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4 janvier 2008 5 04 /01 /janvier /2008 00:30

Pakistan: Assassinat de Benazir Bhutto 2/2

http://renenaba.blog.fr

Bhutto

Benazir Bhutto,
Un fantasme exotique absolu pour les intellectuels occidentaux

Paris le, 2 janvier 2008
(Interview) René Naba

Qui est derrière l'assassinat de Benazir Bhutto ?

Benazir Bhutto, en tant que fille de Zulficar Ali Bhutto, c'est à dire d'une des plus puissantes dynasties politiques pakistanaises, disposait d'un prestigieux héritage: le nationalisme fougueux de son père, auréolé de la légende de martyr, supplicié par une junte militaire.

Plutôt que d'assumer l'héritage de l'un des rares dirigeants civils d'un pays plus souvent gouverné par une junte militaire, fondateur de surcroît du "Pakistan People Party", c'est à dire, si les mots ont un sens, du parti du peuple pakistanais et non du parti de l'oligarchie pakistanaise, plutôt donc que de progresser sur la voie des réformes, de l'assainissement des moeurs politiques, elle a accentué les tares de la société pakistanaise, une société largement inégalitaire, favorisant le népotisme, la corruption et la bureaucratie.

[Suite:]

Elle s'est, du coup, aliénée les forces progressistes et les milieux intellectuels. Coincée entre les militaires et les religieux, sa marge de manoeuvre se révélait extrêmement étroite, tributaire de la perfusion américaine.

Le fait d'avoir été assassinée à Rawalpindi est tout un symbole. Rawalpindi est non seulement le siège de l'Etat-major pakistanais qui gouverne le pays d'une manière quasi-continue depuis l'Indépendance du Pakistan en 1948. C'est aussi le siège de l'ISI, le redoutable service des renseignements, maître d'oeuvre, sous la houlette américaine de la montée en puissance des Taliban dans la guerre anti-soviétique en Afghanistan dans les années 1980, mais c'est aussi et surtout, au regard de la propre histoire de Benazir, l'ancienne capitale du Pakistan du temps ou son père Zulficar Ali était premier ministre.

Ce dernier fait n'a pas été assez souligné par les commentateurs.

Si l'identité du commanditaire n'est pas établi, - il est malsain à ce stade de conjecturer-, le message est pourtant clair: Benazir Bhutto était indésirable dans le jeu de quilles pakistanais, un personnage encombrant de surcroît bénéficiant d'un parrainage américain dans un pays au nationalisme chatouilleux en proie à une vague anti-occidentale.

La junte présidée par Pervez Muscharraf, vous savez ce Général Président du Pakistan dont George Bush peinait à se souvenir du nom durant sa campagne électorale, a beau jeu d'impliquer "Al-Qaida" ou les Taliban, c'est, sans jeu de mot, de bonne guerre.

Ce faisant il vise à s'assurer la pérennité de l'importante assistance militaire et financière américaine. Mais il n'est pas interdit de songer à un groupe mécontent de la nouvelle alliance conclue sous l'égide américaine entre Benazir et les anciens tortionnaires de son père.

Il faut avoir une bonne dose d'ambition pour envisager une collaboration avec les ordonnateurs de la pendaison de son propre père.

De plus, On prêtait l'intention à Benazir Bhutto d'autoriser l'armée américaine à combattre les Taliban à partir du territoire afghan, dans un pays au nationalisme chatouilleux, à la religiosité exacerbée. Il y a l'embarras du choix dans le recrutement d'un volontaire de la mort, d'autant qu'en visant Benazir, on visait à la fois et l'Amérique et la Femme libérée perçue comme une femme de collaboration avec le principal soutien à l'ennemi indien.

