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2 décembre 2006 6 02 /12 /décembre /2006 08:54
LE VOILE ET L’ABJECTION
Par
Fadila


Le  Hijab.

C'est une prescription coranique, la discuter c'est remettre en cause  l'immuabilité  du livre saint.J’estime que sa remise en cause  tient de l’intime conviction de tout un chacun et que tout un chacun doit assumer  ses choix, ses actes et ses pensées

Ceci dit.

Tout un chacun doit assumer ses actes, mettre le hijab ou pas, c’est donc un acte qui tient de l'intime conviction, que l'état  ou certains individus  oppriment  celles qui le portent tient de l'acte liberticide.

Le hijab étant une ordonnance coranique , le désigner comme  une visibilité sectaire , c'est dans l'esprit et la lettre  désigner le Coran et par voie de conséquence   l'islam comme sectaire .pourquoi pas?Mais là aussi il faut assumer la contradiction  de se dire musulmane et de renier certains commandements du livre saint , l'avantage  des idées agnostiques ou athées c'es qu'elles assument honnêtement  et d'une façon transparente leurs idées dans l'espace du débat démocratique , contrairement aux mises en scènes  des ignorants et des faibles qui brandissent leurs islam en croyants faire des courses dans un supermarché et de choisir   des marchandises consommables à leur guise , voire des  marchandises biodégradables selon les humeurs , l’air du temps et l’opportunismes des situations et des alliances, sans parler tellement c’est évident et criard de banalisme des mises en scène opportunistes de la dictature qui instrumentalise idéologiquement et à tout va  les sentiments culturels , religieux  ou historiques des tunisiens pour tout simplement une question stratégique de survie.Je souris  aux idioties  de certaines paumés qui remplissent le vide par le vide  et qui veulent donner l'impression du débat et d'une certaine forme de progressisme qui ne résiste pas  à l'analyse honnête , leurs contradictions tiennent d'un népotisme  atavique , le même que celui des ignares de la dictature tunisienne , faire le bonheur du peuple tunisien  malgré lui , jusqu'à présent cela n'a donné comme résultat , qu'un prétendu "miracle tunisien"  qui mène la Tunisie FISITTIN DAHIA.Aussi  cette façon méprisante de prendre les tunisiens pour des retardés mentaux , des tubes digestifs ,leur brandir  les épouvantails  du G.I.A ou des TALIBANS ces deux forces  islamophobes par excellence, c’est les vouer  aux gémonies de l’arbitraire et de la résignation ,  que ce soit du côté de la dictature ou  de ces aliénés aux normes  de leur impuissance .Les tunisiennes se voilent en masse? l'explication standard de la part de la dictature ou de ces sectaires qui jouent aux modernistes et qui sont des réactionnaires de la pire espèce , est que la masse est stupide et bête , elle est conditionnée par les chaînes satellitaires , des chaînes intégristes comme ALDJAZIRRA ,pour eux  les tunisiens seraient des  citoyens évolués s'ils regardaient CNN , la BBC , A2 , TV7ect...ce genre d'emphase tient de la diabolisation  et du fascisme le plus pervers  , la majorité des jeunes tunisiennes voilées qui peuplent les universités  sont  performantes dans leur domaine  choisi, elles choisissent de réussir leur  vie professionnelle sans renier  leurs intimes convictions qui tiennent ,elles, des droits civiques , et qui en rien ne remettent en cause leurs aspirations à des  institutions démocratiques et à la démocratie  qui sera la garante  justement de leurs choix libres, bien au contraire elles réclament  d'une façon responsable l'application de la constitution tunisienne face à la dictature avec un courage  extraordinaire et exemplaire.Soumettre le voile à des juridictions  politiques et extrajudiciaire joue contre la démocratie , car elle fait rentrer l'intime conviction  dans le jeu normal des rapports de forces sortis des urnes et leur application législative .Cette diabolisation par des forces conformistes et soumises au penser correct ,  c'est accepter demain ,par un retour de bâton naturel et catastrophique  l’aberration ,que  si par les urnes les islamistes tunisiens arrivent au pouvoir sous leur bannière ou  celle d'un autre parti , ils exigent l'application d'un ordre moral qui met la minijupe , la cigarette , l'alcool ect..  sous les fourches caudines d'un pouvoir législatif qui fait force de loi .Dans la démocratie française les démocrates et les parlementaires ont pris à leur aise ce risque parce qu'à l'évidence les musulmans seront et pour très longtemps pour ne pas dire pour toujours en France une minorité , pourtant  un jour peut-être , qui peut assurer l’avenir, sinon  la force des institutions et des convictions  ?dans ce pays les rigoristes de tous les ordres moraux et de toutes les religions  pourront s'entendre sur un  programme politique  commun , en 2002 qui aurait parié sur LEPEN au deuxième tour?Je viens à cela pour dire  que ce scénario est plus que possible en Tunisie , se battre pour la séparation de l'état démocratique futur de la Tunisie et de la religion est une chose essentielle , mais cela ne veut pas dire marginaliser  les individus par la coercition et le chantage à la misère et à la marginalisation dans leur propre pays arabo-musulman et leur interdire la fonction publique parce qu'ils  portent la barbe ou le voile , et de quel droit?, tripoter  les règles de vie  , tailler une constitution pour une certaine catégorie de tunisiens aux dépends d'autres ,c'est ouvrir la boîte de pandores des frustrations , de l'arbitraire , c'est diviser les citoyens en différentes

