Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Recherche

8 avril 2009 3 08 /04 /avril /2009 09:35


Géopolitique du Qatar : la construction d’une image flatteuse entachée de paradoxes !!

 

 

 

 par Nabil Ennasri
OUMMA

Le Qatar… Si le nom de ce minuscule pays avait été cité il y a une dizaine d’années, très peu de personnes auraient pu le situer sur une carte. Aujourd’hui, pas un jour ne passe sans que cet émirat ne fasse parler de lui dans la presse occidentale. La raison est simple : ses dirigeants veulent en faire un élément incontournable dans la gestion des affaires du monde et faire ainsi de leur pays un modèle pour le monde arabe. Au risque de contradictions et de paradoxes multiples.

Le Qatar, l’un des plus petits pays de la planète et figurant parmi les moins peuplés du monde arabe, fait aujourd’hui figure de trublion et d’enfant terrible du Golfe arabo-persique. En effet, depuis quelques années, cet émirat, dont les faiblesses intrinsèques sont éclatantes, laisse entrevoir des ambitions démesurées. D’une très faible superficie (11 437 km2) et très peu peuplé, ce pays dispose cependant de réserves en hydrocarbures impressionnantes... Le contraste est donc saisissant entre la taille de l’émirat et l’ampleur de ses richesses en pétrole mais surtout en gaz naturel.

Avec une population estimée en 2008 à 1,1 million d’habitants dont seulement à peine 250 000 nationaux, et une superficie du même ordre que la Corse, le Qatar est le deuxième producteur mondial de pétrole par habitant. On estime ses réserves de gaz naturel à 5% du total mondial ce qui place l’émirat au troisième rang mondial derrière la Russie et l’Iran[1]. Le pays a connu ces dernières années, à l’instar de ses voisins, une augmentation substantielle de ses revenus à la faveur de l’explosion du prix du baril de pétrole.

Le produit intérieur brut (PIB) par habitant, 70 754 dollars en 2007, est l’un des plus élevés du monde et le pays a pu ces dernières années amasser des masses considérables de liquidités. Dotée de cette puissance financière et à l’heure de la crise du système capitaliste, le Qatar joue désormais, tout comme les autres pétromonarchies du Golfe, un rôle grandissant dans la gestion des affaires du monde[2].

Etat neuf[3] et faible selon les critères « réalistes » de la puissance, le Qatar mène néanmoins depuis une dizaine d’années une politique originale destinée à se doter d’une visibilité internationale. L’émirat jouit depuis quelques temps d’une aura et d’une image assez flatteuse, ce qui ne manque pas d’irriter ses voisins.

Cette politique a été pensée et voulue par l’Emir du Qatar, Cheikh Hamad bin Khalifa al Thani, qui avait destitué son père en juin 1995, et qui déploie depuis une énergie importante à différents niveaux pour faire de sons pays un modèle pour le Golfe. Cette activité se déploie dans différents domaines : diplomatique, médiatique, religieuse, sportive et culturel. Cependant, les contradictions de cette politique ne manquent pas faisant ainsi du Qatar un pays aux multiples paradoxes.

I – Une activité diplomatique intense, originale et contradictoire

La diplomatie qatarienne est certainement, à l’heure actuelle, la plus active du monde arabe. Du dénouement de la crise libanaise en passant par le retour en force de la diplomatie française au Proche-Orient (par le biais du rapprochement opéré avec la Syrie ces derniers mois[4]) sans oublier le règlement heureux de “l’affaire“ des infirmières bulgares etc., le Qatar a toujours joué un rôle décisif dans les récentes crises qui ont secoué le monde arabe. Distribuant ses pétrodollars ou invitant les différents protagonistes à Doha pour amorcer un dialogue, les dirigeants du Qatar veulent ainsi faire de leur pays un élément moteur pour la résolution des conflits dans le monde, et particulièrement ceux du monde arabe. Néanmoins, cette politique frénétique révèle également un certain nombre de contradictions qui font partie intégrante de la singularité de l’émirat.

Siège du Centcom (Commandement central américain basé à Doha et d’où les guerres d’Afghanistan et d’Irak ont été coordonnées) le Qatar abrite aussi la très célèbre chaîne d’information en continu Al Jazira. Or, cette chaîne s’est d’abord illustrée pour sa liberté de ton (fait longtemps rare pour un média arabe) mais aussi pour une ligne éditoriale souvent décrite comme foncièrement anti-américaine. Comment donc expliquer que le Qatar puisse offrir aux Etats-Unis une plateforme militaire et de grandes facilités matérielles pour leurs différentes aventures guerrières dans le monde musulman et, dans le même temps, abriter la chaîne d’information la plus populaire du monde arabe mais qui a longtemps adopté un ton anti-américain ? Cette importante contradiction trouve sa source dans plusieurs raisons.

La principale est l’accession au pouvoir du nouvel émir en 1995 qui marque le début d’une importante transformation dans la politique qatarienne et notamment dans la conduite des affaires étrangères du pays. Très vite, le nouveau souverain va s’entourer d’une nouvelle équipe de jeunes formés aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Son projet est de faire de l’émirat un pays moderne, résolument tourné vers l’avenir en lui forgeant une image attractive sur la sphère internationale. Pour ce faire, l’émir va mener une politique d’alliance étroite avec les Etats-Unis qui va quasiment faire du Qatar un Etat “satellite“ de Washington tellement cette alliance sera fusionnelle.

 La justification de cette politique sera double ; d’abord, une prise en compte réaliste de la faiblesse des éléments de puissance du pays mais également, une compréhension très pragmatique des enjeux géostratégiques qui traversent la région. En clair, les élites dirigeantes à Doha percevant leur pays comme un Etat très petit, richissime et hautement vulnérable se sont résolument orientées vers l’assurance américaine pour assurer leur sécurité dans une région à grands risques. Coincé dans un triangle “très chaud“ (frontalier avec l’Arabie Saoudite, le Qatar fait également face à l’Iran dans une région qui comprend l’Irak) le rapprochement stratégique très net avec Washington n’est donc pas le choix du cœur mais plutôt celui de la raison.

