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2 décembre 2006 6 02 /12 /décembre /2006 08:51
l’ISLAM POLITIQUE TUNISIEN
Par
Fadila

La seule  question, celle dont l’usage suscite la réflexion philosophique et la révèle à elle-même comme constitutivement politique  est vraiment "qu’est-ce que l’islam politique" ? Le mot, c’est un fait, a depuis longtemps, que ce soit dans le monde musulman, où dans le cas tunisien en particulier, excédé le problème théorico politique du mode de conditionnement idéologique, pour s’étendre à tout type de relation sociale et se surcharger d’un sens qui se dilue dans la pluralité incontrôlée de ses emplois. Dès lors, il est sans doute nécessaire de s’interroger sur la légitimité de  son extension mais point de sa légitimité , car c’est ignorer  la réalité d’une part importante , vitale même de la société tunisienne de progrès , oui de progrès, sa visibilité et son énergie dans tous les domaines démentent tous les préjugés fabriqués à son encontre.L’envisager selon les champs particuliers dans lesquels il a lieu, revenir à l’origine « ijtidahiste » , réformiste, rappeler même sans avoir peur des mots le socle rousseauiste et révolutionnaire qui est contenu  dans son origine, son essence  et sa nature, cela afin de déterminer la torsion que de telles références subissent sous nos yeux.Les relectures ou pseudo lectures qui s’y trouvent engagées et les confusions ainsi produites , souvent ne résistent pas  au bon sens et à la raison. Mais ces rappels à l’ordre de type "définitionnel" qui nous engagent nous musulmans modernistes, même lorsqu’ils sont conduits comme de véritables diagnostics sur la manière actuelle dont les phénomènes sociaux et politiques sont appréhendés ne peuvent suffire. Car, à ne pas considérer aussi pour elle même la façon dont fonctionne ce qu’on appelle et qui s’appelle la démocratie occidentale , on risque de ne jamais manifester que l’impuissance dans laquelle nous sommes à juguler un flux sémantique dont les effets pratiques ne sont pas moins appréciables. Ce qui a lieu effectivement, c’est une certaine forme de régulation globale, globale au sens où toutes les dimensions du social s’y trouvent impliquées - déterminées par le concept de démocratie à la tunisienne. La démocratie est à ce titre un concept normatif qui ne nous est absolument pas étranger , il dispose et organise, légifère culturellement  nos relations  à la base  en marge de l’ordre tyrannique , oui l’islam social et sa projection politique  contemporaine  dans le quotidien des gens pratique une sorte de démocratie participative  que certains nomment solidarité  , résistance identitaire , refus  de se soumettre au penser correct et surtout sans se démonter de répondre aux injonctions de la propagande et du mensonge de la dictature.

Cependant, le caractère normatif du concept indique à lui seul la possibilité d’un autre point de départ : celui qui consiste à prendre le discours démocratique au pied de la lettre en considérant la réalité politique dans laquelle il s’enracine et dont il prétend être l’expression adéquate. La question n’est plus alors "qu’est-ce que l’islam politique ?" au sens où l’on viserait une essence qu’il serait possible de délimiter conceptuellement, mais plutôt "que fait l’islam politique ?", c’est-à-dire comment fonctionne-t-il  et jusqu’où ? A quoi les différents processus qui le manifestent nous destinent-ils ? Quelles sont les conditions actuelles de son exercice, et dans quelle mesure celui-ci ne développe-t-il pas des contradictions qui ne laissent pas d’être inquiétantes, à la fois par elles-mêmes et par l’avenir qu’elles augurent ? De telles questions semblent enferrées dans l’empirie et n’engager qu’un point de vue "de conjoncture", incapable en tant que tel d’élaborer un discours théorique véritablement conséquent. Pourtant, la démarche qui consiste à partir de la forme politique existante n’est nullement exclusive de toute évaluation conceptuelle. Simplement, il faut comprendre que le repère a changé ; on ne juge, ni la forme à l’aune du concept, ni le concept à l’aune de la forme, mais on suit de l’intérieur  de la forme réelle le développement non moins réel du concept, insistant sur le rapport qui lie indissolublement les deux pôles et les détermine dans son mouvement.

La perspective, sinon la méthode, est certainement dialectique. Elle l’est tout particulièrement au sens où elle vise la traduction d’une structure dynamique par laquelle les concepts politiques sont envisagés comme des productions théoriques, et peuvent ainsi être rapportés à la réalité historique dans laquelle ils s’inscrivent. Elle l’est surtout au sens  où elle anime une réflexion politique qui prend appui sur les contradictions réelles de la société tunisienne pour oeuvrer à sa transformation. Que ce soit justement là le propre d’une pensée d’un islam social régénéré et sûr de ses assises, il est bon de se l’entendre rappeler, à l’heure où la revendication des tunisiennes pour le voile par exemple, celles  des anciens prisonniers politiques qui ne renoncent pas à leurs droits même sous toutes les menaces possibles , ignobles et imaginaires  font figure, selon  certaines « consciences » qui gèrent la Tunisie depuis vingt ans comme  un bien privé ,d’énoncé démoniaque, y compris pour une grande partie de l’opposition démocratique tunisienne  elle-même , à l’exception de quelques résistants tunisiens remarquables honnêtes et pragmatiques comme M.Marzouki  ,M.YAHYAOUI, les ABBOU  et quelques autres..