catégorie les unes ayant plus de droits que d'autres,

Ces faussaires tunisiens de toutes tendances sont dans l’addiction et ne seront jamais dans ‘argumentaire qui milite à libérer la Tunisie de tous ses démons.

Qui a dit que le hijab est une obligation ?

Allah dit: « Ô Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles, elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées Allah est Pardonneur et Miséricordieux. » (Al-‘Ahzâb ‘Les Coalisés’ : 59). Cet ordre est adressé à toutes les femmes et pas uniquement aux femmes du prophète comme certains le prétendent cela signifie que si la femme porte son hijab, tout le monde se rendra compte que c’est une femme respectable et honorable et personne n’osera l’offenser , bien entendu  cela  , la moralité  , la norme ect peut être discuté  philosophiquement , le voile n’est pas  un gage de moralité , tout tient de la conscience  et de l’intime conviction , celle qui porte le voile et qui est immorale  ne combat en rien les institutions démocratiques , elle se parjure et commet »un crime » contre la foi et la religion , son jugement , le jugement qu’elle aura à subir ne regarde en rien  les juridictions humaines , elle assument ses choix religieux et ses pratiques et elle n’a en rendre compte qu’à son créateur  , les oulémas , les instances  religieuses ou politiques n’ont aucune compétence pour la juger , idem pour les femmes qui se prostituent  , les nymphomanes , les homosexuels  et toute la société  en générale qui est dans la relativité de la « perversion » , c’est la séparation de l’état et des religieux , c’est aussi la pratique des libertés individuelles..

Allah dit : « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît – des savants précisent qu’il s’agit du visage et des mains- et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu'elles ne montrent leurs atours qu'à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs, ou aux femmes musulmanes « Et repentez-vous tous devant Allah, Ô croyants, afin que vous récoltiez le succès. » (An-Noûr ‘La Lumière’ : 31) , Allah le dit , le Coran nous oblige  à cela  , celles qui n’appliqueront pas  ces ordonnances ne sont pas des criminelles sur cette vie terrestre , car ignorer   ces ordonnances tient de la liberté  de choix , de penser et de faire   qui ne porte pas atteinte  à la société en général , c’est une vie terrestre  assumée  librement , pour le reste tout se passe entre le créateur et sa création et les hommes n’ont pas à se prononcer sur la justice divine , ni à être son  bras vengeur  , à mon humble avis  les Torquemada et les fanatiques de l’inquisition commettent le pêché du « chirk », l’association,et comme les dictateurs n’ont aucune légitimité sur  la marche de la cité.

Ces versets sont destinés à ceux qui prétendent que les versets du hijab ne sont pas clairs dans le Coran , mais aussi  à ceux qui veulent l’imposer  contre l’intime conviction des uns et des autres , cela s’appelle  la séparation entre la foi qui tient de la loi divine  et qui n’est pas du domaine Humain ,et l’état démocratique qui est  la loi institutionnel qui permet l’harmonie et la sauvegarde des droits entre les hommes libres , ce qui revient à dire que ceux qui veulent imposer le hijab comme ceux qui veulent l ‘interdire , ou le désigner comme sectaire et applaudissent aux atteintes   contre les droits humains commettent le pêché et l’acte liberticide  qui ébranle  toute forme d’harmonie  sociétale .