En Occident, l'image de Benazir Bhutto est souvent associée à celle d'une femme glamour d'une grande « modernité ». On oublie cependant de préciser qu'elle a été impliquée dans de grandes affaires de corruption et qu'elle a été élue présidente à vie du PPP (Parti du peuple pakistanais)

Il existe un décalage dans la perception que se fait l'Occident de la réalité pakistanaise. La vision que se font les intellectuels occidentaux de Benazir Bhutto relève de la psychanalyse. Benazir constitue pour eux à proprement parler un fantasme exotique absolu: La belle sultane dévoilée, l'anti burka, le chef du Harem, politiquement parlant. Les intellectuels occidentaux développaient à son égard une sorte de "discours sur la servitude volontaire".

Benazir a été éduquée à Oxford au point de parler l'urdu, sa langue maternelle avec difficulté. Et plutôt que d'engager son pays sur la voie de la modernité, elle a reproduit les pratiques déplorables de ses prédécesseurs militaires dont elle dénonçait les abus.
Elle a pratiqué une fuite en avant, donnant satisfaction, dans les années 1994-1995 aux partis religieux, favorisant la prise du pouvoir de Kaboul par les Taliban et faisant miroiter à la grande bourgeoisie les mirifiques marchés d'Asie centrale que la conquête de l'Afghanistan rapporterait aux entreprises pakistanaises.

Un décalage identique s'est produit à propos du Commandant Massoud Chah, tué dans un attentat à la veille des attentats anti-américains du 11 septembre 2001.
Massoud n'était apprécié que des seuls Français. Et des intellectuels de renom en faisaient un titre de gloire de l'avoir rencontré, quand bien même la rencontre a été virtuelle, uniquement dans l'imaginaire du narrateur du récit de la rencontre.

En fait Massoud, élève du lycée français de Kaboul, passe pour avoir fait bénéficier de ses lumières les services français dans le labyrinthe afghan. Hors la France, il était quasi inconnu. A sa mort il a été érigé en martyr de la Liberté. De la même manière que Rafic Hariri au Liban, pourtant l'un des principaux bailleurs de fonds des guerres interfactionnelles libanaises.

D'une manière générale, il existe un tropisme occidental à l'égard de l'Islam, chaque notabilité intellectuelle dispose de sa minorité protégée: Le philosophe André Glucksman, les Tchétchénes, quand bien même son nouvel ami le président Nicolas Sarkozy, est devenu le meilleur ami occidental du président russe Vladimir Poutine, Bernard Henry Lévy, le Darfour, quand bien même son entreprise familiale est mentionnée dans la déforestation de la forêt africaine, et Bernard Kouchner, des Kurdes. les supplétifs des américains dans l'invasion américaine d'Irak.

Comme si ces notabilités cherchaient à compenser leur hostilité aux revendications arabes notamment palestiniennes par un soutien à l'Islam périphérique.

Les Etats-Unis comptaient beaucoup sur le retour de Benazir Bhutto au Pakistan. Quelle peut être désormais la stratégie américaine dans ce pays ?

Benazir devait servir de caution à la junte. l'Amérique comptait sur elle pour procéder à un ravalement de façade de la dictature militaire pakistanaise. N'oublions pas que le mot d'ordre de l'invasion américaine de l'Irak était de favoriser la restauration de la démocratie.

Benazir disparue, l'Amérique est placée devant ses propres contradictions au Pakistan et n'a d'autre choix que de continuer sa collaboration avec la junte, en invoquant précisément le danger terroriste

La bombe nucléaire pakistanaise est-elle sous protection américaine ?

Pas évident. La bombe pakistanaise répond aussi à des considérations de sécurité nationale. C'est l'arme de dissuasion contre le puissant voisin indien, lui aussi puissance atomique. Je vois difficilement les Pakistanais abandonnaient leur sécurité aux mains étrangères, de surcroît un pays considéré dans une large fraction du pays comme l'ennemi de l'Islam. Je le vois d'autant plus difficilement dans le contexte actuel que leur voisin iranien montre sa détermination à préserver son autonomie nucléaire;
Quelle valeur dissuasive disposerait une bombe atomique sous contrôle d'une tierce partie? Un tel contrôle est la négation même de la dissuasion.

