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21 octobre 2011 5 21 /10 /octobre /2011 10:30
Les Tunisiens de France se sentent oubliés

Par Romain Renner

Le parti Ennahdha de Rached Ghannouchi est le seul parti à communiquer auprès des électeurs tunisiens de France.
Le parti Ennahdha de Rached Ghannouchi est le seul parti à communiquer auprès des électeurs tunisiens de France. Crédits photo : Hassene Dridi/ASSOCIATED PRESS
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Les 600.000 Tunisiens de France peuvent aujourd'hui choisir leurs représentants à l'Assemblée constituante en Tunisie. Mais ils avouent leur incompréhension tant à propos du déroulement de l'élection que des programmes des partis.

Avec la plus importante diaspora tunisienne du monde (environ 600.000 personnes), la France sera le pays étranger le plus représenté à l'Assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle Constitution tunisienne. Les Tunisiens de l'Hexagone auront à élire du 20 au 22 octobre dix représentants répartis en deux circonscriptions* (nord et sud de la France). Le grand nombre de candidats et le manque de communication des politiques ont atténué l'enthousiasme.

Ouvertes durant deux mois, les inscriptions sur les listes électorales n'ont pas été un grand succès. Dans la circonscription nord, seulement 50% des électeurs potentiels se sont enregistrés, selon un chiffre communiqué parl'instance régionale indépendante des élections (IRIE). Néanmoins, Ali Ben Ameur, président de l'IRIE-nord, estime que le nombre de votants devrait être bien plus important, tous les Tunisiens pouvant venir voter sur présentation d'une carte d'identité ou d'un passeport. «Il y a eu beaucoup d'interrogations à propos du vote. Beaucoup d'incompréhensions auxquelles nous avons dû répondre par mail ou lors de réunions publiques», explique-t-il en espérant que le travail de son institution permettra d'attirer les électeurs jeudi. Nesrine, étudiante, souligne presque ironiquement que si les Tunisiens ne se sont pas inscrits en masse sur les listes, c'est qu'ils «ne sont tout simplement pas habitués à voter».

«Pas d'inconscience mais de l'incompréhension»

Si l'IRIE pense qu'ils se déplaceront en nombre, les Tunisiens de l'étranger** se sentent tout de même un peu oubliés par les partis candidats à l'élection. «On ne connaît pas leurs programmes, ils ne communiquent pas», explique Naïm, de Nice. Cet étudiant de 21 ans déplore qu'il faille avoir accès aux chaînes de télévision tunisienne pour pouvoir s'informer correctement alors que «beaucoup de Tunisiens (de France) ne maîtrisent pas bien l'arabe». Une jeune femme qui a tenu à garder l'anonymat avoue ne connaître que quelques figures politiques comme Rached Ghannouchi, leader d'Ennahdha. Elle ignorait d'ailleurs qu'elle était en droit de voter bien que non-inscrite sur les listes.

Ali Ben Ameur souligne également que beaucoup pensaient qu'il s'agissait d'«élections législatives». Une incompréhension qui vient s'ajouter aux nombreux doutes des Tunisiens. «J'ai l'impression que la Tunisie est trop jeune pour savoir ce dont elle a besoin», lâche Naïm avant d'ajouter : «Il n'y a plus de leader donc c'est le flou là-bas comme ici». Mais il tient quand même à préciser que l'élection est importante pour ses compatriotes et que «s'ils ne savent pas qui soutenir, ce n'est pas de l'inconscience mais seulement de l'incompréhension».

«Les Islamistes ne nous font pas peur»

Ils sont nombreux (48 candidats au nord, 25 au sud) à être en lice pour une place à l'Assemblée constituante mais, de l'avis général, c'est le parti Ennahdha, favori des sondages, qui est le plus présent et le mieux placé. «Ils sont dans la rue et ils communiquent beaucoup», confirme Naïm. Ali Ben Ameur révèle même que les membres d'Ennahdha seront présents sur tous les points de vote pendant les élections. «C'est de loin le parti le plus fort», conclut-il.

Un parti que craint l'Occident qui voit en lui l'incarnation d'un parti islamiste qui ferait régresser le pays. «On utilise le terme islamiste à tort et à travers, il faut faire attention à ce que l'on dit», avance Naïm, pourtant pas partisan. «Le modèle d'Ennahdha, c'est la Turquie. Un pays qui s'articule autour d'une religion, notre religion», ajoute-t-il. Les inquiétudes formulées par les autres États dont la France lui semblent injustifiées tant qu'Ennahdha n'a «rien fait de mal». Nesrine ira voter pour ce parti «par conviction religieuse» même si elle ne connaît pas forcément le programme qu'il défend. Mais quel que soit le projet du parti, Naïm rappelle non sans fierté qu'«après avoir renversé Ben Ali, ce ne sont pas des Islamistes qui pourront faire peur aux Tunisiens».

*La circonscription nord (cinq élus) s'articule autour des consulats de Paris, Strasbourg et Pantin. La circonscription sud (cinq élus) comprend ceux de Lyon, Toulouse, Grenoble, Nice et Marseille.

**Outre la France, l'Italie (3 sièges), le Canada (2 sièges), Abu Dhabi (2 sièges) et l'Allemagne (1 siège) vont voter.

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