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7 avril 2009 2 07 /04 /avril /2009 14:42
Les 60 ans de l’Otan : Une nouvelle guerre froide contre les damnés de la terre ?

par Prof. Chems Eddine Chitour

« L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain. Les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays-Bas sont dominés par les Américains. Les Anglais aussi, mais d’une autre manière. Alors, il n’y a que la France qui ne soit pas dominée. Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. (...) »
Le général de Gaulle
10 mars 1966 : la France se retire de l’Otan. De Gaulle qui n’a pas été « invité » à Yalta lors du « partage du monde » entre Américains, Soviétiques et Anglais. Il s’agissait en 1966 de préserver l’autonomie d’un programme nucléaire naissant, alors critiqué et contrarié par l’Amérique. 17 mars 2009 : Assemblée nationale française, le Premier ministre François Fillon déclare : L’Otan était un des symboles idéologiques et militaires de la guerre froide, elle n’est désormais qu’une structure parmi d’autres. En 2009, notre retour est un ajustement qui ne provoque aucun émoi dans le concert des nations. Nous pouvons rester amis avec les Américains sans être leurs subordonnés, notre nation ne reçoit d’ordre de personne. (...) Pour le député Laurent Fabius : « Le général de Gaulle était opposé au monde bipolaire et il appelait à un monde multipolaire. Alors que ce monde multipolaire est en vue, vous vous raccrochez à la logique des blocs. »

Hubert Védrine ajoute : « De Gaulle avait pris cette décision après huit années de demandes infructueuses auprès des Américains pour que les alliés européens puissent se faire entendre au sein de l’Alliance, et pour ne pas cautionner la nouvelle et dangereuse stratégie nucléaire de "riposte graduée." Par la suite, tous ses successeurs, de droite comme de gauche, ont respecté cette décision stratégique devenue la pierre de touche de la politique étrangère et de défense de la France. Alors, pourquoi cette rupture ? (...) Les inconvénients politiques sont évidents : envoyer au monde un signal de réalignement de la France, qui sera politiquement interprété comme tel, avec le déclassement et les risques qui en résulteront. »(1)

Retour en bref sur l´histoire de cette Organisation, fer de lance de l´impérialisme américain sur le continent européen. Le 4 avril 1949 : les USA, le Canada, et 10 autres États d´Europe de l´Ouest signent le Traité de Washington pour créer l’Otan : l´Organisation du traité de l´Atlantique Nord. L´article 5 du Traité stipule que « les parties sont d´accord sur le fait qu´une attaque armée contre l´un ou plusieurs d´entre eux en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque contre tous. » Le 19 novembre 1990 : fin de la guerre froide, l´Otan et le Pacte de Varsovie font publiquement une déclaration conjointe de non-agression. 8 mois plus tard, l´Organisation du Traité de Varsovie est officiellement dissoute., le 16 décembre 1995, l´Otan lance la plus grande attaque militaire en soutien à l´accord de paix de Bosnie le 24 mars 1999.(2)

On aurait pu croire qu´avec la fin de la guerre froide, il y aurait un démantèlement de l´Otan comme celui du Pacte de Varsovie. Il n´en fut rien. Comme disait le premier secrétaire général de l´organisation transatlantique, Lord Ismay, l´Otan, c´est « Keep the Americans in, the Soviets out and the Germans down ». Or si les Soviétiques sont « out » depuis 1989 et qu´il n´y a plus de raison de garder l´Allemagne « down », les Américains sont, eux, toujours bel et bien « in ». En fait, depuis la fin de la guerre froide, l’Otan vasouille, elle hésite sur son avenir et sa stratégie, c’est parce que l’Otan a changé de nature et même d’ennemi ce n’est plus à proprement parler la Russie, mais l’Axe du mal représenté principalement par des nations musulmanes (Irak, Iran, Lybie). Une explication est donnée par Ron Paul, candidat à l´investiture présidentielle de 2008 : « L´Otan est une organisation dont l´objectif s´est terminé avec la fin du Pacte de Varsovie, l´adversaire. Quand l´Otan s´est activée pour redéfinir son futur après la guerre froide, elle a fini par attaquer un Etat souverain, la Yougoslavie, qui n´avait ni envahi ni menacé aucun Etat membre de l´Otan. L´expansion de l´Otan ne bénéficie seulement qu´au complexe militaro-industriel US, qui va profiter de l´accroissement des ventes d´armes aux nouveaux membres de l´Otan....) l´Otan devrait être démantelée et non élargie. »(3).