Quel est le poids réel des groupes islamistes au Pakistan ?

Considérable, à la mesure de l'importance que les services américains ont favorisé leur implantation et leur développement au plus fort de la guerre anti-soviétique en Afghanistan.

L'assassinat de Bhutto et le cinglant camouflet infligé aux Etats-Unis. Il constitue l'effet Boomerang d'une politique hasardeuse marquée par l'instrumentalisation de l'Islam comme arme de combat politique, en vue de faire pièce au nationalisme arabe et au socialisme.

Quelles sont les relations entre l'armée pakistanaise et les groupes islamistes ?

Une relation d'imbrication. Tout le monde tient tout le monde par la barbichette

Suite à l'assassinat de Benazir Bhutto, y a-t-il un risque de guerre civile au Pakistan ?

Pas évident,
Il y aura une modulation de la politique de la junte entre répression et coopération avec les autres forces politiques. Du moins dans un premier temps; le temps de jauger les réactions internationales à l'assassinat de Benazir Bhutto et le temps de jauger les nouveaux rapports de force établis sur le terrain pakistanais.
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La mort de Bhutto, un épisode de la stratégie du Grand Moyen-Orient
Tiberio Graziani     
 
La mort cruelle de Benazir Bhutto
Giovanna Canzano interviewe Tiberio Graziani, directeur de la revue Eurasia, Rivista di studi geopolitici, (Revue d’études géopolitiques) (www.eurasia-rivista.org).
 
Canzano : Benazir Bhutto, une mort annoncée ?

Graziani : Certainement, oui. On pouvait s’y attendre. Souvenons-nous que l’arrivée de B. Bhutto au Pakistan, le 18 octobre dernier, après plusieurs années d’exil volontaire et doré entre Londres et Dubaï, fut salué par un attentat qui coûta la vie à 130 personnes environ…

Canzano : L’homicide vient-il d’un projet de déstabilisation ?

Graziani : La mort cruelle de Benazir Bhutto est un des épisodes qui constellent une stratégie bien précise : celle de la déstabilisation du Proche et Moyen Orient, en cohérence avec la reformulation récente du projet étasunien du Grand Moyen Orient des débuts de l’administration Bush. Le projet du Greater Middle East ou aussi Broader Middle East (Moyen Orient élargi) a été introduit, comme proposition, pour donner un tournant radical à la politique vers le Proche et le Moyen Orient, pendant le sommet du G8, en 2004. L’idée cependant remonte aux accords d’Helsinki de 1975. Il vaut la peine de re-parcourir la genèse de cette nouvelle reformulation qui se traduit, en termes simplifiés, par la création d’un nouvel arc d’instabilité conformément aux directives de Zbigniew Brzezinski, le théoricien du piège afghan contre l’Union soviétique et de l’utilisation des talibans en fonction antisoviétique. Nombre des cadres actuels de l’organisation d’Ossama Ben Laden ont été entraînés et recrutés par Washington à l’époque de la guerre soviéto-afghane. Un mois donc avant la rétorsion israélienne agressive contre le Liban de juillet 2006, Condoleeza Rice a reformulé le vieux projet du Grand Moyen-Orient en le dénommant « Nouveau Moyen-Orient ». Cette même secrétaire d’Etat, pendant les jours de la guerre israélienne contre le Liban, informa les médias avec le premier ministre israélien Olmert qu’a u Liban avait été lancé un projet pour un « nouveau » Moyen-Orient. Actuellement, après la pénétration armée en Afghanistan et en Irak, les intérêts géostratégiques des anglo-américains et de leurs alliés occidentaux se concentrent, au nord, vers l’aire centrasiatique, pour contenir et aiguillonner les intérêts géopolitiques de la Russie, et pour tester le dispositif eurasiatique de sécurité mis en acte par l’Organisation de Shanghai (SCO) ; et au sud-est pour limiter certaines prises de position de l’allié de toujours, le général Musharaff. Il faut se souvenir qu’en juin 2006, justement, le Pakistan et l’Iran ont été invités comme observateurs de la SCO. Auparavant, en février, le Pakistan avait avancé sa propre candidature comme membre effectif. L’adhésion du Pakistan est soutenue évidemment par la Russie à condition que l’Inde aussi, actuellement observateur, devienne membre effectif de l’Organisation de Shanghai. Si cela se réalisait, l’axe historique Washington-Islamabad serait rompu. D’où l’initiative du « Nouveau Grand Moyen Orient ».
Les USA veulent un Pakistan déstabilisé, à mettre, dans le meilleur des cas, sous la tutelle de l’ONU, ou à occuper, comme dans les cas de l’Afghanistan et de l’Irak. L’attentat contre B. Bhutto a suscité une grande préoccupation à Moscou. De fait, selon certaines agences, la Russie a condamné « avec force » l’attentat d’aujourd’hui (27 décembre). En particulier, Mikhail Kaminin, porte parole du ministère des Affaires Etrangères, en souhaitant que « les dirigeants du Pakistan arrivent à prendre les mesures nécessaires pour garantir la stabilité du pays », a rappelé que Moscou « avait plusieurs fois averti de prêter attention au fait que les autorités pakistanaises auraient du s’employer au maximum pour garantir la stabilité dans le pays dans cette période cruciale ». Selon le vice-ministre des Affaires étrangères, Aleksandr Lossiukov, « un tel attentat peut devenir un énième facteur d’instabilité dans un pays déjà fragile à la veille d’élections importantes ».