Ainsi, depuis 2002, le Qatar a joué un rôle grandissant dans le dispositif militaire régional américain. A la veille de l’invasion anglo-américaine de l’Irak, l’émirat avait été choisi par le Pentagone pour installer le Centcom dans une période où les relations entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis traversaient une période de tensions. L’administration Bush avait alors réduit sa présence militaire dans le royaume saoudien pour concentrer sa présence au Qatar pour le plus grand bénéfice de l’émir qui voyait ainsi son pays sécurisé par le parapluie américain. A titre d’exemple, les Etats-Unis ont achevé de construire au début des années 2000 deux énormes bases militaires au sud de Doha, Al-Odeïd et Al Sayliyah, qui ont servi de plate-forme pour la conduite des opérations militaires en Afghanistan puis en Irak[5].

Cette relation de quasi-dépendance à l’égard des Etats-Unis et de coopération assumée n’est pas le seul volet qui fait du Qatar un pays à part dans la région du Golfe. Comme la majorité des régimes arabes, le Qatar est favorable à un règlement négocié de la question palestinienne. Il est toutefois plus offensif dans sa recherche d’un rapprochement avec l’Etat hébreu. La poursuite d’une normalisation avec Israël représente une constante de la diplomatie qatarie. Celle-ci commence dès janvier 1994 lorsque le régime se lance dans la normalisation économique avec Israël et négocie un contrat de ravitaillement en gaz naturel (critiqué par les pays voisins, notamment l’Arabie saoudite, le projet sera finalement abandonné, officiellement à cause d’une rentabilité insuffisante). Ainsi, depuis les accords d’Oslo de 1993, des dirigeants qatariens rencontrent régulièrement des responsables israéliens et ce, même en période de crise.

En septembre 1996, Doha accueille la première représentation commerciale israélienne dans le Golfe. En novembre 1997, le Qatar est le siège de la quatrième Conférence économique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (plus connue sous son sigle anglo-saxon MENA)[6]. En juillet 2002, cheikh Hamad ben Jassim ben Jaber al Thani, alors puissant ministre des Affaires étrangères rencontre son homologue Shimon Pérès alors que les Etats arabes avaient décidé de boycotter publiquement Israël en raison de la répression de l’Intifada. Cette relation particulière a même poussé le Qatar à chercher, en avril 2005, le soutien d’Israël pour l’attribution d’un siège de membre temporaire au Conseil de sécurité des Nations Unies[7]… Shimon Pérès, vice-Premier ministre israélien, s’est rendu en visite officielle au Qatar les 30 et 31 janvier 2007 (où il s’était déjà rendu en 1996 en qualité de Premier ministre) et a été reçu par l’émir. La dernière rencontre, hautement symbolique, a eu lieu en avril 2008 lorsque la ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni, a rencontré l’émir du Qatar et d’autres hauts dirigeants qatariens à Doha, en marge du Forum sur la Démocratie de Doha[8].

Le Qatar est donc l’un des seuls pays arabes à entretenir des relations aussi directes et courtoises avec l’Etat d’Israël. Cette politique d’ouverture et de dialogue avec l’Etat hébreu caractérise donc le petit émirat ce qui ne manque pas d’irriter ses voisins et en premier lieu l’Arabie Saoudite. Mais, à la différence de ceux-ci, le Qatar a toutefois le mérite d’assumer totalement cette politique et de la conduire avec une totale franchise et de manière transparente.

Point n’est besoin ici de cacher une réalité que tout le monde connaît[9]. Le Premier ministre qatarien, également ministre des Affaires étrangères, n’a d’ailleurs cessé de le marteler ces dernières années : “La politique du Qatar est claire. Nous ne voulons rien cacher à notre peuple“[10]. De plus, la relation de dépendance entre le Qatar et les Etats-Unis en matière militaire et politique, ne concerne pas uniquement le Qatar. Dans la région du Golfe, comme de manière plus large au Moyen-Orient, elle est plus la règle que l’exception. Mais le Qatar a cette caractéristique de l’afficher sans équivoque ce qui contraste précisément avec le grand frère saoudien.

Cette intense activité diplomatique, l’implication assumée du Qatar aux côtés de son protecteur américain et la relation privilégiée que le pays noue avec l’Etat d’Israël ne peuvent cependant être comprises sans tenir compte de deux autres éléments importants dans le dispositif qatari : la chaîne satellitaire Al Jazira et le cheikh Youssef Al-Qaradawi. La première incarnant la légitimité démocratique et panarabe du Qatar, le second sa légitimité islamique. Tous deux constituent néanmoins des contrepoids et des forces qui s’opposent, de manière relative, à la ligne diplomatique des dirigeants du Qatar.

II – Une scène médiatique pionnière, florissante et paradoxale

La chaîne satellitaire d’information en continu Al Jazira est sans aucun doute l’élément qui a permis au Qatar de jouir d’une grande publicité à l’échelle internationale. Cette chaîne est probablement plus connue que le pays où elle a été créée. Alors qu’elle n’émettait que six heures lors de ses débuts (la chaîne a été lancée le 1er novembre 1996), Al Jazira va très vite se révéler être le media le plus populaire et le plus suivi du monde arabe. Car la chaîne satellitaire va ainsi offrir à ses téléspectateurs arabes une information non censurée et les commentaires les plus libres que ceux-ci n’aient jamais pu entendre dans leur langue. Al Jazira s’est donc d’abord fait connaître par sa liberté de ton mais aussi par sa manière de couvrir l’actualité du monde musulman.

Elle est devenue célèbre en décembre 1998 par sa couverture, depuis l’Irak, de l’opération « Renard du désert » ; puis, à partir de septembre 2000, par sa couverture de la deuxième Intifada palestinienne. Quant à sa consécration internationale, Al Jazira la doit à sa présence à l’automne 2001, à Kaboul et à Kandahar, comme seul témoin de la « première guerre du siècle » contre le terrorisme.

 Dans la foulée, les messages d’Oussama Ben Laden, dont elle détient la quasi-exclusivité, rendront la chaîne célèbre dans les foyers américains et européens et controversée sur la scène mondiale. Au printemps 2003, la guerre contre l’Irak va classer le site de la chaîne à la huitième place des mots-clés les plus recherchés sur le moteur de recherche AltaVista et en quatrième position sur Google. En avril 2004, la chaîne est le seul média à figurer parmi les cent « personnalités mondiales les plus influentes » publiée par l’hebdomadaire américain Time. Depuis, Al Jazira a pu se développer et élargir son offre. Elle dispose de filiales sportive, éducative et même d’une chaîne d’information en continu en anglais[11].

