le sionisme politique a donc donné naissance à une idéologie articulée sur un droit du sol et du sang à connotation religieuse, et se traduisant par un colonialisme agressif, un apartheid spécifique, voire même un racisme caractérisé. Le 10 novembre 1975, en séance plénière, l'Assemblée générale des Nations Unies adopta d'ailleurs La résolution 2279 considérant que le sionisme était une forme de racisme et de discrimination raciale - résolution qui fut abrogée en 1991, juste après la «guerre du Golfe», sous la pression des États-Unis et d'Israël. À l'époque, l'ONU avait recensé dix-sept lois israéliennes porteuses de discriminations. Et la presse israélienne regorgeait - et regorge encore - de propos xénophobes tels ceux de Menahem Barash, parlant des Palestiniens: «Cette peste déjà dénoncée dans la Bible (...). Pour nous emparer de la terre promise par Dieu à Abraham, nous devons suivre l'exemple de Josué pour conquérir la terre d'Israël et nous y installer, comme le commande la Bible (...). Il n'y a pas de place en cette terre pour d'autres peuples que celui d'Israël. Ce qui signifie que nous devons en expulser tous ceux qui y vivent (...). C'est une guerre sainte exigée par la Bible» (Journal Yediot Aharonot, 1974). Dans une tribune intitulée Au nom de judaïsme, Shulamit Aloni, députée à la Knesset et dirigeante du Mouvement pour les droits civiques, dénonçait ce racisme institutionnalisé: «Tout se passe comme si on cherchait à faire pénétrer dans l'esprit des Juifs d'Israël l'idée qu'il existe une différence qualitative et normative entre les juifs et les non-juifs... Tel est le principe qui inspire toutes les lois et réglementations de l'État en ce qui concerne la politique intérieure, le statut des personnes et des familles, les critères de citoyenneté... C'est ce principe qui dicte notre conduite à l'égard des Israéliens arabes, des Bédouins et des habitants de la Cisjordanie et de Gaza, et notre façon de répondre à leurs aspirations... Aucune utilisation, abusive ou déformée, de la loi juive, ne pourra réduire au silence ceux qui savent discerner entre la loi des prêtres et la vision de prophètes. Nous ne permettrons pas à quiconque de faire d'Israël un ghetto religieux à prétention messianique, qui bafoue les lois universelles de l'humanité et du droit international» (Yediot Aharonot, 25 juin 1978).

 

Shulamit Aloni s'alarmait à juste titre. La confusion entretenue entre sionisme et judaïsme permet, en effet, aux différents «partis religieux», ne rassemblant pourtant qu'une infime minorité de citoyens, de jouer un rôle décisif dans l'État d'Israël. Cela peut paraître paradoxal, car la majorité des Israéliens actuels se déclare agnostique ou athée. Mais, comme l'explique Nathan Weinstock (Le sionisme contre Israël, Éd. Maspéro 1969), «Si l'obscurantisme rabbinique triomphe en Israël, c'est parce que la mystique sioniste n'a de cohérence que par référence à la religion mosaïque. Supprimez les concepts de 'Peuple élu' et 'Terre promise', et le fondement du sionisme s'effondre. C'est pourquoi les partis religieux puisent paradoxalement leur force dans la complicité des sionistes agnostiques. La cohérence interne de la structure sioniste d'Israël a imposé à ses dirigeants le renforcement de l'autorité du clergé. C'est le parti social-démocrate «Mapaï», sous l'impulsion de Ben Gourion, qui a inscrit les cours de religion obligatoires aux programmes des écoles, et non les partis confessionnels». Cette identification du sionisme politique et du judaïsme a une conséquence plus grave encore... pour les Juifs eux-mêmes! Car au-delà d'Israël, les Juifs du monde entier se retrouvent prisonniers de la logique totalisante de l'État sioniste qui les considère comme citoyens israéliens en puissance.