Canzano : Le retour de Bénazir Bhutto était-il vu comme un déblocage alternatif vers la démocratie ?

Graziani : Oui, le retour de Bhutto a été « lancé » médiatiquement comme une opportunité démocratique pour le Pakistan. On a fait passer ad arte le message que grâce à Bhutto allait s’ouvrir pour le Pakistan une ère nouvelle, c’est-à-dire qu’il était possible de réaliser l’irréalisable, à savoir un Pakistan laïc et démocratique. Quand au contraire cet avortement géopolitique qu’est le Pakistan a été créé par les puissances occidentales justement sur une base confessionnelle.

Canzano : Pervez Musharraf devait-il accepter avec l’arrivée de Bhutto d’être un demi-leader ?

Graziani : Musharraf joue sur deux tableaux. Il a consenti à quitter son uniforme et à fixer la date des élections présidentielles, comme lui avait conseillé Negroponte, l’émissaire de Bush et de Condoleeza Rice, et ex-homme fort de Reagan en Amérique du Sud. Le général pakistanais est cependant un homme de pouvoir qui n’acceptera jamais un rôle de second plan. Pour cette raison aussi, en ce moment, il est, peu fiable pour Washington.

Canzano : Le Pakistan en 1947 devient indépendant de l’Inde britannique et ensuite ?

Graziani : Le Pakistan, plus que devenir indépendant, a été créé ex-novo en tant que nation musulmane par les puissances occidentales qui n’arrivent pas à contenir dans le Raj britannique, les tendances sécessionnistes dirigées par les nationalistes musulmans. Son nom même est un acronyme qui, inventé, dans les années Trente, par un jeune nationaliste musulman, Choudary Ramat Ali, est pris par le nouvel organisme en 1947, quand il se détache de l’Inde. A cette époque le Pakistan était formé de deux entités géographiques, le Pakistan occidental et celui oriental, l’actuel Bangladesh, séparées de quelques milliers de kilomètres par le territoire indien.
Le Pakistan a connu, au cours de sa brève histoire de soixante ans à peine, au moins trois cycles géopolitiques. Un premier cycle va de 1947 à 1971, quand le Bangladesh conquit son indépendance. Pendant ces années là, le Pakistan joua un rôle important dans le cadre de la doctrine Truman, de contention de l’Urss : il est, de fait, membre des deux systèmes distincts d’alliances : CENTO (Pacte de Bagdad) et OTASE (Pacte de Manille).
Après l’indépendance du Bangladesh, le Pakistan, d’un point de vue géopolitique, se réoriente vers le Proche-Orient et le monde musulman du Golfe. Sur la fin des années 70, avec la révolution iranienne et l’invasion soviétique de l’Afghanistan, Islamabad se confirme à nouveau comme un allié privilégié pour les USA. Un troisième cycle s’est ouvert avec l’effondrement de l’Union Soviétique. Le Pakistan, pendant ces dernières années, semble vouloir renforcer ses rapports avec les républiques centrasiatiques, dont il deviendrait la voie privilégiée vers l’Océan indien : une voie qui étant fonctionnelle aux intérêts eurasiatiques de la SCO, est contrecarrée par Washington et Londres. Ce qui arrive aujourd’hui au Pakistan est le miroir des tensions en cours dans le Myanmar.