 
 

Il est de notre devoir à tous, de sauvegarder la pudeur et la bonne morale dans nos sociétés non pas par la contrainte mais par l’exemple  , et ça  pour les délurées et les apprentis sorciers qui dressent des bûchers, c’est le fondement même de l’acte citoyen et démocratique ,il ne s »agit pas de procéder par l’interdit et les violations des droits  humains , dans tous les cas de figure  , la république   et ses institutions  doivent veiller aux respects des droits des citoyens  , de tous les citoyens  les filles voilées comme les autres , tant que d’un côté comme d’un autre  nous n’aurions pas compris cela , nous restons  dans notre confusion et notre misère humaine et je dirais même plus , nous justifions la dictature et nous la méritons, aussi  je comprends que l’exemplarité humaine et intellectuelle , courageuse et citoyenne de la majorité des filles voilées tunisiennes puissent faire peur  à la confusion  où se débattent  les atermoiements tyranniques  des clans de la dictatures et des minorités insidieuses  ,des sectarismes masqués de la société tunisienne qui sous le masque de la lutte contre le régime de ben Ali  sont des dictateurs en herbe
. Il n'est pas nécessaire encore une fois d’évoquer les hadiths qui insistent sur le port obligatoire du voile car le Coran l'emporte sur les hadiths. Ceci est connu dans la théologie islamique : on se réfère en premier lieu au Coran, en second lieu aux hadiths et enfin à "El ijmaa" (l'unanimité). Et vous pouvez vous référer à l'histoire de l'islam pour constater que depuis Mohamed et tout au long de l'époque de l'empire musulman, la femme libre portait le voile dans les pays musulmans. Les femmes n'ont commencé à enlever le voile qu'après la chute de l'empire ottoman et l'apparition de la laïcité en Turquie, et on sait  comment elles l’ont enlevé sous le dictateur ATATURK qui n’était pas un laïque mais  tout simplement un tyran.
 
 Nous sommes aujourd'hui, comme le prophétisait déjà en son temps le génie IBN KHALDOUN, dans un monde où les conséquences de la modernité sont devenues, pour tous, plus radicales et plus universalisées qu'auparavant: l'espace et le temps se sont dissociés lors même que le local et le global sont connectés à travers des modes impensables par le passé. Nous vivons, en islam aussi, dans un monde, de fait, multiculturel, multilingue, multiethnique; intellectuellement, nous sommes à la fois, utopistes, relativistes et rationalistes, tout comme nos frères humains, mais à l'intérieur de la grande tradition monothéiste; nous avons aussi des identités multiples et métissées; et nous nous mouvons dans plus d'un monde, parfois incommensurables. Cette perspective, rompt souverainement le cercle vicieux des dualismes. Elle nous libère, à la fois, du retour impossible à une tradition impériale déformatrice  du message divin, et d'une synthèse dialectique velléitaire censée dépasser les pôles qui déchirent la pensée, l’islam et l'Occident, la tradition et la modernité. Nous devons  nous résoudre à cela  nous autres musulmans  pour défaire nos archaïsmes et nous défaire de ces ignobles tyrannies qui nous épuisent, nous défigurent et défigurent notre foi. L'occident et l'islam sont des sites aux multiples habitants. Et il existe autant de traditions que de modernités, même si la grande modernité a été un projet musulman à la base. Mais les limites au multiculturalisme conquérant par  la contrainte , celui qui projette  notre dissolution  en tant qu’entité culturelle, est la libération totale de notre espace juridico-politique par rapport à toutes les visions compréhensives du monde, extérieures au politique. Et un cran d'arrêt , le partage du monde avec autrui pour nous , a une limite infranchissable , ne jamais tolérer l'intolérable, celui  de se résoudre à renoncer à nos singularités mais aussi  à l’autocritique , à l’exigence de la transparence , de la liberté ,  de la pratique citoyenne  dans nos espaces  de vie pour les musulmans comme pour les autres

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Le foulard islamique en questions
Ces françaises musulmanes : stratégies individuelles ou remise en question des normes ?

Un ouvrage collectif sur la question du voile vient de sortir aux Edition Amsterdam, Paris (mars, 2004)(http://www.editionsamsterdam.fr). Ci-dessous la contribution de Dounia Bouzar au débat.