 

Avant même la création de l'État d'Israël, les colonialistes sionistes ont exposé clairement leur objectif: «Notre slogan sera: la Palestine de David et de Salomon», disait Herzl (in Diaries). «Il doit être clair pour nous qu'il n'y a pas de place pour deux peuples dans ce pays», écrivait en 1940 Yossef Weitz, le directeur du Fonds National Juif. «Il n'y a pas d'autre moyen de les déplacer tous; il ne faut pas laisser un seul village, une seule tribu... Il faut expliquer à Roosevelt, et à tous les chefs d'États amis, que la terre d'Israël n'est pas trop petite si tous les Arabes s'en vont, et si les frontières sont un peu repoussées vers le nord, le long du Litani, et vers l'est, sur les hauteurs du Golan» (Yossef Weitz, Journal, Tel-Aviv, 1965). Cette logique militariste et expansionniste est une permanente de la politique menée par l'État israélien depuis sa création. Et ce, quels que soient les gouvernements qui se sont succédés depuis: comme l'écrivait le Professeur Leibovitz, de l'Université hébraïque de Jérusalem, «L'État d'Israël n'est pas un État qui possède une armée, mais une armée qui possède un État» (in Israël et Judaïsme, Éd Desclée de Brouwer, 1993). Dans le grand journal israélien Yediot Aharonot, du 14 juillet 1972, Yoram Ben Porath rappelait avec force l'objectif initial: «C'est le devoir des dirigeants politiques israéliens d'expliquer clairement et courageusement à l'opinion un certain nombre de faits, que le temps fait oublier. Le premier de ceux-ci c'est le fait qu'il n'y a pas de sionisme, de colonisation, d'État juif, sans l'éviction des Arabes et l'expropriation de leurs terres».

 

Dix ans plus tard, dans une lettre adressée à Pierre Vidal-Naquet et publiée par Le Monde le 8 juin 1982, le Professeur Benjamin Cohen, de l'Université de Tel-Aviv, écrivait: «Je vous écris en écoutant le transistor qui vient d'annoncer que 'nous' sommes en train d'atteindre 'notre objectif' au Liban: assurer 'la paix' aux habitants de Galilée. Ces mensonges dignes de Goebbels me rendent fou. Il est clair que cette guerre sauvage, plus barbare que toutes les précédentes, n'a rien à voir, ni avec les attentats de Londres, ni avec la sécurité de la Galilée... Des juifs victimes eux-mêmes de tant de cruautés, peuvent-ils devenir tellement cruels?... Le plus grand succès du sionisme n'est donc que ceci: la 'déjudaïsation'... des juifs. Faites, chers amis, tout ce qui est en votre pouvoir pour que les Begin et Sharon n'atteignent pas leur double objectif: la liquidation finale (expression à la mode ici ces jours-ci) des Palestiniens en tant que peuple et des Israéliens en tant qu'êtres humains.» Les massacres des réfugiés palestiniens des camps de Sabra et Chatila, perpétrés sous la protection du Général Sharon, sont encore dans toutes les mémoires. Plus récemment, en septembre 2002, un appel signé par une centaine de membres du corps académique israélien, tentait d'alerter l'opinion publique internationale en ces termes: «Nous, membres du corps académique israélien, sommes horrifiés par les préparatifs d'une agression américaine contre l'Irak et par le soutien enthousiaste des responsables politiques israéliens à ces préparatifs. Nous sommes profondément inquiets par les indications que le 'brouillard de la guerre' pourrait être utilisé par le gouvernement israélien pour commettre encore plus de crimes contre le peuple palestinien, qui pourraient aller jusqu'au nettoyage ethnique total (...). Dans une récente interview donnée au journal Ha'aretz, le chef d'État Major Moshé Ya'alon a décrit les Palestiniens comme «une manifestation cancéreuse» et a comparé les actions militaires dans les Territoires occupés à de «la chimiothérapie», laissant entendre que «des soins» plus radicaux pourraient être nécessaires. Le Premier ministre Sharon a soutenu ce «jugement réaliste». L'escalade dans la démagogie raciste concernant les Palestiniens citoyens d'Israël pourrait indiquer l'envergure des crimes qui sont probablement envisagés».