Canzano : Les frontières avec l’Afghanistan sont-elles à risque ?

Graziani : Dans une perspective d’occupation du Pakistan par le forces occidentales, oui certainement.

Canzano : Les élections du 8 janvier sont-elles à risque ?

Graziani : il est difficile de faire des prévisions.


Interview réalisée le 27 décembre 2007
Edition du 28 décembre 2007
http://www.policamentecoretto.com/index.php?nexs=1970
giovanna.canzano@email.it
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

Bibliographie :
Tiberio Graziani est directeur de la revue Eurasia, Rivista di studi geopolitici, (Revue d’études géopolitiques) (www.eurasia-rivista.org). Il a dirigé les livres entrevues : Serbie, tranchée d’Europe, interview de Dragos Kalajic et Irak, tranchée d’Eurasie, interview du Père Jean-Marie Benjamin (Edizioni all’insegna del Vetro). Il dirige en outre, pour les Edizioni all’insegna del Vetro, la collection « Quaderni di geopolitica ». 

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Blog René Naba

Face à son destin, George Bush au Moyen-orient en janvier 2008
René Naba

Paris le, 4 janvier 2008

Face à son destin, George Bush retourne le 8 janvier au Moyen-orient pour négocier sa place dans l’Histoire, en tentant d’impulser une nouvelle dynamique de Paix israélo-palestinienne, alors que le compte à rebours de son départ du pouvoir a commencé avec les primaires électorales de l’Iowa le 3 janvier dernier.

Sur le terrain de ses forfaits où il n’était plus revenu depuis le lancement de la feuille de route, il y a cinq ans, le Président américain va prendre la mesure de ses échecs et des ses désillusions. Conjurer le sort, en somme, pour que ce gâchis ne le catapulte dans l’Histoire comme le pire président des Etats-Unis.

Cinq ans après le lancement de la feuille de route, dans la foulée de l’invasion américaine de l’Afghanistan, en 2001 et des préparatifs visant à l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, le «Grand Moyen-orient», le projet phare de l’administration néo-conservatrice, est un champ de ruines:

-L’Irak s’est mu en cimetière de la puissance américaine et l’Iran, par effet d’aubaine, en puissance régionale de fait, devenant du coup le «Nouveau Ennemi Public Numéro Un» de la diplomatie américaine susceptible donc d’une offensive militaire.

-Son supplétif Kurde, la cible de l’aviation de son meilleur allié musulman, la Turquie,

-Le Liban, le point de fixation traumatologique du mythe de l’invincibilité militaire israélienne, le lieu de carbonisation du fer de lance de l’axe saoudo-américain, l’ancien premier ministre sunnite Rafic Hariri,

-L’Etat palestinien, la pilule dorée magique de la diplomatie occidentale, réduit à sa portion congrue cisjordanienne,

-Gaza, promu en Hamasland, fief du nouveau radicalisme palestinien,

-Alors que ses partenaires de la zone, Noury Al-Malki (Irak), Mahmoud Abbas (Palestine), Fouad Siniora (Liban) et Ehud Olmert (Israël) sont maintenus sous perfusion permanente et les autocrates arabes, le Roi Abdallah d’Arabie saoudite, le président égyptien Hosni Moubarak, le colonel Mouammar Kadhafi de Libye, le président tunisien Zineddine Ben Ali, notamment confortés dans leurs postes.