S’agissant, justement, de l’expédition punitive de l’Otan en Yougoslavie, pour le Premier ministre serbe Mirko Cvetkovic « les bombardements de l’Otan, lancés il y a dix ans sont contraires au droit international et perpétrés sans une décision de l’ONU ». En définitive, nous restons sur notre faim. Dans une contribution pertinente Serge Halimi du Monde Diplomatique s’interroge : « A quoi sert l’OTAN ? » Nous l’écoutons : « Monsieur Nicolas Sarkozy voulait que sa présidence marque la rupture avec un "modèle social français". A-t-il alors résolu d’en finir avec une autre tradition française, celle de l’indépendance nationale ? (...).De complaire à des industriels de l’armement, amis de M.Sarkozy, qui escomptent qu’un retour de la France dans le rang leur permettra de vendre davantage d’équipements militaires ? Plus vraisemblablement, l’Elysée espère tirer parti de la sympathie qu’inspire le nouveau président des Etats-Unis pour tordre le cou à une impardonnable exception française. Celle qui, au moment de la guerre d’Irak, vit Paris se dresser contre tous les docteurs Folamour du "choc des civilisations". Au grand dam de bien des partisans actuels de M.Sarkozy - dont M.Bernard Kouchner, son ministre des Affaires étrangères ». « Invoquant la transformation de la planète en une "terre sans frontières", une courte majorité de députés européens (deux cent- quatre-vingt-treize voix contre deux cent- quatre-vingt-trois) vient ainsi de réclamer, le 19 février, que dans "des domaines tels que le terrorisme international (...), la criminalité organisée, les cybermenaces, la dégradation de l’environnement, les catastrophes naturelles et autres", un "partenariat encore plus étroit se noue entre l’Union européenne et l’Otan. Sous forme d’élégante métaphore, l’exposé des motifs précise que, "sans dimension militaire, l’Union n’est qu’un chien qui aboie mais ne mord pas". Décidément désireux de ne nous épargner aucune ficelle, les députés atlantistes adossent leur propos à un rappel des "heures sombres de notre histoire", de Hitler, de Munich, sans oublier de citer "Elie Wiesel, survivant de l’Holocauste". "N’aimerions-nous pas que quelqu’un vienne à notre secours quand nous pleurons ?", plaident-ils. Sécher les larmes des civils n’a pourtant jamais constitué le talent principal des officiers américains. Ni lors de la guerre du Kosovo, ni lors de celle d’Irak, conduites en violation de la Charte des Nations unies. (...) »(4)

Jean Mardouk économiste en se posant la même question explique la position de la Russie dans le conflit géorgien : « A quoi sert l’Otan ? Elle avait pour but de regrouper les pays capitalistes de l’ouest de l’Europe et des Etats-Unis pour leur défense contre une supposée attaque soviétique. A quoi servait-elle encore à partir du moment ou l’Urss avait disparu et où la Russie, au demeurant bien affaiblie, ne menaçait plus personne ? A rien ! (..) Comment voulait-on que Poutine ressente la précipitation des nouveaux membres de l’Union à adhérer à l’Otan ? Et comment pouvait-il accepter de sentir sa Russie bafouée par les demandes d’adhésion à l’Otan des ex-membres de l’Union soviétique, comme la Géorgie, justement, et l’Ukraine ? Des grands dirigeants auraient mené à la fois une politique pro-européenne et une politique très prudente vis-à-vis d’un grand voisin dont tout montrait qu’il redeviendrait puissant, sans pour autant être agressif. Sauf à ce qu’on le provoque ! (..) Imaginons ce que serait la situation si la Géorgie était aujourd’hui membre de l’Otan, censée assurer la "sécurité" de ses membres. »(5)