Nous assistons à la naissance de la première génération de Français de confession musulmane, ayant appris à dire « je », complètement socialisés à l’école de la République. Se construire « à la fois Français et musulman », tel est leur leitmotiv, qui remet en question « l’obligation de discrétion » à laquelle s’étaient plus ou moins soumis leurs pères, qui n’étaient que de passage... En élaborant leur identité à partir de toutes leurs références et en refusant d’être limités à une seule d’entre elles, ils construisent du sens à leur vie et redéfinissent les processus menant à l’intégration. Un certain nombre de jeunes filles, notamment, se réapproprient les sources religieuses à travers le prisme de leur culture française, résolues à prouver tout au long de leur démarche d’accession à la modernité que celle-ci n’est pas incompatible avec l’islam. Ces jeunes, déterminés à démontrer qu’il n’existe pas une seule manière de se référer à l’islam, tentent de se définir au-delà des définitions exclusives qui résultent tant de l’histoire de l’islamisme international que de l’histoire de la France. Malheureusement, si cette stratégie de réappropriation des textes permet, au niveau des parcours individuels, d’accéder à la modernité en passant par la référence musulmane, elle entrave - voire interdit, chez ceux qui adoptent une démarche apologétique - l’examen rationnel de l’histoire des exégèses qui permettrait à la religion musulmane de véritablement s’interpréter au regard de ce nouveau contexte occidental laïc. Le mythe de l’âge d’or musulman - qui peut être à l’origine d’une certaine stagnation de la pensée - se construit face au mythe français, selon lequel « les autres » ne sont pas sujets de l’Histoire. Pourtant, il devient de plus en plus évident que la construction de l’avenir ne peut reposer sur des imaginaires historiques tronqués. Seule la reconnaissance des mémoires permettra de reconstruire une histoire commune, au-delà des mythes , que ce soit celui d’ici ou celui de là-bas…

Echapper à une double assignation ethnique

Les conditions sociales difficiles qu’elles subissent conduisent un certain nombre de familles issues de l’immigration à effectuer une sorte de repli sur elles-mêmes. Face à quelqu’un d’extérieur, plus ces parents sentent que leurs valeurs sont menacées, plus ils s’attachent à les défendre. Leur sentiment d’échec, la hiérarchisation établie entre leur culture et celle du pays d’accueil, les amènent à vivre toute prise de distance de l’un des membres du groupe comme une trahison. La fidélité aux traditions du pays d’origine devient le principe unique de filiation et de fidélité. Cela donne : « Chez nous, on se marie entre nous ». L’attitude des travailleurs sociaux à l’égard de ces familles est très significative : bien qu’ils aient pour visée de permettre le changement, la manière dont ils pensent ce changement a pour conséquence d’enfermer les familles dans leur position de repli. S’imaginant se heurter aux valeurs de la civilisation arabo-musulmane, les travailleurs sociaux (au sens large) ne se croient pas habilités à discuter du fondement de ces positions comme ils le feraient avec d’autres familles. Les éducateurs se sentent impuissants devant certains dysfonctionnements qu’ils attribuent à une particularité culturo-religieuse, sous sa forme la plus statique, sans perspective d’évolution. Face à une situation répertoriée sur le registre « arabo-musulman », deux types d’attitudes sont adoptées par les professionnels : soit ils ne s’autorisent pas à intervenir de façon aussi stricte qu’ils le feraient dans une autre famille, soit ils invitent le jeune à choisir entre ses droits (qui relèveraient de la culture française) et la soumission à des injustices (qui découleraient de la fidélité à la religion). Les filles, notamment, se retrouvent dans une situation où il semble qu’elles n’aient comme alternative que de se soumettre à des mauvais traitements au nom de l’islam ou de rompre avec l’islam pour revendiquer leurs droits ! L’application de la loi qui fonde et légitime l’action du professionnel intègre, dans ce cas de figure, une dimension de « gestion ethnique » vis-à-vis des familles migrantes, renvoyant comme un boomerang le « chez nous » ; ce qui donne alors : « Chez nous, un père n’a pas le droit de frapper sa fille ». Pour échapper à la double pression de la famille et de la société - l’une prônant la fidélité aux traditions du pays d’origine comme principe unique de filiation et l’autre défendant une conception de l’intégration qui la réduit à une assimilation - un certain nombre de jeunes cherchent la possibilité de faire le lien entre ces deux mondes auxquels ils appartiennent. En « rentrant dans l’islam », le jeune se relie à la Oumma, la communauté des croyants du monde entier au-delà des frontières. Il s’agit, dans ce cas de figure, d’une conception strictement religieuse, qui permet - grâce à sa dimension universelle - de « dés-ethniciser » l’islam. Cette possibilité d’abstraire l’islam de son ancrage géographique est fondamentale : elle rend possible une inscription généalogique au-delà de l’attachement et de la fidélité au pays d’origine. Dorénavant, le lien parental peut se différencier du lien à l’Algérie, au Maroc… L’appartenance nationale française ne s’oppose plus à ce qui symbolise l’attachement et la fidélité aux parents.

