LA CHARTE DES TÉLÉVISIONS ARABES PAR SATELLITE, IMPORTANT RECUL DE LA
LIBERTÉ DE LA PRESSE DANS LA RÉGION, DISENT LES MEMBRES DE L'IFEX
Une nouvelle « charte » arabe de la télévision par satellite aura pour
effet de restreindre les nouvelles et l'information indépendantes pour les
gens de tout le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, indiquent l'Institut du
Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for
Human Rights Studies, CIHRS), le Réseau arabe d'information sur les droits
de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, HRInfo),
ARTICLE 19 et d'autres membres et partenaires de l'IFEX.
« Principles for Organising Satellite TV in the Arab World » (Principes
d'organisation de la télévision par satellite dans le monde arabe), une
charte non contraignante, a été adoptée la semaine dernière par tous les
États membres de la Ligue arabe, à l'exception du Qatar et du Liban. Cette
charte dispose que la télévision par satellite ne doit pas offenser les
dirigeants du monde arabe, ne doit pas porter atteinte à « la paix sociale,
à l'unité nationale et à l'ordre public », et ne doit pas remette en
question Dieu ou les religions monothéistes.
Les émissions doivent aussi se conformer aux valeurs religieuses et
éthiques de la société arabe et protéger l'identité arabe des effets nocifs
de la mondialisation.
La charte presse les États membres d'insérer dans leurs législations
nationales toutes les mesures nécessaires pour garantir que les principes
du document sont pleinement appliqués. Et si les groupes de médias
n'adhèrent pas à ces principes, leurs permis d'exploitation peuvent être
suspendus, retirés ou non renouvelés, et ils peuvent même se faire
confisquer leur équipement, disent les membres de l'IFEX.
« Ces dispositions, si elles sont mises en oeuvre, vont inévitablement
réduire au silence et entraver la seule avenue de la libre expression dans
la région, à savoir la télévision par satellite », dit ARTICLE 19, qui fait
remarquer qu'elles contredisent directement les conventions internationales
et régionales garantissant le droit à l'information et la liberté
d'expression, notamment l'article 32 de la Charte arabe des droits de la
personne.
La rencontre s'est tenue au Caire le 12 février et a réuni les ministres de
l'Information des différents pays arabes, à la demande de l'Égypte et de
l'Arabie saoudite - des pays aux prises avec de graves situations de la
liberté de la presse, indiquent le CIHRS et HRInfo. Le Liban a été le seul
État à s'opposer au document. Le Qatar, pays hôte d'Al Jazirah, s'est
abstenu.
Consulter les sites suivants :
- CIHRS : http://www.cihrs.org/Default_en.aspx
- HRInfo : http://www.hrinfo.net/en/reports/2008/pr0213.shtml
- ARTICLE 19 : http://tinyurl.com/37cyhj
- Comité pour la protection des journalistes : http://tinyurl.com/2sso36
- Fédération internationale des journalistes : http://tinyurl.com/3d3n89
- Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias
(Palestinian Center for Development and Media Freedoms, MADA), courriel :
madapalestine(@)yahoo(.)com
- Reporters sans frontières : http://tinyurl.com/2u6vr7
- Comité mondial pour la liberté de la presse (courriel) :
freepress(@)wpfc(.)org
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TUNISIE : UN COMÉDIEN EN PRISON POUR AVOIR IMITÉ LE PRÉSIDENT
Un comédien tunisien a été coincé dans un coup monté, accusé de possession
de drogue et de fausse monnaie et condamné à passer un an derrière les
barreaux. Il s'est attiré ce châtiment pour avoir imité le président de la
Tunisie, dit le Groupe d'observation de la Tunisie organisé par l'IFEX
(TMG-IFEX).
Le comédien Hedi Ouled Baballah a en effet été condamné le 4 février à un
an de prison et à une amende de 1 000 dinars (800 $ US) pour « possession
d'une substance narcotique classifiée ».
D'après les documents de cour, Ouled Baballah a été interpellé le 14
janvier à un poste de contrôle installé sur la route et emmené dans un
poste de police. La voiture de location qu'il conduisait a été confisquée
par la police, qui a par la suite découvert quelques grammes de cannabis
dans le coffre à gants.
Pendant qu'il était en état d'arrestation, la police a également procédé à
la fouille de son domicile où elle aurait trouvé des devises étrangères
contrefaites, dont la possession est passible d'une peine maximale de 20
ans de prison. Il n'a pas encore comparu pour répondre à cette accusation,
et le TMG de l'IFEX continuera de suivre la situation.
Ouled Baballah nie toute possession de drogue ou de fausse monnaie, et
estime que les pièces incriminées ont été « plantées » par des policiers
pour justifier son arrestation pour son vrai « crime » - avoir parodié le
président Ben Ali. Un enregistrement privé de son imitation a beaucoup
circulé au moyen du téléphone cellulaire.
« Cela ressemble à une autre affaire inventée de toutes pièces contre une
personne qui a osé parler contre le président », dit le TMG de l'IFEX. « De
toute évidence, le président Ben Ali n'a pas plus le sens de l'humour qu'il
n'a le goût de la démocratie. »
Selon le membre tunisien de l'IFEX, l'Observatoire pour la Défense de la
Liberté de la Presse, de l'Édition et de la Création (OLPEC), les
prétentions de Baballah selon lesquelles il s'agit d'un coup monté de la
police sont justifiées.