L’origine de ce phénomène est là encore à mettre à l’actif des élites dirigeantes à Doha. Car Al Jazira est née d’une double volonté : celle de l’émir voulant lancer un media novateur dans un espace médiatique largement occupé par l’offre saoudienne et celle de journalistes arabes souhaitant relancer l’expérience[12] d’une chaîne télévisée affranchie de la tutelle de l’Arabie Saoudite et des autres régimes autoritaires de la région. En prenant la décision tout à fait inédite de faire financer la nouvelle chaîne par son gouvernement tout en lui laissant une entière indépendance, l’émir du Qatar a ainsi permis à son minuscule pays de conquérir toute la région, par la plume plutôt que par l’épée[13].

Cependant, les ambigüités, voire les paradoxes qui traversent la chaîne ne manquent pas. En effet, si la politique étrangère de l’émirat est très souvent alignée sur celle de Washington, elle a souvent été occultée par la chaîne. Pendant de nombreuses années, et notamment dans les mois précédant l’invasion anglo-américaine en Irak, Al Jazira a concentré ses critiques sur le positionnement de l’Arabie Saoudite ou d’autres pays tels que le Koweït[14] invitant même des opposants saoudiens à venir s’exprimer sur la chaîne ce qui a courroucé de manière durable les dirigeants saoudiens. Cette situation a ainsi largement contribué à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays à l’automne 2002.

La ligne éditoriale de la chaîne, surtout lors de ses premières années, s’est surtout attachée à critiquer les régimes autoritaires du monde arabe et à dénoncer de manière virulente la diplomatie de la canonnière des Etats-Unis et la politique israélienne à l’égard des Palestiniens. Cette ligne a causé bien des soucis à la chaîne et lui a causé de nombreux ennemis, un célèbre journaliste américain la qualifiant de « petite chaîne qui a une grande gueule »[15]. Des centaines de plaintes en provenance des régimes de la région ont été déposées et les Etats-Unis ont, à plusieurs reprises, demandé de manière insistante à l’émir des changements radicaux au sein de la chaîne[16]. Néanmoins, il a rarement été question dans les célèbres talk-shows de la chaîne ou dans les nombreux reportages d’investigation du positionnement du Qatar face à l’agression américaine en Irak ou du dialogue avec Israël[17].

En tout état de cause, Al Jazira a incontestablement permis au Qatar de jouir d’un certain prestige à l’échelle mondiale. Devenue la référence médiatique dans le monde arabe et un producteur d’images et d’informations majeur dans l’espace médiatique global, la chaîne constitue donc un pari gagné pour cette élite dont la volonté est également d’engager un processus (réel mais timide) de modernisation et de démocratisation. D’ailleurs, le modèle d’Al Jazira a permis de remodeler l’espace médiatique arabe et de nombreuses autres chaînes d’information en continu ont vu le jour dans son sillage[18].



[1] Pour ces informations et ces chiffres, voir le site du ministère français des Affaires étrangères, www.diplomatie.gouv.fr.

[2] « Dubaï, le Qatar et Abu Dhabi investissent la finance occidentale », Le Monde, 22 septembre 2007.

[3] Proclamation d’indépendance le 1er septembre 1971 avec abrogation du traité de 1916 qui liait le Qatar au Royaume-Uni pour sa défense et ses affaires étrangères.

[4] « Le parrainage actif du Qatar derrière le rapprochement avec Damas », Le Monde, du 3 septembre 2008.

[5] Pour une analyse détaillée de cette alliance et des ses enjeux, on pourra se référer au mémoire en vue de l’obtention du Master II – Recherche « Politique comparée » rédigé par l’auteur de ces lignes. Cf. Nabil Ennasri, « Le champ politico-religieux du Qatar : une vision estudiantine », Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, 2006. Mémoire rédigé sous la direction du professeur François Burgat. La première partie du mémoire est ainsi consacrée à une analyse fine de la politique menée par les dirigeants du Qatar. Ce mémoire avait été rédigé après une enquête de terrain de six semaines dans l’émirat elle-même précédée d’un stage de langue, quelques mois plus tôt, de deux mois au Qatar.

[6] Cette conférence avait été à l’origine d’une violente polémique, la plupart des Etats arabes fustigeant la participation israélienne qui avait été officiellement annoncée. Sur les enjeux de cette conférence et sur la stratégie adoptée par le Qatar, voir notamment Françoise Sellier « Le Qatar dans la cour des grands », Le Monde diplomatique, Novembre 1997.

[7] Cité in Nabil Ennasri, « Le champ politico-religieux du Qatar : une vision estudiantine », op.cit. Information relatée dans un article du Jerusalem Post (édition française). L’article en question est disponible en annexe du mémoire.

[8] Cette rencontre au sommet est notamment intervenue quelques semaines après l’offensive israélienne sur Gaza de mars 2008 qui s’était soldée par la mort de plus de 120 Palestiniens soulevant une vague d’indignation dans le monde arabe. Enfin, rappelons aussi que l’émir s’est entretenu avec le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, à la faveur de leur participation au sommet de l’Union de la Méditerranée, à Paris, le 13 juillet 2008

[9] Cette stratégie est encore ici à mettre en parallèle avec l’hypocrisie qui caractérise la politique de nombreux Etats arabes. Concernant la guerre en Irak, le choix du Qatar avait été pleinement assumé ce qui ne fut pas le cas de l’Arabie Saoudite par exemple. Sur ce cas, voir notamment l’article éclairant d’Alain Gresh, « Les grands écarts de l’Arabie Saoudite », Le Monde diplomatique, Juillet 2003 où il est écrit : « Preuve de la connivence entre les deux pays, l’aide silencieuse mais efficace apportée par Riyad aux Etats-Unis durant la guerre contre l’Irak, en dépit des démentis officiels. Dans les semaines qui ont précédé l’intervention militaire, le nombre de soldats américains sur le territoire du royaume est passé à près de 10 000 [ce chiffre a donc doublé car le volume habituel des militaires américains présents sur le sol saoudien est de l’ordre de 5 000], la base Prince Sultan servant de centre de commandement de toutes les opérations aériennes. (…) « Jamais nous n’aurions pu mener la guerre contre l’Irak comme nous l’avons fait sans l’aide de l’Arabie », résume un diplomate américain ».