La réappropriation féminine des textes

Dans ce contexte, la religion va non pas, comme on a pu le croire, rapprocher les jeunes de leurs parents, mais leur permettre d’agir sur eux. Le retour aux sources religieuses apparaît comme un moyen de combattre les traditions archaïques. Les connaissances islamiques acquises vont servir d’outils aux jeunes pour insuffler le changement au sein même de leur famille, en démontrant à leurs parents que la plupart de leurs croyances relèvent des traditions et non de la religion. Ainsi, de façon paradoxale, la religion permet à ces jeunes, et surtout aux filles, de formuler au sein de leur famille des revendications nouvelles : accès à de longues études, choix du mari, indépendance spatiale, etc. Cela donne : « Tu t’es fait avoir maman, il n’y a pas marqué ça dans le Coran ! » Cette re-composition de l’attache familiale permet d’ouvrir des débats et de choisir des valeurs à l’extérieur de la famille. En se disant « Français de confession musulmane », ils tentent de rompre avec un enfermement ethnique sans pour autant trahir le groupe large, en reliant les deux mondes, en identifiant et en valorisant les valeurs communes : « Plus je suis musulman, plus je suis citoyen français. Au nom de ma référence musulmane, je me reconnais dans la lutte pour la démocratie, la justice et le respect des droits. ». Le foulard aussi est redéfini : les jeunes filles estiment qu’il a été détourné dans les pays arabes, devenant un élément de la soumission de la femme vis-à-vis de l’homme, alors que sa fonction première était de la protéger et d’imposer sa dignité. Refusant d’être définies à partir de comportements préétablis, légitimés par un islam préfabriqué et modelé par les besoins masculins, elles comptent bien ne pas se laisser imposer ce que certains hommes prétendent avoir compris pour elles. On est loin des manifestations des années 1990, lors desquelles leurs frères brandissaient des panneaux : « Leur voile, notre honneur ». Leur redéfinition est un défi : passer par l’islam pour devenir modernes. Les valeurs universelles, les droits de l’homme, les droits de la femme, peuvent aussi se lire dans l’islam… Ces Françaises musulmanes veulent rejoindre les autres Françaises sur des valeurs et des combats communs en se référant à l’islam. Leur position remet en question les représentations communes puisqu’elles adhèrent aux valeurs universelles proclamées par la République en affirmant qu’elles sont proches de celles transmises par leur religion. Elles ne se présentent plus comme une minorité qui demande à être reconnue mais revendiquent le droit d’être semblables, tout en utilisant des références qui n’appartiennent pas directement à l’histoire de France.