Le conflit entre la Russie et l’Alliance atlantique est donc désormais au coeur des tensions mondiales. Cette tendance russe à barrer l’expansion de l’Occident dans l’Est européen a généré une contre-offensive remarquable de l’armée russe en Géorgie, dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. Outre la Russie et l’Otan, la troisième pièce du kaléidoscope international actuel est le fondamentalisme islamique, qui s’exprime soit à travers des réseaux terroristes, soit dans des structures étatiques. De l’évolution des rapports de ces trois acteurs de la dynamique internationale - l’Otan étant à l’avant-garde de la globalisation démocratique - dépend la structuration du pouvoir au niveau planétaire dans les prochaines années.(6)

Mieux encore, réunissant sept pays de l’ex-Urss (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizistan, Russie, Tadjikistan et Ouzbékistan), l’Organisation du traité de sécurité collective (Otsc) a décidé « de renforcer sa composante militaire » à l’issue d’un sommet à Moscou le 5 septembre. L’Otsc dispose d’une force de réaction rapide forte de 4000 hommes répartis en dix bataillons et d’une base aérienne à Kant, au Kirghizistan. Désormais, l’Otsc aura son quartier général à Moscou, mais « avec un statut extraterritorial, à l’instar du quartier général de l’Otan à Bruxelles ». Dans la déclaration, les membres de l’Otsc « appellent les pays de l’Otan à mesurer toutes les conséquences de l’élargissement de l’Alliance atlantique vers l’est et du déploiement de son bouclier antimissile aux frontières des Etats membres ». « Moscou se prépare à transformer l’Otsc en bloc militaire, à l’image du Pacte de Varsovie » à l’époque de la guerre froide.(7)

En fait, l’ancienne Otan, après la fin de la guerre froide devait être mise au service d’une nouvelle idéologie pour gouverner le monde. Le « Projet pour un nouveau siècle Américain » ou Pnac fait partie d’un projet plus large, appelé New Citizenship Project (Projet pour une nouvelle citoyenneté).Ses opinions sont les suivantes : la domination du monde par les États-Unis profite à la fois aux États-Unis et au reste du monde. Cette domination nécessite l’usage de la force militaire, d’un jeu d’influence diplomatique et d’un engagement à des principes moraux. Il incombe aux dirigeants des États-Unis, au niveau de la légitimité et de la responsabilité, de gérer cette domination mondiale. Les États-Unis doivent user de leur supériorité afin d’obtenir une autorité absolue par tout moyen nécessaire. Parmi les propositions, nous citons l’abandon des négociations sur la limitation des armements stratégiques. L’utilisation de la force militaire en cas d’échec de la diplomatie, à l’encontre de n’importe quel pays qui gênerait les intérêts et/ou objectifs des États-Unis. L’installation de bases militaires américaines sur l’ensemble du globe pour créer un Global Constabulary (police mondiale), imposant la volonté des États-Unis. (8)

Rien n’indique que l’administration Obama abandonne le Pnac Pour le diplomate singapourien, Kishore Mahbubani, de petits événements annoncent parfois un grand changement. Le fiasco géorgien pourrait bien être l’un de ceux-là. « (..) Il indique un retour bien plus important : celui de l’Histoire. L’après-guerre froide avait débuté sur une note de triomphalisme occidental, symbolisé par le livre de Francis Fukuyama La Fin de l’Histoire et le dernier homme. Le titre, audacieux, reflétait l’esprit de l’époque en Occident. L’Histoire s’était achevée avec le triomphe de la civilisation occidentale : le reste du monde n’avait pas d’autre choix que de capituler devant son avancée. En Géorgie, la Russie a clamé haut et fort qu’elle ne capitulerait plus face à l’Occident. Après vingt ans d’humiliation, les Russes ont décidé de montrer les dents. Et, d’ici peu, d’autres feront de même. Grâce à sa puissance écrasante, l’Occident a fait intrusion dans l’espace géopolitique de pays assoupis qui émergent aujourd’hui, particulièrement en Asie. (...)De même, tous les commentateurs musulmans notent que les Etats-Unis ont eux aussi envahi illégalement l’Irak. Ni l’Inde ni la Chine ne sont enclines à protester contre la Russie. (..) »