En Tunisie, les dissidents sont rarement mis en accusation pour leurs
gestes politiques; ils sont plutôt accusés faussement de délits plus «
ignominieux », dit l'OLPEC. Parmi les victimes récentes, on compte le
juriste Mohamed Abbou, spécialiste des droits de la personne, incarcéré
parce qu'il aurait agressé une collègue, et le journaliste Slim Boukhdhir,
accusé d'avoir attenté aux bonnes moeurs.
C'est la deuxième fois que Ouled Baballah est persécuté pour avoir imité
Ben Ali. Après avoir exécuté un numéro similaire l'an dernier, il avait été
arrêté et tabassé par la police pendant les trois jours qu'il était resté
écroué au centre de détention de Bouchoucha, en mars 2007.
Selon le TMG de IFEX, les chefs d'accusation devraient être invalidés et
abandonnés parce qu'il existe des « doutes sérieux et crédibles concernant
les preuves alléguées ». Le TMG presse les artistes de se porter à la
défense du droit de Ouled Baballah à la libre expression et de satiriser
les pouvoirs politiques.
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par Abou Sofiane
Un des 30 salafistes tunisiens jugés pour "terrorisme" et complot présumés a été condamné à mort et sept à perpétuité par décision de la Cour d’appel à Tunis, devant laquelle ils comparaissaient depuis le 15 janvier, au milieu d’une mobilisation contre la peine capitale.
Selon le verdict prononcé dans la nuit de mercredi à jeudi, Saber Ragoubi, 24 ans, a vu son jugement à la peine capitale confirmé mais un second condamné à mort a été jugé à perpétuité.
Six autres ont été condamnées à la prison à vie et les 22 accusés restants, parmi lesquels sept ont bénéficié d’un allégement, se sont vu infliger des peines allant de 30 à 3 ans d’emprisonnement.
Les prévenus âgés de 22 à 42 ans, revendiquant, pour certains, une idéologie salafiste prônant un retour aux origines de l’islam, ont été jugés pour leur d’implication présumée dans des affrontements armés ayant fait entre décembre 2006 et janvier 2007 14 morts, dont un officier et un agent de sécurité, selon les autorités.
Faisant suite à un premier jugement contesté et boycotté par la défense en décembre 2006, le procès en appel a donné lieu durant deux jours en continu à des plaidoiries non stop de la défense, qui a réclamé soit l’aquittement, soit l’allègement des peines en soulignant "irrégularités" et "entorses au droit".
L’absence de preuve à charge et la pratique de la torture "pour arracher de faux aveux" ont été au centre des plaidoiries, qui ont nécessité parfois des rappels à l’ordre du président de la Cour Manoubi Hmidane.
Son verdict a été jugé "sévère" par la défense et provoqué émotion et pleurs parmi les proches des accusés. "C’est une grande déception, surtout le maintien de la peine capitale pour Saber Ragoubi", a déclaré à l’AFP l’avocat Samir Ben Amor, Me Radhia Nasraoui qualifiant le verdict de "catastrophique". "Je rentre à la maison avec une trop mauvaise nouvelle. Je suis amer, désespéré !", a lancé Lamine, le père de Saber, étouffant un sanglot.
Outre l’accusation de "complot contre la sûreté intérieure", les prévenus ont été jugés "en vrac" selon la défense, pour "tentative d’attaques visant à changer le régime", assassinats, maniement d’armes et adhésion à une organisation terroriste. Durant leur procès, ils ont nié leur adhésion aux projets d’une bande armée dénommée "Soldats d’Assad Ibn Fourat" qui avait établi un camp d’entraînement à Ain Tbournek, sur les hauteurs de Grombalia (40 km de Tunis), théâtre des violences.
Ils ont répété à l’envi avoir côtoyé fortuitement les meneurs en cherchant un refuge dans cette zone boisée pour échapper à la police à leurs trousses pour cause de pratique religieuse et port de barbe. Quelque-uns ont cependant reconnu avoir été initiés au maniement de Kalachnikov, mais tous ont nié avoir nourri un projet de déstabilisation du régime en Tunisie, affirmant que des aveux leur avaient été arrachés sous la torture.
Le parquet et les avocats de la partie civile ont réclamé le maintien de la peine capitale pour délits "terroristes" et "intentions criminelles prouvées".
Au moment de faits, les autorités avaient indiqué avoir saisi six Kalachnikov, des explosifs et plans de sites des ambassades américaine et britannique. Selon elles, le noyau armé de la bande s’était introduit par la frontière algérienne, après un séjour dans les maquis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), devenu branche d’Al-Qaïda au Maghreb.
De ce noyau - composé d’un Mauritanien et de cinq Tunisiens, dont le chef Lassad Sassi, jihadiste vétéran d’Afghanistan - quatre sont morts, et deux autres arrêtés avant les accrochages. Ces derniers sont jugés séparément.
Ces violences étaient les plus importantes en Tunisie depuis l’attentat revendiqué par Al-Qaïda sur l’île de Djerba (21 morts, le 11 avril 2002). Le procès a été suivi par des diplomates et des observateurs étrangers dont Me Denys Robillard, mandaté par la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) et Amnesty International.
La FIDH et des opposants tunisiens se sont mobilisés contre la peine capitale. La Tunisie observe un moratoire de facto sur les exécutions et son président Zine El Abidine Ben Ali s’est engagé en novembre dernier à "ne jamais signer l’exécution de condamnés à mort".