L’idéalisation des textes : une force et un danger

Cette réappropriation des textes religieux apparaît comme une volonté de relire le passé pour construire l’avenir et arracher aux hommes le monopole de parler au nom de Dieu. Mais l’idéalisation des textes entraînée par ce processus présente également des dangers. Rêver cet islam aussi parfait qu’abstrait amène implicitement les jeunes filles à ne pas prendre en compte d’autres données pourtant essentielles à leur réflexion et à leur évolution. La « bonne » islamisation des hommes est censée remédier à toute difficulté… Cette relation aux textes peut les conduire à considérer que les solutions émanent directement de Dieu, évacuant ainsi les paramètres qui sont pourtant au fondement de ce qu’elles dénoncent à propos des pays du Maghreb : les données subjectives, la répercussion des processus sociaux, culturels et historiques dans l’interprétation du texte religieux. Ce rapport apologétique aux textes ne favorise pas l’élaboration de nouvelles analyses, mieux construites et surtout plus efficaces. Il les amène à contourner certains diktats religieux sans les transformer : en se référant aux textes pour y puiser des éléments favorables à leurs droits, les jeunes femmes acceptent implicitement l’idée que les normes s’y trouvent. Nier le patriarcat dont est imprégné le Coran les empêche d’étudier comment les êtres humains et les textes religieux interagissent ; cela leur interdit de comprendre les manifestations récurrentes de cette interaction dans le monde actuel . Elles sont pourtant les premières à reconnaître, par exemple, que si le foulard représente à leurs yeux un « rappel de l’égalité » - « rappelle-toi, tu ne feras pas ce que tu veux de moi, rappelle-toi, je suis ton égale » -, il ne symbolise pas toujours la même chose aux yeux de leurs « frères ». De nombreux mariages échouent à cause de ce malentendu : certains maris épousent une jeune femme voilée en l’imaginant sage et soumise, et sont ensuite choqués devant ses revendications d’autonomie. En même temps, c’est le caractère divin et intouchable du Coran qui permet aux jeunes femmes d’imposer le message qu’elles y lisent ; c’est le caractère mythique de l’histoire du Prophète qui leur permet de faire la morale à ceux qui ne s’alignent pas sur son modèle, tels ces jeunes maris qui font la vaisselle parce que le Prophète aidait sa femme Aïcha aux tâches ménagères. Accepter un travail herméneutique reviendrait à se priver de ce « modèle d’identification » en sapant cette vision mythique de l’univers musulman. Réfléchir à une méthodologie pour « déconstruire » les normes islamiques, élaborer un cadre de référence interprétatif des textes fondateurs reviendrait à détruire toutes ces stratégies personnelles de contournement de certaines normes, puisque cela remettrait en cause le matériel utilisé : les interprétations des savants du passé et peut-être même certains textes eux-mêmes. Un conflit d’intérêt s’établit donc entre le besoin immédiat des jeunes filles d’élaborer des outils pour contourner les normes au quotidien et la réforme de l’islam, qui est pourtant la seule façon à long terme de remettre ces normes en question.

Quel féminisme ?

Ces jeunes pratiquantes ne sont pas dans une démarche de (re)construction théologique mais élaborent une « façon à la française » de se référer à la religion. Une recherche de sens supplante « l’islam de l’interdit ». Ce qui change est le rapport au religieux, pas la religion elle-même. Une meilleure maîtrise des textes religieux, leur réappropriation, la lecture de ce qu’elles pensent être le « vrai » message de l’islam, leur donnent une certaine force face à ceux qui veulent leur imposer leur vision des choses. Cet « engagement pour Dieu » leur octroie une légitimité dont elles se servent pour défendre leurs positions dans tous les débats où elles n’auraient pas eu de place auparavant. Selon « la logique de Simone de Beauvoir », elles se délivrent de leur condition de femme en quittant l’espace privé pour accéder à celui d’« être humain utile » - d’autant plus utile que Dieu est témoin de ce qu’elles entreprennent pour Lui. En même temps, comment construire un véritable ijtihâd - ce processus de raisonnement personnel et d’interprétation permanente qui a permis l’adaptation et l’évolution de l’islam au cours des premiers siècles dans divers pays – si l’on prend appui sur des postulats religieux que l’on combat par ailleurs ? Ne pas les remettre en cause revient à les avaliser. Par exemple, considérer que la polygamie ne doit pas être pratiquée en France parce que prime le principe selon lequel un musulman doit respecter la loi de son pays d’accueil est une chose ; la relativiser en disant qu’elle n’est légitime qu’en situation de guerre, pour prendre en charge les orphelins, en est une autre ; l’abroger parce que, à la lumière d’une étude historique et anthropologique, il apparaît que l’interprétation qui l’établit est le fruit du désir des hommes du VIIème siècle est complètement différent. Il ne faut pas pour autant penser que ces femmes ne sont pas actrices de changement . La volonté des jeunes de relire le message de l’islam « pur » expurgé des traditions ancestrales afin d’en faire apparaître la modernité les amène aussi à travailler sur leur histoire et leur mémoire, puis sur les histoires et les mémoires. L’étude de la manière dont l’islam s’est mêlé aux habitudes accumulées au cours des siècles ne peut que faire prendre conscience de la relativité de la compréhension du message de Dieu et du rôle des hommes dans son interprétation. Ils s’interrogent forcément sur leur propre lecture et sur leur propre relation à la religion. Ils deviennent de fait acteurs de leur propre histoire, mais aussi de l’histoire à venir. Ils passent par ce que Dieu a dit, tel que cela leur est rapporté, mais ils réfléchissent par ce biais à la vie et à la société qu’ils veulent.