[10] Cité in Nabil Ennasri, « Le champ politico-religieux du Qatar : une vision estudiantine », op. cit.

[11] Olfa Lamloum, Al Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, La Découverte, Paris, 2004.

[12] De nombreux journalistes d’Al Jazira travaillaient jusqu’en 1996 auprès des services arabes de la BBC à Londres.

[13] « Nous ne possédons ni armée, ni char, rappelle un jeune diplomate qatarien, rien qu’Al-Jazira », cité in David Hirst, « La télévision arabe qui dérange », Le Monde diplomatique, Août 2000. Ce propos peut bien résumer à lui seul les raisons qui ont poussé les dirigeants du Qatar a lancé cette initiative médiatique retentissante et la  satisfaction, voire l’orgueil que peut désormais en tirer l’élite au pouvoir à Doha.

[14] Dans ces deux pays, comme dans d’autres du monde arabe, les bureaux d’Al Jazira ont régulièrement été fermés et ses journalistes expulsés.

[15] Ed Bradley, animateur de la célèbre émission américaine « Sixty minutes » sur CBS. Voir notamment, « La “CNN“ arabe dérange toujours », Le Monde, 10 février 2006.

[16] Olfa Lamloum, Al Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, op. cit. Preuve de sa grande capacité de nuisance, les Etats-Unis ont même envisagé de bombarder la chaîne ! Voir notamment, « Selon le “Daily Mirror“, M. Bush a envisagé de bombarder Al Jazira », Le Monde, 22 novembre 2005.

[17] De manière éclairante, Al Jazira a ainsi quasiment occulté l’entrevue entre l’émir du Qatar et la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni. Preuve comme quoi, Al Jazira a, malgré sa liberté de ton certaine, certaines limites à ne pas dépasser.

[18] Parmi elles, il faut évoquer le cas de la chaîne Al Arabiya qui est la principale concurrente d’Al Jazira. Financée par le groupe Middle East News (MEN) qui détient également MBC (Middle East Broadcasting Center), et par d’autres investisseurs arabes (du Koweït, d’Arabie Saoudite et du Liban notamment), la nouvelle chaîne fut initialement dotée d’un capital de 300 millions de dollars sur cinq ans, ce qui représente le double des frais de fonctionnement alloués à Al Jazira. Lancé le 5 mars 2003 à Dubaï par cheikh Mohamed ben Rached Al Maktoum, prince héritier de Dubaï, l’objectif de son lancement était clairement de contrer Al Jazira en offrant une lecture et une analyse de l’actualité qui, bien sûr, allait épargner toute critique à l’endroit des familles régnantes de la péninsule arabique. Par contre, dans un jeu de miroir plutôt mordant, Al Arabiya a longuement couvert l’entrevue entre les dirigeants qatariens et Tzipi Livni en avril dernier…

Géopolitique du Qatar : la construction d’une image flatteuse entachée de paradoxes ! (2/2)

 

 

 


III – Un volet religieux utile mais ambigu

Comme le rappelait l’historien libanais Albert Hourani dans son ouvrage Histoire des peuples arabes[1], « tout gouvernement arabe qui voulait survivre devait traditionnellement défendre sa légitimité en trois langues politiques : le nationalisme, la justice sociale et l’islam ». Pour le Qatar, c’est le charismatique Cheikh Al Qaradawi qui offre cette légitimité. Le Cheikh permet ainsi au Qatar de bénéficier de deux atouts majeurs. Vivant au Qatar, et titulaire de la nationalité du pays, le ‘alem (savant religieux) d’origine égyptienne donne au pays un rayonnement international certain, et particulièrement dans le monde musulman. Il offre, dans le même temps, aux autorités du petit émirat une légitimité religieuse inespérée.

Youssouf Al Qaradawi, installé au Qatar depuis 1961 est une puissance à lui tout seul. Agé de 83 ans, son émission dominicale diffusée sur Al Jazira, “Ashari’a wal hayat“ (“La Charia et la vie“) est suivie par plus de dix millions de personnes à travers le monde. Il préside deux sites internet, islamonline.net et qaradawi.net[2] qui figurent parmi les sites islamiques les plus visités. Ses cassettes audio et vidéo se vendent jusqu’en Indonésie et en Amérique du Nord.

Doyen de la Faculté de droit islamique du Qatar, il dirige aussi le Conseil européen de la fatwa et de la recherche, un organisme d’oulémas (pluriel de ‘alem) censé répondre aux différents questionnements des musulmans vivants en Europe. Le Cheikh Al Qaradawi est également le Président de l’Association islamique des oulémas qu’il a contribué à fonder en 2004 et dont le siège est à Dublin. Regroupant plusieurs oulémas (dont un chiite), cette association a pour ambition de définir « les positions d’oulémas sur les questions qui concernent les musulmans dans le monde »[3]. Youssouf Al Qaradawi représente sans doute à l’heure actuelle le personnage religieux le plus populaire, le plus médiatique ainsi que l’un des plus respectés du monde musulman[4].

Même s’il n’est pas présenté comme tel, le Cheikh joue aussi le rôle officieux de “mufti“ du pays. Sa présence au Qatar et sa nationalité qatarienne permettent au petit émirat de jouir d’un grand prestige dans le monde musulman. Les dirigeants du Qatar l’ont bien compris et ces derniers multiplient les efforts pour augmenter la popularité (et même la médiatisation) du Cheikh.

 L’émission “Ashari’a wal hayat“ sur Al Jazira qui “traite de questions diverses d’un point de vue islamique”[5] a ainsi été spécialement conçue pour lui. De plus, le Cheikh prononce, chaque vendredi, une khotba depuis la plus grande mosquée du pays. Celle-ci est retransmise en direct sur la télévision nationale.