 

Cet appel alarmiste des universitaires israéliens n'est pas sans fondement. Depuis le début de la conquête de la Palestine, les dirigeants sionistes n'ont eu de cesse d'essayer de régler leur problème majeur: comment créer une majorité juive dans un pays peuplé par une communauté arabe palestinienne autochtone? Pour eux, la solution découlait de leur programme colonialiste: réaliser une colonie de peuplement en chassant les Palestiniens et en poussant à l'immigration juive. Ainsi naquit le mythe d'une «terre sans peuple pour un peuple sans terre», niant l'existence même des Palestiniens et donc leur droit légitime à constituer leur Nation. Il s'agissait, en fait, de s'emparer de leurs terres d'une façon délibéré

 

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Edward Saïd

in The Guardian - le 25 janvier 2003

traduit de l'anglais par CCIPPP

Les Etats-Unis se préparent à attaquer le monde arabe, et les Arabes sont soumis et gémissent.Quiconque ouvre le New York Times de façon quotidienne peut lire l'article le plus récent à propos des préparatifs de guerre qui occupent les Etat-Unis. Un autre bataillon, encore des transports de troupes et des croiseurs, un nombre toujours plus important d'avions, de nouveaux

contingents d'officiers sont envoyés dans le Golfe Persique. Une force énorme et délibérément intimidante est en train d'être rassemblée au-delà des mers, alors que dans notre pays les mauvaises

nouvelles sociales et économiques se multiplient de façon implacable.L'immense machine capitaliste parait vaciller et semble même mettre à bout la majorité des citoyens. Et pourtant George Bush

propose une nouvelle et importante réduction d'impôt pour le 1% le plus riche de la population.Le

système public d'éducation est en crise et une assurance sociale n'existe tout simplement pas pour 50 millions d'Américains. Israël demande pour 15 billions de dollars de nouvelles garanties de prêt et

d'aide militaire. Et les taux de chômage aux Etats-Unis augmentent de façon inexorable en même

temps que chaque jour des emplois sont perdus. Les préparatifs pour une guerre incroyablement

coûteuse se poursuivent néanmoins, sans approbation publique et, au moins jusqu'à très récemment,

avec une évidente désapprobation. Une indifférence générale de la majorité de la population (qui peut dissimuler une grande crainte, de l'ignorance ou de l'appréhension) a accueilli le bellicisme de

l'administration [Bush,N.d.T] et son curieux manque de réponse au défi manifesté par la corée du

Nord. Dans le cas de l'Iraq, où il n'y a pas d'armes de destruction massive dont on puisse parler, les Etats-Unis planifie une guerre ; dans le cas de la Corée du Nord, ils offrent aide économique et

énergétique. Quelle humiliation dans la différence entre le traitement imposé aux Arabes et

le respect manifesté face à la Corée du Nord, une dictature aussi sombre et cruelle.Dans les mondes arabe et musulman, la situation apparait plus singulière. La plupart des politiciens américains, des experts, des officiels de l'administration et des journalistes ont répété les poncifs devenus des

standards très éloignés de la réalité de l'Islam et du monde arabe. Une bonne part de ces poncifs a précédé le 11 septembre. Au cour unanime d'aujourd'hui s'est ajouté le rapport des Nations Unies

concernant le développement social du monde Arabe, rapport certifiant que les Arabes sont

dramatiquement à la traîne du reste du monde en ce qui concerne la démocratie, la connaissance et les droits des femmes. Chacun sait (avec bien évidemment quelque justification) que l'Islam demande une réforme et que le système éducatif dans le monde Arabe est un désastre - de fait, une école pour fanatiques religieux et  bombes humaines [suicide bombers - N.d.T] fondée non seulement par

des imams ayant perdu la raison et leurs riches adeptes (tel Oussama Ben Laden) mais aussi par des

gouvernements considérés comme des alliés des Etats-Unis. Les seuls " bons " Arabes sont ceux qui occupent les médias et dénigrent sans aucune réserve la culture et la société arabe d'aujourd'hui.