L’autre volet de la politique américaine, à l’autre extrémité de l’arc de crise, en Afghanistan, «la Guerre contre le terrorisme» bat aussi de l’aile avec la persistance de la guérilla taliban, contre le Président Hamid Karzaî ironiquement dénommé «Le Maire de Kaboul», dans une illustration caricaturale de sa zone de compétence et surtout l’assassinat de Benazir Bhutto, le plus cinglant désaveu de la politique américaine à l’égard de l’Islam asiatique depuis les attentats anti-américains du 11 septembre 2001.

Au terme d’un arrangement conclu entre le président pakistanais Pervez Mucharraf et les Etats-Unis, Benazir Bhutto, héritière de la plus puissante dynastie politique pakistanaise, devait servir de caution démocratique à une junte militaire, tortionnaire de son père Zulficar Ali Bhutto, mort par pendaison.

L’assassinat de l’enfant chérie des Américains six semaines après son retour d’exil à Rawalpindi même, siège de l’Etat-Major pakistanais et des services de renseignement, dont la redoutable ISI (Inter Services Intelligence), qui fut, de surcroît, l’ancienne capitale du Pakistan à l’époque où Zulficar Ali Bhutto exerçait ses responsabilités de chef du gouvernement, a conféré un retentissement supplémentaire à ce désastre majeur de la diplomatie américaine d’une ampleur comparable à l’assassinat de l’ancien président égyptien Anoir el Sadate (1981), voire du chef afghan le commandant Massoud Shah, quelques jours avant les attentats de septembre 2001, ou même du Président éphémère du Liban Bachir Gemayel (1982) dans la foulée du siège de Beyrouth par l’armée israélienne ou de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri (2005).

En Israël et en Palestine, au-delà de ses interlocuteurs désignés, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas, et à contre-courant de ses alliés électoraux, les conseillers de l’ombre, notamment le vice-président Dick Cheney et la cohorte du christianisme sioniste, George Bush va s’employer à purger ses fantômes, l’expression synecdoquetique de l’impasse américaine: Ariel Sharon et Yasser Arafat, l’ancien premier ministre israélien, son partenaire activiste dans la politique de force unilatéraliste, qu’un coma biologique a propulsé symboliquement dans un coma politique, et, le chef du Mouvement National Palestinien qu’un confinement hideux a magnifié dans la mort.

Ariel Sharon, point de déroutement de la politique israélienne qu’aucun dirigeant occidental n’a plus jamais mentionné publiquement dans son discours officiel deux ans après le début de son coma et Yasser Arafat, point de recueillement de la mémoire palestinienne,

Dans un geste qui apparaît comme un brutal sursaut d’un sommeil dogmatique, George Bush a relancé le 27 Novembre 2007 les pourparlers de paix à Annapolis (Maryland), au siège de l’Académie navale américaine, incitant ses amis --les généreux donateurs arabes déconsidérés et ses alliés occidentaux déconfis dans la mésaventure irakienne--, à débloquer 7,5 milliards de dollars (sept milliards et cinq cents millions de dollars) à la Palestine, Cette somme excède de deux milliards de dollars la requête initiale palestinienne.

Mais cette générosité inhabituelle, jamais vu dans les annales diplomatiques internationales s’agissant d‘une demande arabe, est destinée en priorité à maintenir à flot une autorité palestinienne exsangue ayant donc vocation à souscrire au nouvel arrangement américain en préparation, mais en en butte à une sérieuse concurrence de son rival idéologique le Hamas, qu‘il importe pour les Occidentaux et leurs alliés régionaux, de vaincre non par les armes, mais par une apparence d’abondance, la forme sournoise de la prévarication par l’assistanat.