Ce que fait l’islam politique en Tunisie,en vérité ,  c’est qu’il  donne libre cours et malgré tout  à l’avancée de la prise de conscience collective des tunisiens, à son expression à la fois sociale et politique, à sa prise du pouvoir par toutes les forces démocratiques qu’elles soient d’accord ou pas avec lui , il est le seul dans notre pays qui a les moyens humains et intellectuels   de procéder à un profond changement des mentalités ,y compris dans l’archaïsme statufié  des pesanteurs  partisanes et idéologiques. D’ores et déjà cela doit être perçu ainsi, mais peut-il en être autrement pour une cohésion apparente et solide de l’opposition, plus tard cela sera aux tunisiens d’en décider dans un pays apaisé  de ses suffisances et ses rancoeurs. Le constat étant fait, encore faut-il déterminer de quel islam politique il s’agit, quelles sont les conditions réelles de son émergence, et quelle est la fonction politique qu’il remplit. Agir  face à la dictature pour reprendre les slogans rabâchés jusqu’à l’usure par l’opposition et depuis le temps  et qui n’arrive pas  à se transformer en actions concrètes les bonnes intentions malgré  certaines bonnes volontés et malgré les habituels parasites , ne suppose pas seulement qu’on décrypte le discours de la dictature en montrant la forme spécifique qu’il est amené à prendre lorsque, ne reposant plus sur des données pseudo civilisées, il s’"humanise" en utilisant des thématiques culturalistes et différentialistes qui arrivent encore et malgré tout à flouer leur monde  , surtout les habituels thuriféraires ou les quelques médiocrates qui hantent les forums de discussions . Cela suppose aussi et surtout qu’on comprenne la nécessité fonctionnelle des phénomènes d’exclusion des champs publics qu’impose la dictature aux démocrates de toutes les tendances dans le contexte sociopolitique qui leur est propre. La restitution de cette contextualité se produit d’elle-même si l’on veut bien considérer que rejet de l’islam politique par une minorité  d’activistes tunisiens aliénés est l’expression d’une haine aveugle et ancestrale, pour ainsi dire anhistorique, qui ne ferait que varier de mode de manifestation et de pôle d’application au fil du temps et ce depuis la décadence  andalouse. A la limite, dans l’expression de ce rejet qui va jusqu’à la collaboration avec la dictature et le néocolonialisme pour défaire  la culture arabo-musulmane ,  il faut changer l’ordre de la détermination; comprendre que c’est en fonction des caractères spécifiques de son objet - et principalement de la place stratégique par défaut  qu’il occupe dans le champ social - que se déterminent la dictature et ses pré pendes , c’est d’une logique diabolique , pour le système  durer c’est abattre l’islam politique , pour l’aliénation  survivre et exister à n’importe quel prix aux dépend des démocrates authentiques, c’est aussi participer et accélérer l’éradication de cet islam politique. Bref et d’un autre côté aussi pour l’islam politique partie prenante du bloc démocratique , du moins sa majorité moderniste et progressiste, si elle veut être pertinente et efficace sur le plan pratique, son analyse ne peut faire l’économie de considérations en termes de classes et de conflit de classes.

Et en effet, il semble bien qu’il y ait là quelque chose de difficile à digérer pour certaines néfastes habitudes habitués  à la mobilisation clanique , et à l’illégitimité des pouvoirs partisans; ce n’est pas seulement que la question de la réalité de cet islam politique occupe une place particulière dans la classe des dominés, c’est que ses caractéristiques essentielles la rendent quasiment inclassable dans leurs projections obsolètes et sclérosées et requièrent désormais  pour leur compréhension la prise en compte de données historiques qui, continuant d’être opératoires, remettent fortement en cause le schème classique d’intelligibilité que constitue la lutte des classes. Au point que la conclusion rejaillit sur les prémisses : facteur de décomposition de l’unité des partis classiques, le déclaré musulman politique est comme "l’indice qu’en Tunisie du moins, il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de purs rapports de classe" 

Mais on peut aller plus loin encore, jusqu’à renverser les perspectives : si les musulmans tunisiens engagés en politique  peuvent jouer ce rôle de révélateur, imposant aussi bien de considérer la complexité des conflits de classes tels qu’ils se manifestent actuellement, que de refonder nos principes traditionnels d’interprétation, c’est que leur situation caractéristique constitue justement le prisme à la lumière duquel apparaît avec le plus de violence et de netteté la réalité même de l’exploitation et de l’oppression qui saignent la Tunisie ,  réalité que la démocratie libérale et la mythologie progressiste qu’elle véhicule s’évertuent péniblement à masquer. Loin qu’il y ait un problème de l’islam dans la société tunisienne, il y a le phénomène  de la nouvelle visibilité  et la vitalité de cet islam politiquement incorrect et engagé qui pose avec acuité le problème de la question  tunisienne, de la  future Tunisie démocratique dans  ses généralités Voilà l’écho qu’on ne peut ne pas suivre et ne pas entendre .La question de islam politique nous plonge au cœur même de l’interrogation sur la démocratie, sur ce qu’elle fera, sur ce qu’elle sera ou veut être lorsqu’elle pratiquera une politique inégalitaire et met en oeuvre une législation oppressive à l’égard d’une partie de la population.

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