« En réalité, la plupart des pays soutiennent la Russie contre le harcèlement de l’Occident : le fossé entre la position occidentale et celle du reste du monde ne pourrait être plus profond. (...) Il est donc crucial que les Occidentaux tirent les bonnes leçons de la Géorgie Après l’effondrement de l’Urss, les penseurs occidentaux ont présumé que l’Occident n’aurait plus jamais à faire de compromis géopolitique, qu’il pourrait imposer ses conditions. Il doit aujourd’hui se rendre à la réalité : la population cumulée de l’Amérique du Nord, de l’Union européenne et de l’Australasie [Australie et Nouvelle-Zélande] est de 700 millions de personnes, soit environ 10% de la population mondiale. Les 90% restants sont passés du statut d’objets à celui de sujets de l’histoire mondiale.(...) La vraie question stratégique est de savoir si le principal défi provient du monde musulman ou de la Chine. Depuis le 11 septembre 2001, l’Occident a agi comme si c’était le monde musulman. Mais, plutôt que de concevoir une stratégie à long terme pour gagner la confiance des 1,2 milliard de musulmans, l’Occident a sauté sans réfléchir sur le monde musulman. D’où l’échec qui se profile en Afghanistan et en Irak, et l’aggravation de l’hostilité du monde musulman. (...) » (9)

Nous laissons le diplomate Mahbubani conclure : « Les penseurs occidentaux doivent décider quel est le vrai problème à long terme. Si c’est le monde musulman, les Etats-Unis doivent cesser de s’immiscer dans la sphère géopolitique russe et travailler à un dialogue durable avec la Chine. Si c’est la Chine, ils doivent rallier à leur cause la Russie et le monde musulman, et résoudre la question israélo-palestinienne. Cela permettra aux gouvernements des pays musulmans de collaborer plus étroitement avec les Occidentaux dans la lutte contre Al Qaîda. (..) Mais l’absence d’une stratégie mondiale cohérente à long terme et l’incapacité à faire des compromis géopolitiques sont les principaux obstacles pour parvenir à un ordre mondial stable. ».(9)

Il vint en définitive que l’existence de l’Otan est à bien des égards un danger pour la paix du Monde. A moins que le fait de le maintenir est de continuer sa "mission" pour le compte du monde libre. L’Otan continuera alors à "normaliser " les récalcitrants pour le plus grand bien de l’Oncle Sam. "Business as usual" Ainsi va le monde ; Les Etats Unis s’occupent de faire la cuisineet l’Europe est là pour faire le méage et servir d’intendance. On comprend alors, la réaction de la Russie que l’on avait un peu trop vite enterrée et qui a montré à l’Europe avec "l’épisode test de la Géorgie", qu’elle avait toujours son potentiel intact. Il reste les damnés de la terre que les passé coloniaux ont laminé et qui n’arrivent pas à sortir de l’impasse d’autant qu’ils recèlent , pour leur malheur des ressources minières et pétrolières convoitées. les différents commandements installés ça et là auront pour rôle de baliser les parcours et tenir en respect les peuples trop turbulents.

1. Hubert Védrine : Pourquoi il faut s’opposer à une France atlantiste. Le Monde, 5 mars 2009
2. C.E.Chitour : L’empire américain se met en place L’Expression 10 avril 2008
3. Ron Paul. Intervention au Congrès. Source www.antiwar.com 01/04/08
4. Serge Halimi : A quoi sert l’Otan : Le Monde Diplomatique. Mars 2009
5. rue89

6. Serban Papacostea Quand l’OTAN supplante l’ONU. Courrier international 4 sept. 2008
7. Moscou devient le QG d’un bloc militaire anti-Otan. Komersant 8 sept. 2008
8 . Reopen911
9. Kishore Mahbubani-Pour l’Occident la Géorgie est une leçon Courrier international 28/ 08/ 2008.
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique

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