Quel islam de France ?

La chance de « l’islam de France » est aussi sa fragilité : l’abandon de « l’islam culturel » des pays d’origine implique de nouvelles formes d’engagement religieux. Le manque d’ancrage culturel amène les jeunes à revendiquer de façon novatrice leur religion, alors qu’elle n’est plus portée par l’ensemble de la société. Qu’est-ce qu’être musulman, ici ? Les définitions ne sont plus toutes prêtes. Pour beaucoup, musulmans comme non musulmans, l’islam apparaît encore comme une référence étrangère. Le fait musulman en France est appréhendé au regard de l’actualité internationale. Certains musulmans ayant grandi dans leur pays d’origine sont les premiers à entretenir dans la société française l’idée qu’il y a une incompatibilité entre l’islam et la République démocratique, estimant qu’il faudrait s’éloigner des textes religieux pour se protéger de l’islamisme et vivre en harmonie avec les autres Français. Aborder la question sous cet angle renvoie les jeunes à leur condition d’étrangers et essentialise l’islam, occultant la diversité des relations qui peuvent s’instituer entre un individu et une référence religieuse selon les différents contextes socio-culturels, et faisant fi des dizaines d’années d’installation des familles en France. Car les jeunes dont il s’agit sont dans une démarche de re-définition de leur islam. Pour relier les deux mondes auxquels ils appartiennent et que les divers tenants du clash des civilisations ne cessent d’opposer, ils retournent à leurs sources non pas pour demander un respect de leur particularisme mais au contraire pour démontrer que « l’islam n’est pas aussi différent que ça ». Leur réappropriation des sources religieuses les amène à penser qu’un certain nombre de concepts - liberté, égalité, fraternité, modernité, citoyenneté, etc. - peuvent aussi se retrouver par exemple dans la tradition sunnite . Il ne s’agit pas, à leurs yeux, de comparer deux systèmes - celui de l’islam et celui d’une société laïque - pour déterminer le meilleur, mais de valoriser et de promouvoir des valeurs communes à ces deux histoires, à ces deux civilisations, afin de prouver que l’islam peut faire partie intégrante de la nation française sans affecter son unité culturelle. Leur position bouleverse nos représentations puisque, loin de se présenter comme une minorité demandant à être reconnue, ils manifestent leur adhésion aux valeurs universelles de la République en affirmant qu’elles sont proches de celles transmises par leur religion. L’islam devient ainsi une référence supplémentaire qui rejoint les autres et les renforce, ce qui la place au même niveau que celles qui fondent l’identité française. Ce que ce raisonnement remet en cause, c’est tout à la fois l’ensemble du mode de relations entre les Français et les membres des anciens pays colonisés, la vision dominante de l’histoire des religions qui en découle, et qui réduit celles-ci à la confession, et la conception selon laquelle l’espace public ne peut se construire que par l’intervention supérieure de l’Etat, sur la base de valeurs et de références issues de la seule civilisation française. Rappelons-nous que, jusqu’à ces dernières années, les femmes en foulard qui faisaient le ménage dans les administrations ne posaient aucun problème ni à la société, ni à la laïcité : un islam infériorisé et cantonné à des positions dominées est acceptable, c’est lorsqu’il revendique d’intervenir dans l’espace public en situation d’égalité qu’il apparaît intolérable. Cette nouvelle approche ébranle du même coup les bases du système d’intégration, le modèle historique de la citoyenneté, c’est-à-dire les fondements mêmes sur lesquels s’est construite la France : l’affirmation de la supériorité de sa langue, de sa culture et de sa religion. N’oublions pas que le discours assimilationniste de la IIIème République a servi à justifier l’entreprise coloniale, au nom d’un universalisme réduit au particularisme du Français de souche qui entraînait une dévalorisation systématique de l’islam des « indigènes »… Comme l’a si bien montré l’historienne Suzanne Citron , la « nation » a du, pour se substituer au roi et à Dieu, pour acquérir un « pouvoir absolu » et devenir « une et indivisible », recomposer le temps et l’espace. « Fils d’une nation sans commencement, les Français se sont pourvus d’aïeuls immémoriaux. La commune origine gauloise donne à la nation une et indivisible son homogénéité raciale. » La France se définit ainsi par sa supériorité à l’égard des colonisés : « les races supérieures ont un droit parce qu’elles ont un devoir : civiliser les races inférieures. », déclarait Jules Ferry en 1885 à la Chambre des députés. C’est cette version de l’histoire, c’est l’affirmation de l’unité de la nation française, de la supériorité de sa langue et de sa culture qui a permis de justifier l’entreprise coloniale : il fallait « aider » les « indigènes » à se civiliser. Ces derniers ont ainsi été ravalés au rang d’objets, incapables de devenir des sujets de l’Histoire. D’un même mouvement, on occulte le passé des peuples vaincus ou colonisés, on refoule les richesses de la diversité des cultures locales véhiculées par des langues, des patois, des coutumes, des chants populaires, on minimise et on ignore les crimes du pouvoir. Plus qu’à une unification, on procède à une uniformisation. Avant les musulmans, ce sont les Juifs, les Italiens, les paysans du Languedoc, les corses et même les ouvriers parisiens qui ont dû se plier à la culture dominante.