Cependant, la place qu’occupe le Cheikh dans l’espace politico-religieux du pays ne se cantonne pas à un rôle de « Cheikh médiatique ». Car le Cheikh joue également le rôle crucial de légitimité islamique au régime. La question de la légitimité islamique s’inscrit dans le contexte de la rivalité régionale entre le petit émirat qatari et le grand royaume saoudien. Disputant son rôle régional à l’Arabie Saoudite, la nouvelle élite qatarie se devait de rechercher elle aussi une grande caution religieuse. C’est le Cheikh Youssef Al-Qaradawi qui assume aujourd’hui ce rôle.

Ainsi, la place et le rôle qu’occupe le Cheikh Al Qaradawi dans le dispositif des dirigeants du Qatar est primordiale à plus d’un titre. D’abord, le Cheikh symbolise l’attachement des dirigeants du Qatar à l’islam et à ses valeurs, élément ô combien important dans une péninsule où l’islam structure quasiment tous les domaines de la vie. De plus, figure de l’islam politique, Al Qaradawi incarne son expression modérée et plutôt conciliante avec les régimes arabes et même avec l’Occident.

Vitrine religieuse quasi-officielle du Qatar, il est à la fois la caution du régime et de sa politique et sa protection contre le radicalisme islamiste. Tout ceci tranche avec l’islam de tendance wahhabite, ou plutôt salafiste présent en Arabie Saoudite. En effet, le royaume des Saoud applique et prône un islam rigoriste que l’on définira plutôt comme salafiste, et non wahhabite comme beaucoup aiment à le qualifier.[6] Al Qardawi s’inscrit en faux de cette démarche, lui qui veut se faire le héraut de la wassatiyya, le « centrisme musulman »[7].

Cependant, Youssef Al Qaradawi ne se contente pas d’expliquer les préceptes religieux. Il se positionne également sur les affaires profanes. Et sur ces sujets, il est souvent en opposition avec la politique conduite par les autorités du Qatar. Le Cheikh fustige la présence militaire étrangère en terre d’islam et la politique « impériale » de Washington mais dénonce dans le même temps les attentats du 11 septembre 2001. Il approuve les “opérations martyrs“ en Israël (que d’autres qualifient d’attentats-suicides) mais a toujours appelé à la libération d’otages occidentaux en Irak.

Ses deux principaux combats se sont principalement concentrés sur la dénonciation de l’agression israélienne envers le peuple palestinien et la critique virulente de l’invasion de l’Irak par la coalition anglo-américaine. Alors que les dirigeants du Qatar faisaient de leur territoire le centre à partir duquel la guerre allait être menée, le Cheikh Al Qaradawi s’opposait fermement à cette agression. Fait rare dans un pays du Golfe, il a même été autorisé à conduire une manifestation pour dénoncer la situation en Palestine et pour prévenir de l’attaque contre l’Irak.

 A plusieurs reprises, et notamment en juin 2003 et septembre 2004, il a prononcé des prêches (retransmis en direct sur la télévision nationale) dénonçant la cruauté de la guerre américaine depuis la grande mosquée Omar Ibn-Al Khattab à Doha. Ultime paradoxe, cette mosquée, parmi les plus grandes du Qatar, se trouve juste en face de… l’imposante ambassade américaine[8] !!

L’ambivalence de la position du Cheikh pose donc un certain nombre d’interrogations sur la cohérence de l’attitude adoptée par les dirigeants du Qatar. Mais à y regarder de plus près, ces contradictions ne sont, au fond, qu’apparentes. En maintenant un espace de liberté et de contestation par le biais du “mufti“, les dirigeants du Qatar laissent ainsi s’exprimer une forme d’opposition qui, sans ce canal, se serait sûrement exprimée de manière plus violente.

 IV - La renommée par le sport et la culture

S’il est un domaine où les instruments mis en place par le Qatar pour bénéficier d’une renommée mondiale sans tomber dans des contradictions, c’est bien celui du sport et de la culture. Depuis une dizaine d’années, l’émirat s’est lancé dans une course effrénée dans le but d’accueillir de grandes manifestations sportives et de grands noms du sport.

Le sport est donc considéré par les élites du Qatar comme l’un des moyens les plus sûrs d’aboutir à une grande visibilité internationale. L’émir s’en explique d’ailleurs avec un brin d’humour : « il est plus important d’être reconnu au Comité International Olympique (CIO) qu’à l’Organisation des Nations Unies ».

 La raison en est simple : « Tout le monde respecte les décisions du CIO ». Et l’émir d’ajouter : « Le sport est le moyen le plus rapide de délivrer un message et d’assurer la promotion d’un pays. Quand on vous dit « Proche-Orient », vous pensez tout de suite « terroristes », pas vrai ? Eh bien, nous voulons que le Qatar ait bonne réputation »[9]. Des centaines de millions de dollars ont donc été injectées pour faire du Qatar un haut lieu du sport mondial.

Dans le domaine du football, l’émirat est désormais perçu comme un eldorado pour un bon nombre de sportifs reconnus mondialement et arrivant en fin de carrière. Ces dernières années, de grandes stars du ballon rond ont fait des séjours (plus ou moins longs) dans le pays. Ainsi, des joueurs tels Batistuta, Romario, Guardiola, Effenberg etc.

 Des anciens champions du monde de l’équipe de France y ont également fait des passages tels Franck Lebœuf, Christophe Dugarry ou Marcel Dessailly, la plupart du temps pour des salaires mirifiques. Tout récemment, c’est le transfert de l’attaquant de l’A.S Saint-Etienne, Pascal Feindouno, acheté par un club qatarien et payé au prix fort qui a démontré la capacité d’attraction du Qatar dans le domaine footballistique. Ce transfert assez houleux a d’ailleurs quelque peu secoué la planète football[10].

Le Qatar utilise cette dimension sportive dans le but d’apparaître à terme comme une grande nation du sport et de bénéficier ainsi de l’importante couverture médiatique qui s’y attache. L’émirat va jusqu’à naturaliser des joueurs ou des athlètes non-sélectionnés par leur équipe nationale afin de qualifier le pays pour des phases finales de compétition. Cela s’est déjà produit pour le football comme pour l’athlétisme poussant ainsi la Fédération internationale de football association (FIFA) à durcir sa réglementation sur les conditions de naturalisation des joueurs de football[11].