Rappelons-nous la répétitivité de leurs condamnations, avec rien à dire de positif sur eux-mêmes, ni sur leur peuple ni sur leur langue ; ils ne font que recracher les éternelles et fatigantes formules

américaines que l'on trouve sur les ondes ou les pages imprimées. Nous manquons de démocratie, disent-ils ; nous n'avons pas assez mis en cause l'Islam, nous devons faire plus pour nous débarasser du spectre du nationalisme arabe et du credo de l'unité arabe. Tous ceci ne serait que détritus idélogiques et sans aucun crédit. Tout ce que nous disons avec nos instructeurs américains à propos des Arabes et de l'Islam - des clichés orientalistes recyclés et imprécis, répétés à satiété par des médiocrités du type de Bernard Lewis - sont exacts, insistent-ils. Le reste ne serait pas assez réaliste ou pragmatique. «  Nous " avons besoin d'accéder à la modernité - modernité signifiant de fait que nous soyons occidentalisés, globalisés, avec un marché libre et une démocratie, quoi que ces mots puissent signifier. Il pourait y avoir un essai de rédigé sur la prose de grands diplômés tels Fuad Ajami, Fawwaz Gerges, Kanan Makiya, Shibli Talhami, Mamoon Fandy, et sur les relents de

servilité contenus dans leur langage, l'inauthenticité et la répétition guindée et désespérée de ce qui leur est imposé. Le choc des civilisations, que George Bush et ses esclaves tentent de

promouvoir afin de justifier une guerre préventive pour le pétrole et leurs vues hégémoniques sur l'Irak, est supposé aboutir à la construction triomphale d'une nation démocratique, au changement

de régime et à une modernisation forcée à l'américaine. Qu'importent les bombes et les ravages produits par les sanctions jamais mentionnées. Il s'agira d'une guerre purificatrice dont les buts sont de chasser Saddam et ses sbires et de les remplacer tout en redessinant la carte de toute la région. Nouveau Sykes Picot. Nouveau Balfour. Nouveaux 14 points de Wilson. Monde tout à fait nouveau. Nous sommes appelés par les Irakiens dissidents, et les Irakiens fêteront leur libération et oublieront

peut-être leurs souffrances passées. Peut-être .Pendant ce temps, la destruction des âmes et des

corps se poursuit en Palestine, empirant à chaque instant. Il ne semble pas y avoir de force

capable de stopper Ariel Sharon et son ministre de la défense, Shaul Mofaz, lesquels meuglent leur défi au monde entier. Nous interdisons, nous punissons, nous bannissons, nous brisons, nous

détruisons. Le torrent d'une violence sans frein s'abat sur une population entière. Au moment où j'écris ces lignes, j'ai reçu une information selon laquelle le village d'Al-Daba' dans le district de Qalqilya

(Cisjordanie) est sur le point d'être rayé de la carte par les bulldozers israéliens (fabriqués aux

Etats-Unis) de 60 tonnes : 250 Palestiniens perdront leurs 42 maisons, 700 dunums de terre agricole, une mosquée et une école élémentaire pour 132 enfants. Les Nations Unies restent passives,

contemplant comment à chaque heure sont transgressées ses résolutions. Hélas, George Bush s'identifie à Ariel Sharon, et non pas au jeune Palestinien de 16 ans utilisé comme bouclier humain par les soldats israéliens.Pendant ce temps, l'Autorité Palestinienne propose un retour aux pourparlers de paix, et probablement à Oslo. Bien qu'ayant été floué pendant 10 ans, Arafat paraît inexplicablement vouloir y revenir. Ses fidèles lieutenants produisent des déclarations et écrivent des contributions ans la presse, suggérant leur bonne volonté à accepter quelque chose que ce soit. De façon tout à fait

remarquable, la grande masse de ce peuple héroïque paraît vouloir aller de l'avant, sans paix et

