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4 mars 2011 5 04 /03 /mars /2011 19:15
L’aire de la révolution arabe s’élargit

 

Les épopées glorieuses des peuples arabes se succèdent pendant que les dictateurs arabes dégagent l’un après l’autre. C’est à croire que cet hiver, synonyme de printemps pour la nation arabe, ressemble fort à l’automne des despotes arabes obligés de prendre la fuite et de trouver refuge chez ces rois et émirs, en fait chefs de tribus et de clans dans des États pré-nationaux et aux méthodes de gouvernement moyenâgeuses entièrement déconnectées de « la bonne gouvernance » actuelle.

Que le dictateur Ben Ali soit accueilli par le régime en place en Arabie Séoudite, ceci démontre que les despotes arabes sont lâchés par leurs seigneurs occidentaux qui profitaient de leurs précieux services pour enchaîner leurs nations dans la dépendance et la misère. Ces « alliés stratégiques », obéissant à leurs maîtres et exécutant à la lettre leurs directives, deviennent, comme par enchantement, des pestiférés une fois qu’ils sombrent du haut de leurs sièges présidentiels. Les gouvernements impérialistes ne veulent plus entendre parler de ces criminels, ces voleurs,… Pire, ils gèlent leurs avoirs, ils les pourchassent, ils les traitent de tous les qualificatifs possibles… Pour dire que la fin des dictateurs arabes n’est guère reluisante. Traqués par leurs peuples et délaissés par leurs parrains, ils se retrouvent dans des situations proches de celles des parias. C’est-à-dire qu’ils n’obtiennent que ce qu’ils méritent au vu de leurs agissements arbitraires envers leurs citoyens pendant des décennies. Ils oublient que « la mémoire des peuples est vivace » et qu’ils attendent patiemment que sonne l’heure des comptes pour faire l’inventaire de tous les sévices subis par la faute de ces tyrans.

Dans cette perspective, la Révolution du Jasmin, en réussissant à mobiliser le peuple tunisien dans toutes les villes de Tunisie, a lancé un défi à tous les despotes arabes. Dès le début, il s’est avéré que cette révolution populaire grandiose aura des suites parce qu’elle va constituer une source d’inspiration pour les autres peuples arabes. En détruisant le mur de la peur face au régime policier de Ben Ali, elle a, par la même occasion, contribué à lézarder de telles murailles à travers le monde arabe. Elle a été, en fait, d’un grand appui moral pour la nation arabe, en vrai témoin attentionné, qui a vu comment un peuple désarmé, civilisé et pacifique est arrivé à mettre à genoux la machine de répression d’un régime policier. Sa force réside dans sa volonté inébranlable de lutter pour sa liberté en priorité. Cette révolution victorieuse a rempli d’espoir les peuples arabes et leur a donné confiance en leurs capacités de lutte et de sacrifice pour conjurer la malédiction des pouvoirs despotiques à la solde de l’impérialisme. En agissant ainsi, le peuple tunisien a déclenché le processus de la révolution arabe.

Le grand peuple égyptien, sans tarder, a pris le relais en affrontant le régime dictatorial et servile de Moubarak. La révolution du 25 janvier a donné une toute autre tournure aux soulèvements en cours dans les pays arabes. En prenant en considération le poids de l’Egypte, tout concourt à affirmer qu’on se dirige vers un bouleversement des données géostratégiques dans la région du Moyen Orient et que le principal perdant dans ce cas n’est autre que l’entité sioniste. Par ailleurs, le bloc des régimes « modérés », stipendiés à l’impérialisme américain, va perdre un de ses imposants piliers. Ceci témoigne de la centralité de la révolution égyptienne et de son extrême importance en ce qui concerne la stabilité de la région et les alliances futures éventuelles qui émergeront de la victoire du peuple égyptien. Sous cet angle, on conçoit que les enjeux en question sont de taille et que les citoyens assument des responsabilités énormes et combien déterminantes pour la dignité arabe. Dans ce cadre, le peuple égyptien a bien rempli sa mission en faisant preuve d’un courage sans normes malgré les centaines de tués et les milliers de blessés par « les bataillons de la mort » du régime de Mourabak qui n’a pas lésiné sur les moyens en ordonnant à ses forces de sécurité de terroriser les manifestants par des tirs usant de balles réelles, de balles de caoutchouc, de grenades lacrymogènes… et par les matraquages des citoyens. Pour mettre son vrai visage de criminel à découvert, il ne s’est pas abstenu des services des « baltagiya  » (mercenaires payés en contrepartie de leurs sordides méfaits).