En plus du football et de l’athlétisme, d’autres sports sont à l’honneur au pays des pétrodollars. L’émirat a mis en place un tournoi de tennis, le Doha Open Tour qui est le premier tournoi de l’année. Il bénéficie donc d’une bonne visibilité internationale et les grands noms du tennis masculin s’y pressent généralement. Un tour cycliste du Qatar est organisé, chaque année, au mois de février. Il apparaît comme la préparation idéale, y compris en termes climatiques, avant les épreuves européennes. En outre, l’investissement dans le sport se fait également à l’étranger. Le Qatar mise aussi sur le parrainage ou l’organisation de grandes compétions sportives, en Europe notamment. Ces derniers jours, l’une des plus prestigieuses courses de chevaux s’est déroulée à Paris. Son nom : la course Qatar-Arc de Triomphe[12]

Cet engouement pour le sport rentre donc dans l’objectif d’accroître le rayonnement du Qatar sur la scène internationale. Cet enthousiasme pour le sport devient même une des caractéristiques majeures de l’émirat. Intrigué par cette évolution, les journaux sportifs consacrent régulièrement de nombreuses pages sur le développement du sport dans le pays.

En outre, les investissements et les grands travaux dédiés au sport se sont multipliés dans l’émirat. A titre d’exemple, le pays a construit il ya quelques années une colossale académie des sports[13]. L’engouement est tel que le Qatar s’est vu confier l’organisation de grandes compétitions sportives. Ainsi en a-t-il été de l’organisation des Jeux asiatiques de décembre 2006. Cette manifestation sportive représenta un événement d’une importance symbolique capitale pour l’émirat puisqu’elle constitue le troisième évènement sportif mondial après la Coupe du monde de football et les Jeux Olympiques. Aujourd’hui, les dirigeants du Qatar sont encore plus ambitieux. Ils sont candidats à l’organisation des Jeux Olympiques de 2016.

Dans un autre domaine, le Qatar veut également apparaître comme un lieu d’échanges entre les différentes civilisations et un endroit ouvert au dialogue des cultures. Ainsi, pas une semaine ne passe sans qu’une conférence mondiale, un colloque international ou un forum ne s’y tiennent. De l’organisation du dialogue inter religieux au niveau mondial au Forum sur la Démocratie en passant par la construction de grands musées et de nouvelles universités, le Qatar est devenu un lieu de rencontres et d’échanges, une plaque tournante pour les idées[14].

De nombreuses personnalités, des anciens présidents des Etats-Unis et même des responsables d’ONG occidentales[15] s’y déplacent. Le monde entier s’y croise tout cela dans l’intérêt bien compris de donner à Doha une envergure internationale. Une église a récemment vu le jour dans le pays et une deuxième devra bientôt être inaugurée. Cette réalisation constitue une première dans la péninsule arabique, l’émirat ayant noué des relations diplomatiques avec le Vatican dès 2002.

Dans le domaine culturel et de la connaissance, le Qatar déploie aussi de grands efforts pour apparaître comme le lieu de la formation au niveau régional. Le principal instrument de cette stratégie est la Cité de l’éducation (qu’on nomme au Qatar Madinat at’alimiyya, de son nom en arabe), un campus géant de 14 000 hectares en train de sortir des sables dans la banlieue de Doha, pensé et bâti par la Qatar Foundation, une institution disposant de moyens quasi illimités et dont la présidente n’est autre que Cheikha Mozha, la femme préférée de l’émir, très active dans les domaines de l’éducation et de la promotion du rôle de la femme dans son pays[16]. Plusieurs universités américaines (et non des moindres) y ont installé des filiales donnant au site un air de campus proprement américain.

Tout au long de la Highway qui longe les grilles de Madinat at ta’limiya, on découvre toute une série de noms prestigieux : Cornelle Univeristy, Texas A & M, Virgin Commonwealth[17] etc. Pas moins de six universités américaines disposent d’une filiale dans ce secteur qui va également accueillir un centre hospitalier universitaire et un parc scientifique et technologique. Au total, les dépenses de recherche et développement du pays représentent 2,8 % du PIB[18] (contre 2,2 % en France). Le Qatar parie donc sur l’avenir et prépare ainsi progressivement son économie à l’après-pétrole. En définitive, le Qatar a l’ambition de devenir le centre politique, culturel et sportif de la région.[19] Et il s’en donne tous les moyens.

Le Qatar est donc devenu, en quelques années, un acteur majeur de la scène internationale. Très peu de pays dans le monde, avec une taille aussi réduite et une population si faible, peuvent prétendre jouir d’une telle influence et d’une telle visibilité. Le pari de l’émir et des dirigeants du pays de faire de leur minuscule pays un lieu de rayonnement international au prix de multiples grands écarts est donc en passe d’être gagné. Avec beaucoup d’enthousiasme et un certain pragmatisme, aidé par une manne pétrolière et surtout gazière qui n’est pas prête de se tarir, l’émirat continue sa course et les projets faramineux de tous ordres ne manquent pas.

Cependant, la concurrence dans la région est rude[20] et les travers de ce développement si rapide sont nombreux. En effet, les dirigeants du Qatar ne semblent pas avoir pris la mesure de la menace que représente le changement climatique et sont en retrait dans la lutte contre la pollution. En 2004, l’Agence internationale de l’énergie a ainsi classé le Qatar (et d’autres émirats tel Dubaï) en tête des pays émetteurs de CO2, avec un taux de 49,6 tonnes par habitant. De plus, le traitement réservé aux travailleurs immigrés (qui forment, rappelons-le, la majorité de la population), est souvent indigne.

Le Qatar devra également sortir de la logique de l’Etat rentier pour garantir une sortie en douceur de sa dépendance à l’égard des hydrocarbures. Les enjeux sont énormes et une récente étude conduite dans les six pays du Conseil de coopération du Golfe[21] (CCG) montre que les équilibres internes de ces Etats sont fortement bousculés[22]. Espérons que le Qatar évoluera d’une manière différente que celle décrite par le défunt roi Faysal d’Arabie saoudite : « En une génération, nous sommes passés du chameau à la Cadillac. Mais à voir notre façon de gaspiller l’argent aujourd’hui, je crains fort que la prochaine génération ne revienne au chameau »



[1] Albert Hourani, Histoire des peuples arabes, Seuil, Paris, 1993.