sans répit, saignant, affamé, mourant jour après jour. Leur confiance en la justesse de leur cause et leur dignité leur interdisent de se soumettre honteusement à Israël comme l'ont fait leurs sponsables. Que peut-il y avoir de plus décourageant pour l'habitant de Gaza qui résiste à l'occupation israélienne, que de voir ses dirigeants jouant les suppliants à genoux devant les Américains ? Dans ce panorama de désolation, ce qui saute aux yeux est la totale passivité et l'impuissance de tout le monde Arabe. Le gouvernement américain et ses valets, déclaration après déclaration, affichent leurs objectifs, éplacent des troupes et du matériel, transportent des tanks et des contre-torpilleurs, et les Arabes, individuellement et collectivement peuvent à peine, en rassemblant leur courage, manifester un faible refus. Au mieux ils disent : " Non, vous ne pouvez pas utiliser nos bases militaires sur notre territoire ", pour se déjuger quelques jours plus tard. Pourquoi un tel silence et une impuissance aussi stupéfiante ? La puissance dominante dans le monde est en train de préparer une guerre contre un pays Arabe souverain actuellement gouverné par un régime épouvantable, avec pour objectif non seulement de détruire le régime du Ba'ath mais aussi de refaire la carte de tout le monde Arabe, en changeant

peut-être d'autres régimes et d'autres frontières dans la foulée. Personne ne pourra se mettre

à l'abri d'un tel cataclysme s'il se produit. Et nous n'avons droit qu'à un long silence suivi de quelques bêlements polis en guise de réponse. Des millions de personnes vont être affectées, et l'Amérique

planifie leur futur avec mépris et sans les consulter. Est-ce que nous méritons un tel mépris raciste ?

Ceci n'est pas seulement inacceptable mais aussi impossible à croire.Comment une région de 300 millions d'individus peut-elle attendre passivement les coups à venir sans pousser un hurlement collectif de résistance ? Le monde Arabe s'est-il dissout ? Même un prisonnier sur le point d'être exécuté prononce en général quelques mots. Pourquoi n'y a-t-il pas à présent une ultime déclaration pour toute une région historique, pour une civilisation sur le point dêtre bousculée et totalement transformée, pour une société qui malgré ses inconvénients et ses faiblesses, fonctionne ?

Des enfants Arabes naissent tous les jours, d'autres enfants vont à l'école, des hommes et des emmes se marient, travaillent, ont des enfants ,ils jouent, et rient, et mangent, ils sont tristes, ils

souffrent de maladie et de mort. Il y a de l'amour et de la compagnie, de l'amitié et de l'enthousiasme. Oui, les Arabes sont réprimés et mal gouvernés, terriblement mal gouvernés, mais ils s'adaptent malgré tout dans leur travail et dans leur vie. C'est une réalité ignorée des dirigeants arabes et des Etats-Unis lorsqu'ils gesticulent à destination d'une soit-disante « rue Arabe" [Arabe street - N.d.T], concept inventé par de médiocres orientalistes. Qui traite aujourd'hui des questions existentielles qui se posent à propos du futur de notre peuple ? La tâche ne peut pas dépendre d'une cacophonie de religieux fanatiques ni de moutons fatalistes et soumis. Mais il semble que ce soit malgré tout le cas. Les gouvernements Arabes - non, la plupart des pays Arabes - se reculent dans leurs sièges et attendent, tandis que l'Amérique prend des poses, met en garde et menace,

tout en alignant plus de bateaux, de soldats et de F-16 avant de porter ses coups. Le silence

est assourdissant.Des années de sacrifices et de luttes, d'os brisés dans des centaines de

prisons et chambres de tortures de l'Atlantique jusqu'au Golfe, des familles détruites, de la pauvreté et de la souffrance sans fin. Des armées énormes et chères. Et tout cela pour quoi ?