Nul n’a été dupe. Nul n’est dupe de cet élan de générosité dont le principal bénéficiaire en sera Israël, la puissance occupante, dont le quadrillage militaire contrôle l’espace aérien, terrestre et maritime du Bantoustan palestinien, de même que son espace douanier et marchand, le déplacement de sa population et de ses responsables politiques, sa main d’oeuvre, ses exportations, son ravitaillement hydroélectrique et alimentaire, en somme tout l’espace vital de la Palestine (1) avec la complicité des Occidentaux et la passivité des régimes arabes alliés de l‘Amérique.

Une semaine après la conférence des pays donateurs de Paris, le gouvernement israélien a ordonné, le 24 Décembre, la veille de la fête de Noël, la construction de 750 logements complémentaires dans les territoires palestiniens occupés. Une mesure manifestement illégale qui grignote de surcroît un peu plus le futur Etat croupion palestinien que les Occidentaux veulent édifier en guise de solde de tout compte sur une superficie représentant 20 pour cent de la totalité du territoire de l’ancienne Palestine du Mandat britannique.

Quatre cent cinquante barrages (450) et cent trente cinq colonies sauvages (135) ont été illégalement développées dans les territoires palestiniens par les autorités d’occupation israélienne, gangrenant l’espace vital palestinien, étranglant son économie, asphyxiant sa population et rompant sa continuité territoriale, sans compter le nouveau « Mur de Brandebourg» construit autour de Jérusalem, déclaré lui aussi illégal par la Cour de Justice Internationale.

Mais nul au sein de la communauté des pays occidentaux ne s’est hasardé, --ou n’a osé--, sinon à condamner à tout le moins à commenter cette mesure qui signe manifestement l’arrêt de mort de la conférence d’Annapolis.

Nul, pas plus George Bush, que Nicolas Sarkozy, le successeur de Tony Blair dans sa fonction de compagnon d’infortune du président américain, le nouveau petit génie de la diplomatie internationale, vacancier de luxe en croisière sur le Nil, trop bercé par les susurrements de sa nouvelle Dame de cœur pour dénoncer cette atteinte manifeste au Droit International, contraire au processus de Paix et à l’Esprit d’Annapolis (2).

1- cf à ce propos les deux plus récents ouvrages sur la question :

-«Israël confronté à son passé» de Sébastien Boussois, Editions de l’Harmattan-Décembre 2007.

-«Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949), les révélations des Nouveaux Historiens», Les Editions de l’Atelier-Novembre 2007- de Dominique Vidal, Historien et Journaliste du Monde diplomatique, et Sebastien Boussois, politologue, Directeur de la collection «Reportages» aux Editions du Cygne.

2- Rendons justice à M. Nicolas Sarkozy: le président français a mentionné la question générale des colonies sauvages israéliennes, d’une manière incidente, au cours d’une conférence de presse qui a suivi la fin de son somptueux séjour privé en Egypte, le 30 décembre 2007, une semaine après la décision israélienne.

En réponse à une question d’un journaliste qui mettait en question la fiabilité de la diplomatique française dans les pays arabes du fait de sa partialité pro-israélienne, Nicolas Sarkozy a commencé par prononcer les premiers termes du mot «colonie» avant de se rétracter pour mentionner les « implantations, comme un obstacle à la paix ». La nuance est révélatrice: une colonie renvoie au colonialisme et au fait qu’Israël est une «puissance occupante» ce qu’il est effectivement au regard du Droit International, mais que ne se résout pas à admettre M. Sarkozy, alors qu’une implantation suggère plutôt une opération de chirurgie esthétique, à l’exemple d’une implantation mammaire, comme pour atténuer la caractère hideux de la colonisation rampante du secteur arabe de Jérusalem et de la Cisjordanie, une opération qui s’apparente par son ampleur à de la spoliation.

 

 


Source : Blog René Naba  
http://renenaba.blog.fr/...

 

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