[2] Les deux sites bénéficient d’une version en arabe et d’une autre en anglais.

[3] « Al Qaradawi, l’islam à l’écran », Le Monde, 31 août 2004. Portrait réalisé par Xavier Ternissien.

[4] Youssouf Al Qardawi est l’auteur de plus de cent trente ouvrages dans le domaine religieux dont certains ont connu plus de dix éditions.

[5] C’est ainsi que ce programme est présenté.

[6] Sur ce sujet cf. notamment Pascal Ménoret, Qu’est-ce que le wahhabisme ?, article paru dans la revue Mouvements, Les musulmans dans la modernité, novembre 2004 ainsi que l’ouvrage du même auteur, L’énigme saoudienne, La Découverte, Paris, 2003. Pour plus de précisions sur les différentes tendances de l’islam et sur la notion de “salafisme“ voir également Tariq Ramadan, Les musulmans d’Occident el l’avenir de l’islam, Actes Sud, Paris, 2003, p. 56 et sq ainsi que François Burgat, L’islamisme à l’heure d’Al Qaïda, la Découverte, Paris, 2005.

[7] Xavier Ternissien, Les Frères musulmans, Fayard, Paris, 2005, et notamment le chapitre Qaradawi, le cheikh mondial.

[8] Ces prêches ont valu à Al Qaradawi, une virulente critique dans la célèbre revue Foreign Policy (Fouad Ajami, « The falseness of anti-americanism », Foreign Policy, sept-oct. 2003). Cité in Olfa Lamloum, Al Jazira, miroir rebelle et ambigu du monde arabe, op.cit. En outre, l’auteur de ces lignes a pu assister à un de ces prêches, le vendredi 24 septembre 2004, où le Cheikh a violemment condamné les opérations militaires américaines en Irak, notamment à Fallouja.

[9] Pasacl Boniface, « Le Qatar se veut un modèle pour le Golfe », Le Monde diplomatique, Juillet 2004.

[10] Ce transfert a été au cœur d’une polémique dans le monde du football en France. L’international guinéen est parti fin septembre au Qatar pour évoluer dans le club d’Al-Saad pour un salaire de 2,5 millions d’euros net par an. Son départ des Verts s’est fait dans la confusion et le principal intéressé s’en explique ouvertement : C’est aussi un choix financier, je ne le cache pas. Je répète ce que j’avais dis en août : une telle proposition ne se refuse pas ! Après le foot je ne vais pas demander à quelqu’un de m’aider, ma famille ou moi ». Cf. www.lequipe.fr, Feindouno s’explique, 29 septembre 2008.

[11] « Les ambitions du Qatar ont entraîné un durcissement des règlements », Le Monde, 10 décembre 2005. A titre d’exemple, le Qatar avait remporté une médaille d’or aux championnats du monde d’athlétisme de Paris d’août 2003. En réalité, cette médaille avait été acquise par un ex-Kenyan, Stephen Cherono, qui venait d’être naturalisé et rebaptisé Saif Said Shaheen en échange d’un salaire à vie d’un montant de 1000 euros par mois. Somme à mettre en relation avec les 2,8 millions d’euros que percevait chaque année, et à la même époque, le défenseur français Franck Leboeuf… Cf. Nabil Ennasri, « Le champ politico-religieux du Qatar : une vision estudiantine », op.cit.

[12] 800 journalistes et de nombreuses chaînes de télévision étrangères ont ainsi pu couvrir la plus prestigieuse vitrine hippique française qui s’est déroulée les 4 et 5 octobre 2008 à l’hippodrome de Longchamp. 230 millions de téléspectateurs ont pu bénéficier de la retransmission de la course. Il est donc normal que le Cheikh Mohammed Bin Faleh Al Thani, Vice Président du QREC (Qatar Racing and Equestrian Club) ait éprouvé « une grande satisfaction à associer le nom du Qatar à cette course mythique ». Informations recueillies sur le site du Journal du Dimanche, ww.jdd.fr.

[13] Du nom de Aspire (pour Academy for sports and excellence), ce complexe sportif hors norme comprend onze courts de tennis, huit pistes d’escrime, deux courts de squash, un terrain de football, une piste d’athlétisme, une piscine olympique etc. De grandes personnalités du sport s’étaient déplacées pour son inauguration, au premier rang desquels les légendes du football, le Brésilien Pelé et l’Argentin Maradona. Son coût s’est élevé à plus d’un milliard d’euros. Cf. « Le Qatar inaugure en grande pompe sa gigantesque académie des sports », Le Monde, 22 novembre 2005.

[14] « Qatar, l’émirat non-aligné », Le Monde, 19 juin 2008. Rappelons également que le Qatar avait accueilli le sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en novembre 2001. Même s’il est vrai que le choix de Doha, sa capitale, avait été présenté comme motivé par l’assurance de ne pas voir des milliers d’altermondialistes y manifester comme à Seattle, ce sommet a permis au pays de bénéficier d’une publicité internationale certaine. C’était la première fois qu’un sommet de l’OMC se tenait dans un pays arabe. Ce sommet était aussi empreint d’une haute valeur symbolique car il se tenait dans une capitale arabe quelques semaines seulement après les évènements tragiques du 11 septembre 2001 et de l’attaque américaine en Afghanistan survenue un mois plus tard. Le Qatar a également accueilli le sommet des 77 en 2005.

[15] Le dernier cas en date est l’installation au Qatar du très médiatique ancien président de Reporters Sans frontières (RSF) Robert Ménard. Ce dernier vient d’être nommé à la tête du Centre de Doha pour la liberté de l’information ("Doha Centre For Media Freedom"), auquel s’est d’ailleurs joint l’ex-Premier ministre français Dominique de Villepin. AFP, 15 octobre 2008.

[16] La Qatar Foundation est également associé dans ce projet à l’un des think thank américains les plus puissants, la Rand Corporation.