Ce n'est pas une question de parti, d'idéologie ou de faction : c'est une question que le grand théologien Paul Tillich nommait le sérieux ultime ultimate seriousness, N.d.T]. La technonologie, la

modernisation et une inévitable globalisation ne constituent pas une réponse face à ce qui

nous menace maintenant. Nous avons dans notre tradition une part complète de discours séculaire et religieux traitant de début et de fin, de vie et de mort, d'amour et de colère, de société et d'histoire. Mais aucune voix,aucun individu disposant d'une large vision et d'une autorité morale

parait capable d'y puiser et de porter cela à l'attention. Nous sommes à la veille d'une catastrophe et nos dirigeants politiques, moraux et religieux font de timides mises en garde et, tout en se dissimulant derrière des chuchotements, des clins d'oeil de connivence et des portes fermées, ils font des plans sur les moyens d'échapper à la tempête. Ils réfléchissent à leur survie et peut-être à la

providence. Mais qui est en charge du présent, de ce qui est matériel, de la terre, de l'eau, de l'air et des vies qui dépendent des uns et des autres ? Personne ne parait avoir cette responsabilité.

Il y a une expression magnifique qui exprime de façon précise et ironique notre inacceptable impuissance, notre passivité et notre incapacité à nous aider les uns les autres alors que notre force serait requise. Cette expression est : la dernière personne à sortir peut-elle éteindre les lumières ?

Nous sommes à la veille d'un bouleversement qui laissera peu de chose debout et qui angereusement laissera même peu de chose dont on puisse se souvenir, excepté la dernière injonction pour faire disparaître la lumière.

Le temps n'est-il pas venu d'affirmer une sincère alternative pour le monde Arabe, face aux ravages sur le point d'engloutir notre société ? Il ne s'agit pas d'invoquer uniquement un changement de

régime, et Dieu sait comme nous savons le faire. En tout cas cela ne peut être un retour à Oslo

qui serait une nouvelle supplication à Israël d'accepter notre existence et de nous laisser vivre en paix, ou autrement dit une autre incitation servile et rampante à la pitié. Personne ne viendra donc

se mettre en pleine lumière pour refléter une vision de notre futur qui ne soit pas basée sur un scénario écrit par Donal Rumsfeld et paul Wolfowitz, ces deux symboles de nullité du pouvoir et d'arrogance incontinente ? J'espère que quelqu'un m'entend ...

Edward Saïd

 

 

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commentaires

C
Je me nomme corine âgée de 32 ans j'habite dans le 59139 wattignies . J'étais en relation avec mon homme il y a de cela 4 ans et tout allait bien entre nous deux puis à cause d'une autre femme il s'est séparé de moi depuis plus de 5 mois . J'avais pris par tout les moyens pour essayer de le récupéré mais hélas ! je n'ai fais que gaspiller mes sous.Mais par la grâce de dieu l'une de mes amies avait eut ce genre de problème et dont elle a eut satisfaction par le biais d'un ... nommé ishaou au premier abord lorsqu'elle m'avait parlé de ce puissant je croyais que c’était encore rien que des gaspillages et pour cela j'avais des doutes et ne savais m'engager ou pas. Mais au fur des jours vu ma situation elle insiste a ce que j'aille faire au moins la connaissance de ce puissant en question et c'est comme cela que je suis heureuse aujourd'hui en vous parlant.c'est à dire mon homme en question était revenu en une durée de 7jours tout en s'excusant et jusqu'à aujourd'hui et me suggéré a ce qu'on se marie le plus tot possible.je ne me plein même pas et nous nous aimons plus d'avantage. La bonne nouvelle est que actuellement je suis même enceinte de 2 mois. Sincèrement je n'arrive pas a y Croire a mes yeux qu'il existe encore des personnes aussi terrible , sérieux et honnête dans ce monde, et il me la ramené, c'est un miracle. Je ne sais pas de quelle magie il est doté mais tout s'est fait en moins d'une semaines.(pour tous vos petit problème de rupture amoureuses ou de divorce ,maladie ,la chance , les problèmes liés a votre personnes d'une manière, les maux de ventre, problème d'enfants, problème de blocage, attirance clientèle, problème du travail ou d'une autres) Vous pouvez le contacter sur: son adresse émail : maitreishaou@hotmail.com ou appelé le directement sur whatsapp numéro téléphone 00229 97 03 76 69 son site internet: www.grand-maitre-ishaou-13.webself.net
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