Conclusion

Le rapport aux textes sacrés des jeunes qui se revendiquent de l’islam recèle un paradoxe. Bien souvent - et cela est vrai en particulier des femmes - ils en appellent à l’autorité des textes pour contester des traditions oppressives, en montrant qu’elles n’ont aucun fondement théologique. Ce recours aux textes leur donne une légitimité qui leur permet de contester efficacement des usages contraignants. Mais en même temps, étant donné que leur force critique repose toute entière sur la révérence à l’égard des textes, cette force peut très aisément se transformer en faiblesse : elle est gagnée au prix d’une valorisation des textes qui interdit toute critique - alors que précisément ces textes sont indéniablement aussi porteurs de dimensions oppressives, pour les femmes notamment. Seul un rapport pacifié à l’islam de la société dans son ensemble peut rendre possible une identification des jeunes à l’islam qui ne relève pas de la défense inconditionnelle. Il est nécessaire de rompre avec la stigmatisation de l’islam, de cesser de le peindre comme un extrémisme ou comme une religion dont les valeurs ne pourraient qu’entrer en contradiction avec celles de la République. C’est à cette condition que deviendra possible une critique raisonnée de certaines normes établies à partir de l’islam - tant par la société dans son ensemble que par ceux qui s’en revendiquent, qui pourront les critiquer sans se sentir obligés d’abandonner leur religion pour accéder aux valeurs démocratiques et à la modernité. Durkheim a montré que le lien social ne peut s’élaborer qu’entre des personnes qui ont besoin les unes des autres, sur des références communes. Prôner l’intégration de la référence musulmane au sein du patrimoine français, ce n’est pas faire pénétrer le religieux dans la République, ni reconnaître des particularismes quelconques, mais bien laisser une place à la référence musulmane au même titre que les autres et se l’approprier collectivement. Ce n’est pas l’intégration mais la marginalisation de l’islam qui pousse ceux qui s’y réfèrent à créer et à développer des « espaces musulmans ». C’est « l’extranéisation » de la civilisation arabo-musulmane par la société française qui pousse naturellement les musulmans à s’organiser entre eux, réinvestissant un mode de « solidarité mécanique », parfois dans des logiques de confrontation avec ceux qui sont « de l’autre côté ». Les individus se construisent alors par rapport à cette référence extérieure, comme dans les sociétés traditionnelles. Ce qui fait lien pour eux, ce n’est plus ce qu’ils font avec les autres, c’est uniquement ce qu’ils font pour Dieu. L’appartenance de l’islam à la culture commune désamorcerait toutes les tendances au repli et à la ségrégation et désactiverait les stratégies de tous ceux qui veulent scinder le monde, d’un côté comme de l’autre. La reconnaissance de l’islam comme partie du patrimoine français passe par la multiplication des débats et des échanges, permettant une clarification, puis une reconstruction des représentations de chacun des acteurs. Sa normalisation, sa « laïcisation », ne peuvent passer que par une appropriation générale, offrant ainsi à chacun une réelle liberté d’établir sa relation propre à cette référence, en dehors des divers enjeux collectifs issus des processus historiques et/ou politiques.

Dounia Bouzar, doctorante en anthropologie, chargée d’études à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, personnalité qualifiée du bureau du Conseil Français du Culte Musulman.

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