[17] Lors de l’un de nos séjours au Qatar, nous avons pu visiter Madinat at ta’limiya et certaines de ses universités. L’un des éléments qui nous a le plus frappé au sein de ce campus, outre le caractère futuriste des installations, est la présence du drapeau américain au côté du drapeau qatarien au sein de chaque amphithéâtre. Un paradoxe parmi tant d’autres…

[18] « Doha prône l’économie de la connaissance en plein désert », Le Monde, 20 mai 2008.

[19] Cette ambition de centre culturel régional sera à partager avec les Emirats Arabes Unis qui ont investi des milliards de dollars dans d’impressionnants centres culturels avec la participation des grands musées européens. Voir à ce sujet le dossier, « Surenchère de mégaprojets culturels », Le Monde, 6 février 2008.

[20] Les autres pétromonarchies du Golfe ne sont pas en reste. Parmi elle, c’est certainement l’Etat des Emirats Arabes Unis qui constitue le principal concurrent du Qatar dans sa recherche à la notoriété. Ce pays semble copier à certains égards le modèle qatarien même si Dubaï était déjà connue pour son exubérance et sa folie des grandeurs. Une forme de duel se joue donc entre les deux sœurs du Golfe qui n’ont pas fini de faire parler d’elles…

[21] Arabies Saoudite, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Koweït, Oman, Qatar.

[22] Voir l’enquête comparative menée par Fatiha Dazi-Héni, chercheuse associée au Centre d’études et de recherches internationales de Sciences-Po, Monarchies et sociétés d’Arabie : le temps des confrontations, Presses de Sciences Po, 2006.

Nabil Ennasri

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, est actuellement étudiant en théologie musulmane à l’Institut européen des sciences humaines de Château-Chinon. Il a séjourné dans plusieurs pays du Golfe (Qatar, Emirats Arabes Unis). Son mémoire « Le champ politico-religieux du Qatar : une vision estudiantine » obtenu en vue de la validation du Master II (Recherche) « Politique Comparée » à été rédigé sous la direction du professeur François Burgat. Il est également membre du Collectif des Musulmans de France.
********************************

 

* * *

 

( *** )

 

فضائية الجزيرة ...جند أميركا يموتون "ميتة ربِّهم"

بادية ربيع

 

لا يسعك تصغير دور الإعلام في تسمية تبسيطية كأن نقول "لعبة الإعلام". فالدور التعبوي و/أو التخريبي للإعلام يستحق تسميته بحجمه وقدر تأثيره. فالأصح أن نسميه خطة الإعلام، العمل المنهجي للإعلام كي يوصل الفكرة، ويتابعها ويطورها حتى تستلب من يُقصد بها.

ما شدَّني لهذا الحديث نصَّان إخباريين أراهما على قناة الجزيرة منذ شهر تقريباً.

1) مقتل جندي أميركي في العراق في ظروف غير قتالية.

2) مقتل 20 باكستانياً بقصف طائرات يُعتقد أنها أميركية

 

معروف بالطبع أن الجزيرة المحطة الأشهر في الوطن العربي، ويُشاهدها من خلق الله أكثر من عبادة الله تعالى، وعليه، فكل كلمة تُبث من هذه المحطة تصل إلى أعداد هائلة من العرب.  ومن هنا خطورتها التطبيعية. وحين تكون الكلمة مسمومة، فهي تؤثر عربياً، أكثر بكثير من حضور وانفضاض وقرارات مؤتمر قمة عربي. فالمؤتمر استعراض و "بوس لٍحى" وفي النهاية لا شيىء. أما الكلام الخبيث فيخترق الذاكرة ويستقر فيها كخلايا نائمة أو ناشطة، لا يهم، ليفعل فعله في الأجيال القادمة.

 

هل يُعقل مثلاً، أن الجنود الأميركيين اختاروا العراق ليكون نهر الموت حيث يأتون إلى العراق كلما شعروا أن ذبحة صدرية آتية لهم لا محالة، ليموتوا في أرض الأنبياء؟ ليموتوا على الفراش، (فلا نامت أعين الجبناء!) أم أنهم نظراً لارتفاع سعر النفط يأتون ليعبوا بطونهم نفطاً ليبيعوه في أمريكا!

 

وهل هناك طائرات تستهدف شعب باكستان غير طائرت أمريكا؟ هل هناك طائرات لطالبان؟

 

هل يُعقل أن صياغة الأخبار بهذه الطريقة لم تتم بتعليمات اميركية، كي لا يبدو للناس أن المقاومة في العراق هي التي تأخذ أرواح جند الاحتلال هناك؟ ما تريده أميركا وما تنفذه "جزيرة قطر" أن يبدو العراق كما لو كان الأميركيين  يموتون فيه من البَطَرْ! وأن طيراً ابابيل هي التي ترمي أهل باكستان بحجارة من سجيل، بمعنى أن أميركا لا تستهدف شعب باكستان!

وتصورا، يا رعاكم الله: الجزيرة لقطرـ وقطر هي اليوم موئل العرب، تصوروا أن أمير قطر يسمى اليوم "الأمير الأحمر"! وعلى ماذا، فهو قد جعل هذا الكيان الصغير محجاً لمختلف القوى السياسية النظيفة والقذرة وتم تتويجه أمير المصالحات.

 

لكن المهم، أن الأمير الأحمر –لا سمح الله- يستلهم التعليمات من الإدارة الأميركية والصهيونية، ولا شك أن الأميركيين موجودون في كل قصر من قصور المؤتمرات.

كان الحسن الثاني في المغرب "حامل" ملف القدس. وكان أثناء انعقاد اي مؤتمر قمة عربي في الرباط يضع إسرائيليين في غرفة ملاصقة ليسمعوا كل شيىء. فلماذا لا يفعلها امير قطر!

 

لكن لكل صنف هناك من يفضحه من صنفه هو نفسه. مثلا، في حيت تصر الجزيرة على إرغامنا على الفهم أن المقاومة في العراق انتهت، وأن الأميركيين يموتون هناك من السمنة والتخمة والملل، يقول عميل أميركا هناك ، المالكي، ان القاعدة والبعثيين اخترقوا "الصحوات".

 

نعم ايتها الجزيرة، من يخترق الصحوات يقتل جند الاحتلال.

_______

Partager cet article
Repost0

commentaires

Articles RÉCents

Liens