L’opinion publique internationale a pu mesurer l’ampleur de la criminalité de ces « baltagiya » en regardant ces scènes montrant ces criminels à dos de chameaux et de mulets semant la panique parmi les manifestants et tuant et blessant un grand nombre d’entre eux. Pour faire plus de dégâts, ces mercenaires ont utilisés des armes à feu, des armes blanches, des cocktails molotov… Tous les crimes perpétrés par l’appareil policier et les bandes de « baltagiya » n’ont pas eu raison de la détermination des révolutionnaires à en finir avec le régime agonisant et meurtrier de Moubarak. Les citoyens du monde ont pu, aussi, faire la part des choses entre l’esprit moyenâgeux du régime et le niveau de conscience de ces jeunes protestataires maîtrisant l’informatique et faisant montre d’un degré de civilité hors normes. Ainsi, ce qui fait la différence entre les despotes arabes et les jeunes révolutionnaires éclate au grand jour. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que de deux conceptions du monde et de la marche de l’Histoire diamétralement opposées. L’une est ancrée dans le passé dont elle puise sa raison d’être, son autoritarisme, son asservissement du peuple, sa pensée unique, sa voracité financière, son refus de tout partage du pouvoir et des richesses du pays…

L’autre vit son présent et anticipe l’avenir en profitant des bienfaits des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui ont transformé le globe en un village planétaire susceptible de renforcer les liens d’acculturation et de dialogue entre les nations dans leur diversité et de promouvoir des valeurs universelles comme support pour l’émergence d’un citoyen de type nouveau : le citoyen du monde. Celui-ci surfe dans une ambiance interactive de liberté, du respect de la personne humaine et des opinions des autres. En fait, il baigne dans un climat de démocratie en ayant, en parallèle, l’opportunité de s’approvisionner en informations lui permettant une mise à jour toujours actualisée sur la réalité du pays en comparaison avec les idéaux de la société humaine. En somme, il devient épris de la démocratie véritable, différente de la démocratie de façade, comme le moins pire des systèmes de gouvernement. Il s’aligne, donc, sur les valeurs universelles de l’humanité. Ce qui l’incite à prôner le changement démocratique dans son pays. C’est ce qui explique que la jeunesse arabe semble en harmonie avec les aspirations de la jeunesse de par le monde. Ce qui la conduit à l’appel au changement radical pour l’instauration d’une vraie démocratie dans les pays arabes.

Les jeunesses tunisienne et égyptienne, éprises de la citoyenneté-monde, sont passées à l’action en appelant leur peuple à la révolution contre les dictateurs qui les gouvernent. Ces deux despotes sont tombés en des temps records. Les autres peuples arabes, en répondant favorablement aux appels de leur jeunesse, n’ont pas tardé à assumer leurs responsabilités en prolongeant les séquences de la révolution arabe de telle sorte qu’elle affecte tous les pays d’une façon ou d’une autre : le Maroc, l’Algérie, la Libye, le Yémen, le Bahrein, la Jordanie, Djibouti, l’Irak, la Mauritanie, Oman, le Liban… Le degré d’évolution de la révolution varie d’un pays à l’autre. Les jours du dictateur Kaddafi sont comptés étant donné que le peuple libyen est arrivé à investir la capitale Tripoli après avoir libéré les villes de Benghazi, Tobrouk… à l’est du pays. Il ne lui reste plus qu’à dégager avant de transformer la Libye en une terre de morts et de cendres comme en témoigne les massacres perpétrés contre le peuple dans les différentes villes. À ce sujet, son fils a déclaré dans son discours du 20 février que « kaddafi n’est pas un président traditionnel comme Ben Ali et Moubarak » c’est-à-dire qu’il les dépasse en matière de sauvagerie et de meurtres. Ce fils, appelé naguère à assurer l’héritage du pouvoir, n’a pas cessé de faire miroiter la menace de la guerre civile, de la sécession en attisant les contradictions tribales, du génocide et de l’incendie des puits de pétrole.

À la lumière de ces propos, il importe d’apprécier le stade de folie de la famille kaddafi occasionné par le risque de perte du pouvoir et de l’argent. Il n’empêche qu’on peut dire, dés à présent, que le boucher Kaddafi est mort politiquement puisqu’il a brulé toutes ses cartes vis-à-vis de la communauté internationale scandalisée par les carnages organisés et supervisés par ses fils en utilisant l’artillerie lourde, l’aviation militaire… En choisissant d’opter pour la politique de « la terre brulée » et en mobilisant les mercenaires pour écraser le peuple libyen, il montre son vrai visage de criminel contre l’humanité. Son discours outrepasse en bains de sang celui de son fiston. Il pullule d’insultes, de mensonges, de menaces, d’absurdités, de délires de psychopathe… En quelques heures, il s’est permis de vomir tout le mépris qu’il accorde aux libyens qui ne méritent, selon lui, que d’être exécutés. Pour ce faire, la solution consiste à frapper à toutes les portes pour dénicher les « rats », les « chiens », et leur tirer dessus. Voilà comment un président, un « leader », un « révolutionnaire », un gouvernant arabe parle à son peuple. Quiconque a écouté ce discours ne peut que donner raison au peuple libyen qui s’insurge contre ce despote de la trempe de Néron et ne peut que le soutenir dans sa révolution pour l’éviction de ce sanguinaire et pour l’instauration de la démocratie.

C’est là le but auquel aspirent tous les peuples arabes. Les yéménites, pour leur part, se soulèvent contre le dictateur Ali Abdallah Saleh au pouvoir pendant 32 ans. Ce despote comptait faire hériter son fils du « trône ». Les protestations populaires l’ont obligé à renoncer à d’autres mandats présidentiels et à abandonner toute idée d’héritage au profit de son morveux. Toutefois, la situation prévalant au Yémen sur les plans des sensibilités tribales, des antagonismes entre le Nord et le Sud, de l’implantation d’organisations proche de Al Quaida ; tous ces facteurs interagissent dans le sens de la complexification de la lutte pour le changement du régime. Il n’en reste pas moins que le peuple yéménite tient le coup et persévère dans son combat pacifique pour en finir avec des décennies de dictature et pour faire dégager le président Ali et asseoir une démocratie véritable.

Le cas des monarchies arabes diffère quelque peu du schéma suivi dans les républiques. Les insurgés ne contestent pas les régimes en place. Leurs principales revendications tournent autour des réformes constitutionnelles à même d’instaurer des monarchies parlementaires, comprises comme uniques versions consensuelles entre la monarchie héréditaire et la démocratie, dans lesquelles le roi règne mais ne gouverne pas à l’instar de ce qui existe dans les royaumes européens comme l’Angleterre, l’Espagne… Ce qui se déroule au Bahrein, en Jordanie, au Maroc et à Oman va dans ce sens. Pour dire que les monarques arabes, habitués à régner et à gouverner, ne céderont pas facilement aux pressions des masses populaires. Ce qui signifie que la lutte sera ardue et pleine de sacrifices puisque l’enjeu est de taille et vise à ôter à ces souverains certains pouvoirs les mettant à l’abri de toutes les actions les amenant à rendre des comptes au peuple sur leur manière de gouverner, de respecter les modalités du jeu démocratique, de se conformer aux règles de la concurrence en économie, de ne pas s’immiscer dans les luttes partisanes… En définitive, le roi ou le sultan se verra dépourvu des attributions propres au pouvoir exécutif seul habilité à gouverner parce qu’il est le produit des élections et qu’il est soumis au contrôle et à l’évaluation du peuple à chaque échéance électorale.

De cette façon, bien des aspects moyenâgeux de la gestion de la chose publique, dont le culte de la personne humaine, vont s’effacer pour laisser la place à des relations plus respectueuses des citoyens et de leurs choix. De façon générale, les régimes arabes peuvent être confrontés à deux alternatives dans le contexte actuel du soulèvement populaire : le changement de régime pour les républiques et les monarchies parlementaires sans s’attaquer à la personne du roi, de l’émir ou du sultan pour les royautés, les émirats ou les sultanats. Du point de vue des revendications clamées par toutes les masses arabes, la ressemblance domine que le régime soit républicain ou royaliste. Elles luttent ensemble pour : une assemblée constituante chargée d’élaborer une nouvelle constitution ; la dissolution du parti du pouvoir ; la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ; la dissolution du parlement et du gouvernement actuels ; la formation d’un gouvernement provisoire ; une justice indépendante du pouvoir exécutif ; le jugement des voleurs des deniers publics ; la séparation de l’autorité du monde des affaires ; la liberté d’expression et de formation des partis ; la libération des prisonniers politiques ; la solution du problème de l’emploi ; des services publiques gratuits… Les régimes en place semblent avoir capté le message.

Chacun de son côté essaye de prévenir la contagion de la révolution en prenant des initiatives d’aspect social essentiellement pour contrer les protestations populaires. Mais, ces gouvernants oublient que les peuples arabes ne se contentent pas de réclamer le pain. Ils sont déterminés à imposer les règles de jeu d’une démocratie véritable au sein de laquelle chacun sera fier de sa citoyenneté et gouttera, enfin, aux délices de la liberté, de la dignité et de la justice sociale. Ce sont là les valeurs sur lesquelles s’accordent tous les révolutionnaires arabes et qu’ils comptent arracher au prix des sacrifices qui s’imposent.

Traki El Houssine

 

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